B. LES COMPÉTENCES NOUVELLES DES ORGANISATIONS DE PRODUCTEURS
1 le rôle des organisations de producteurs jusqu'en 2012
a) Les organisations de producteurs
Une organisation de producteurs (OP) est un groupement de producteurs, créé à leur initiative, mais à statut particulier et à missions particulières.
L'OP est constituée à l'initiative d'un ensemble d'agriculteurs qui se regroupent en visant des objectifs fixés par un règlement européen. Même si les objectifs ont changé depuis le premier règlement de 1972 35 ( * ) , l'idée générale est de structurer le secteur de production, de favoriser le regroupement de l'offre, afin de rééquilibrer les relations commerciales qu'ils entretiennent avec les acteurs économiques de l'aval de leur filière. Toutes les formes de regroupement sont possibles : sociétés coopératives, associations, sociétés commerciales, groupements d'intérêt économique, mais le regroupement doit s'effectuer sur une base volontaire.
Le statut particulier vient de la reconnaissance des OP. En France, par arrêté ministériel, après avis de la commission nationale technique du Conseil supérieur de l'orientation de l'économie agricole et alimentaire (CSOEAA), organisme consultatif paritaire placé auprès du ministre en charge de l'agriculture, les OP doivent satisfaire à un certain nombre d'exigences : de taille - estimée sur le nombre de producteurs ou sur la valeur de la production commercialisée -, de garanties professionnelles, etc...
L'OP doit contribuer à la réalisation des objectifs fixés par la réglementation européenne et prouver son utilité par l'ampleur et l'efficacité des services offerts à ses membres. Une OP doit être capable d'exercer effectivement les activités qui lui sont confiées par ses membres. La structure doit avoir notamment pour objet la valorisation de la production agricole de ses membres, l'amélioration de la qualité des produits, le renforcement de l'organisation commerciale des producteurs, ou encore la pérennisation de la production sur un territoire déterminé. Les OP ont un rôle de réduire les coûts de production et de régulariser les prix à la production. Il s'agit également de renforcer la capacité de négociation des producteurs agricoles dans le cadre strict du respect du droit de la concurrence.
Les OP opèrent deux grandes catégories de fonctions :
- la définition de règles pour adapter l'offre à la demande, instaurer une transparence des transactions, mettre en oeuvre la traçabilité et promouvoir des méthodes de production respectueuses de l'environnement ;
- la commercialisation en totalité ou en partie de la production de leurs membres ou la mise à disposition de leurs membres des moyens nécessaires à la commercialisation de leur production.
Depuis 1996, une OP reconnue peut constituer un « fonds opérationnel » destiné à financer des « programmes opérationnels » pluriannuels. Le fonds est financé par l'organisation de producteurs ainsi que la participation financière de l'UE et des États membres.
À la demande d'une OP, un État membre peut « étendre les règles » c'est-à-dire rendre obligatoire, pour une période de temps limitée, certaines règles convenues dans le cadre de cette organisation pour d'autres producteurs non membres de la région ou dans laquelle elle opère.
Aujourd'hui, le Code rural et de la pêche maritime prévoit des règles encadrant le régime des OP dans de nombreux secteurs de production, même si assez peu d'OP ont été créée, à l'exception de quelques secteurs qui bénéficient d'un régime particulier prévu par l'OCM unique : fruits et légumes, tabac vin, huile d'olive et coton.
b) Les OP fruits et légumes
Les OP fruits et légumes structurent incontestablement la filière. La caractéristique du secteur est la périssabilité des produits et une structure de marché très particulière : l'offre est atomisée avec un très grand nombre de producteurs, mais la demande l'est presque autant. Il y a très peu de gros transformateurs (confituriers). Il existe environ 200 OP dans le secteur des fruits et légumes, dont 7 seulement sont des OP non commerciales. Les OP fruits et légumes présentent plusieurs singularités.
D'une part, leur reconnaissance par l'État est obligatoire dans les conditions posées à l'article 125 ter du règlement OCM unique, dès lors que conditions d'activité, de périmètre etc... sont remplies et que les objectifs précisés par la règlementation européenne sont visés. Deux types d'OP peuvent être reconnus : les OP de commercialisation qui assurent elles-mêmes la commercialisation des produits des adhérents, et les OP de mise sur le marché, dont le rôle est moins important. Le règlement OCM unique actuel précise que l'État doit contrôler que l'OP n'est pas en position dominante. L'idée étant que, dès lors que l'OP peut bénéficier de fonds publics, l'État et l'UE ne pouvaient pas, en plus, les subventionner. (Cette clause a été supprimée dans le nouveau règlement OCM unique).
