Rapport d'information n° 108 (2013-2014) de Mme Josette DURRIEU et M. Christian CAMBON , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 30 octobre 2013

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N° 108

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 octobre 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la rive Sud de la Méditerranée , une zone de prospérité à construire ,

Par Mme Josette DURRIEU et M. Christian CAMBON, Co-présidents ; MM. Bertrand AUBAN, Michel BOUTANT, Mmes Michelle DEMESSINE, Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, Nathalie GOULET, MM. Alain NÉRI, Jean-Claude PEYRONNET, ROBERT del PICCHIA, Jean-Claude REQUIER, André TRILLARD,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner , vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger, André Trillard , secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Luc Carvounas, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini .

INTRODUCTION

Les pays de la rive sud de la Méditerranée...

Pays arabes et musulmans

« La Méditerranée est au coeur de toutes les grandes problématiques de ce début de siècle. Développement, migrations, paix, dialogue des civilisations, accès à l'eau et à l'énergie, environnement, changement climatique : c'est au sud de l'Europe que notre avenir se joue ».

Bernard Kouchner
Ministre des affaires étrangères - 2008

Et c'est dans un de ces pays arabes et musulmans de la rive sud de la Méditerranée, en Tunisie, que le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid un jeune marchand ambulant de fruits et légumes, Mohamed Bouazizi, s'immole par le feu. On venait de lui saisir ses outils de travail, une charrette et une balance. Il conteste, est expulsé et giflé en public...

Voilà comment commence en Tunisie une révolution qui provoque la chute du régime du Président Ben Ali... et une vague de protestations sans précédent dans les pays arabes de la rive sud de la Méditerranée.

Face à ces régimes autoritaires qui ne respectaient ni la démocratie ni les Droits de l'Homme, qui accaparaient les richesses du pays et généralisaient la corruption et l'économie de « rente », une population jeune et sans emploi va engager sans peur et avec détermination des mouvements de protestation en réclamant du pain, la liberté et la justice sociale.

Cependant, si les causes sont communes, les suites ont rapidement différencié les situations et les pays.

On peut distinguer les révolutions avec changement de régime : Tunisie, Egypte, Libye ; les pays qui ont fait des réformes politiques sans changement de régime : Maroc, Mauritanie, Jordanie et même Algérie. Quant à la Syrie, elle est toujours engagée dans une guerre dramatique et sans issue pour l'instant.

Plus loin, les pays du Golfe, qui n'ont pas changé de régime et n'ont pas fait de réformes politiques ont au contraire réprimé violemment les manifestations comme au Bahrein...

Trois ans après, ces pays de la rive sud de la Méditerranée sont à la croisée des chemins.

Ils entrent dans la troisième phase de leur révolution...

La première correspondait aux renversements des régimes dictatoriaux. La seconde phase était marquée par le succès des islamistes aux élections, alors qu'ils n'étaient pas les initiateurs de la révolte : les Frères musulmans en Egypte, Ennadha en Tunisie notamment.

Ils ont pris le pouvoir en étant majoritaires en Egypte ou force principale dans une coalition en Tunisie et au Maroc.

Qu'ont-ils fait de leur victoire ?

Ils n'ont pas répondu aux attentes de la population, ni amélioré le sort du peuple. Et le peuple a mesuré l'inexpérience et l'incapacité des islamistes à traiter des questions sociales et économiques.

Derrière la « modération », très vite, le peuple a également perçu le réel projet final de « l'Islam politique » et la volonté qu'était la sienne d'annexer tous les rouages du pouvoir. Mais l'Islam n'est pas un projet de gouvernement ! Les mouvements de protestation qui s'en suivirent, comme en juillet 2013 en Egypte, vont entraîner le renversement par l'armée et avec le soutien populaire du président élu. Une violente répression s'engage et se poursuit. L'expérience des Frères Musulmans en Egypte a donc été un échec. Or ils représentaient le « projet islamiste arabo-musulman » de toute la région... En Tunisie, c'est le blocage institutionnel qui crée une situation chaotique de crise politique sur fond de montée du terrorisme ; l'assassinat de deux opposants politiques laïcs scelle la radicalisation des deux camps.

Nous sommes dans la troisième phase... mais les révolutions arabes ne font que commencer. Les économies se sont effondrées et les défis sont immenses.

« Les printemps arabes, qui avaient suscité de grands espoirs, soulèvent désormais de légitimes inquiétudes »

François Hollande
Présentation du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale
24 mai 2013

La confusion est grande. Cependant, si le djihadisme a probablement reculé, les islamistes n'ont pas pour autant disparu...

Et face à ces islamistes qui avaient pris le pouvoir par les urnes, comme en Égypte, c'est l'armée qui est intervenue pour rétablir l'ordre par la force, au prix d'un coup d'état qui ne dit pas son nom et de nombreux morts. L'armée aussi vient, peut-être, de perdre une chance. Elle devrait opérer un repli et revenir au dialogue démocratique. La demande est forte.

Le moment viendra de redéfinir l'élaboration de la « transition politique ».

Dans tous ces pays, le peuple courageux y aspire ! Cette expression populaire révèle une force nouvelle...

« L'apprentissage de la démocratie est un long processus ». Mais il semble avéré que les « dirigeants installés », issus des urnes ou de l'armée, seront désormais jugés sur leurs résultats économiques et sociaux.

Mais il est évident qu'un point de non-retour est atteint . Et les conséquences de la situation nouvelle pour ces états, ces régions mais aussi pour les relations avec la France et l'Union Européenne sont grandes. La stabilité et la croissance de ces pays de la rive sud de la Méditerranée, et notamment du Maghreb, constituent des enjeux majeurs.

L'analyse de la situation suppose la compréhension des problèmes.

Écoute et dialogue sont nécessaires avec toutes les composantes de la société afin de mieux percer jusqu'aux courants sous-jacents qui travaillent en profondeur et débouchent sur les « accidents de l'histoire » et ces éruptions soudaines qui bouleversent des État et dont l'onde de choc se poursuit.

Comment anticiper et limiter les effets de surprise ? (« surprises stratégiques », « surprises électorales »). Mais aussi les ruptures dans le processus démocratique de cette phase de transition.

Il faut se garder de conclusions hâtives. Les événements immédiats qui touchent les États arabes de la rive sud de la Méditerranée et notamment du Maghreb s'inscrivent sûrement dans un « temps long ».

Pour mieux les accompagner, il faudra savoir apprécier les situations de chaque État avec attention. Les processus chaotiques sont communs à toutes les révolutions. C'est dans la durée et non dans l'urgence que ces transitions peuvent aboutir. L'objectif souhaité est l'installation de régimes démocratiques et de sociétés plus stables et plus justes.

Ainsi que l'ont montré les situations précédentes, en Espagne, au Portugal et en Grèce dans les années 1980, ainsi qu'en Europe de l'Est, après la chute du mur de Berlin, dans les années 1990.

Des incertitudes fortes demeurent pour ces pays de la rive sud de la Méditerranée et tiennent essentiellement à trois facteurs :

• D'abord la place de l'Islam dans les systèmes sociaux-démocratiques futurs, mais aussi la rivalité entre les modèles qui s'ébauchent.

• L'inspiration réelle du modèle européen et des droits universels qu'il a su transmettre, mais aussi la relative faiblesse politique de l'Europe aujourd'hui.

• Les tensions culturelles, économiques et sociales entre identité et insertion dans la mondialisation.

Avec respect, pour les droits de chacun des États et des peuples, la vigilance s'impose. Il faut suivre les évolutions constitutionnelles et politiques et se préoccuper des questions sécuritaires concernant notamment les organisations islamistes radicales voire terroristes.

Mais dans cette région, maintenant, il est essentiel d'affirmer, parce que c'est un enjeu majeur, la place de la Méditerranée pour chacun des pays des deux rives. Cependant face à la diversité de cet espace, il existe « des Méditerranées », la notion de proximité va s'imposer naturellement.

Ainsi pour la France et pour l'Europe, la partie occidentale de la Méditerranée s'affirme déjà dans l'organisation des « 5+5 » : France, Portugal, Espagne, Italie, Malte pour la rive nord ; Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Lybie pour la rive sud. Ces dix Etats, composantes géographiques de cet ensemble régional, sont immédiatement concernés par la stabilité et le développement de la rive sud de la Méditerranée. Cette intégration doit se construire sur des projets forts et d'avenir. Au demeurant, dans ce même ensemble le « décloisonnement » et « l'intégration Sud-Sud » sont une condition nécessaire pour la réussite de l'intégration régionale . À l'évidence, l'unité du Maghreb est une condition première.

Considérons que l'avenir se joue au Sud ! « L'Europe regarde l'Asie... mais Paris est à 2 heures de l'Afrique » (Philippe Mabile).

L'Afrique sera, dit-on, le grand continent du XXI e siècle . Et à la proue de l'Afrique le Maghreb occupe une position stratégique qui pourrait faire de cet ensemble un « dragon » tant ses atouts sont forts.

Europe et Méditerranée, une grande région d'influence mondiale.

C'est là que se jouera l'ultime phase de la transition de ces révolutions arabes qualifiées prématurément de « printemps ».

Encore faut-il que l'Europe et la France acceptent de revisiter leur politique et qu'ils deviennent les acteurs de ces transformations.

À la suite de dix-huit auditions et de quatre déplacements en Algérie, en Tunisie et au Maroc ainsi qu'à Bruxelles auprès des instances de l'Union européenne, le groupe de travail est en mesure de faire part de ses observations et de présenter quelques pistes de réflexions en ce sens.

AVANT-PROPOS

« La géographie permet de comprendre la Méditerranée, son destin et son avenir ».

« Sur l'immense passé de la Méditerranée, le plus beau des témoignages est celui de la mer elle-même. Il faut le dire, le redire. Il faut la voir, la revoir. Bien sûr, elle n'explique pas tout, à elle seule, d'un passé compliqué, construit par les hommes avec plus ou moins de logique, de caprice ou d'aberrance. Mais elle resitue patiemment les expériences du passé... »

Fernand BRAUDEL
Les mémoires de la Méditerranée-1998

La Méditerranée est aussi « un espace d'écart qui a occasionné l'affirmation au cours de l'histoire d'une ligne de fracture entre sa rive nord et sa rive sud : l'interface » .

Bernard KAYSER
Géographe

La Méditerranée, pivot de la grande région Europe-Méditerranée-Afrique.

Jean-Louis GUIGOU
Délégué général de l'IPEMED

I. LA MÉDITERRANÉE

A. UN CARREFOUR ENTRE TROIS CONTINENTS

Carte n° 1 : La Méditerranée, vestige des mers du secondaire

Carte : Imago Mundi - http://www.cosmovisions.com/MerMediterranee.htm
Photo Gibraltar : Source Aquaportail http://www.aquaportail.com/definition-5612-detroit-de-gibraltar.html
Photo Suez : Source : NASA

Carte Détroit : Bazin, M. et Pérousse J.-F. (2004) Dardanelles et Bosphore : les détroits turcs aujourd'hui. Cahiers de géographie du Québec, vol. 48, no 135, p. 313. http://id.erudit.org/iderudit/011795a DOI : 10.7202/011795ar

B. LES PAYS MÉDITERRANÉENS ET LES PROBLÈMES DE L'EAU

Carte n° 2 : Les pays méditerranéens et le problème de l'eau

Ressources en eau naturelles renouvelables et ressources en eau exploitables par habitant.

Source : Plan Bleu 2007 - http://planbleu.org/fr/publications

Pour l'ensemble de la région méditerranéenne la demande en eau est actuellement de 300 km 3 par an soit 170 km 3 pour le sud et 130 km 3 pour le nord.

760 milliards de m 3 , c'est le volume nécessaire pour les besoins de 471 millions d'habitants de cette zone.

Le capital « ressources en eau » place les pays méditerranéens en situation structurelle de « pénurie d'eau »

Cette situation risque d'être aggravée par le fait qu'une partie des sources d'approvisionnement ne sont pas durables.

Les réductions dans le temps peuvent être liées à des causes naturelles, à des conditions d'exploitation, à une mauvaise protection et à la « pression » forte sur les ressources du fait de l'accroissement urbain .

Les pressions cumulées de l'expansion démographique et du développement économique (usages agricoles surtout) ont amené la demande en eau à doubler au cours de la deuxième moitié du 20 e siècle.

Au 21 e siècle, les demandes dépassent les ressources en Égypte et en Libye. Elles ont atteint les limites des ressources renouvelables en Tunisie, à Malte et en Syrie .

D'ici 2025 avec une augmentation de 25% (surtout au sud et à l'est de la Méditerranée), plus de la moitié des pays méditerranéens seront en « situation de pénurie ».

C. L'ESPACE MÉDITERRANÉEN : UN ESPACE DE BRASSAGE ET DE CONTACT DES POPULATIONS

L'histoire de la Méditerranée est, depuis l'Antiquité, une histoire commune. Elle est faite de relations complexes, de confrontations et d'échanges mêlant les influences de grandes civilisations de l'antiquité (Égyptienne, Phénicienne, Grecque et Romaine), des grands empires (Grec, Romain, Arabe puis Ottoman) et des grandes religions monothéistes (Juive, Chrétienne, Musulmane) aux relations quotidiennes d'échanges entre les habitants qui peuplent ses rivages. Elle est un creuset plus qu'une frontière.

1. Sous l'Antiquité

La Méditerranée est une voie de transports maritimes, d'échanges commerciaux et culturels intenses et continus entre les peuples ... Les Mésopotamiens, les Égyptiens, les Perses, les Phéniciens, les Carthaginois, les Berbères, les Grecs et les Romains (Mare Nostrum)... se sont croisés et combattus. Cette histoire est émaillée de guerres navales et de conquêtes.

a) Le monde grec au Ve siècle avant JC et les Phéniciens

Carte n° 3 : Les mondes grec et phénicien au V e siècle avant J-C

Source : Cyberhistoire http://www.cyberhistoiregeo.fr/spip.php?article515
Photo : Ludmila Pilecka http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ruins_of_Carthage7.jpg?uselang=fr http://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.fr

b) Le monde romain

Carte n° 4 : L'empire romain sous Trajan

Source photos : Gauche = Yelles, Droite = Luca Galuzzi - www.galuzzi.it

2. Au Moyen-Âge

L'Islam et le Monde musulman (6 e et 10 e siècles)

L'islam est une religion fondée par Mahomet (570-632), un marchand issu d'une tribu mecquoise. Il va créer une nouvelle religion (dérivée des monothéismes antérieurs), unifier la région et assurer une nouvelle prospérité à La Mecque.

Les préceptes coraniques sont à la fois des règles religieuses et des modes d'organisation de la société.

Le Jihad fixe les normes de la « guerre légale » et de la conquête.

L'empire islamique, de l'Inde à l'Atlantique, va dynamiser le bassin méditerranéen.

L'Islam va rayonner et générer ses arts et sa civilisation.

Mais à partir du 13 e siècle, les musulmans sont refoulés d'Espagne.

