ATELIER DE PROSPECTIVE
COMMENT ENRAYER LE CYCLE DE LA PAUVRETÉ ?
Mercredi 19 février 2014
A. OUVERTURE
M. Joël Bourdin , président de la délégation à la prospective . - Mesdames, messieurs, chers collègues, je suis heureux de vous accueillir à cet atelier de prospective consacré à un sujet particulièrement sensible : celui de la pauvreté.
En tant que délégation à la prospective, nous avons vocation à déceler les évolutions économiques et sociales afin d'en informer le Sénat. Et si ces transformations ne nous paraissent pas aller dans le bon sens, de susciter les textes de loi, les infléchissements de politique, les actions positives susceptibles d'en corriger, à moyen ou long terme, la trajectoire.
En l'occurrence, le phénomène de la pauvreté n'est pas nouveau, même dans nos pays riches. Mais ce qui a motivé l'initiative et la détermination à agir de notre rapporteur, Yannick Vaugrenard, c'est que l'on s'aperçoit que la pauvreté devient héréditaire : elle se transmet de génération en génération, comme le ferait une malédiction.
C'est pour briser cet enchaînement tragique que Yannick Vaugrenard a entrepris courageusement un travail très approfondi. Il n'a pas, bien sûr, la prétention d'avoir entièrement exploré ce domaine qui apparaît sans limite, mais, pour avoir suivi ses travaux, je sais combien il s'est attaché à consolider sa réflexion.
C'est Dominique Rousset, journaliste à France Culture, que nous connaissons bien et qui connaît aussi notre démarche prospective, qui animera nos débats, que je pressens très fructueux.
J'indique à mes collègues sénateurs que, à l'issue de cet atelier, je les garderai quelques instants, avec leur permission, pour que notre rapporteur leur présente son rapport. Je dois, en effet, requérir formellement leur autorisation de publication.
En attendant, je cède la parole à notre rapporteur.
B. INTRODUCTION
M. Yannick Vaugrenard , rapporteur . - Monsieur le président, mesdames, messieurs, chers collègues, je tiens à remercier les participants à cet atelier d'avoir bien voulu répondre à notre invitation.
Voilà déjà quelque temps, j'ai proposé à la délégation à la prospective d'engager un travail sur le vaste thème de la pauvreté, animé par la conviction qu'il n'était plus possible de continuer ainsi, d'accepter l'inexorable progression de la pauvreté et de l'exclusion et, pire encore, comme vous venez de le souligner, monsieur le président, la banalisation de l'hérédité de la pauvreté et sa transmission intergénérationnelle, ce qui est inadmissible et insupportable.
Cette conviction, je le sais, nous la partageons tous ici.
Le rapport que je présenterai à la délégation à l'issue de cet atelier se veut véritablement ancré dans le concret. Il est le fruit des nombreux contacts que j'ai pu avoir. La première audition s'est déroulée le 21 mai 2013, il y a neuf mois. Nous avons procédé depuis lors à plus de quarante auditions, rencontré plus de soixante-dix personnes, accompagné deux maraudes de nuit avec le Samusocial de Paris et effectué deux déplacements, dont l'un à Bruxelles, pour examiner l'évolution de la situation au niveau des institutions européennes mais aussi de la Belgique, ce qui fut, comme nous le verrons probablement cet après-midi, riche d'enseignements. L'autre déplacement, également fort intéressant, eut lieu en Loire-Atlantique.
Tout ce travail a été nourri par l'écoute, l'attention, le respect et l'échange, notamment avec les associations, dont je veux saluer le formidable travail ainsi que l'engagement quotidien sur le terrain. Je remercie également les universitaires et chercheurs que nous avons rencontrés, qui ont été fort utiles. Nous nous sommes inspirés du travail des uns et des autres et nous nous sommes efforcés de faire des propositions les plus concrètes, cohérentes et précises possible.
Notre réflexion s'est articulée autour de trois objectifs importants : prendre conscience de l'état de pauvreté, dans notre pays en particulier ; instaurer la confiance, par opposition à la méfiance, voire la défiance, que nous pouvons constater envers des hommes et des femmes qui souffrent d'être en situation de pauvreté ; oser la fraternité avec les publics les plus fragilisés, pour aller plus loin que la solidarité.
Les thèmes que nous allons aborder illustrent cette triple ambition et, sans plus attendre, je laisse à Dominique Rousset, en la remerciant de sa présence parmi nous, le soin d'animer nos débats.