II. L'ASYMÉTRIE DES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES
Les échanges de produits et les investissements étrangers constituent également des indices de la polarisation de la relation entre l'Europe et le Maghreb.
L'interdépendance économique sera analysée ici à travers quatre critères :
• la fourniture de matières premières des pays du Maghreb à l'Europe ;
• les échanges commerciaux ;
• les investissements directs étrangers.
A. LE MAGHREB FOURNISSEUR DE MATIÈRES PREMIÈRES
Certains pays du Maghreb (Algérie, Libye) sont producteurs et exportateurs d'hydrocarbure et de gaz. Le Maroc et, dans une moindre mesure, la Tunisie sont de gros producteurs de phosphates, composant important des engrais pour l'agriculture.
1. Pétrole
La production de pétrole des pays du Maghreb représente 4% de la production mondiale et des réserves connues.
Tableau n° 19 : Production et réserves de pétrole brut dans le monde
en millions de tonnes |
||||||||
Production en 2009 (r) |
Production en 2010 |
Production en 2011 |
Réserves prouvées au 1 er janvier 2012 |
|||||
(en %) |
(en %) |
(en %) |
(en %) |
|||||
Algérie |
77,9 |
2,1 |
75,5 |
2,0 |
74,3 |
1,9 |
1 664 |
0,8 |
Libye |
77,1 |
2,0 |
77,4 |
2,0 |
22,4 |
0,6 |
6 426 |
3,1 |
Total monde |
3 773,2 |
100,0 |
3 866,7 |
100,0 |
3 913,2 |
100,0 |
207 807 |
100,0 |
r : données révisées. |
Source : Comité professionnel du pétrole ; Oil and Gas Journal
L'Algérie et la Libye sont respectivement classées aux 12 e et 18 e rangs des pays producteurs, 14 e et 15 e rangs des pays exportateurs et aux 16 e et 9 e rangs des pays disposant de réserves de pétrole 12 ( * ) .
L'Europe a importé 11,68% de sa consommation de pétrole des pays du Maghreb.
Carte n° 20 :
Tableau n° 21 : Importation de pétrole des pays du Maghreb par les pays de l'Union européenne en 2011
Quantité en millions
|
Valeur en millions de
|
% des importations |
|
Algérie |
107,3 |
12,1 |
2,77 |
Libye |
118 |
11,8 |
2,84 |
Tunisie |
8,8 |
0,9 |
0,23 |
Source : Commission européenne - Direction générale pour l'énergie 2012
La France importe bon an mal an entre 9 et 17% de son pétrole brut des pays du Maghreb.
Tableau n° 22 : Provenance du pétrole brut importé par la France en 2011
en % |
|||||
Provenances |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 (r) |
2011 |
Libye |
6,4 |
8,4 |
8,9 |
15,9 |
4,9 |
Algérie |
2,6 |
4,5 |
2,8 |
1,4 |
6,3 |
Importations totales (en millions de tonnes) (1) |
81,2 |
83,6 |
71,7 |
64,1 |
64,4 |
Champ : y compris condensats et autres produits à distiller. |
Source : SOeS
Carte n° 23 :
Source : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/cartes/ressources-petrole-hydrocarbures/c001184-les-energies-fossiles-en-europe-en-2010-stocks-flux-et-projets
2. Gaz
Le Maghreb représente 3,2% de la production mondiale de gaz naturel.
L'Algérie et la Libye sont respectivement classées aux 11 e (84,6 milliards de m3) et 36 e (16,8 mds m 3 ) rangs des pays producteurs, 7 e (55,8 mds m 3 ) et 22 e (10 mds m3) rangs des pays exportateurs et au 11 e (4 500 mds m 3 ) et 23 e (1 495 mds m 3 ) rangs des pays disposant de réserves de gaz naturel 13 ( * ) , ce qui équivaut à 1% du total des réserves mondiales. La Libye reste cependant largement inexplorée.
Selon M. Francis Ghilès 14 ( * ) , la quantité totale de gaz commercialisée a doublé au cours des vingt dernières années et devrait atteindre 360 milliards de mètres cubes en 2030, les trois pays, l'Algérie, la Libye et l'Égypte, représentant 87% du total.
La demande a doublé au cours des dix dernières années et pourrait être multipliée par deux et même dépasser 500 milliards de mètres cubes en 2030. Les pays de la rive Nord représentent 60% de la demande régionale, un pourcentage qui baissera à 45% d'ici à vingt ans.
L'Union européenne importe aujourd'hui 62% du gaz qu'elle consomme, une proportion qui devrait passer à 84% en 2030.
Ses quatre principaux fournisseurs extérieurs sont la Russie (25%), la Norvège, l'Algérie (12 à 15%) et le Qatar. L'Algérie pourrait bien occuper le second rang en 2030.
Carte n° 24 : Consommation et importation de gaz
Source : avec l'aimable autorisation de Cécile Martin et du Monde diplomatique - http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/europeenergetique
Dans l'Union européenne, seuls les Pays-Bas sont exportateurs nets de gaz. Mais la majorité des grands pays européens consommateurs de gaz comme l'Allemagne, l'Italie, la France ou l'Espagne montrent une très forte dépendance aux importations. Un autre grand pays producteur comme le Royaume-Uni est devenu importateur net de gaz en 2004 et doit depuis augmenter considérablement ses importations pour pallier au déclin de sa production domestique.