D'autre part, elles peuvent bénéficier d'aides publiques nationales et européennes dans les conditions fixées aux articles 103 bis et 103 ter du règlement OCM unique, et mettre en oeuvre des « programmes opérationnels » pour gérer les situations de crise.
Ensuite, l'État peut étendre les règles de l'OP à l'ensemble du secteur (y compris aux non-membres de l'OP), comme le prévoit l'article 125 septies du règlement OCM unique. Une OP - comme une association d'organisation de producteurs (AOP) - est jugée représentative si elle regroupe au moins 50 % des producteurs et 60 % de la production de la circonscription économique considérée.
Enfin, s'agissant précisément du droit de la concurrence, leurs accords bénéficient de clauses dérogatoires au droit de la concurrence dans les conditions fixées à l'article 176 bis du règlement OCM unique.
Règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du
22 octobre 2007
article 176 bis relatif aux accords et pratiques concertées dans le secteur des fruits et légumes 1. L'article 81, paragraphe 1, du traité ne s'applique pas aux accords, décisions et pratiques concertées des organisations interprofessionnelles reconnues, ayant pour objet l'exercice des activités visées à l'article 123, paragraphe 3, point c), du présent règlement. (...) 4. Les accords, décisions et pratiques concertées ci-après sont déclarés, en tout état de cause, incompatibles avec la réglementation communautaire (...) : d) les accords, décisions et pratiques concertées qui comportent la fixation de prix, sans préjudice des activités exercées par les organisations interprofessionnelles dans le cadre de l'application de dispositions spécifiques de la réglementation communautaire. |
Le régime des OP fruits et légumes distingue les OP avec transfert de propriété, dites OP commerciales, et celles sans transfert de propriété (dites OP non commerciales). Les OP peuvent être utiles pour mener des actions de recherche, établir des actions de commercialisation sur les calibres des fruits par exemple, etc.
Cette distinction est capitale pour la suite. Jusqu'en 2012, les capacités de négociation collective sont limitées par le cadre juridique européen. Lorsqu'il y a transfert de propriété comme c'est le cas pour les coopératives, la négociation collective des contrats est possible. Lorsqu'il n'y a pas de transfert de propriété, la négociation collective n'est pas possible. Il peut y avoir une négociation individuelle pour le compte de l'adhérent mais pas de négociation collective. Bien évidemment, les producteurs ne peuvent s'entendre sur les prix.
Les particularités s'étendent aux interprofessions.
Dans le cadre de l'OCM unique, cinq secteurs sont visés : les fruits et légumes, le tabac, le vin, l'huile d'olive et le coton. Chacun dispose d'une ou plusieurs organisations interprofessionnelles ayant un bus précis. Celles-ci peuvent consister, entre autres, à concentrer et coordonner l'offre et la commercialisation des produits des producteurs membres, à adapter la production et la transformation aux exigences du marché, et à promouvoir la rationalisation et l'amélioration de la production et de la transformation de ces produits.
Les États membres ont cependant la possibilité de reconnaître des organisations interprofessionnelles dans d'autres secteurs sur le fondement de leur droit interne. En France, ce fut à l'origine le cas, par exemple, de l'organisation interprofessionnelle laitière regroupant les producteurs et les transformateurs dans le cadre du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL).
La Commission européenne considère que les organisations interprofessionnelles ne rentrent pas dans la catégorie des « associations d'exploitants agricoles ou associations de ces associations » au sens de l'article 176, paragraphe 1 du règlement OCM unique, ce qui signifie qu'en l'absence de dérogations spécifiques prévues dans le cadre de ce règlement, l'article 101 du TFUE s'applique à ces organisations interprofessionnelles. Par conséquent, les accords et pratiques mis en oeuvre par une organisation interprofessionnelle sont à analyser au regard de l'article 101 du TFUE et de la disposition correspondante du droit interne, et non au regard des dispositions du règlement OCM unique.
