B. DES ÉCHANGES COMMERCIAUX IMPORTANTS
Le marché des pays du sud et de l'est de la Méditerranée (hors Turquie) représente au total 6% des échanges de l'Union européenne en 2011, soit plus qu'avec l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) 16 ( * ) (5%) et le double du Marché commun du Sud (Mercosur) 17 ( * ) (3%). L'UE a ainsi exporté pour 104 milliards d'euros vers ces pays en 2011, soit une augmentation de 45% en 10 ans (2000-2010), deux fois plus vite que vers l'ASEAN et trois fois plus vite que vers le Mercosur. Cette présence génère un excédent commercial (+13,5 M€ en 2011, +20 milliards en 2010 et 2009), malgré les fortes importations en hydrocarbures en provenance de ces pays.
L'Union européenne, et singulièrement la France, disposent de positions commerciales particulièrement fortes dans les pays du Maghreb. La part de l'Union européenne atteint ou dépasse 50%, celle de la France dépasse les 15%.
Tableau n° 29 : positions commerciales de l'UE et de la France au Maghreb
PIB 2011(Md$) |
Population |
PIB/Habitant ($) |
EXP UE 2011 millions € |
Part de marché UE 2011 (%) |
EXP FRA 2010 millions € |
Part de marché FRA 2010 (%) |
|
Algérie |
198 |
36 |
5 500 |
24 440 |
52,10% |
6 100 |
15,1% |
Libye |
36 |
6,4 |
5 500 |
na |
na |
1 500 |
6,8% |
Maroc |
99 |
32 |
3 100 |
21 800 |
49,20% |
5 420 |
15,4% |
Tunisie |
46 |
10,6 |
4 300 |
13 800 |
57,50% |
4 940 |
20,9% |
Sources : FMI, OMC, CHELEM, DEVCO, calculs DG Trésor |
Les relations commerciales entre l'Union européenne et les pays du Maghreb laissent apparaître un déficit pour les pays européens en raison principalement des achats d'hydrocarbures et de gaz. En poids relatif, elles restent relativement faibles en raison de la différence de taille et de développement et de la prédominance du commerce intra-communautaire (64,7% des exportations, et 62,4% des importations) sont de l'ordre de 1% pour les exportations et de 1,5% pour les importations 18 ( * ) .
Ces positions commerciales fortes reculent cependant dans un contexte de concurrence accru : en 10 ans, les parts de marché chinoises ont été multipliées par 5 en Algérie et en Tunisie, par 4 au Maroc.
Alors que les parts de marché de la France étaient en 1993 de 27,1% en Tunisie, 25,5% en Algérie et 23% au Maroc, elles ont reculé, en 2011 (derniers chiffres disponibles dans les 3 pays), respectivement à 18,3%, 15,1% et 13%. Malgré ce repli, la France est restée le premier fournisseur de l'Algérie et de la Tunisie et le second du Maroc, derrière l'Espagne. On observera également que cette baisse des parts de marché se déroule dans un contexte de développement des échanges internationaux et que les exportations croissent en volume, y compris vers les pays du Maghreb et que ce repli est depuis 2003 de même proportion que celui des parts de marché françaises dans le commerce mondial.
1. L'Algérie
L'Union européenne représente environ 50% des échanges commerciaux de l'Algérie.
Tableau n° 30 : Classement des 10 premiers fournisseurs et clients de l'Algérie en 2012
Fournisseurs- Importations |
Clients- Exportations |
||||
Pays |
(en M USD) |
en % |
Pays |
(en M USD) |
en % |
France |
6 005 |
12,83% |
États-Unis |
11 943 |
16,14% |
Chine |
5 879 |
12,56% |
Italie |
11 670 |
15,77% |
Italie |
4 349 |
9,29% |
Espagne |
7 570 |
10,23% |
Espagne |
4 091 |
8,74% |
France |
6 601 |
8,92% |
Allemagne |
2 574 |
5,50% |
Canada |
5 482 |
7,41% |
Argentine |
1 803 |
3,85% |
Pays Bas |
5 291 |
7,15% |
Turquie |
1 784 |
3,81% |
Royaume-Uni |
3 937 |
5,32% |
Etats-Unis |
1 637 |
3,50% |
Turquie |
3 041 |
4,11% |
Brésil |
1 344 |
2,87% |
Brésil |
2 822 |
3,81% |
Corée du Sud |
1 256 |
2,68% |
Chine |
2 696 |
3,64% |
Total 10 premiers |
30 722 |
65,63% |
Total 10 premiers |
61 053 |
82,48% |
Source : douanes algériennes
Les échanges entre France et Algérie ont été multipliés par quatre en quinze ans, dépassant les 12 mds € en 2012. L'Algérie est le premier partenaire commercial de la France en Afrique, et le troisième débouché pour les exportations françaises hors OCDE, après la Chine et la Russie. La moitié de nos exportations sont réalisées par des PME.