Carte n° 5 : L'expansion du monde musulman du VII e au X e siècle

Carte n° 6 : Les croisades : 11-12-13 e siècles : les principales routes

Source : http://soutien67.free.fr/histoire/pages/moyen_age/croisades.htm

Aux 10 e et 11 e siècles, l'Occident chrétien est rongé de guerres endémiques.

Un pape, Urbain II (1095) « invente » les croisades et délocalise les guerres vers l'Orient...

« Le voyage à Jérusalem » a pour but de libérer le tombeau du Christ au Saint Sépulcre.

« Les pèlerins en armes » entreront à Jérusalem en 1099 et avec eux les marchands, notamment italiens et vénitiens...

Mais au 13 e siècle (1291) les croisés perdent Saint Jean d'Acre, le dernier bastion et au 15 e siècle, en 1453, Byzance-Constantinople est prise par les Turcs Ottomans.

Les croisades auront été une grande aventure médiévale marquée par une prédominance française... mais la France en sortira exsangue. Les croisades auront eu une grande répercussion sur les économies et les sociétés en Europe et en Méditerranée. Les développements des échanges ont stimulé des corporations diverses : commerçants, grands armateurs, artisanat, ... Le petit peuple des villes et des campagnes y aura trouvé aussi son compte.

3. Les temps modernes

Au XIV e siècle, la puissance de Venise s'impose, nourrie de sa rivalité avec Gènes, autre grande cité maritime italienne.

Aux 15 e et 16 e siècles, la découverte et la conquête des Amériques déplacent le centre de gravité commercial vers l'Ouest et l'Atlantique...

La Méditerranée est restée le centre du monde occidental jusqu'au milieu du 17 e siècle.

4. Colonisation

On rappellera ici très brièvement l'histoire coloniale qui a marqué l'Afrique du Nord à partir du XIX e siècle. Les pays de la rive nord de la Méditerranée ont en effet, à la suite de guerres de colonisation ou de pressions débouchant sur la mise en place de protectorats, dominé le Maghreb dans son ensemble, qu'il s'agisse de la France en Algérie, en Tunisie et au Maroc, de l'Espagne dans le nord du Maroc et au Sahara occidental ou de l'Italie en Libye.

Carte n° 7 : La colonisation aux 19 e et 20 e siècles

Source : Alain Houot http://www.monatlas.fr

Ils ont marqué la conquête de l'Algérie

Carte n° 8 : La décolonisation au 20 e siècle

L'expansion coloniale touche l'ensemble du monde arabe.

Cette domination injuste et souvent brutale a été vécue comme une humiliation par une grande majorité des autochtones de ces pays qui n'ont retrouvé leur indépendance qu'après la seconde guerre mondiale parfois, comme l'Algérie aux termes d'un violent conflit armé. Le ressentiment à l'égard des puissances coloniales demeure. Le passé colonial a fondé pour certains l'unité nationale et a été longtemps source de distance voire de conflits avec les anciennes puissances coloniales.

Le processus des Indépendances arabes s'étale sur un demi-siècle

Cette tension est évidemment plus prégnante entre la France et l'Algérie compte tenu de la violence de la conquête, de la durée (1830-1962), du choix d'en faire une colonie de peuplement, de la volonté de l'arrimer plus fortement au territoire national et la guerre d'indépendance. Elle sera moindre pour les raisons inverses avec le Tunisie, protectorat de 1881 à 1956 et avec le Maroc, protectorat de 1912 à 1956 ou entre l'Italie (1912-1947 1 ( * ) ) puis la Grande-Bretagne et la France 2 ( * ) (1947-1951) et la Libye ou encore s'agissant des colonies espagnoles 3 ( * ) du Sahara (1884-1975).

Un travail de mémoire doit être mené en toute transparence et, de part et d'autre, avec sincérité. Il est aussi vain de l'occulter que de l'instrumentaliser en permanence. De ce point de vue, les mots prononcés par le Président de la République, François Hollande, en Algérie, le 20 décembre 2012, ont constitué un pas important dans l'apaisement des tensions récurrentes : « cette amitié, pour vivre, pour se développer, elle doit s'appuyer sur un socle, ce socle, c'est la vérité. (...) Alors, l'histoire, même quand elle est tragique, même quand elle est douloureuse pour nos deux pays, elle doit être dite 4 ( * ) .

La construction d'une identité nationale contre la puissance coloniale n'a pas pour autant été source de rupture. Ce phénomène d'attraction -répulsion crée cette relation si particulière entre les deux rives de la Méditerranée. Comme l'écrit le Professeur Henry Laurens 5 ( * ) : « pour les trois pays, alors même que l'indépendance était acquise, la France a joué le rôle de métropole économique et culturelle. Le récit spécifique qui se construit par rapport à l'Afrique du nord est celui d'une communauté de destin, peut-être temporaire, mais appartenant à l'histoire et sur lequel il est impossible de revenir même par des actes de repentance. Les anciennes colonies d'Afrique du nord constituent non des provinces perdues, comme l'avaient été l'Alsace et la Lorraine, mais des territoires émancipés qui conservent des relations familiales avec une métropole finalement toujours présente, mais de façon différente ».

D. LA MÉDITERRANÉE, UN CARREFOUR TOUJOURS INTENSE

Carte n° 9 : Les flux maritimes en Méditerranée

La Méditerranée est l'une des mers les plus fréquentées du globe.

Le trafic maritime est le deuxième du monde après la Manche.

II. LA MÉDITERRANÉE : INTERFACE RIVE-NORD/RIVE SUD

La Méditerranée est aussi « un espace d'écart qui a occasionné l'affirmation au cours de l'histoire d'une ligne de fracture entre sa rive nord et sa rive sud : l'interface ». Bernard Kayser-géographe.

A. LES PÔLES DÉCISIONNELS SONT AU NORD

Carte n° 10 : Commerce de marchandises et de services (exportations)

B. DES CONTRASTES DE DÉVELOPPEMENT ENTRE LES DEUX RIVES

Au Nord : des Pays développés et intégrés .

Au Sud : certains Pays émergents au développement avancé (pétrole) et d'autres en mal de développement et marginalisés.

L'industrialisation des 2 rives est inégale.

Les états du sud restent « périphériques ». Leur intégration est nécessaire et passe par un développement global qui doit être accompagné par l'Europe et notamment la France dans le cadre d'une « coopération partenariale » à établir.

Carte n° 11 : Les contrastes de développement

C. LES GRANDS PORTS ET LES GRANDES MÉTROPOLES

Carte n° 12 : Les grandes métropoles et les grands ports

http://www.iau-idf.fr/detail/etude/la-mediterranee-a-laube-dune-metamorphose.html

Tableau n° 13 : Population 2009-2013 (Source Wikipédia)

Ville

Population Agglomération

Ville

population Agglomération

Le Caire

15 452 000

Casablanca

2 949 000

Istanbul

13 854 000

Tunis

2 412 000

Paris

10 413 000

Rabat

1 787 000

Milan

7 123 000

Tripoli

1 682 000

Madrid

7 100 000

Marseille

1 600 000

Alger

6 727 000

Tanger

669 000

Barcelone

5 327 000

Malte

418 000

Alexandrie

4 546 000

Rome

4 103 000

Athènes

3 413 000

Les grands ports et les métropoles internationales sont sur la rive nord, la taille des ports reste modeste (Rotterdam reçoit un tonnage portuaire près de cinq fois plus important que Marseille et un volume de container 2,5 fois supérieur à celui de Valence) 6 ( * ) et le trafic est émietté.

III. LA MÉDITERRANÉE : LES HOMMES ET LES MOUVEMENTS DE POPULATION

A. LES ÉTATS MÉDITERRANÉENS ET LA POPULATION

Carte n° 14 : Les états méditerranéens et la population XXI e siècle-2013

B. LE DYNAMISME DÉMOGRAPHIQUE

Carte n° 15 : Un dynamisme démographique inégal

La cloche démographique atteindra son point haut vers 2025-2030. A ce moment-là, l'Europe vieillira et sera en déficit de 20 à 30 millions d'actifs. Tandis qu'au sud le taux de population de moins de 15 ans oscillera entre 30 et 40% contre 15 et 20% pour l'Union Européenne.

C. LES FLUX MIGRATOIRES

Carte n° 16 : les flux migratoires

Vers l'Union Européenne : Plus de 5 millions de citoyens des pays du sud et de l'est de la Méditerranée

Destination : Les ¾ en Allemagne et en France

Provenance :

• Algérie : environ 600.000

• Maroc : environ 1,9 million

• Tunisie : environ 350.000

• Turquie : 2,4 millions

PREMIÈRE PARTIE : EUROPE, MÉDITERRANÉE, AFRIQUE : LE MAGHREB TRAIT D'UNION

Comme l'exprimait récemment Eric Orsenna, « on ne peut pas faire comme si les réalités géographiques n'existaient pas (...) on ne pourra jamais faire comme s'il n'existait pas, entre l'Algérie, le Maroc et la Tunisie d'une part, le continent européen d'autre part, une proximité absolue. La vraie géographie est là, dans cette région à l'ouest de la Méditerranée, où le lac qui sépare le Maghreb de l'Espagne, l'Italie et la France n'est en fait guère plus large que le Rhin entre la France et l'Allemagne. À cet endroit, la Méditerranée est un espace commun, avec des solidarités de fait et une coopération nécessaire (...) 7 ( * ) . »

Géographiquement, on distingue le « Maghreb central » (Algérie, Maroc, Tunisie) du « Grand Maghreb » qui englobe une partie de la Libye (Tripolitaine) à l'est et la Mauritanie 8 ( * ) au sud-ouest. Les capitales politiques ou économiques du Maghreb sont situées à moins de 3 000 km des grandes capitales européennes, parfois à moins de 1 000 km (Rome- Tunis 600 km, Rome-Alger 993 km, Madrid-Alger 714 km, Madrid-Rabat 764 km). Hormis Tripoli qui n'est desservi par vol direct que depuis Rome et Francfort, toutes les capitales sont atteignables en 3 heures au plus par voie aérienne. Par la route, les distances sont naturellement plus longues et incluent un passage maritime depuis Algesiras, Alicante, Gênes ou le sud de l'Italie pour les itinéraires les plus rapides.

Les quatre pays travaillent sous le même fuseau horaire qui est celui de l'Europe (sauf période du passage à l'heure d'été, où l'on observe un décalage d'une heure).

Cette absolue proximité a engendré plus qu'une histoire commune, une population imbriquée, une interdépendance économique et des liens culturels forts.

I. DES LIENS HISTORIQUES ET CULTURELS PROFONDS

A. LE VÉHICULE DES LANGUES

1. La place privilégiée du Français au Maghreb

Hérité de l'histoire, l'apprentissage de la langue française reste très développé dans les pays du Maghreb. Le français est longtemps resté la langue administrative et une langue d'enseignement de certaines disciplines. Avec le développement de l'enseignement et de l'emploi de l'arabe, et la reconnaissance des langues amazigh en Algérie et au Maroc (40% de locuteurs), le français a perdu progressivement cet usage, mais il reste la première langue étrangère enseignée et parlée. À Rabat, Alger et Tunis, plusieurs titres de la presse nationale sont édités en français.

Selon l'OIF, les pays du Maghreb sont parmi les dix pays où l'on trouve le plus de francophones bien que le français ne soit langue officielle ni en Algérie, ni en Tunisie, ni au Maroc. Les textes constitutionnels indiquent que l'enseignement se fait en langue arabe.

Tableau n° 17 : Nombre de francophones par pays

Zone/pays

Population en 2010 (en milliers)

Francophones sachant lire et

écrire (en milliers)

En pourcentage de la population totale

Maroc

32 381

10 366

32%

Mauritanie

3 366

429

13%

Tunisie

10 374

6 639

64%

Algérie

34 400

11 200

33%

Le français jouit, de fait, du statut de véritable seconde langue . Il est un outil de promotion sociale, d'ouverture sur la modernité et imprègne l'environnement culturel et le système éducatif, largement arabisés par ailleurs.

Le français continue d'être enseigné de façon précoce . Si ces pays ont connu une arabisation des usages, notamment dans l'administration et dans l'enseignement et pour l'Algérie et le Maroc (dont 40% de la population est berbérophone) et une reconnaissance progressive de langues amazighes, le français continue d'être enseigné obligatoirement en règle générale dès le cycle primaire en Tunisie. Bien souvent dans les trois pays du Maghreb, les matières techniques et scientifiques, accompagnée de leur terminologie, sont enseignées en français.

Au sein des universités, au Maroc et en Algérie, il existe des filières francophones où les enseignements se déroulent totalement en français. Au Maroc, on compte plus de 600 filières francophones, concernant plus de 8 000 étudiants. En Tunisie, il existe des universités qui prodiguent un enseignement entièrement en français.

Par rapport au passé, le français a beaucoup régressé en termes de compétences linguistiques, mais s'est beaucoup répandu par le biais de la scolarisation dans les années 80. La jeunesse actuelle maîtrise moins bien le français que les générations précédentes, mais le nombre des locuteurs est en progression constante.

Dans ce contexte, l'usage du français semble régresser malgré le nombre accru de diplômés du système d'enseignement, ce qui conduit au fait qu'une bonne pratique du français demeure un marqueur social important. Elle reste largement pratiquée dans les milieux d'affaires, l'univers médical et le monde culturel et notamment les nouvelles technologies de l'information et de la communication 9 ( * ) .

De nombreux ouvrages publiés étaient francophones et la presse écrite francophone est très active.

L'ancrage francophone est conforté sûrement par l'émigration . Beaucoup de familles du Maghreb ont des parents en France, et souvent, même, des parents de nationalité française. Par ailleurs, la France est restée le principal partenaire économique des pays du Maghreb, à la fois client et fournisseur, ce qui explique que l'anglais n'est pas vraiment concurrentiel. Il y a aussi, au Maghreb, une vraie créativité culturelle en français, notamment pour ce qui est de la littérature. L'impact du tourisme, enfin, est très important.

La promotion de la langue française est un enjeu important. L'enseignement du et en français est donc au coeur de l'action culturelle de la France : aide à l'amélioration de la formation initiale et continue des enseignants de français tant dans le secondaire que dans le supérieur ; appui aux doctorants de français ; soutien à la mise en place de centres d'enseignement intensif des langues dans les universités.

En Algérie, notre coopération s'appuie sur un réseau culturel français redéployé depuis 2000 (cinq centres culturels à Alger, Annaba, Oran, Constantine et Tlemcen). La réouverture du centre culturel de Tizi Ouzou est à l'étude. 11 065 étudiants ou salariés sont inscrits aux cours de langue dans les instituts français. (45 571 en 2008). Le lycée-collège international Alexandre Dumas à Alger, rouvert en 2002, scolarise plus de 1 000 élèves, une autre école primaire à Alger en scolarisant 500. Des projets d'ouverture d'écoles françaises à Oran et Annaba sont à l'étude.