2. Les innovations du « Paquet lait »
a) L'organisation institutionnelle du secteur laitier
La crise et la réforme de l'organisation du secteur laitier ont été présentées à plusieurs reprises 36 ( * ) . Il suffit de rappeler que le secteur a dû faire face à trois événements majeurs pour la filière :
- la très forte volatilité des prix en Europe entre 2007 et 2009 (dépassant, dans certains pays, + 50 %, puis - 50 % l'année suivante !) ;
- l'abandon des quotas laitiers, décidé en 2003, prévu pour le 1 er avril 2015 ;
- l'abandon du système de recommandation des prix établi jusqu'en 2008 par l'interprofession laitière.
En quelques années, le secteur, en France, perdait donc ses repères -en quantités et en prix - et les concurrences devenaient toujours plus vives avec les producteurs des États voisins.
Sur le plan institutionnel, l'adaptation s'est faite en suivant différentes voies :
- une première voie, nationale , comportant deux éléments.
D'une part, la transition vers la fin des quotas laitiers s'est faite par la contractualisation. En France, la loi LMAP n°2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche instaure, pour toutes les filières agricoles, via l'article 631-24 du Code rural, la capacité pour le Gouvernement d'imposer pour une filière donnée une obligation de formaliser par écrit la relation contractuelle entre producteurs et acheteurs. La loi énumère une liste de clauses. En application de la loi LMAP, le décret 2012-1753 du 30 décembre 2010 met en place une obligation d'engagement contractuel écrit et formalisé, d'une durée minimale de cinq ans, entre producteurs de lait et leurs acheteurs de la filière laitière plus particulièrement.
D'autre part, concernant les prix, le système des recommandations de prix, établi par le CNIEL, a été remplacé par un système moins directif et purement informatif d'« indices de tendances » (nouvel article L632-14 du Code rural introduit par la Loi de finances pour 2009). Cette disposition a été notifiée à la Commission européenne. Cette dernière a considéré que le dispositif n'appelait pas d'observation au regard du droit de la concurrence en octobre 2013).
- Une deuxième voie, européenne , par le règlement n° 261/2012 du 14 mars 2012, modifiant la section « secteur du lait et des produits laitiers », organisée par le règlement n° 1234/2007 (dit OCM unique). Ce règlement, appelé « Mini paquet lait », est le résultat des travaux d'un « groupe de haut niveau » rassemblant les experts des États membres. Ce règlement confirme le principe de contractualisation (adopté en France quelques mois auparavant !) mais surtout, apporte des innovations déterminantes sous l'angle du droit de la concurrence. Le règlement prévoit :
- d'une part, la reconnaissance des organisations de producteurs (OP) et de leurs associations pour le secteur laitier, et leur possibilité de négocier , au nom des agriculteurs qui en sont membres, le prix et les volumes du lait cru des contrats de livraison aux transformateurs ;
- d'autre part, à destination des interprofessions, un dispositif de dérogation au principe de prohibition des ententes figurant à l'article 101 §1 TFUE, à la condition que les accords conclus aient été notifiés à la Commission et qu'elle n'ait pas déclaré, dans les trois mois après la notification, leur incompatibilité au règles de l'Union européenne.
En France, le décret n° 2012-512 du 19 avril 2012, élaboré en application des règlements n° 1234/2007 et n° 261/2012, permet la reconnaissance des OP et des AOP dans le secteur du lait de vache. Une OP doit justifier soit d'un nombre minimum de 200 membres producteurs, soit d'un volume minimum de 60 millions de litres de lait commercialisé.
Ainsi , une autorisation explicite des ententes dans le secteur laitier sous forme de négociation contractuelle sur les prix du lait et sur les volumes figure désormais à l'article 126 quater du règlement n° 1234/2007.
Une OP reconnue pourra désormais négocier le contrat de vente avec le transformateur, au nom des agriculteurs qui en sont membres, qu'il y ait ou non transfert de propriété du lait cru. Trois conditions doivent être réunies : il faut que le volume de lait cru faisant l'objet de ces négociations n'excède pas 3 ,5 % de la production totale de l'Union- ce qui correspond à peu près au marché laitier breton, 33% de la production nationale de l'État membre dans lequel est produit le lait cru, et 33 % de la production nationale de l'État membre où est livré le lait cru. Les négociations ne doivent cependant pas permettre la fixation de prix, y compris à titre indicatif ou de recommandation. Par ailleurs, pour que la négociation ait lieu, le producteur doit avoir donné mandat à l'OP de façon formelle.
