L'INTÉGRATION DE LA CONVENTION DU TRAVAIL MARITIME DANS LE DROIT COMMUNAUTAIRE
Un dispositif relativement novateur...
La dégradation des conditions de travail et l'accroissement de la concurrence déloyale au sein du secteur du transport maritime ont conduit les représentants des États, des armateurs et des gens de mer à élaborer une convention du travail maritime en 2006, dans le cadre de l'Organisation internationale du Travail (OIT). Ce texte reprend 68 conventions et recommandations maritimes de l'OIT, peu ratifiées, au sein d'un dispositif unique, plus facilement amendable. L'objectif affiché consiste en la mise en place de normes sociales internationales minimales destinées à garantir une concurrence loyale. L'introduction d'un mécanisme de contrôle des navires par l'État du port doit permettre sa mise en oeuvre effective. La Convention met en place un code, chacun des articles étant scindé en deux parties. La partie A établit un socle minimal de prescriptions quand la partie B est composée de principes directeurs, interprétant et complétant lesdites prescriptions, qui n'ont pas pour autant valeur obligatoire.
Le Code est par ailleurs divisé en cinq titres. Les quatre premiers fixent les règles concernant les conditions minimales d'accès à la profession, les conditions d'emploi, le logement, les loisirs et le service de table, la protection de la santé, les soins médicaux, le bien-être et la protection sociale. La principale nouveauté consiste en la mensualisation du paiement des salaires, qui doit être au moins équivalent au minimum établi par la sous-commission sur les salaires des gens de mer de la Commission paritaire maritime de l'OIT. Celle-ci a fixé le minimum accordé aux matelots qualifiés à 585 dollars mensuels (426 euros) pour l'année 2014 .
Le titre V, qui vise les obligations des États, constitue, quant à lui, une véritable plus-value. L'État du pavillon est obligé de procéder à une certification sociale du navire , impliquant une inspection à bord et un audit de l'armement. Le certificat est censé garantir le respect des normes sociales de l'État du pavillon. Il vise les vaisseaux de commerce navigant à l'international. A la lumière de ce document, l'État où accoste le bateau (État du port) évalue l'état réel du navire et les plaintes éventuelles des marins . Les textes existants n'imposaient jusqu'alors des obligations de cette nature qu'à l'État du pavillon.
Par ailleurs, les États parties qui font procéder à l'inspection d'un navire battant le pavillon d'un État non signataire de la Convention doivent veiller à ne pas accorder à ce navire et à son équipage un traitement plus favorable que celui qui est réservé à un navire battant le pavillon d'un État partie.
La Convention est entrée en vigueur le 20 août 2013, les critères internationaux de ratification ayant été atteints. Ceux-ci prévoyaient en effet une mise en application un an après la ratification du texte par trente États représentant au moins un tiers de la flotte marchande mondiale.
... transposé dans le droit de l'Union
L'Union européenne dispose d'un statut d'observateur auprès de l'Organisation internationale du travail mais aussi de l'Organisation maritime internationale. Elle a entrepris dès 2003 de coordonner l'action des États membres dans le cadre de la préparation de la Convention maritime internationale. Plusieurs pays, à l'image de Chypre, de la Grèce et de Malte, étaient à l'époque opposés à l'idée même d'un texte consolidé alors même que le Danemark et le Royaume-Uni se montraient réservés sur une coïncidence des niveaux internationaux et communautaires. La Convention visant la coordination des régimes de sécurité sociale, la Commission européenne a néanmoins reçu un mandat du Conseil en avril 2005 en vue de rapprocher les points de vue des États membres sur le projet de Convention. Son adoption a, par ailleurs, conduit le Conseil à adopter, le 7 juillet 2007, une décision autorisant les États membres à ratifier le texte, de préférence avant le 31 décembre 2010.
La directive n°2009/13 qui concerne également le temps de travail des gens de mer, transpose les quatre premiers titres de la Convention dans le droit de l'Union. Trois directives relatives aux responsabilités de l'État du pavillon et le contrôle de l'État du port sont venues compléter le dispositif et transposer le titre V de la Convention :
- La directive n°2009/21 du 23 avril 2009 sur le respect des obligations des États du pavillon met en place le système d'audit par ces pays et introduit la certification sociale ;
- La directive n°2013/38 du 12 août 2013 portant modification de la directive n°2009/16 relative au contrôle par l'État du port permet aux États membres d'assurer le respect des exigences de la Convention et organise une procédure de traitement des plaintes spécifiques ;
- La directive 2013/54 du 20 novembre 2013 relative à certaines responsabilités de l'État du pavillon en ce qui concerne le respect et la mise en application de la convention du travail maritime permet la mise en oeuvre d'inspections par les autorités nationales en vue de vérifier le respect des droits des marins. Elle autorise l'immobilisation d'un bateau au port en cas d'infraction et détaille les procédures de plaintes à bord, le système devant garantir la confidentialité des dépositions.
Ces directives constituent une réelle innovation au regard de la législation existante. Si la directive n°95/21 du Conseil du 19 juin 1995 portant sur les contrôles de l'État du port comportait un volet social, il était limité au respect de la convention n°147 de l'Organisation internationale du travail sur la marine marchande. Adoptée en 1976, elle permet l'immobilisation du navire si la composition ou la certification de l'équipage ne correspond pas au document spécifiant les effectifs minima de sécurité, si l'absence de nourriture suffisante et l'insuffisance d'eau potable pour le voyage jusqu'au prochain port est constatée, s'il n'y a pas de chauffage dans les logements dans des zones de basses températures et si de la présence dans les couloirs ou les logements de déchets, de matériel ou de cargaison est avérée. Aux termes de la directive, chaque État membre était obligé de contrôler au moins 25 % du nombre de navires battant pavillon étranger entrés dans ses ports. Les navires déjà inspectés au cours des six mois écoulés sont exemptés.
Huit États membres de l'Union européenne n'ont toujours pas ratifié cette Convention : Autriche, Estonie, Irlande, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie et République tchèque. La France a ratifié la Convention le 28 février 2013. Le dispositif communautaire a, quant à lui, était transposé le 13 juillet 2013.
Les États qui ont déjà ratifié peuvent d'ores et déjà procéder à des contrôles. Deux navires chypriotes et un néerlandais ont ainsi déjà été immobilisés au Danemark entre la fin août 2013 et la mi-octobre 2013.