En Tunisie , elle est reconnue comme « langue étrangère à statut privilégié ». Elle est à ce titre enseignée durant tout le parcours scolaire. Le réseau des 9 établissements scolaires de l'AEFE accueille 3 200 enfants tunisiens sur un total de 7 200.

Au Maroc , le réseau culturel est particulièrement développé. L'Institut Français du Maroc compte, outre le siège à Rabat, 10 antennes (Agadir, Casablanca, El Jadida, Fès, Kenitra, Marrakech, Meknès, Oujda, Tanger et Tétouan), deux Alliances françaises (Essaouira et Safi) et un espace Campus France (rattaché à l'IF à Rabat).Le réseau scolaire compte plus de 30 000 élèves répartis en trois réseaux : AEFE (son plus grand réseau dans le monde) avec 23 établissements, 18 650 élèves dont 47% de Marocains, l'Office scolaire et universitaire (OSUI) : 9 établissements, 7 200 élèves (dont 90% de Marocains) et 7 établissements homologués (4 970 élèves dont 94% de Marocains).

Le Maroc et la Tunisie sont membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), à la différence de l'Algérie. M. Bouteflika était l'invité d'honneur au IXe sommet de la francophonie en 2002 à Beyrouth et bien que l'Algérie soit l'un des pays où le français est le plus répandu, des raisons de politique intérieure ne lui permettent pas d'y adhérer.

2. Pratique et apprentissage de la langue arabe en France

Estimé à trois ou quatre millions de locuteurs, l'arabe est la deuxième langue la plus parlée sur le territoire français compte tenu de la place de l'immigration maghrébine. Mais si cette langue a été reconnue « langue de France » en 1999, après la signature de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (non ratifiée à ce jour), son enseignement n'est pas suffisamment promu.

Selon une étude de Bruno Levallois, inspecteur général de l'éducation nationale 10 ( * ) , depuis 2002, le nombre d'élèves apprenant l'arabe dans l'enseignement secondaire se serait stabilisé autour de 8 700 (second degré et post-bac, public et privé, y compris Cned et DOM-TOM), mais sa place est menacée en raison des difficultés de gestion qui jouent en défaveur des disciplines optionnelles, de la concurrence des langes de l'Union européenne et de la crainte infondée de rendre plus difficile l'intégration des jeunes migrants. Le nombre d'établissement proposant cet enseignement est en diminution (239 en 2009 contre 259 en 2005-2006) comme le nombre d'enseignants (203 contre 236). Les élèves qui choisissent l'arabe en LV3 sont les plus nombreux. 700 l'étudient dans les classes préparatoires aux grandes écoles.

S'agissant de l'enseignement supérieur, le nombre d'inscrits aux diplômes nationaux d'arabe (LMD) est d'environ 5 000, l'effectif se maintenant globalement dans un contexte général de tassement constaté dans l'ensemble des filières universitaires. Il faut y ajouter 1 500 à 2 000 étudiants inscrits à des diplômes universitaires d'arabe (notamment les diplômes d'initiation). Dans l'enseignement supérieur, la proportion d'étudiants inscrits en LLCE et en LEA arabe pouvait ainsi être évaluée en 2004 à 3,5%, ce qui plaçait l'arabe en 5 e position, juste après l'italien (6%).

Pour Luc Deheuwels (Inalco) « Ces chiffres et pourcentages restent modestes. Ils font cependant de la France le seul pays du monde occidental à enseigner l'arabe et sa civilisation, de l'école primaire à l'université , avec une offre large, poussée, très attractive au niveau européen et international » 11 ( * ) .

B. L'ACCUEIL DES ETUDIANTS EN FRANCE

Selon l'Unesco, en 2010, la France est le 4 e pays d'accueil des étudiants internationaux (5 e selon l'OCDE).

En 15 ans, le nombre d'étudiants étrangers inscrits dans l'enseignement supérieur français est passé de 151 969 à 288 544, soit une progression de près de 90%. Au cours de cette période, la part des étrangers dans la population étudiante est passée de 7,1% à 12,2%.

Le Maghreb représente 24,1% des étudiants étrangers en France en 2012.

Les trois premiers pays d'origine, Maroc, Chine et Algérie, continuent de progresser par rapport à l'an dernier, respectivement de 1,4%, 2% et 4%.

Tableau n° 18 : Répartition des étudiants internationaux dans
l'enseignement supérieur français par nationalité en 2011-2012

Zones géographique

Nombre d'étudiants internationaux

Evolution 2011/2012

Part dans le total des étudiants internationaux en 2011/2012

Maghreb

69 573

1,1%

24,1%

Maroc

32 482

1,4%

11,3%

Algérie

23 735

4,0%

8,2%

Tunisie

12 976

4,9%

4,5%

Total

288 544

3,4%

100%

Sources : DEPP et MESR-DGESIP-DGRI-SIES

Le contexte est marqué par deux tendances particulières.

• Les révolutions de 2011 en Tunisie ou en Libye ont affecté les inscriptions des étudiants en France en 2011 mais aussi en 2012, tout particulièrement pour la Libye où de nombreux établissements d'enseignement supérieur n'ont pu rouvrir leurs portes. Pour la Tunisie, après une croissance de 20% entre 2008 et 2009, on observe un tassement du nombre d'étudiants tunisiens
(-4,9% en 2011-2012 par rapport à l'année précédente)

• L'apparition de pôles régionaux. L'Afrique du Sud, mais aussi le Maroc qui se positionne de plus en plus comme un pays d'accueil pour les étudiants originaires d'Afrique sub-saharienne . Il est à présent considéré comme un « hub » vers une poursuite d'études en France ou en Europe, grâce au développement du réseau des établissements privés et aux accords de coopération universitaire toujours plus nombreux avec la France.

¼ des boursiers du gouvernement français (3 420 en 2012) sont originaires du Maghreb : Algérie : 1 535, Maroc : 978, Tunisie : 907.

C. L'IMPACT DE L'AUDIOVISUEL FRANÇAIS

La présence de chaînes de télévision française au Maghreb est historiquement ancienne. France 2 bénéficiait même jusqu'en 1999 d'une diffusion hertzienne terrestre en Tunisie.

L'ère de la réception satellitaire et l'explosion de l'offre induite a bouleversé le paysage audiovisuel maghrébin.

S'agissant des télévisions internationales généralistes, hormis les télévisions de langue arabe, notamment celle du groupe saoudien MBC qui domine le marché, seule demeure une offre francophone, mais relativement modeste, avec TV5 Monde, suivie des chaînes généralistes françaises (qui sont désormais semble-t-il pénalisées par la diffusion en HD, alors que le marché est encore peu équipé).

S'agissant des chaînes internationales d'information, France 24, notamment grâce à sa diffusion en arabe, s'est installée et dispose d'une forte notoriété et audience en Tunisie et se pose en concurrent d'Al-Jazeera et l'Al-Arabiya en Algérie et au Maroc. Les autres chaînes d'information internationale (Euronews, Al-Hurra, BBC Arabic, Deutsche Welle, CNN, Rusiya Al-Yaum) ont une notoriété et une audience beaucoup plus modestes. Globalement les chaines européennes sont plutôt bien représentées.

On notera cependant, ce qui est normal, que l'audience est conditionnée s'agissant de chaînes d'information par le traitement de l'actualité locale, et donc la présence du Maghreb ou de tel ou tel État à l'agenda de l'actualité a une influence importante sur l'audience. De ce point de vue, les chaînes d'information internationales constituent une offre alternative et participent à la diversité bienfaisante pour la liberté d'expression du paysage audiovisuel.

On notera également que l'audience et la notoriété des chaines d'information, et singulièrement des chaînes francophones, sont plus élevées chez les cadres et dirigeants.

Le déploiement de la TNT (télévision numérique terrestre) dans certains pays comme la Tunisie pourrait offrir de nouvelles opportunités aux chaînes francophones.

S'agissant des radios internationales, le paysage est dominé par Radio Sawa (américaine) qui est diffusée au Maroc dans les principales grandes villes. Elle est la seule radio internationale à disposer de fréquences hertziennes. RFI et Monte Carlo Doualiya ont maintenu une certaine notoriété au Maroc et en Tunisie mais leur audience est confidentielle. BBC Arabic qui constitue l'offre européenne alternative les devance.

Enfin, on soulignera la forte progression des nouveaux médias (web, mobile, tablette), notamment en zone urbaine. Mais celle-ci reste conditionnée par la performance des réseaux.

La diffusion satellitaire permet l'accès des chaînes en langue arabe en Europe. Leur audience est relativement faible mais beaucoup plus importante dans les communautés d'origine.

II. L'ASYMÉTRIE DES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES

Les échanges de produits et les investissements étrangers constituent également des indices de la polarisation de la relation entre l'Europe et le Maghreb.

L'interdépendance économique sera analysée ici à travers quatre critères :

• la fourniture de matières premières des pays du Maghreb à l'Europe ;

• les échanges commerciaux ;

• les investissements directs étrangers.

A. LE MAGHREB FOURNISSEUR DE MATIÈRES PREMIÈRES

Certains pays du Maghreb (Algérie, Libye) sont producteurs et exportateurs d'hydrocarbure et de gaz. Le Maroc et, dans une moindre mesure, la Tunisie sont de gros producteurs de phosphates, composant important des engrais pour l'agriculture.

1. Pétrole

La production de pétrole des pays du Maghreb représente 4% de la production mondiale et des réserves connues.

Tableau n° 19 : Production et réserves de pétrole brut dans le monde

en millions de tonnes

Production

en 2009 (r)

Production

en 2010

Production

en 2011

Réserves prouvées

au 1 er janvier 2012

(en %)

(en %)

(en %)

(en %)

Algérie

77,9

2,1

75,5

2,0

74,3

1,9

1 664

0,8

Libye

77,1

2,0

77,4

2,0

22,4

0,6

6 426

3,1

Total monde

3 773,2

100,0

3 866,7

100,0

3 913,2

100,0

207 807

100,0

r : données révisées.

Source : Comité professionnel du pétrole ; Oil and Gas Journal

L'Algérie et la Libye sont respectivement classées aux 12 e et 18 e rangs des pays producteurs, 14 e et 15 e rangs des pays exportateurs et aux 16 e et 9 e rangs des pays disposant de réserves de pétrole 12 ( * ) .

L'Europe a importé 11,68% de sa consommation de pétrole des pays du Maghreb.

Carte n° 20 :

Source : http://www.xaviermartin.fr/index.php?post/2011/06/09/Le-BP-statistical-Yearbook-of-World-Energy-2011-est-paru-!

Tableau n° 21 : Importation de pétrole des pays du Maghreb par les pays de l'Union européenne en 2011

Quantité en millions
de barils

Valeur en millions de
dollars américains

% des importations

Algérie

107,3

12,1

2,77

Libye

118

11,8

2,84

Tunisie

8,8

0,9

0,23

Source : Commission européenne - Direction générale pour l'énergie 2012

La France importe bon an mal an entre 9 et 17% de son pétrole brut des pays du Maghreb.

Tableau n° 22 : Provenance du pétrole brut importé par la France en 2011

en %

Provenances

2007

2008

2009

2010 (r)

2011

Libye

6,4

8,4

8,9

15,9

4,9

Algérie

2,6

4,5

2,8

1,4

6,3

Importations totales (en millions de tonnes) (1)

81,2

83,6

71,7

64,1

64,4

Champ : y compris condensats et autres produits à distiller.

Source : SOeS

Carte n° 23 :

Source : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/cartes/ressources-petrole-hydrocarbures/c001184-les-energies-fossiles-en-europe-en-2010-stocks-flux-et-projets

2. Gaz

Le Maghreb représente 3,2% de la production mondiale de gaz naturel.

L'Algérie et la Libye sont respectivement classées aux 11 e (84,6 milliards de m3) et 36 e (16,8 mds m 3 ) rangs des pays producteurs, 7 e (55,8 mds m 3 ) et 22 e (10 mds m3) rangs des pays exportateurs et au 11 e (4 500 mds m 3 ) et 23 e (1 495 mds m 3 ) rangs des pays disposant de réserves de gaz naturel 13 ( * ) , ce qui équivaut à 1% du total des réserves mondiales. La Libye reste cependant largement inexplorée.

Selon M. Francis Ghilès 14 ( * ) , la quantité totale de gaz commercialisée a doublé au cours des vingt dernières années et devrait atteindre 360 milliards de mètres cubes en 2030, les trois pays, l'Algérie, la Libye et l'Égypte, représentant 87% du total.

La demande a doublé au cours des dix dernières années et pourrait être multipliée par deux et même dépasser 500 milliards de mètres cubes en 2030. Les pays de la rive Nord représentent 60% de la demande régionale, un pourcentage qui baissera à 45% d'ici à vingt ans.

L'Union européenne importe aujourd'hui 62% du gaz qu'elle consomme, une proportion qui devrait passer à 84% en 2030.

Ses quatre principaux fournisseurs extérieurs sont la Russie (25%), la Norvège, l'Algérie (12 à 15%) et le Qatar. L'Algérie pourrait bien occuper le second rang en 2030.

Carte n° 24 : Consommation et importation de gaz

Source : avec l'aimable autorisation de Cécile Martin et du Monde diplomatique - http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/europeenergetique

Dans l'Union européenne, seuls les Pays-Bas sont exportateurs nets de gaz. Mais la majorité des grands pays européens consommateurs de gaz comme l'Allemagne, l'Italie, la France ou l'Espagne montrent une très forte dépendance aux importations. Un autre grand pays producteur comme le Royaume-Uni est devenu importateur net de gaz en 2004 et doit depuis augmenter considérablement ses importations pour pallier au déclin de sa production domestique.

Les infrastructures d'exportation et d'importation, qu'il s'agisse de gazoducs 15 ( * ) , de terminaux ou d'usine de gaz naturel liquéfié (GNL) devraient augmenter rapidement.

Carte n° 25 : Les principaux gazoducs en Europe

La France importe plus de 12% de son gaz naturel d'Algérie.

L'approvisionnement en provenance du Maghreb reste très faible.

Tableau n° 26 : Production et importations de gaz naturel en 2011

2000

2010

2011

(1)

%

(1)

%

(2)

%

Importations

462,3

100,0

510,7

100,0

494 ,6

100,0

Algérie

112,9

24,4

71,0

13,9

62,8

12,7

(1) en milliards de kWh pouvoir calorifique supérieur.

(2) en TWh PCS

Champ : France métropolitaine.

Source : SOeS

3. Phosphates

Le Maroc est l'un des principaux producteurs mondiaux de phosphates et détient près de ¾ des réserves connues. La Tunisie est également un producteur important et la transformation des phosphates reste une de ses principales industries lourdes. Échangée aujourd'hui autour de 150 euros, la tonne de phosphates a certes baissé de moitié par rapport à la flambée de 2008, mais les cours restent encore dix fois plus importants qu'il y a cinq ans. Tiré par la hausse des besoins alimentaires liée à la croissance démographique mondiale, le marché devrait progresser de 2% à 3% par an en moyenne durant les prochaines décennies, selon les experts de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Ces productions sont exportées dans le monde entier et notamment en Europe pour la fertilisation des sols.