Le « Paquet lait » a ainsi résolu les principaux problèmes juridiques qui existaient pour les deux types d'organisation de producteurs que sont les OP « non commerciales » n'ayant pas procédé à un transfert de propriété du lait, et les OP « commerciales » ayant procédé à un transfert de propriété, assimilables à des coopératives. La possibilité de former des OP dans le secteur laitier confère aux producteurs de lait la faculté de négocier concrètement les contrats avec les industriels laitiers, faculté qu'ils ne possédaient pas au sein de simples « groupements ».
b) L'application encore décevante des possibilités ouvertes par le « Paquet lait »
Le précédent rapport sur le rôle des organisations de producteurs dans la négociation du prix du lait avait recensé quelques-unes des difficultés d'application :
- la difficulté pratique de la constitution de l'OP, de sa reconnaissance par l'État et, surtout, d'obtenir, matériellement, les mandats de négociation des contrats de vente auprès des adhérents ;
- les difficultés humaines liées à un certain individualisme des éleveurs, aux réticences, aux regroupements sous cette forme ; Pour de nombreux éleveurs, « l'adhésion à une OP entrave la liberté individuelle et empêche de faire des coups » :
- les freins des structures collectives existantes - groupements professionnels, associations et syndicats ;
- les freins plus ou moins puissants mis par certains industriels fabricants, peu disposés à négocier les contrats, en particulier les prix, avec une organisation - à moins que ce soit avec une « organisation maison ».
Le premier bilan après un an d'expérience est plutôt nuancé. La contractualisation est acquise et pleinement bénéfique. Elle a fait cesser la pratique singulière, et même humiliante, de la « paye de lait » (où la facture était préparée par l'acheteur !). Le contrat oblige les parties - éleveurs et producteurs - à se parler, à partager leurs difficultés notamment avec la distribution en aval. Le contrat donne de la visibilité. Même s'il convient de rappeler que la contractualisation n'est pas une obligation, le collecteur a pour seule obligation de proposer un contrat écrit, avec une durée de cinq ans. L'éleveur reste libre de ses choix. Un tiers des éleveurs reste sans contrat.
En revanche, le bilan des OP est plus incertain. Les OP, dans tous les secteurs, donnent de la visibilité aux producteurs. Il y a bien la reconnaissance d'une organisation, d'une force potentielle, et sans doute, l'espoir de peser collectivement face aux acheteurs. Mais le nombre d'OP est encore faible. On compte, fin novembre 2013, 31 OP dans le secteur laitier (par comparaison, il existe 200 OP dans le secteur des fruits et légumes). L'objectif, selon le ministère de l'agriculture, serait d'environ 100 OP. Sur les 31 OP du secteur laitier, trois sont avec transfert de propriété - une coopérative, un groupement d'intérêt économique et une SAS.
Dans la quasi-totalité des cas, les OP regroupent des éleveurs qui livrent à un seul collecteur (Lactalis/Bongrain...). Le modèle pratique est bien le modèle de l'« OP maison » (ex : deux « OP Lactalis » et une « OP Bongrain » en Bretagne) à l'influence nécessairement réduite. « OP maison-OP bidon » ? s'était interrogé notre collègue Yannick Botrel lors d'une réunion de notre commission, le 16 juillet 2013. Il n'y a pratiquement pas d'OP géographique, régionale - à l'exception d'une OP dans la région de Sancerre - qui auraient nécessairement plus de poids et pourraient jouer, le cas échéant, de la concurrence entre collecteurs.
Le pouvoir des négociations des OP est resté très faible, voire symbolique. « Le paquet lait a reconnu un droit, mais il n'y a pas eu de pouvoir de négociation des prix » , estime le médiateur des contrats. « Les collecteurs industriels veulent faire baisser les prix, résistent énormément à la négociation. En outre, la crise économique générale bloque tout » .
Tous les observateurs du secteur considèrent que la capacité de peser sur les prix restera faible. Seules des associations, des organisations de producteurs (AOP) pourraient, le cas échéant, avoir une influence. Dès lors que les OP actuelles sont des OP de collecteurs (les « OP maison »), on conviendra qu'elles n'en prennent pas le chemin.
3) les dispositions de la nouvelle OCM unique
a) Les nouvelles dispositions de l'OCM unique
La réforme de la PAC modifie le régime des OP (voir textes complets en annexe).
Cette réforme apporte plusieurs modifications.