Les infrastructures d'exportation et d'importation, qu'il s'agisse de gazoducs 15 ( * ) , de terminaux ou d'usine de gaz naturel liquéfié (GNL) devraient augmenter rapidement.
Carte n° 25 : Les principaux gazoducs en Europe
La France importe plus de 12% de son gaz naturel d'Algérie.
L'approvisionnement en provenance du Maghreb reste très faible.
Tableau n° 26 : Production et importations de gaz naturel en 2011
2000 |
2010 |
2011 |
||||
(1) |
% |
(1) |
% |
(2) |
% |
|
Importations |
462,3 |
100,0 |
510,7 |
100,0 |
494 ,6 |
100,0 |
Algérie |
112,9 |
24,4 |
71,0 |
13,9 |
62,8 |
12,7 |
(1) en milliards de kWh pouvoir calorifique supérieur. (2) en TWh PCS Champ : France métropolitaine. |
Source : SOeS
3. Phosphates
Le Maroc est l'un des principaux producteurs mondiaux de phosphates et détient près de ¾ des réserves connues. La Tunisie est également un producteur important et la transformation des phosphates reste une de ses principales industries lourdes. Échangée aujourd'hui autour de 150 euros, la tonne de phosphates a certes baissé de moitié par rapport à la flambée de 2008, mais les cours restent encore dix fois plus importants qu'il y a cinq ans. Tiré par la hausse des besoins alimentaires liée à la croissance démographique mondiale, le marché devrait progresser de 2% à 3% par an en moyenne durant les prochaines décennies, selon les experts de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Ces productions sont exportées dans le monde entier et notamment en Europe pour la fertilisation des sols.
Tableau n° 27 : Production de phosphates dans les pays du Maghreb en 2011
Production en millions de tonnes |
% de la production mondiale |
Réserves en millions de tonnes |
|
Maroc |
28 |
14,4 |
50 000 |
Tunisie |
5 |
2,53 |
100 |
Algérie |
1,5 |
0,76 |
2 200 |
Source : U.S. Geological Survey, Mineral Commodity Summaries, January 2013
Carte n° 28 : Situation géographique des principaux bassins phosphatés (Maroc et Sahara occidental)
4. Les industries minières en Mauritanie
Les ressources minières jouent un rôle important dans l'économie mauritanienne. La contribution des activités minières au PIB est passée de 12,2% à 26,4% de 2006 à 2012.
Les industries minières occupent une place de premier plan dans les exportations et les importations. Les produits miniers ont représenté 66% des exportations en 2012, contre 34% en 2006. L'évolution est liée tout à la fois à l'augmentation de la production (or et cuivre) qu'à celle des prix. Globalement, les importations liées à des projets miniers ont représenté environ la moitié du total des importations en 2012. La Chine est son principal client pour le fer et le cuivre, la Suisse pour l'or.
Les importations de Tasiast, le producteur d'or, ont constitué environ 25% du total des importations en 2011-12. La hausse des importations, financée pour la plupart par l'IDE, s'explique par le développement d'une nouvelle mine d'or, qui devrait être pleinement opérationnelle en 2017. |
Le budget de l'État bénéficie de plus en plus des ressources minières. La proportion des recettes minières est passée de 13,4% du total des recettes (hors dons) en 2006 à 29% en 2012. Les recettes minières autres que fiscales (en particulier les dividendes de la SNIM) ont joué un rôle, mais les réformes structurelles de la fiscalité des industries extractives ont aussi contribué à accroître les recettes.
* 12 La Mauritanie a découvert du pétrole au milieu de la première décennie 2000, mais les gisements sont décevants, la production pétrolière a fortement baissé : elle est tombée de 22% du PIB en 2006 à moins de 4% en 2012. La part du pétrole dans les exportations totales décroît rapidement depuis 2006 en raison de la baisse de la production.
* 13 CIA The World Factbook.
* 14 Chercheur auprès du Centre d'Études et de Documentation de Barcelone : «le défi énergétique en Méditerranée », Ipemed 2010.
* 15 M. Francis Ghilès souligne que « le gazoduc Enrico Mattei, qui relie l'Algérie à l'Italie via la Tunisie, dont la capacité va bientôt augmenter pour atteindre 32 milliards de mètres cubes, le gazoduc Pedro Duran Farrell, qui relie l'Algérie à l'Espagne et au Portugal via le Maroc et dont la capacité est de 8 milliards de mètres cubes, le Green Stream, qui transporte 8 milliards de mètres cubes de gaz de la Libye vers l'Italie, n'ont jamais connu de problèmes de transit dans la mesure où les relations contractuelles entre les divers acteurs sont bonnes ». L'achèvement récent du gazoduc Medgaz, qui relie directement l'Algérie à l'Espagne avec une capacité de 8 milliards de mètres cube de gaz par an, et prochainement celui du gazoduc Galsi, qui reliera directement l'Algérie à l'Italie avec une capacité similaire, « permet de penser qu'à l'avenir la préférence de l'Algérie sera d'éviter le transit par un pays tiers pour ses exportations de gaz naturel» .