Tableau n° 27 : Production de phosphates dans les pays du Maghreb en 2011

Production

en millions de tonnes

% de la production mondiale

Réserves

en millions de tonnes

Maroc

28

14,4

50 000

Tunisie

5

2,53

100

Algérie

1,5

0,76

2 200

Source : U.S. Geological Survey, Mineral Commodity Summaries, January 2013

Carte n° 28 : Situation géographique des principaux bassins phosphatés (Maroc et Sahara occidental)

4. Les industries minières en Mauritanie

Les ressources minières jouent un rôle important dans l'économie mauritanienne. La contribution des activités minières au PIB est passée de 12,2% à 26,4% de 2006 à 2012.

Les industries minières occupent une place de premier plan dans les exportations et les importations. Les produits miniers ont représenté 66% des exportations en 2012, contre 34% en 2006. L'évolution est liée tout à la fois à l'augmentation de la production (or et cuivre) qu'à celle des prix. Globalement, les importations liées à des projets miniers ont représenté environ la moitié du total des importations en 2012. La Chine est son principal client pour le fer et le cuivre, la Suisse pour l'or.

Les importations de Tasiast, le producteur d'or, ont constitué environ 25% du total des importations en 2011-12. La hausse des importations, financée pour la plupart par l'IDE, s'explique par le développement d'une nouvelle mine d'or, qui devrait être pleinement opérationnelle en 2017.

Le budget de l'État bénéficie de plus en plus des ressources minières. La proportion des recettes minières est passée de 13,4% du total des recettes (hors dons) en 2006 à 29% en 2012. Les recettes minières autres que fiscales (en particulier les dividendes de la SNIM) ont joué un rôle, mais les réformes structurelles de la fiscalité des industries extractives ont aussi contribué à accroître les recettes.

B. DES ÉCHANGES COMMERCIAUX IMPORTANTS

Le marché des pays du sud et de l'est de la Méditerranée (hors Turquie) représente au total 6% des échanges de l'Union européenne en 2011, soit plus qu'avec l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) 16 ( * ) (5%) et le double du Marché commun du Sud (Mercosur) 17 ( * ) (3%). L'UE a ainsi exporté pour 104 milliards d'euros vers ces pays en 2011, soit une augmentation de 45% en 10 ans (2000-2010), deux fois plus vite que vers l'ASEAN et trois fois plus vite que vers le Mercosur. Cette présence génère un excédent commercial (+13,5 M€ en 2011, +20 milliards en 2010 et 2009), malgré les fortes importations en hydrocarbures en provenance de ces pays.

L'Union européenne, et singulièrement la France, disposent de positions commerciales particulièrement fortes dans les pays du Maghreb. La part de l'Union européenne atteint ou dépasse 50%, celle de la France dépasse les 15%.

Tableau n° 29 : positions commerciales de l'UE et de la France au Maghreb

PIB 2011(Md$)

Population

PIB/Habitant ($)

EXP UE

2011

millions €

Part de marché UE 2011 (%)

EXP FRA 2010 millions €

Part de marché FRA 2010 (%)

Algérie

198

36

5 500

24 440

52,10%

6 100

15,1%

Libye

36

6,4

5 500

na

na

1 500

6,8%

Maroc

99

32

3 100

21 800

49,20%

5 420

15,4%

Tunisie

46

10,6

4 300

13 800

57,50%

4 940

20,9%

Sources : FMI, OMC, CHELEM, DEVCO, calculs DG Trésor

Les relations commerciales entre l'Union européenne et les pays du Maghreb laissent apparaître un déficit pour les pays européens en raison principalement des achats d'hydrocarbures et de gaz. En poids relatif, elles restent relativement faibles en raison de la différence de taille et de développement et de la prédominance du commerce intra-communautaire (64,7% des exportations, et 62,4% des importations) sont de l'ordre de 1% pour les exportations et de 1,5% pour les importations 18 ( * ) .

Ces positions commerciales fortes reculent cependant dans un contexte de concurrence accru : en 10 ans, les parts de marché chinoises ont été multipliées par 5 en Algérie et en Tunisie, par 4 au Maroc.

Alors que les parts de marché de la France étaient en 1993 de 27,1% en Tunisie, 25,5% en Algérie et 23% au Maroc, elles ont reculé, en 2011 (derniers chiffres disponibles dans les 3 pays), respectivement à 18,3%, 15,1% et 13%. Malgré ce repli, la France est restée le premier fournisseur de l'Algérie et de la Tunisie et le second du Maroc, derrière l'Espagne. On observera également que cette baisse des parts de marché se déroule dans un contexte de développement des échanges internationaux et que les exportations croissent en volume, y compris vers les pays du Maghreb et que ce repli est depuis 2003 de même proportion que celui des parts de marché françaises dans le commerce mondial.

1. L'Algérie

L'Union européenne représente environ 50% des échanges commerciaux de l'Algérie.

Tableau n° 30 : Classement des 10 premiers fournisseurs et clients de l'Algérie en 2012

Fournisseurs- Importations

Clients- Exportations

Pays

(en M USD)

en %

Pays

(en M USD)

en %

France

6 005

12,83%

États-Unis

11 943

16,14%

Chine

5 879

12,56%

Italie

11 670

15,77%

Italie

4 349

9,29%

Espagne

7 570

10,23%

Espagne

4 091

8,74%

France

6 601

8,92%

Allemagne

2 574

5,50%

Canada

5 482

7,41%

Argentine

1 803

3,85%

Pays Bas

5 291

7,15%

Turquie

1 784

3,81%

Royaume-Uni

3 937

5,32%

Etats-Unis

1 637

3,50%

Turquie

3 041

4,11%

Brésil

1 344

2,87%

Brésil

2 822

3,81%

Corée du Sud

1 256

2,68%

Chine

2 696

3,64%

Total 10 premiers

30 722

65,63%

Total 10 premiers

61 053

82,48%

Source : douanes algériennes

Les échanges entre France et Algérie ont été multipliés par quatre en quinze ans, dépassant les 12 mds € en 2012. L'Algérie est le premier partenaire commercial de la France en Afrique, et le troisième débouché pour les exportations françaises hors OCDE, après la Chine et la Russie. La moitié de nos exportations sont réalisées par des PME.

Avec une part de marché de 12,8% et des exportations d'un montant de 6 Mds € en 2012, la France demeure le premier fournisseur de l'Algérie 19 ( * ) . Elle y exporte principalement des véhicules automobiles (17% du total), des céréales (13%), des produits pharmaceutiques (11%) et du raffinage du pétrole (11%).

En retour, ses importations en provenance d'Algérie (3,9 Mds € en 2012) se composent à 97% d'hydrocarbures . En absorbant 9% des importations algériennes (selon les douanes algériennes), la France demeure le 4 e client de l'Algérie.

L'Algérie est en 2012 le 14 e client de la France, son premier client dans le monde arabe, et son troisième client hors OCDE après la Chine et la Russie.

2. La Tunisie

La majeure partie du commerce international de la Tunisie est effectuée avec l'Europe (plus de 70% des ventes et plus de 50% des achats).

Selon l'Institut national tunisien de la Statistique, la France reste le 1 er fournisseur de la Tunisie (16,5%), suivie par l'Italie (14,2%), l'Allemagne et la Chine au même niveau (6,9%). L'Espagne n'est que le 5 e fournisseur, les Etats-Unis et la Turquie, à égalité, sont loin derrière avec des flux qui dépassent à peine le ¼ des flux français ; la Libye ne représente qu'1,3% des achats tunisiens (hors flux de commerce parallèle, en très forte hausse).

La France 20 ( * ) reste également son premier client devant l'Italie et l'Allemagne.

Tableau n° 31 : Principaux clients et fournisseurs de la Tunisie (en parts de marché)

Fournisseurs

Importations

Clients

Exportations

France

16%

France

27%

Italie

14%

Italie

19%

Allemagne

7%

Allemagne

8%

Chine

7%

Libye

5%

Espagne

7%

Espagne

4%

Algérie

4%

Suisse

4%

Russie

4%

Algérie

3%

Etats-Unis

3%

Royaume-Uni

3%

Turquie

3%

Pays-Bas

3%

Source : mission économique Tunis

3. Le Maroc

En 2011, l'Europe a fourni plus de la, moitié des importations. Les deux principaux fournisseurs étaient l'Espagne (12,9%) et la France (12,5%), l'Italie (5,2%) arrive au 7 e rang.

Graphique n° 32 : Principaux clients et fournisseurs du Maroc en parts de marché

Source : Office des Changes marocain

L'Europe a absorbé près de 60% des exportations marocaines. Les deux principaux clients étaient la France (22,6%) et l'Espagne (16,9%), l'Italie (3,4%) arrive au 6 e rang.

En 2012, les exportations françaises ont baissé (4,3 Mds d'euros au lieu de 4,6 Mds d'euros en 2011) 21 ( * ) , leurs parts de marché s'établissant à 12,5%, dépassées par l'Espagne 22 ( * ) dont les parts de marché augmentent depuis les années 2000. Les importations en provenance du Maroc ont augmenté à 3,7 Mds d'euros 23 ( * ) .

4. Libye

Le panier des exportations de la Libye n'est pas du tout diversifié puisqu'il s'agit à 95% d'exportations liées à l'industrie pétrolière .

L'Union européenne représente plus de 80% des exportations, et près de 30% des importations.

La France est le deuxième partenaire commercial de la Libye derrière l'Italie.

Tableau n° 33 : Principaux clients et fournisseurs de la Libye (en parts de marché)

Clients

Exportations

Fournisseurs

Importations

Italie

42,3%

Turquie

10,6%

France

15,5%

Chine

9,8%

Chine

9,4%

Italie

9,4%

Espagne

9,2%

Corée du sud

9,2%

Grèce

4,5%

Allemagne

6,8%

Pays-Bas

3,4%

Etats-Unis

5,3%

Allemagne

2,6%

France

5,0%

Etats-Unis

2,5%

Japon

4,0%

Portugal

1,6%

Egypte

3,5%

Inde

1,4%

Royaume Uni

3,2%

17.674 M. USD

48.673 M.USD

Source : UNComtrade

En 2011, en raison de la situation sécuritaire, les exportations françaises vers la Libye se sont effondrées passant de près d'1 milliard d'euros en 2010 à 225 millions d'euros (-77 %) et les importations tombant de 4,8 milliards d'euros à 2 milliards d'euros (-58%). En 2012, les exportations ont repris (prévision : +90% par rapport à 2011), mais resteront toutefois inférieures de moitié à celles de 2010 (prévision : 410 millions d'euros). La France a importé en 2012 4 milliards d'euros de pétrole libyen.

5. Mauritanie

Les exportations de la Mauritanie (2 769 millions de dollars) sont dominées par le secteur minier (75% du total) et les produits de la pêche. Selon les statistiques de l'OMC 24 ( * ) , ses principaux clients auront été en 2011, l'Union européenne et la Chine.

Les importations (2 464 millions de dollars) sont majoritairement composées d'équipements pour les industries extractives minières et pétrolières, de biens d'équipements, de véhicules et de produits alimentaires. Ses principaux fournisseurs en 2011 sont l'Union européenne (43,9%), les Emirats arabes unis (25,9%) et la Chine (5,1%). Avec une part de marché de l'ordre de 12%, la France aurait été le principal fournisseur de la Mauritanie en 2012 (230,5 millions d'euros, +20% par rapport à 2011). Les importations s'élève à près de 100 millions d'euros.

La Mauritanie a peu de contacts commerciaux significatifs avec les autres pays africains, à l'exception du Maroc, de la Côte d'Ivoire et du Sénégal.

6. Mais la mondialisation change la donne

La polarisation des échanges entre le nord et le sud s'est réduite avec l'inclusion des pays de la rive nord dans un espace économique européen de taille croissante qui privilégie les relations intra-communautaires. Néanmoins, cet espace s'est ouvert soit dans le cadre de règles internationales, soit dans le cadre d'accords particuliers conclus par l'Union européenne avec les pays de son voisinage.

De leur côté, les économies et les sociétés de la rive sud se sont ouvertes aux influences extérieures, les plus proches, notamment au sein du monde arabe et les plus lointaines dans le cadre de la mondialisation.

Les échanges commerciaux fournissent un bel exemple de cette diversification progressive. Très polarisés vers l'Union, et en son sein vers les pays de la rive nord et notamment vers la France (sauf pour la Libye polarisée vers l'Italie 27,9% en 2003, 8,5% en 2011), les approvisionnements des pays du Maghreb se diversifient.

Les parts de marché des pays de la rive nord de la Méditerranée (5+) et de ceux de l'Union européenne connaissent une érosion parallèle en phase avec la baisse observée sur le marché mondial. Ainsi s'agissant de la France, les pertes de la part de marché observées à partir de 1999, tant au Maroc qu'en Algérie et en Tunisie, sont en ligne avec la baisse des exportations françaises en pourcentage des exportations mondiales (3,26% en 2011 contre 5,7% en 1999, 4,9% en 2003).

Les États-Unis développent leurs positions au Maghreb (notamment au Maroc), comme la Chine (dont les parts de marché ont doublé dans 3 pays sur 4) et la plupart des émergents.

La place des pays du Maghreb dans les échanges internationaux progresse légèrement (0,8% en 2011 contre 0,7% en 2003), mais elle est très liée au commerce des hydrocarbures (et donc aux variations des cours). L'Algérie et la Libye représentent respectivement 0,4% et 0,2%, Maroc et Tunisie ne représentent que 0,1%.

Enfin, on observe un infléchissement positif du commerce interne à la zone.

La polarisation des échanges de toute nature est donc progressivement tempérée par la participation de chaque État et des peuples à la mondialisation.

C. LA FAIBLESSE RELATIVE DES INVESTISSEMENTS DIRECTS DES ENTREPRISES (IDE) FRANÇAISES

L'Afrique du Nord n'est pas la destination première des IDE français, elle ne représente que 1,65% du stock mondial des IDE français quand l'Europe en concentre 64,5%.

Tableau n° 34 : Stocks d'IDE français à l'étranger par pays 2005-2011 (avoirs)

Zones

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Zone euro

198 963

217 342

274 798

335 374

368 784

401 175

423 487

UE hors zone euro

110 364

117 328

110 664

92 958

102 591

113 247

128 805

Afrique du Nord

6 577

8 210

9 688

12 223

14 816

16 152

15 723

Total général

551 515

578 849

636 836

714 323

780 255

880 898

948 898

Mais le stock des IDE français vers les pays du Maghreb ont doublé de 2005 à 2011 alors que le stock mondial des IDE français progressait de 72,9%.