Le régime de reconnaissance des OP est étendu à plusieurs autres secteurs. La capacité de négociation collective est étendue aux OP céréales, viande bovine et huile d'olive. Elle s'étend aux contrats de livraison avec des clauses de volume et de prix (sans aller jusqu'à la fixation des prix). La négociation des volumes - non des prix - est également ouverte aux jambons sous signe de qualité. Les seuils de marché fixés pour l'OP lait pour la limite de reconnaissance de l'OP (33 % du marché national et 3,5 % du marché de l'Union européenne), n'ont pas été repris. Les nouveaux seuils sont fixés à 15 % du marché national. Une diminution de seuil très favorablement accueillie par le DG concurrence « Le lait était une erreur. Le pourcentage de 33 % avait été fixé arbitrairement. Ce n'est pas soutenable à terme».
Le texte supprime l'obligation de contrôle préalable d'absence de position dominante avant la reconnaissance de l'OP.
« L'OP lait » reste à part mais la nouvelle OCM sanctuarise les dispositions du « Paquet lait », conçu en son temps pour accompagner la transition vers l'abandon des quotas laitiers. Le terme fixé par le règlement 261/2012 était au 30 juin 2020. Le nouveau règlement OCM unique pérennise ces dispositions.
Le régime dérogatoire au droit de la concurrence est fixé au nouvel article 145 du règlement. Il renforce le rôle d'examen de la Commission (les modifications par rapport au texte actuel sont en italique)
Article 145
Accords et pratiques concertées
1. L'article 101, paragraphe 1, du TFUE ne s'applique pas aux accords, décisions et pratiques concertées des organisations interprofessionnelles reconnues au titre de l'article 108 du présent règlement, ayant pour objet l'exercice des activités mentionnées a l'article 108, paragraphe 1, point c), et paragraphe 2, point c) , du présent règlement et, en ce qui concerne les secteurs de l'huile d'olive et des olives de table et du tabac, les activités mentionnées a l'article 109 quinquies du présent règlement. 2. Le paragraphe 1 s'applique uniquement lorsque : a) les accords, décisions et pratiques concertées ont été notifies a la Commission; b) si cette dernière, dans un délai de deux mois à compter de la communication de tous les éléments d'appréciation nécessaires, n'a pas déclaré l'incompatibilité de ces accords, de ces décisions ou de ces pratiques concertées avec la réglementation de l'Union. Si la Commission estime qu'ils sont incompatibles avec la réglementation de l'Union, elle établit ses conclusions sans recourir à la procédure visée à l'article 162, paragraphes 2 et 3. 3. Les accords, décisions et pratiques concertées visées au paragraphe 1 ne peuvent entrer en vigueur avant que le délai de deux mois prévu au paragraphe 2, point b), soit écoulé. 4. Les accords, décisions et pratiques concertées sont déclarés, en tout état de cause, incompatibles avec la réglementation de l'Union s'ils : a) peuvent entrainer toute forme de cloisonnement des marches à l'intérieur de l'Union ; b) peuvent nuire au bon fonctionnement de l'organisation des marches ; c) peuvent créer des distorsions de concurrence qui ne sont pas indispensables pour atteindre les objectifs de la politique agricole commune poursuivis par l'activité de l'organisation interprofessionnelle ; d) comportent la fixation de prix ou de quotas ; e) peuvent créer des discriminations ou éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits concernes. 5. Si la Commission constate, après l'expiration du délai de deux mois visé au paragraphe 2, point b), que les conditions d'application du paragraphe 1 ne sont pas remplies, elle prend, sans recourir à la procédure visée a l'article 162, paragraphe 2 ou 3 , une décision déclarant que l'article 101, paragraphe 1, du traite s'applique à l'accord, a la décision ou à la pratique concertée en cause. La décision de la Commission ne s'applique pas avant la date de sa notification à l'organisation interprofessionnelle concernée, sauf si cette dernière a donné des indications inexactes ou a abuse de l'exemption preuve au paragraphe 1. 6. Dans le cas d'accords pluriannuels, la notification de la première année est valable pour les années suivantes de l'accord. Toutefois, dans ce cas, la Commission, de sa propre initiative ou à la demande d'un autre État membre, peut à tout moment déclarer qu'il y a incompatibilité. 7. La Commission peut adopter des actes d'exécution définissant les mesures nécessaires à une application uniforme du présent article. Ces actes d'exécution sont adoptes en conformité avec la procédure d'examen visée a l'article 162, paragraphe 2. |
b) Des réactions prudentes
Ces avancées ne suscitent, pour le moment, qu'un accueil réservé de la part des observateurs.