Avec une part de marché de 12,8% et des exportations d'un montant de 6 Mds € en 2012, la France demeure le premier fournisseur de l'Algérie 19 ( * ) . Elle y exporte principalement des véhicules automobiles (17% du total), des céréales (13%), des produits pharmaceutiques (11%) et du raffinage du pétrole (11%).
En retour, ses importations en provenance d'Algérie (3,9 Mds € en 2012) se composent à 97% d'hydrocarbures . En absorbant 9% des importations algériennes (selon les douanes algériennes), la France demeure le 4 e client de l'Algérie.
L'Algérie est en 2012 le 14 e client de la France, son premier client dans le monde arabe, et son troisième client hors OCDE après la Chine et la Russie.
2. La Tunisie
La majeure partie du commerce international de la Tunisie est effectuée avec l'Europe (plus de 70% des ventes et plus de 50% des achats).
Selon l'Institut national tunisien de la Statistique, la France reste le 1 er fournisseur de la Tunisie (16,5%), suivie par l'Italie (14,2%), l'Allemagne et la Chine au même niveau (6,9%). L'Espagne n'est que le 5 e fournisseur, les Etats-Unis et la Turquie, à égalité, sont loin derrière avec des flux qui dépassent à peine le ¼ des flux français ; la Libye ne représente qu'1,3% des achats tunisiens (hors flux de commerce parallèle, en très forte hausse).
La France 20 ( * ) reste également son premier client devant l'Italie et l'Allemagne.
Tableau n° 31 : Principaux clients et fournisseurs de la Tunisie (en parts de marché)
Fournisseurs |
Importations |
Clients |
Exportations |
France |
16% |
France |
27% |
Italie |
14% |
Italie |
19% |
Allemagne |
7% |
Allemagne |
8% |
Chine |
7% |
Libye |
5% |
Espagne |
7% |
Espagne |
4% |
Algérie |
4% |
Suisse |
4% |
Russie |
4% |
Algérie |
3% |
Etats-Unis |
3% |
Royaume-Uni |
3% |
Turquie |
3% |
Pays-Bas |
3% |
Source : mission économique Tunis
3. Le Maroc
En 2011, l'Europe a fourni plus de la, moitié des importations. Les deux principaux fournisseurs étaient l'Espagne (12,9%) et la France (12,5%), l'Italie (5,2%) arrive au 7 e rang.
Graphique n° 32 : Principaux clients et fournisseurs du Maroc en parts de marché
Source : Office des Changes marocain
L'Europe a absorbé près de 60% des exportations marocaines. Les deux principaux clients étaient la France (22,6%) et l'Espagne (16,9%), l'Italie (3,4%) arrive au 6 e rang.
En 2012, les exportations françaises ont baissé (4,3 Mds d'euros au lieu de 4,6 Mds d'euros en 2011) 21 ( * ) , leurs parts de marché s'établissant à 12,5%, dépassées par l'Espagne 22 ( * ) dont les parts de marché augmentent depuis les années 2000. Les importations en provenance du Maroc ont augmenté à 3,7 Mds d'euros 23 ( * ) .
4. Libye
Le panier des exportations de la Libye n'est pas du tout diversifié puisqu'il s'agit à 95% d'exportations liées à l'industrie pétrolière .
L'Union européenne représente plus de 80% des exportations, et près de 30% des importations.
La France est le deuxième partenaire commercial de la Libye derrière l'Italie.
Tableau n° 33 : Principaux clients et fournisseurs de la Libye (en parts de marché)
Clients |
Exportations |
Fournisseurs |
Importations |
Italie |
42,3% |
Turquie |
10,6% |
France |
15,5% |
Chine |
9,8% |
Chine |
9,4% |
Italie |
9,4% |
Espagne |
9,2% |
Corée du sud |
9,2% |
Grèce |
4,5% |
Allemagne |
6,8% |
Pays-Bas |
3,4% |
Etats-Unis |
5,3% |
Allemagne |
2,6% |
France |
5,0% |
Etats-Unis |
2,5% |
Japon |
4,0% |
Portugal |
1,6% |
Egypte |
3,5% |
Inde |
1,4% |
Royaume Uni |
3,2% |
17.674 M. USD |
48.673 M.USD |
Source : UNComtrade
En 2011, en raison de la situation sécuritaire, les exportations françaises vers la Libye se sont effondrées passant de près d'1 milliard d'euros en 2010 à 225 millions d'euros (-77 %) et les importations tombant de 4,8 milliards d'euros à 2 milliards d'euros (-58%). En 2012, les exportations ont repris (prévision : +90% par rapport à 2011), mais resteront toutefois inférieures de moitié à celles de 2010 (prévision : 410 millions d'euros). La France a importé en 2012 4 milliards d'euros de pétrole libyen.