Tableau n° 35 : Stocks d'IDE français en Afrique du Nord par pays 2005-2011 (avoirs)

Pays

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2011/2005

Algérie

303

480

790

1 045

1 472

1 721

1 848

+510%

Libye

332

592

641

938

816

994

891

+168%

Maroc

4 905

5 807

6 674

7 470

7 737

8 288

8 307

+69%

Tunisie

301

541

371

710

689

772

741

+146%

Maghreb

5 841

7 420

8 476

10 163

10 714

11 775

11 787

+102%

Le Maroc demeure la destination principale des investissements directs des entreprises (70,47%), mais les investissements dans les autres pays ont progressé rapidement.

1. Tunisie

Tableau n° 36 : Répartition par pays des flux des IDE

REPARTITION PAR PAYS DES FLUX DES IDE

réalisés au cours de l'année 2012

Industries-Services-Agriculture et Tourisme (hors Énergie)

Projets entrés en activité

Projets d'extension et autres projets en cours de réalisation

Total réalisations

PAYS

U n ité

Invest

Emplois

Unité

Invest

Emplois

Unité

Invest

Emplois

MTND

MTND

MTND

Allemagne

6

1,3

184

15

100,7

1007

21

102

1191

France

40

54,2

1520

68

334,1

1 486

108

388,31

3006

Italie

37

82,32

2518

36

51,6

824

73

133,96

3342

Libye

5

0,56

92

4

14,7

20

9

15,3

112

Algérie

1

0,22

20

3

0,9

8

4

1,12

28

Qatar

2

784,2

0

2

784,2

0

Autres

12

21,88

1159

27

377

439,9

28,4

1536

Total

123

181,55

6213

185

1436,47

4050

308

1618

10263

Classement

Flux des IDE

Créations d'emplois par ces IDE

1

Qatar : 376 M€

Italie : 3342 postes

2

France : 186 M€

France : 3006 postes

3

Italie : 64 M€

Allemagne : 1191 postes

4

Allemagne : 49 M€

Belgique : 505

5

Emirats arabes unis : 13,5 M€

Japon : 468

Malgré la perte en 2012 de la première place d'investisseur en flux 25 ( * ) (avec près de 196 M€ d'IDE), la France reste le 1 er investisseur en stock . Les investissements français augmentent de 75% par rapport à l'année précédente (contre 33% pour l'ensemble de l'UE). En flux hors énergie, la France investit 3 fois plus que l'Italie et 4 fois plus que l'Allemagne. Ces flux représentent quelque 3 000 emplois nouveaux. Les IDE français créent toutefois proportionnellement moins d'emplois que les flux italiens ou allemands.

La France conserve le plus grand nombre d'entreprises établies en Tunisie (près de 1 300 implantations, soit quelque 115 000 emplois, 108 nouvelles unités en 2012 ).

Une présence très diversifiée 26 ( * )

Secteur bancaire (BNP-Paribas, Société générale, BPCE, CIC qui vient d'augmenter sa participation dans la Banque de Tunisie), assurances (Groupama), grande distribution (Carrefour, Casino ; Auchan depuis 2012), distribution pétrolière (Total), tourisme (Fram, Club Med, Accor - qui a ouvert un nouveau Novotel/Ibis en centre-ville en 2012 et a annoncé l'ouverture de 20 nouveaux établissements à moyen terme), pharmacie (CEVA, Sanofi, Pierre Fabre), industrie (Air Liquide, EADS/Aerolia, Schneider -qui a fêté cette année 25 ans de présence en Tunisie-, SAGEM, BIC depuis 2012), agro-alimentaire (Danone; extension de Glon Sanders/Sofiproteol en 2012, etc). Alors que ce secteur pourrait représenter des opportunités à l'avenir, les filiales établies dans le secteur agricole restent inférieures à dix, freinées par les difficultés d'achats fonciers.

De manière positive et innovante, les filiales établies sur place inscrivent davantage leur action, depuis la Révolution, dans une logique de développement durable du pays 27 ( * ) . On assiste également à une hausse des partenariats directs, dans le cadre de la coopération décentralisée, entre les pôles de compétitivité français et les technopoles tunisiennes 28 ( * ) . La poursuite de la mise en vente des avoirs confisqués (qui a affecté certains partenariats franco-tunisiens) pourrait également offrir de nouvelles opportunités.

2. Algérie

La France est, hors hydrocarbures, le 1 er investisseur en Algérie, mais ce pays attire des flux modestes d'IDE (1,7 Md USD en 2012, en baisse de -15% par rapport à 2011) 29 ( * ) . Selon les données de la Banque de France, les flux d'investissements directs français en Algérie ont atteint une moyenne de 200 M€ par an sur 5 ans (2007-2011) 30 ( * ) , et s'affichent en légère baisse. Le stock d'IDE français en Algérie est pour sa part estimé en 2011 à 1,9 Md €.

450 entreprises françaises sont présentes en Algérie (quatre fois plus qu'en 2005). Elles génèrent près de 40 000 emplois directs et plus de 100 000 emplois indirects et réinvestissent une bonne partie de leurs bénéfices (autour de 80% pour les sociétés les plus importantes). Elles déploient également des efforts importants en matière de formation (300 000 jours-hommes dispensés en moyenne par an) et de transferts de technologie.

Les entreprises françaises présentes en Algérie

Composé à 34% d'investissements dans les activités financières (banques : Société Générale, BNP Paribas, Natixis, et assurance Macif, Cardiff, plus récemment Axa). Le secteur hydrocarbures arrive en 2 e position (9% du stock) avec Total et Gdf-Suez, dont les investissements pourraient croitre fortement au cours des prochaines années (entrée en production de plusieurs champs actuellement en phase d'exploration), suivi de près par les industries pharmaceutiques (6,5%) avec Sanofi-Aventis, l'agroalimentaire (5%) avec Danone, Lactalis, Hubbard, Bel, In Vivo, l'automobile (4%) avec les réseaux de concessionnaires des groupes Renault et PSA, ou encore dans l'industrie (Schneider Electric, Saint-Gobain, Alstom..), l'investissement de Lafarge étant comptabilisé comme un investissement égyptien (rachat d'Orascom Cement en 2008).

Hormis la Banque BIA (détenue pour moitié par la Banque Extérieure d'Algérie et la Libyan Foreign Bank), et les acquisitions immobilières privées, les investissements algériens en France sont quasi-inexistants, le contrôle des changes limitant les sorties de capitaux hors achat de biens et services et rapatriement de dividendes. Quelques opérateurs privés manifestent cependant un intérêt pour des investissements en France (agro-alimentaire, distribution, pharmacie) mais n'obtiennent pas les autorisations nécessaires.

3. Libye

La Libye souhaite le retour des sociétés françaises dans le domaine de l'exploration pétrolière. La Libye recèle de grandes opportunités. C'est un pays riche de son pétrole mais aussi un pays pauvre qui ne dispose que de peu de capacités et doit investir pour relancer son économie dans le domaine de la sécurité, des communications, des transports et de la défense.

Elle aspire à un partenariat stratégique avec la France.

Une trentaine de sociétés implantées avaient repris leur activité en Libye (44 avant la révolution) mais la plupart attendent encore des clarifications quant à la reprise de leurs contrats suspendus. Certaines entreprises se sont positionnées sur des projets d'investissement avec des partenaires libyens privés ou publics. Les autres entreprises tardent à s'engager sur ce marché (inquiétude sur la situation sécuritaire, lenteur des prises de décision).

4. Maroc

La France maintient son rang de premier investisseur étranger au Maroc. En 2012, le flux d'investissements directs français au Maroc s'est élevé à 919 millions d'euros, en progression de 20,9% par rapport à 2011. Les IDE français ont représenté 34,2% du total des IDE reçus par le Royaume. En stock, la France détient environ la moitié des IDE au Maroc. Le Maroc est avec la Chine et l'Inde l'un des trois principaux pays de destination des investissements français à l'étranger.

Avec 750 filiales d'entreprises françaises recensées employant plus de 80 000 personnes et 340 sociétés à capitaux français, le Maroc est la première destination des investissements français en Afrique. Ceux-ci ont atteint 5,6 mds d'euros sur la période 2000-2011. 36 entreprises du CAC 40 sont présentes au Maroc.

Les entreprises françaises au Maroc

Traditionnellement, les investissements les plus importants se situent dans le secteur bancaire et les télécommunications. La plupart des grands groupes français sont présents au Maroc (36 entreprises du CAC 40 dont Total, Vivendi Universal, Suez, EDF, Renault, Saint-Gobain, Veolia, Casino, Alcatel, Alstom, Aventis, Bouygues, EADS, Vinci, BNPParibas, Société générale, Crédit agricole, Axa...) mais les PME y sont également de plus en plus actives. En 2012, le secteur industriel a pris de loin la première place (grâce notamment au rachat de 41% du capital de Lesieur Cristal par Sofiprotéol), représentant près de la moitié des investissements français. L'implantation de Renault à Tanger devrait, compte tenu des investissements directs prévus par l'entreprise (de 600 millions à 1 milliard d'euros) et de ceux des probables sous-traitants, générer un flux d'IDE français important au cours des prochaines années.

5. Mauritanie

La Mauritanie reste relativement en marge des flux mondiaux d'investissements étrangers. Elle a enregistré entre 1970 et 2010, une moyenne annuelle des IDE de 52 millions dollars. Le total des IDE en 2012 se sera monté à 45,2 millions d'USD.

Elle a connu un véritable boom sur le plan minier et a enregistré une forte rentrée d'IDE, notamment dans les secteurs de l'exploration et de l'exploitation pétrolière, de l'extraction minière dont le fer et l'or, des télécommunications avec l'acquisition de licences pour les lignes de téléphones portables et de la construction.

La France est l'investisseur le plus ancien et le plus important en Mauritanie. Elle semble disposer à poursuivre ses efforts (infrastructure et télécommunication). Cependant les flux d'investissements en cours des grandes compagnies minières canadiennes, australiennes, indiennes, indonésiennes, chinoises, sud-africaines et suisses deviennent très importants.

III. LES MOUVEMENTS DE POPULATIONS

A. QUELQUE 3 MILLIONS DE RESSORTISSANTS DES PAYS DU MAGHREB EN EUROPE

Conséquence des phénomènes migratoires, les ressortissants des pays du Maghreb constituent la plus importante communauté étrangère installée en Europe (hors migrations intérieures à l'Union européenne).

Beaucoup d'entre eux sont durablement installés au point que l'on emploie couramment les termes de seconde, voire de troisième génération pour qualifier les enfants et petits-enfants issus de ces familles. Nombre d'entre eux ont acquis la nationalité du pays d'accueil et le nombre de mariages mixtes est important. Sous réserve des différentes méthodes et des imprécisions qui caractérisent les statistiques en matière de migrations, et notamment de l'immigration illégale, force est de constater que les migrations en provenance du Maghreb vers l'Europe sont quantitativement importantes. Dans chacun de ces pays, la part de la population résidant à l'étranger par rapport à la population totale est de près de 10%, plus de 85% de cette population résidant à l'étranger vit en Europe. Si l'on met à part les migrations entre pays membres de l'Union européenne et l'immigration turque, l'immigration en provenance des pays du Maghreb est la plus importante.

La population d'origine du Maghreb 31 ( * ) est principalement installée en France, en Espagne (notamment marocaine) et en Italie.

Tableau n° 37 : Effectif des personnes étrangères par nationalité et des personnes nées à l'étranger par pays de naissance en 2010

Pays d'accueil

Pays d'origine

Population étrangère

Population née à l'étranger

Population dans le pays d'accueil

Rang par pays d'accueil

Population étrangère dans le pays d'accueil

Population née au Maghreb dans le pays de résidence

Rang dans le pays de résidence

Population née à l'étranger dans le pays de résidence

Belgique

Maroc

84 700

4

1 119 300

178 900

1

1 504 300

Espagne

Maroc

769 900

2

5 730 700

766 200

2

6 659 900

France

(2008)

Maroc

444 800

3

3 769 900

870 900

2

7 129 300

Algérie

471 300

2

1 368 500

1

Tunisie

151 800

6

370 600

4

Italie

Maroc

452 400

3

4 370 300

355 900

3

4 798 700

Tunisie

106 300

10

83 200

13

Pays-Bas

Maroc

61 900

3

760 400

167 700

3

1 868 700

Source : OCDE - « Perspectives des migrations internationales 2012 »

Le flux des entrées est devenu plus faible en valeur absolue en raison de la crise économique affectant ces États et donc de la réduction du nombre d'emplois susceptibles d'être pourvus, mais aussi des règles européennes restreignant l'entrée dans l'espace Schengen.

Tableau n° 38 : Entrées de personnes étrangères par nationalités (2010)

Pays d'accueil

Pays d'origine

Effectif des entrées dans le pays d'accueil

Rang dans le total des entrées dans le pays d'accueil

Effectif total des entrées dans le pays d'accueil

Belgique (2009)

Maroc

9 100

3

113 600

Espagne

Maroc

47 900

2

431 300

France

Maroc

18 000

2

136 000

Algérie

19 100

1

Tunisie

9 500

3

Italie

Maroc

30 000

3

424 500

Source : OCDE - « Perspectives des migrations internationales 2012 »

Pour des raisons historiques, la population née au Maghreb résidant en France est importante. Sur les 7,1 millions de personnes vivant en France métropolitaine nées à l'étranger 32 ( * ) , 1,368 million sont nées en Algérie, 871 000 au Maroc et 370 000 en Tunisie .

Au 1 er janvier 2009, 3,7 millions d'étrangers résident en France métropolitaine, soit 12% de plus qu'en 1999 . Cette progression est plus importante que celle de l'ensemble de la population (6%). Ainsi, la part des étrangers dans la population a augmenté en dix ans : elle est de 5,9% en 2009, contre 5,6% en 1999. En France métropolitaine, près de 30% des étrangers sont originaires du Maghreb avec une population de 1 067 900 dont : 471 300 Algériens, 444 800 Marocains et 151 800 Tunisiens (données 2010)

B. LA POPULATION EUROPÉENNE VIVANT DANS LES PAYS DU MAGHREB EST RELATIVEMENT FAIBLE : MOINS DE 0,5%

Depuis les grands départs qui ont marqué la décolonisation et ses suites, la population étrangère résidant dans les pays du Maghreb est proportionnellement faible par rapport à la population locale, inférieure à 0,5%. Les Européens et singulièrement les Français sont au sein des étrangers résidant dans les pays du Maghreb plus ou moins nombreux selon les États. Cette immigration a profondément changé, elle est liée principalement à l'activité professionnelle et elle est temporaire dans sa durée. La crise qui affecte les économies des pays du sud de l'Europe conforte ces flux qu'il s'agisse de l'émigration de travailleurs (cas de chômeurs espagnols qui acceptent des emplois au Maroc) ou de retraités à revenu modeste notamment français qui s'installent au Maroc.

Parallèlement, le développement de courants d'affaires avec d'autres parties du monde amène des ressortissants originaires de celles-ci, les relations de voisinage sont également prégnantes, comme l'apparition d'une immigration d'origine subsaharienne.