La DG concurrence reste réservée voire hostile, avançant même les effets pervers de les premières expériences. « Lorsque les éleveurs ont voulu négocier ensemble, au moment de la crise du secteur laitier, les acheteurs français sont allés voir ailleurs en important le lait ! ». Si l'on excepte quelques cas isolés, ce supposé effet pervers de la négociation collective n'est d'ailleurs nullement confirmé par les statistiques du commerce extérieur.
Dans l'ensemble, la capacité de négociation collective est perçue comme une avancée positive. Mais certains secteurs visés ne profiteront sans doute pas de cette possibilité. Dans le cas des céréales, il y a une relation directe avec le collecteur et le système fonctionne ainsi sans problème. Quelques OP existent déjà dans le secteur bovin mais la moitié des éleveurs n'ont pas adhéré. La relation directe avec le maquignon reste privilégiée. Il est peu probable qu'il y ait une évolution.
Il y a, au fond, deux réserves de fond. La première est que les OP ne parviendront pas à négocier les prix. La seconde est le sentiment diffus que la réforme institutionnelle ne changera rien aux mentalités individualistes des agriculteurs.
Il y a bien un paradoxe français, souvent relevé à Bruxelles : « les dérogations ont été demandées par la France mais les Français n'en profitent pas ».
Les OP devront faire la preuve de leur utilité. Lorsqu'il était président du CNIL, M. Henri Brichard avait indiqué au Sénat : « C'est une des plus belles occasions historiques de donner aux éleveurs la possibilité de modifier le partage dans la valeur ajoutée et de peser dans la chaine alimentaire ». Sans doute faudra-t-il attendre des OP de deuxième génération qui orienteront leurs adhérents dans cette voie. Des OP orientées vers l'aval, vers la fabrication et vers la commercialisation, en prise directe avec le consommateur.
La DG Concurrence, pourtant fortement hostile aux innovations du « Paquet lait » et au rôle des OP dans le secteur laitier, a même proposé des innovations intéressantes. « Les regroupements de producteurs ont eu des effets pervers lors de la crise du lait, ils ont voulu vendre ensemble, et les acheteurs sont allés voir ailleurs en achetant le lait dans d'autres pays. Vendre ensemble n'est pas soutenable à terme. En revanche, il est bon d'avoir des activités ensemble qui apporte des efficacités concurrentielles. Cela peut concerner la distribution, l'empaquetage, tout ce qui est bon pour créer de la valeur ajoutée et diminuer les coûts, et ainsi rester sur le marché et résister à la grande distribution. » 37 ( * ) Cet appel à contribution à innovation ne vient pas d'un quelconque révolté qui voudrait « faire plier » les industriels, mais de la DG Concurrence elle-même.
La France n'est pas la seule à avoir des OP. Elles ont été développées bien avant la France, mais ne suscitent pas les mêmes appréhensions. « S'il y a des problèmes de constitution, ce n'est pas un problème de droit » , explique la DGCCRF. « C'est un problème de mentalité, un problème sociologique. Il y a en France des réticences particulières, tant dans la constitution des OP que dans leur mission et leur poids. Dans les États membres qui ont une logique industrielle, les coopératives et toutes les OP sont fortes » .
Des OP fortes et aux missions élargies, tel peut être le cadre fixé des OP de deuxième génération.
* 35 Les principales étapes du régime des OP sont : 1972 (règlement du Conseil n° 1035/72), 1996 (règlement du Conseil n° 2200/96), 2003 (règlement de la Commission n° 1432/2003) et 2007 (règlement n° 1182/2007). L'évolution est marquée par la diminution du rôle de l'intervention communautaire - le retrait destruction par exemple-, en évoluant vers la limitation quantitative et l'amélioration qualitative des productions. La protection de l'environnement est également un nouvel axe apparu en 1996.
* 36 Voir notamment :
- Rapport d'information de M. Jean Bizet sur le prix du lait dans les États membres de l'Union européenne - Sénat - n° 481 (2008-2009).
- Rapport d'information de MM. Jean-Paul Emorine et Gérard Bailly sur l'avis de l'Autorité de la concurrence relatif au fonctionnement du secteur laitier - Sénat - n° 73 (2009-2010).
- Rapport de M. Jean Bizet sur le rôle des organisations de producteurs dans la négociation du prix du lait - Sénat - n° 721 (2011-2012).
* 37 Entretien avec la DG Concurrence - 9 juillet 2013.