5. Mauritanie
Les exportations de la Mauritanie (2 769 millions de dollars) sont dominées par le secteur minier (75% du total) et les produits de la pêche. Selon les statistiques de l'OMC 24 ( * ) , ses principaux clients auront été en 2011, l'Union européenne et la Chine.
Les importations (2 464 millions de dollars) sont majoritairement composées d'équipements pour les industries extractives minières et pétrolières, de biens d'équipements, de véhicules et de produits alimentaires. Ses principaux fournisseurs en 2011 sont l'Union européenne (43,9%), les Emirats arabes unis (25,9%) et la Chine (5,1%). Avec une part de marché de l'ordre de 12%, la France aurait été le principal fournisseur de la Mauritanie en 2012 (230,5 millions d'euros, +20% par rapport à 2011). Les importations s'élève à près de 100 millions d'euros.
La Mauritanie a peu de contacts commerciaux significatifs avec les autres pays africains, à l'exception du Maroc, de la Côte d'Ivoire et du Sénégal.
6. Mais la mondialisation change la donne
La polarisation des échanges entre le nord et le sud s'est réduite avec l'inclusion des pays de la rive nord dans un espace économique européen de taille croissante qui privilégie les relations intra-communautaires. Néanmoins, cet espace s'est ouvert soit dans le cadre de règles internationales, soit dans le cadre d'accords particuliers conclus par l'Union européenne avec les pays de son voisinage.
De leur côté, les économies et les sociétés de la rive sud se sont ouvertes aux influences extérieures, les plus proches, notamment au sein du monde arabe et les plus lointaines dans le cadre de la mondialisation.
Les échanges commerciaux fournissent un bel exemple de cette diversification progressive. Très polarisés vers l'Union, et en son sein vers les pays de la rive nord et notamment vers la France (sauf pour la Libye polarisée vers l'Italie 27,9% en 2003, 8,5% en 2011), les approvisionnements des pays du Maghreb se diversifient.
Les parts de marché des pays de la rive nord de la Méditerranée (5+) et de ceux de l'Union européenne connaissent une érosion parallèle en phase avec la baisse observée sur le marché mondial. Ainsi s'agissant de la France, les pertes de la part de marché observées à partir de 1999, tant au Maroc qu'en Algérie et en Tunisie, sont en ligne avec la baisse des exportations françaises en pourcentage des exportations mondiales (3,26% en 2011 contre 5,7% en 1999, 4,9% en 2003).
Les États-Unis développent leurs positions au Maghreb (notamment au Maroc), comme la Chine (dont les parts de marché ont doublé dans 3 pays sur 4) et la plupart des émergents.
La place des pays du Maghreb dans les échanges internationaux progresse légèrement (0,8% en 2011 contre 0,7% en 2003), mais elle est très liée au commerce des hydrocarbures (et donc aux variations des cours). L'Algérie et la Libye représentent respectivement 0,4% et 0,2%, Maroc et Tunisie ne représentent que 0,1%.
Enfin, on observe un infléchissement positif du commerce interne à la zone.
La polarisation des échanges de toute nature est donc progressivement tempérée par la participation de chaque État et des peuples à la mondialisation.
* 16 Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei, Vietnam, Laos, Birmanie, Cambodge
* 17 Ces pays sont : le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, la Libye, l'Égypte, la Jordanie, le Liban, les Territoires palestiniens et la Syrie
* 18 OMC Statistiques du commerce international 2012 http://www.wto.org/french/res_f/statis_f/its2012_f/its2012_f.pdf
* 19 Cette part de marché s'est réduite à 12,8% (contre 15,1% en 2011) et connaît une érosion constante depuis 2000 (25%) en raison d'une concurrence accrue (Italie, Espagne mais surtout Chine et plus récemment Turquie). En 10 ans, la part de marché de la France a été divisée par deux malgré une hausse régulière de nos exportations (multipliées par 2,6) ; sur la même période la Chine a multiplié ses exportations vers l'Algérie par 30 pour atteindre 12,5 % de parts de marché (moins de 2% en 2003), l'Italie par 4,1, l'Espagne par 7,8, la Turquie par 4,7 et l'Allemagne par 3,2.
* 20 Près de 75 % des échanges bilatéraux proviennent des relations commerciales avec les succursales ou filiales françaises « off-shore » du secteur industriel, dont les flux d'approvisionnements et de réexportation en France se traduisent par une balance structurellement déficitaire. De ce fait la structure des importations et des exportations sont assez semblables : les équipements mécaniques et électriques représentent la moitié du total.
* 21 Ce recul s'explique en grande partie par la chute des 46% des exportations de blé.
* 22 Qui ont atteint 45,4 Mds d'euros, sous l'impulsion notamment des exportations de produits pétroliers
* 23 Cette augmentation est en grande partie imputable à la hausse des importations de véhicules de tourisme avec l'ouverture de l'usine Renault à Tanger.
* 24 http://stat.wto.org/CountryProfile/WSDBCountryPFView.aspx?Language=E&Country=MR