Au Maroc, les étrangers de nationalités européennes, à prédominance française et espagnole, constituent la part la plus importante (45,9%) de la population étrangère qui atteignait en 2004, 51 435 personnes, selon le recensement général de la population et de l'habitat (RGPH) 33 ( * ) .

En Tunisie , selon les données du recensement effectué en 2004, la population européenne était légèrement supérieure à 20% (Français 13,1%, Italiens 4,4% Allemands 2,8%) des 35 192 étrangers résidents en Tunisie. La population d'origine maghrébine est beaucoup plus nombreuse (Algériens : 27,3%, Marocains 18,1%, Libyens 4,9%).

En Algérie, les Européens ne représentent que 10,6% de la population étrangère. Le Recensement général de la population et de l'habitat (RGPH) de 2008 établit le nombre d'étrangers vivant de manière légale à 95 000, soit 0,3% de la population totale du pays 34 ( * ) . Sa répartition par nationalités 35 ( * ) fait apparaître une forte présence des Marocains (55%), suivent les ressortissants d'autres pays arabes (23,1%), les Asiatiques (13%, en raison du nombre de salariés d'entreprises chinoises 36 ( * ) ), les Européens (10,6%) et les Africains (9,4%).

100 000 Français vivent dans les pays du Maghreb si l'on s'en tient à la population inscrite au registre mondial des Français établis hors de France tenu par le ministère des affaires étrangères (98 090 en 2012 contre 87 280 en 2007). Cette population compte près de 2/3 de doubles nationaux (64,4% en 2012 contre 67,6% en 2007). La population française au Maghreb représente 6% de la population des Français expatriés, la proportion des doubles nationaux dans la population des Français expatriés est de 42,2%. On estime toutefois qu'un nombre important, de l'ordre de 20%, ne se fait pas immatriculer.

Tableau n° 39 : Evolution de la population française inscrite de 2007 à 2012

Inscriptions

2008

2009

2010

2011

2012

évol 10/09

évol 11/10

évol 12/11

Afrique du Nord

90 118

89 789

90 153

94 789

98 090

0,4%

5,1%

3,5%

dont part de double

nationaux (en %)

65,5

64,7

64,0

63,4

64,4

Monde

1 427 046

1 469 629

1 504 001

1 594 303

1 611 054

2,3%

6,0%

1,1%

dont part de double

nationaux (en %)

44,4

44,0

44,3

42,5

42,2

Source : MAE

Tandis que le Maroc et la Tunisie connaissent un accroissement du nombre d'inscrits de 3% par rapport à 2011 (avec des communautés françaises de respectivement 45 269 37 ( * ) et 22 221 inscrits), l'Algérie enregistre une augmentation du nombre de Français inscrits (30 344) 38 ( * ) de 5,3%. En Libye, le nombre de Français inscrits au registre baisse de 37% (407 inscrits en 2011 et 256 en 2012). En Mauritanie, 2 150 Français sont inscrits au registre.

C. UNE VOLONTÉ D'INTÉGRATION DANS LES PAYS D'ACCUEIL

L'intégration de la population étrangère dans le pays d'accueil peut être mesurée de façon quantitative par le nombre d'acquisitions de la nationalité du pays hôte - ce nombre résultant d'une demande fondée sur une volonté d'établissement durable ou de sécurité accrue et d'une offre traduisant la volonté ou la capacité du pays hôte de favoriser cette accession -, elle n'est évidemment qu'un indicateur. L'examen de données d'ordre social, comme le taux d'activité ou la réussite scolaire, ou encore le taux de mariage mixte, seraient nécessaires pour apprécier qualitativement le degré d'intégration.

Le nombre d'acquisitions de la nationalité par les ressortissants des pays du Maghreb se maintient à un niveau important , ce qui peut être considéré comme un signe d'une volonté d'intégration dans les pays d'accueil.

Tableau n° 40 : Acquisition de la nationalité en 2011

Pays d'accueil

Pays d'origine

Effectif du pays d'origine ayant acquis la nationalité dans le pays d'accueil

Rang sur l'ensemble des ressortissants étrangers ayant acquis la nationalité dans le pays d'accueil

Effectif total ayant acquis la nationalité dans le pays d'origine

Allemagne

Maroc

3011

5

106897

Belgique (2009)

Maroc

7035

1

29786

Algérie

584

8

Espagne

Maroc

14427

3

1145991

France

Maroc

20965

1

114584

Algérie

15039

2

Tunisie

6288

4

Italie (2010)

Maroc

6952

1

48223

21206 en 2011

Tunisie

1215

6

Pays-Bas

Maroc

6824

1

28598

Source : OCDE - « Perspectives des migrations internationales 2012 »

Afin de favoriser l'intégration des étrangers autorisés à s'installer durablement en France , la mise en oeuvre d'un service public de l'accueil assuré par l'OFII et la signature d'un contrat d'accueil et d'intégration (CAI) ont été progressivement mis en place depuis 2003 et couvrent depuis 2008 l'ensemble du territoire. Des mesures d'assouplissement des conditions d'accès à la nationalité française ont été prises depuis octobre 2012 39 ( * ) . Les personnes originaires du Maghreb (37%), dont 17% d'Algérie, 13% du Maroc et 7% de Tunisie, sont les plus nombreuses au sein des 102 254 personnes qui ont signé en 2011 un contrat d'accueil et d'intégration.

Parmi les 114 584 nouveaux accédants à la nationalité française en 2011, 37% étaient ressortissants d'un pays du Maghreb , soit une proportion peu différente des années précédentes. Ils sont en revanche très peu nombreux à bénéficier de l'aide au départ ou de rapatriement à titre humanitaire 40 ( * ) .

D. DES SÉJOURS TEMPORAIRES CONSIDÉRABLES

Outre les migrations permanentes, les relations entre les populations peuvent également se mesurer à travers les flux temporaires, qu'il s'agisse de séjours professionnels, touristiques ou familiaux ou de séjours plus longs pour des études ou une mission.

Si l'on prend en considération la délivrance des visas, on observera que les pays du Maghreb représentent 1/5 des visas de court séjour et ¼ des visas de long séjour délivrés par les autorités françaises.

Tableau n° 41 : Titres de séjour délivrés par les autorités françaises en 2012

Algérie

Maroc

Tunisie

Effectif

Part

Rang

Effectif

Part

Rang

Effectif

Part

Rang

Visas de long séjour

(y.c. étudiants)

9 467

5,8

5

20 801

12,8

1

11 400

7,0

4

Visas de court séjour

200 206

9,8

3

160 070

7,8

3

72 246

3,5

7

Source : ministère de l'Intérieur : La part est exprimée en % de la valeur par rapport au total mondial. Le rang est exprimé en classement par rapport aux 196 pays de références

Près de 6 millions de ressortissants de l'Union européenne se rendent dans les pays du Maghreb chaque année.

Les flux touristiques de l'Europe vers les pays du Maghreb sont un bon indicateur des échanges. La volatilité des statistiques, notamment en fonction de la situation politique ou sécuritaire, est grande, mais plus que le nombre, qui varie considérablement d'un pays à l'autre, importe la proportion. Au Maroc en 2011, sur 4,3 millions d'entrées 41 ( * ) , 84% des touristes étrangers sont des ressortissants de l'Union européenne 42 ( * ) . En Tunisie, en 2012, environ un tiers des 6 millions d'entrées de non-résidents proviennent de l'Union européenne 43 ( * ) . En Algérie 44 ( * ) , sur 980.000 entrées, mis à part les Tunisiens (530.000) les Français (120.000) et les Espagnols (33.000) sont les plus nombreux.

DEUXIÈME PARTIE : UNE RÉGION EN MUTATION

Le phénomène des « printemps arabes » qui a débuté en Tunisie dans l'hiver 2010-2011 a eu des répercussions tous les pays arabes.

À l'origine de la révolte, le suicide d'un jeune vendeur de fruits et légumes qui avait été humilié publiquement. Cette révolte pour le travail et la dignité dans un pays où les libertés étaient bafouées conduira à la destitution du président Ben Ali.

Sans doute, le Maroc et l'Algérie n'ont-ils pas connu des évènements de même intensité en 2011, cependant la question du chômage des jeunes, et notamment des jeunes diplômés, est commune à tous les pays du Maghreb.

Cette situation est la résultante d'une transition démographique réelle mais tardive qui, jusqu'en 2025/2030, verra des classes d'âges nombreuses entrer sur le marché du travail, et d'une croissance réelle mais insuffisante et insuffisamment inclusive pour répondre à cette demande.

Quels que soient les modèles économiques et quelles que soient les évolutions politiques, les gouvernements des trois pays sont confrontés à cette même et difficile question.

Des réponses apportées dépendra leur stabilité et pour ceux qui ont entrepris des transitions démocratiques leur succès et leur pérennité.

I. LA MUTATION DÉMOGRAPHIQUE : UNE CHANCE MIEUX MAITRISÉE

Si les populations des quatre pays sont de taille très différente, leur évolution est tout à fait similaire. En revanche, la Mauritanie continue de suivre un modèle démographique plus proche que celui de l'Afrique de l'Ouest.

Tableau n° 42 : La population des pays du Maghreb

Population en 2012

Algérie

Libye

Maroc

Tunisie

Mauritanie

(en millions d'habitants)

37, 4

6,5

32 ,6

10,8

3,6

Population projetée en 2050

(en millions d'habitants)

46,5

8,8

39,2

12,7

7,1

Part de la population urbaine

67%

78%

56%

68%

41,5%

Part de moins de 15 ans

28%

31%

28%

24%

39,8%

Taux de natalité

25%o

23%o

19%o

19%o

33,8%

Taux d'accroissement naturel

1,5%

1,8%

1,3%

1,2%

2,4%

Indice de fécondité (nombre d'enfants

par femme)

2,9

2,6

2,3

2,1

4,5

Espérance de vie à la naissance H/F (ans)

72/75

73/78

70/75

73/77

57/61

Source : PRB (The Population Reference Bureau)

A. LA NATALITÉ EN BAISSE

Les pays d'Afrique du Nord ont entamé il y a une trentaine d'années leur transition démographique dans le cadre de transformations sociales et économiques majeures : alphabétisation, diffusion du contrôle des naissances, éducation et accès à l'emploi des femmes, montée de l'individualisme). La poursuite de ces mutations devrait faire chuter la fécondité qui descendrait en dessous de 2,3 enfants par femmes d'ici 2025 avec des différences de rythme selon les pays (la Tunisie qui a achevé sa transition devrait descendre en dessous de 2 enfants par femme). Le rythme de croissance de la population va s'en trouver ralenti.

La baisse de la natalité s'accompagne de progrès très spectaculaires en matière sanitaire. Selon le rapport des Nations unies sur les Objectifs du Millénaire pour le développement, l'Afrique du nord a atteint avant la date butoir de 2015 la cible consistant à réduire des deux-tiers le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans (77 pour mille en 1990 à 25 pour mille en 2011), de même le nombre de décès maternels a chuté dans les mêmes proportions.

La part de la population de moins de 25 ans dans la population a commencé à baisser dans les années 1990 et se situe en dessous de 50%.

Carte n° 43 : Jeunes en Afrique du Nord, 1950-2010

B. UNE POPULATION JEUNE SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

Carte n° 44 : La population des moins de 14 ans

La jeunesse de la population continuera toutefois de stimuler une croissance de la population de 87,3 millions d'habitants en 2010, la région devrait passer à 102 millions en 2025, puis se stabiliser aux alentours de 107 millions à l'horizon 2050.

Le poids démographique des jeunes constitue une donnée stratégique dans la région à l'heure de l'arrivée sur le marché du travail des générations nées dans les années 1990. Les 15-24 ans constituent encore une classe d'âge nombreuse et représentent de 16,7% (Tunisie) à 18,6% (Libye) de la population (Algérie : 18,1%, Maroc : 18%).

L'arrivée de ces classes pose un problème en raison de l'incapacité du marché du travail à fournir un emploi à chacun .

La transition démographique est en marche mais l'inertie du phénomène va poser un grave problème dans la mesure où, d'ici 2030, la population en âge de travailler va s'accroître de 40% au Maghreb. Un taux de croissance de 6 à 7% serait nécessaire pour assurer l'accès au travail de ces générations. Le développement économique et social de cette région constitue un défi considérable.

Toutefois, compte tenu de la baisse de la natalité, cela se traduit parallèlement par un gonflement de la classe d'âge actif (25-64 ans), ce qui réduira le taux de dépendance. Ces pays pourraient disposer de la sorte d'une opportunité historique unique où la structure de la pyramide des âges peut stimuler un véritable décollage économique.

C. DES ÉCARTS ENTRE LE NORD ET LE SUD DE LA MÉDITERRANÉE

Les tendances de l'évolution démographique à long terme mettent en évidence des convergences et un rapprochement graduel entre la rive nord et la rive sud de la Méditerranée. Si des écarts sensibles entre les pays subsistent, on observe, comme ce fut le cas précédemment en Europe, un déclin du taux de fécondité deux fois inférieur en 2003 à ce qu'il était 40 ans plus tôt.

À court et moyen terme cependant, la situation démographique reste marquée par de grandes disparités : notamment le taux d'accroissement global de la population, la structure par âge, la répartition entre ruraux et urbains, la part de l'agriculture dans l'économie et la structure de l'emploi.

La population des pays actuellement membres de l'Union européenne restera en 2030 à son niveau actuel (500 millions d'habitants). Cependant son vieillissement lui fera perdre 20 millions d'actifs dans les tranches de 15 à 65 ans, ce qui posera des problèmes aigus notamment pour le financement des systèmes sociaux. Celle des pays du sud, particulièrement jeune aujourd'hui, passera, dans le même temps, de près de 300 millions à 370 millions (de 87,3 millions à 97,2 millions dans le Maghreb).

Le développement économique des pays du sud ne suffira pas à créer des emplois dans la même proportion : le taux de participation au marché du travail y est déjà faible et le besoin d'emplois devrait être accentué par un désir accru des femmes d'accéder au marché du travail.

Pauvreté et tensions sociales risquent de se développer dans des villes qui auront fortement grossi alors que, dans les zones rurales, la population va diminuer. L'agriculture est en moyenne peu productive, mais reste l'activité dominante. Les zones rurales pourraient demeurer dans un état de faible développement, et l'écart s'accentuer avec les zones urbaines.

Comme le notent les experts du groupe EuroMed 2030 45 ( * ) : « il y a là un facteur de complémentarité entre le besoin européen de travailleurs actifs et le besoin d`emplois du sud méditerranéen pour peu qu'on renonce à la peur de l'immigration et que des efforts soient mis en oeuvre pour résoudre les problèmes objectifs qu'elle peut poser ».

II. LES MUTATIONS ÉCONOMIQUES : TROIS MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT DIFFÉRENCIÉS

Si les pays du Maghreb ont connu une croissance au cours de la précédente décennie et surmonté la crise financière de 2008 , ils connaissent des modèles économiques très différents, qui demeurent cependant fragiles, dans la mesure où ils restent sensibles à la conjoncture internationale, notamment au ralentissement de la croissance en Europe et aux cours de certaines matières premières, ainsi qu'à la conjoncture sociale interne.

Tableau n° 45 : Taux de croissance annuel moyen 2000-2009

Pays

Algérie

Libye

Maroc

Tunisie

Mauritanie

Taux de croissance annuel moyen 2000-2009

3,4%

3,5%

4,6%

4,1%

3,8%

Source : données FMI

A. ALGÉRIE ET LIBYE : LE MODÈLE RENTE-REDISTRIBUTION

1. Algérie : une économie d'aisance mais peu soutenable à moyen terme

Avec un territoire de 2,5 millions de km 2 , et une démographie dynamique, l'Algérie dispose du PIB par habitant le plus élevé d'Afrique du Nord (7 262 USD en parité de pouvoir d'achat) et le quatrième PIB du continent africain (206,5 Mds USD). La croissance est demeurée assez soutenue (+ 3,1% en moyenne de 2002 à 2012). Elle a bénéficié pleinement de la hausse des cours du pétrole depuis 2004.

a) Une économie de rente fondée sur les hydrocarbures

Le secteur des hydrocarbures représente environ 1/3 du PIB, 98% des recettes d'exportation et 70% des recettes budgétaires (« la rente pétrolière ») mais seulement 3% des emplois.

L'économie algérienne hors hydrocarbures est donc fortement importatrice, peu productrice et insuffisamment créatrice d'emplois pour intégrer les générations de jeunes qui arrivent sur le marché du travail.

Même s'ils demeurent excédentaires, les échanges extérieurs font apparaître en tendance longue une progression plus rapide des importations (47 milliards de dollar en 2012), que des exportations (74 milliards de dollars en 2012). L'Algérie importe essentiellement des produits de consommation. L'excédent de la balance courante est passé de plus de 20% au cours des années 2006 à 2008, à 8,2% en 2012.

Ces excédents cumulés ont permis à l'Algérie de réduire sa dette extérieure à moins de 2% du PIB et de se constituer des réserves de change de plus de 191 Mds USD à fin 2012 46 ( * ) (couvrant près de 4 ans d'importations).

Cette situation est fragile. La contribution du secteur à la croissance est plutôt orientée à la baisse depuis quelques années et l'accroissement de la consommation domestique (qui est passée de 26% de la production en 2005 à 40% en 2010) risque à terme de réduire sa capacité d'exportation.

Certains observateurs 47 ( * ) font même remarquer que si la consommation domestique d'hydrocarbures continuait à progresser à son rythme actuel, l'Algérie pourrait n'exporter que du gaz après 2023 et importerait du pétrole. Elle pourrait devenir un importateur net d'hydrocarbures à partir de 2026.

Elle est aussi une vulnérabilité dans l'hypothèse d'une baisse sensible des cours du pétrole et du gaz, en conséquence d'un ralentissement de la demande mondiale ou de l'apparition de sources d'approvisionnement nouvelle (pétrole et gaz de schiste par exemple).

Dans son dernier rapport trimestriel 48 ( * ) , rendu public le 10 juin, la Banque d'Algérie souligne cette sensibilité : « En valeur, les exportations d'hydrocarbures se sont contractées de 13,9 % au premier trimestre 2013 par rapport au même trimestre de l'année 2012, reculant de 20,378 milliards de dollars à 17,536 milliards de dollars. En référence au premier trimestre 2009, cela peut s'interpréter comme un choc pour la balance des paiements extérieurs en 2013 ».

En outre, l'Algérie ne dispose pas de réserves importantes. Celles-ci ne représentent que 1% des réserves pétrolières mondiales (10 à 15 ans d'exploitation) et 2,3% des réserves mondiales gazières (15 à 30 ans d'exploitation).

Si son aisance financière permet à l'Algérie de financer sa politique sociale et d'assurer à moyen terme la croissance de son économie, notamment via l'investissement public, elle l'expose à plus long terme à une impasse budgétaire et sociale si un nouveau modèle de croissance n'est pas rapidement engagé.

Ce pays est riche, il investit peu donc il s'appauvrit. En son temps, l'or d'Amérique avait ruiné l'Espagne.

b) Le financement de la politique sociale

L'État fait traditionnellement face aux contestations et aux tensions sociales par des mesures de soutien direct aux revenus comme le subventionnement des produits de première nécessité (pain, huiles, sucre, eau, gaz, électricité, carburant...) ou les transferts sociaux ou encore par la réglementation des marges. Ces régimes de subvention explicite ou implicite représentent près du quart du PIB.

L'emploi dans le secteur public est aussi un moyen de redistribution. On estime à 12% du PIB le montant des dépenses de rémunérations des employés du secteur public (37% des dépenses du budget de l'État). Plus de 2,7 millions de personnes travaillent dans la fonction publique (28% de la population active à comparer à une moyenne de 18% dans les pays de la région Moyen-Orient-Afrique du Nord). En moyenne, les dépenses de traitement des fonctionnaires ont crû de 25% par an de 2009 à 2012 (8% en Tunisie, 6% en Egypte) 49 ( * ) .

De même, la création d'emplois publics a-t-elle permis de limiter le chômage. Bien qu'en réduction, le taux de chômage (10%) reste une préoccupation des autorités, d'autant que le chômage des jeunes demeure plus élevé (22% contre 48% en 2001).

Ces augmentations comme le soutien à l'emploi des jeunes et la construction de logements sont financés aisément par le maintien à un haut niveau du cours des hydrocarbures . Toutefois, un épisode baissier serait dangereux pour l'économie algérienne d'autant que nombre des dispositifs d'aide ont été revus à la hausse avec la progression de ces ressources et en réponse à la demande sociale, notamment en 2011 et 2012 dans le contexte des révolutions arabes affectant les pays voisins et des périodes pré-électorales. Leur élasticité à la baisse est faible sauf à accepter des conséquences sociales graves.

En outre, les hausses de salaires dans le secteur public sont critiquées par les entrepreneurs privés obligés d'aligner leur grille salariale alors qu'ils exercent leurs activités dans un secteur concurrentiel. Certains responsables plaident en faveur d'un ciblage des aides en les réservant aux personnes les plus défavorisées.

Ces dispositifs ont aussi pour conséquence de générer des tensions inflationnistes (8,9% d'inflation en 2012 contre 4% en 2011 et 2010) qui devraient se résorber en 2013 avec une prévision autour de 5% selon le FMI.

Enfin, ces dispositifs pèsent d'ores et déjà sur la capacité d'investissement public. Ainsi, pour limiter le déficit budgétaire, lié à la forte progression des dépenses de fonctionnement, le gouvernement algérien a fait porter l'effort sur les dépenses d'investissement alors que les dépenses courantes continuent de progresser légèrement 50 ( * ) .

c) La place de l'investissement public

La diversification de l'économie, la modernisation et le développement des infrastructures, l'investissement et la création d'emplois sont les grands axes de la politique de développement du pays . Un vaste plan d'investissements sur la période 2010-2014 de 286 Mds USD est en cours de réalisation.

Les six axes stratégiques du plan 2010-2014

Développement humain : près de 50% du programme

- 50 Mds USD consacrés à la construction de deux millions de logements ; 1,2 million devra être livré avant la fin du quinquennat ;

- 27 Mds pour la construction de 35 nouveaux barrages, 25 systèmes de transferts d'eau et 19 stations d'épuration ;

- 24 Mds pour la construction de 5 000 écoles, collèges et lycées, de 300 établissements de formation et la création de 600 000 places supplémentaires en universités ;

- 8 Mds alloués à la construction de près de 200 hôpitaux et 400 polycliniques ;

- 16 Mds consacrés à des projets interministériels.

Développement des infrastructures :

- 42 Mds USD pour la réalisation de routes (2 500 km) et leur réhabilitation (12 000 km) ;

- 38 Mds pour la création de 17 nouvelles lignes ferroviaires (6 000 km), l'extension du métro d'Alger et la construction de celui d'Oran et de tramways dans 14 villes ;

- 7 Mds, pour la création des quatre villes nouvelles de Sidi Abdallah, Bouinan, Boughezoul et El Ménéa (une cinquième, Hassi Messaoud, étant financée sur un programme distinct du ministère de l'énergie et des mines) et d'une centaine d'infrastructures pour la protection de l'environnement.

Modernisation de l'administration : une enveloppe de 23 Mds USD est allouée, en particulier aux ministères de l'Intérieur (protection civile et sûreté nationale) et des Collectivités locales avec la construction d'un millier de bâtiments (12 Mds), de la Justice (5 Mds pour la réalisation de 230 tribunaux et établissements pénitentiaires) et des Finances (4 Mds pour les administrations fiscales, douanières et du trésor public).

Développement économique : 21 Mds USD (13 Mds USD pour l'agriculture, 7 Mds USD pour la modernisation des entreprises publiques et des PME), 5 Mds USD pour la lutte contre le chômage et 3 Mds pour la recherche scientifique et les TIC .

Pour mémoire, un premier programme de soutien à la relance économique d'un montant de 7 Mds USD a été suivi de celui de soutien à la croissance sur la période 2005-2009, d'un montant initial de 45 Mds USD, porté ultérieurement à 155 Mds dans le contexte d'une conjoncture pétrolière favorable. Parmi les projets les plus emblématiques du plan 2005-2009 figurent en particulier le programme du million de logements réalisés à travers le pays, la construction d'une autoroute est-ouest (1 200 km, plus grand chantier de l'histoire du pays, en cours d'achèvement), le lancement du tramway d'Alger et la finalisation de la 1ère ligne du métro d'Alger ou encore la réalisation d'un transfert d'eau entre In Salah et Tamanrasset (700 km).

Source : DG Trésor 51 ( * )

Mais l'économie algérienne semble avoir quelques difficultés à réaliser ces objectifs 52 ( * ) , cette incapacité était sans doute davantage liée à des facteurs structurels qu'à des difficultés budgétaires, mais la soutenabilité à moyen terme d'une économie dont la croissance est financée par la dépense publique (le budget est égal à 50% du PIB) est aujourd'hui clairement posée. Le FMI a engagé l'Algérie à une plus grande rigueur dans sa politique monétaire pour lutter contre l'inflation, mais aussi dans la gestion des finances publiques pour réduire les déficits.

d) Une réorientation nécessaire de l'économie

L'Algérie, en concluant en 2005 un accord d'association avec l'Union européenne, en ouvrant des négociations en vue de son adhésion à l'OMC et en 2009 en adhérant à la Zone arabe de libre-échange, s'inscrit dans une perspective de libéralisation de son économie. Mais ses orientations sont paradoxales.

La diversification de l'économie et le développement du secteur privé, qui seuls permettraient de créer les conditions d'une croissance pérenne et de réduire le chômage, font donc toujours figure d'impératifs mais tardent à venir 53 ( * ) . Le secteur des PME/PMI, largement gérées de manière familiale, ne participe pas suffisamment à l'industrialisation mais se tourne davantage vers le commerce et les services, les profits étant supérieurs et les risques moindres. Il existe pourtant une classe d'entrepreneurs dynamiques, y compris de femmes chefs d'entreprise.

Disposant de marges de manoeuvre financières confortables, tout en étant désireuses de limiter la « dérive » des importations, les autorités algériennes se montrent plus sélectives en matière d'IDE, privilégiant ceux qui contribuent à la modernisation de l'appareil de production national (notamment via des transferts de technologie, des efforts en matière de formation et le développement d'une production en substitution aux importations). Sur le plan législatif, cette nouvelle donne s'est traduite, depuis 2009, par un durcissement des mesures encadrant l'investissement étranger, dont l'exigence d'une majorité (51%) d'actionnariat algérien pour les activités industrielles et les services .

Ceci explique la faiblesse des investissements directs des entreprises en Algérie, malgré des résultats en amélioration en 2011 54 ( * ) .

La mise en oeuvre d'une nouvelle stratégie industrielle devant permettre de préparer « l'après hydrocarbures » est en cours (l'industrie 55 ( * ) ne représente plus que 5% du PIB). Mais sa mise en oeuvre sera nécessairement longue et complexe.

2. Libye : une économie fondée sur la rente pétrolière et en panne

L'économie libyenne se caractérise par sa grande dépendance aux hydrocarbures (production : 1.6 Mb/j) et par sa faible population (env. 6 M d'habitants) qui en font le pays le plus riche d'Afrique du Nord en termes de revenu par habitant (11 230 € en 2012). Avant la crise, les recettes pétrolières représentaient 95% des exportations de la Libye, 60% de son budget, 56% de son PIB (PIB 2010 : 78 Md$).

Malgré ses richesses, la plupart des infrastructures libyennes (logement, transports, télécommunications, éducation, santé) remontent aux années 1970. Le niveau de développement s'explique par une série de décisions économiques inadaptées et l'isolement du pays pendant la période des sanctions (1986-2003). Le niveau des équipements est souvent équivalent à celui de la zone sahélienne et sub-saharienne. L'un des défis aujourd'hui consiste à piloter un effort de rattrapage susceptible de porter l'équipement du pays au niveau de ses richesses naturelles.

Dans un pays où le secteur privé est quasi-inexistant, le chômage, estimé à 25% de la population active , affecte particulièrement une jeunesse mal formée et s'orientant tendanciellement vers la fonction publique, le développement des activités productives reposant sur une importante main d'oeuvre immigrée (notamment d'Afrique sub-saharienne).

Le conflit civil qui a suivi le soulèvement contre le régime du colonel Kadhafi à partir du 17 février 2011 a eu des conséquences importantes sur l'économie libyenne. En effet, les sanctions internationales prises alors par l'ONU et l'UE (gel des flux financiers et des avoirs détenus à l'étranger provocant une paralysie du système financier) et l'effondrement de la production pétrolière et gazière, ont entraîné en 2011 une contraction du PIB de 60% (FMI). Cette récession a eu un impact brutal sur le commerce extérieur libyen : les importations se sont effondrées de 42,3%, alors que les exportations ont diminué de 60,7%. L'excédent de la balance commerciale est ainsi passé de 21% du PIB en 2010 à 4,5% en 2011.

Le FMI 56 ( * ) prévoit une croissance du PIB de + 69,7% en 2012, essentiellement liée à la remise en service - plus rapide que prévue - de l'appareil de production d'hydrocarbures 57 ( * ) et à la levée des sanctions internationales 58 ( * ) . Le FMI estime ensuite la croissance à 16,5% en 2013, puis 13,2% en 2014.

Toutefois, les chiffres de croissance pour 2012 et au-delà ne doivent pas masquer les faiblesses structurelles de l'économie libyenne . Seul le succès des réformes structurelles (diversification économique, refonte administrative, développement du secteur privé, rationalisation de la gestion des finances publiques, modernisation du secteur financier) déterminera l'avenir économique du pays.

L'interrogation principale des partenaires économiques de la Libye concerne aujourd'hui les conditions de reprise des projets d'infrastructures (suspendus depuis la Révolution), le lancement éventuel de nouveaux projets de développement ainsi que le redémarrage de l'exploration pétrolière 59 ( * ) . Ceci dépend largement de la transition politique, de la mise en place d'un gouvernement capable de s'engager ainsi que d'institutions à même d'exécuter ses décisions.

Afin d'acheter la paix sociale et de reconstruire une administration, le gouvernement a pris des mesures de redistribution en augmentant les dépenses courantes par rapport aux investissements. La part des dépenses courantes progresse de façon rapide, 67,1% contre 49% en 2010, et pourrait atteindre selon certaines sources près de 80%. Si la Libye peut se permettre ces niveaux élevés de dépenses, la hausse des salaires, les embauches dans la fonction publique et des subventions dans une période de transition entament les marges de sécurité financières et compromettent les perspectives de viabilité budgétaire. Le niveau élevé des subventions affecte la consommation et la production, ainsi que l'allocation des ressources, ce dont pâtissent le budget d'investissement de l'État et le développement du secteur privé.

Compte tenu du niveau de richesse du pays, les autorités libyennes ne sont pas en demande d'une aide financière de la communauté internationale mais sont ouvertes à des propositions d'assistance technique à la reconstruction de la Libye, pourvu qu'elles soient coordonnées, notamment par la Banque mondiale.

B. MAROC : UN MODÈLE DYNAMIQUE MAIS DES RISQUES DE DÉSÉQUILIBRES

Pour le Maroc, les années 2000 ont été caractérisées par une accélération de la croissance par rapport à la décennie précédente : 4,8% en moyenne de 2000 à 2009 contre 2,6% dans les années 1990. Ce taux de croissance, le plus élevé de la région, est principalement tiré par la demande intérieure (consommation finale et investissement). Le taux d'investissement a connu une augmentation historique (de 26% en 2000 à 34% en 2010) . Les entrées d'investissements directs étrangers (IDE) ont été multipliées par 5 en 10 ans et représentaient plus de 4% du PIB en 2010. Cette croissance s'est déroulée dans un contexte d'ouverture commerciale forte 60 ( * )

1. Un modèle original et volontariste

L'industrie se modernise. Ainsi depuis le début des années 2000, la filière aéronautique se développe de façon constante et prend une dimension internationale. Depuis l'inauguration de l'usine Renault Tanger en 2012 et l'implantation de nombreux équipementiers, le Maroc fait également partie de la cartographie automobile mondiale (6 000 emplois directs attendus). Le secteur tertiaire, tant le tourisme que l'offshoring (dont les centres d'appels), apporte une contribution capitale à l'économie marocaine, ainsi que les transferts des Marocains vivant à l'étranger. Parmi les grands projets récents, on citera le Morocco Mall, gigantesque centre commercial construit à Casablanca sur 10 ha qui aura coûté 175 millions d'euros aux groupes marocain Aksal et saoudien Al-Jedaie.

Ce développement a été accompagné tout au long de la décennie 2000 par une politique volontariste d'investissements en infrastructures, visant à l'amélioration des conditions de vie de la population (routes rurales, électrification, accès à l'eau), tout comme de grands projets (autoroutes, port de Tanger-Med, tramways urbains et ligne ferroviaires, dont le TGV Tanger-Casablanca ou encore la construction d'une centrale solaire à Ouarzazate, destinée à alimenter l'Europe en électricité.

Relativement épargné par la crise financière, le Maroc reste cependant vulnérable aux conditions économiques européennes, aux prix des matières premières et aux variations des précipitations. L'agriculture occupe une place importante dans l'économie marocaine (15% du PIB et 40% de l'emploi).

N'étant pas producteur d'hydrocarbures et de gaz naturel, le Maroc est très sensible aux variations du cours de ces produits. De même, en tant que producteur important de phosphate, il est sensible à la demande d'engrais. Le secteur des phosphates assure le quart des exportations. L'Office chérifien des phosphates OCP, qui emploie quelque 20 000 personnes, reste l'un des principaux moteurs de l'économie nationale. Il a dû faire face en 2011 à une fronde sociale sérieuse accompagnée d'émeutes dans les villes minières de Khourigba et de Safi. En réponse, l'OCP a accéléré le recrutement de 5 800 travailleurs et prend en charge la formation de 15 000 jeunes.

• En 2012, le taux de croissance a ralenti à 2,7% , en raison de la baisse de la valeur ajoutée agricole (-8,7%, du fait de la sécheresse) et de la crise en Europe qui s'est traduite par une réduction de la demande extérieure adressée au Maroc. Néanmoins hors agriculture, le PIB a progressé de 4,8% 61 ( * ) . La croissance globale a cependant continué à être soutenue par la dépense publique.

• L'inflation a été maîtrisée, passant d'environ 10% au début des années 1990 à 1% dix ans plus tard . Les autorités marocaines conduisent une politique du dirham fort afin de maîtriser l'inflation. La monnaie est indexée sur un panier de devises où prédomine l'euro (à 80%). En 2012, l'inflation qui n'avait pas dépassé 1% les trois années antérieures, a atteint 1,3%. Cette accélération est due au relèvement des tarifs des carburants à la pompe intervenu en milieu d'année. On notera toutefois que la fiabilité de ces chiffres est altérée par l'effet des subventions sur les prix à la consommation des produits de première nécessité.

• Le taux de chômage qui est passé sous la barre des 10% en 2006 a continué à décroître pour atteindre 9% au niveau national, mais il demeure élevé parmi les jeunes urbains (32%) et diplômés (20%). En 2011, les autorités ont répondu aux demandes sociales en relevant les salaires du secteur public et en recourant massivement aux subventions pour maintenir les prix de l'énergie et de certaines denrées alimentaires.

2. Un déficit budgétaire préoccupant

Le déficit budgétaire se creuse et atteint 7,1% du PIB en 2012 malgré la bonne tenue des recettes. Il s'est accru au premier semestre pour atteindre 30,4 Mds de dirhams (23,9 au 30 juin 2012). Une part importante de l'alourdissement des dépenses résulte des subventions au titre de la compensation des produits de base (+12,4%, 6,5% du PIB) et de l'augmentation des rémunérations des fonctionnaires, accordée lors du dialogue social d'avril 2011. Le coût des subventions aux prix des produits de base représente 17% de la dépense publique. L'objectif affiché du gouvernement de ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB d'ici à 2016 suppose la mise en oeuvre d'une réforme du système de subvention, ce qui est politiquement très délicat. En outre, on observe l'apparition d'un déficit de la caisse de retraite des fonctionnaires qui rendra sans doute nécessaire une réforme.

Au total, la dette publique atteint 58% du PIB à la fin 2012. Mais la position du Maroc reste raisonnable en termes d'endettement extérieur (26,4% du PIB à fin 2012, y compris la dette garantie des établissements et entreprises publiques).

Cela n'a pas empêché cependant l'agence financière Moody's d'abaisser la perspective de la note souveraine du Maroc, de « stable » à « négative » en raison notamment de l'augmentation du déficit public du pays.

3. Risque de déséquilibre des comptes extérieurs

Le déficit commercial est structurel . Le Maroc a échangé 51 mds d'euros de biens en 2012, soit une augmentation de 6% en valeur par rapport à 2011. Les importations (34,4 mds d'euros) ont augmenté de 6,7% et les exportations (16,5 mds d'euros) de 4,7%. En conséquence, le déficit commercial s'est aggravé de 8,6% par rapport à 2011 et le taux de couverture a reculé à 48%. La facture énergétique a été la principale cause de l'aggravation du déficit commercial. La performance à l'exportation du secteur automobile dont la part dans le total des exportations marocaines est passée de 0,5% en 2011 à 3,9% en 2012 mérite d'être soulignée et se poursuit au premier semestre 2013.

La balance courante restée excédentaire grâce à la hausse continue des transferts des Marocains non-résidents et aux recettes touristiques depuis 2000 affiche un solde négatif depuis 2008. Les revenus du tourisme
(-1,6%) 62 ( * ) qui représentent environ 7% du PIB et les transferts financiers des Marocains non-résidents (- 4%) 63 ( * ) ont reculé par rapport à 2011. Au total le déficit de la balance courante a atteint 8,6% du PIB et les réserves de change, en recul de 16,7%, représentaient 4 mois d'importations fin 2012.

4. Une économie fortement soutenue par les investisseurs et les bailleurs étrangers

Le besoin de financement (8,4% en 2012) de l'économie marocaine s'est donc dégradé depuis 2010 (4,4% du PIB). Ce besoin aurait été plus faible si la capacité du Maroc à exporter et à accueillir des investisseurs étrangers 64 ( * ) avait été plus importante, ce qui passe par une amélioration de l'environnement des affaires et une mise à niveau des marchés financiers.

Le royaume est le premier engagement de la BAfD, de l'AFD et un partenaire important de la BEI et de la Banque mondiale. Il est par ailleurs devenu un pays d'intervention de la BERD.

En 2012, il a bénéficié d'un refinancement sur le marché financier international en obtenant de très bonnes conditions pour un montant global de 1,5 milliard de dollars 65 ( * ) et en octobre dernier, d'une importante promesse de dons bilatéraux de la part de quatre monarchies du Golfe (Arabie Saoudite, Qatar, Émirats Arabes Unis et Koweït) pour un montant de 5 Mds USD sur 5 ans (2012-2016). Les bailleurs multilatéraux et bilatéraux restent donc plus que jamais au chevet du Maroc, considéré comme un bon risque, reportant sur ce pays les montants qu'ils n'ont pu engager dans les pays en crise de la région. A titre d'exemple, les engagements de la Banque européenne d'investissement (BEI) dans la région du sud de la Méditerranée ont atteint 1,7 milliard d'euros en 2012 dont plus de la moitié a profité au Maroc.

Sous réserve de fournir dès 2013 des gages sur les réformes urgentes qui permettront d'assainir graduellement le situation économique (réforme de la TVA, fiscalisation des produits des grandes exploitations agricole, compensation et retraites), les bailleurs internationaux aideront le Maroc à attendre le retour de la croissance au niveau mondial et particulièrement en Europe, premier partenaire du pays.

C. TUNISIE : UN SYSTÈME AVANCÉ DÉSORMAIS INTERROMPU

Au moment du déclenchement de la révolution, la Tunisie bénéficiait d'une situation économique et financière globalement favorable, mais les fruits de la croissance étaient inégalement répartis. Les évènements traversés depuis par le pays ont eu un impact majeur sur l'économie. Le secteur touristique et les IDE ont notamment souffert du contexte d'instabilité politique et sociale et le chômage a atteint près de 20% en 2011 (40% pour les jeunes). Si cette économie a montré une certaine résilience en 2012, la transition, plus longue qu'espérée, dominée par des préoccupations politiques, empêche pour le moment la mise en oeuvre d'une politique économique claire et courageuse pour réduire les déséquilibres, rendre la croissance soutenable et prendre des décisions concernant les gros investissements, publics comme privés. La crise européenne et l'instabilité interne pèsent fortement sur la conjoncture .

1. Le « miracle économique tunisien » avait trouvé ses limites

L'économie tunisienne est la plus diversifiée des pays arabes. Elle repose sur l'agriculture, les mines, l'énergie, le tourisme, les industries textiles, agroalimentaires, mécaniques, électriques et électroniques. Le pays affiche de bons résultats en termes de scolarisation et de qualité d'enseignement. Il bénéficie également d'une position géographique qui le place comme intermédiaire entre le marché européen, le marché asiatique et les économies du Golfe.

Entre 1990 et 2008, le fameux « miracle économique tunisien » avait réduit le taux de pauvreté de manière notable . La Tunisie était surnommée le « bon élève du Fonds monétaire international (FMI) ». La croissance du produit intérieur brut (PIB) était supérieure à la moyenne enregistrée au sein de la zone MOAN. Elle a atteint les 4,5% annuel sur les deux dernières décennies. Le déficit budgétaire et la dette publique étaient maintenus à des niveaux relativement bas. Le revenu par habitant est passé de 2 713 dollars en 2005 à 3 720 dollars en 2010. Durant les vingt dernières années, le taux d'inflation a été contenu à 3%.

Mais ce modèle était vulnérable.

Il est en effet très sensible à la conjoncture économique européenne.

Les soubresauts de l'économie mondiale depuis la crise financière de 2008 et la baisse du pouvoir d'achat en Europe ont conduit à une diminution sensible des recettes touristiques et des exportations. Les rentrées de devises de ses émigrés ont baissé. Le taux de croissance du PIB a chuté de moitié entre 2007 et 2010, passant de 6 à 3%.

En outre, trois facteurs de vulnérabilités majeures qui minaient la soutenabilité sociale du modèle économique ont précipité la chute du régime de Ben Ali : le chômage des jeunes (voir infra p. 85), la fracture territoriale (voir infra P. 89) et la corruption . En essayant de faire main basse sur les opportunités d'investissements les plus profitables, le système Ben Ali a découragé nombre d'investisseurs, miné le climat des affaires et freiné le développement d'un véritable secteur privé indépendant de ses réseaux de clientèles.

L'année 2011 marquée par la révolution et le démarrage de la transition, comme par de multiples conflits sociaux, a accentué la crise de l'économie tunisienne, d'autant que la crise se prolonge en Europe. Les nouveaux dirigeants n'ont pas su proposer ni mettre en oeuvre jusqu'à maintenant un nouveau modèle de développement, se contentant de mesures palliatives pour réduire la tension sociale et assurer le financement de l'économie avec l'appui des bailleurs internationaux.

2. Une économie assez solide

Somme toute, l'économie tunisienne a montré sa solidité face aux chocs intérieurs (transition politique) et extérieurs (ralentissement économique mondial, crise de l'euro et guerre en Libye).

Après avoir diminué de 1,8% en 2011, la croissance du PIB s'est élevée, au-delà des prévisions initiales, à 3,6% en 2012 et pourrait suivre la même trajectoire en 2013 (environ à 4% selon le FMI) et en 2014 (4,5%). La reprise observée semble pourtant fragile au regard des incertitudes intérieures (mouvements sociaux et instabilité politique) et extérieures (tensions en Libye, risque de récession européenne et attentisme des investisseurs étrangers). ). Le premier trimestre a été décevant, selon le gouverneur de la Banque centrale (BCT), Chedly Ayari : 2,7% en tendance annuelle 66 ( * ) .

Traditionnellement dynamique, la consommation reste vive (deux tiers du PIB, soit 3 points de croissance) mais elle demeure fortement tirée par la hausse des salaires, les recrutements dans la fonction publique, la politique de subventions à travers la Caisse générale de compensation (1/5 du budget de l'Etat), par une politique monétaire accommodante que le FMI a demandé à la Banque centrale de stopper et sur la vigueur du secteur informel 67 ( * ) (estimé à 40% du PIB). Des tensions inflationnistes ont incité la BCT à relever son taux directeur à 4% et pourraient par ailleurs peser sur la consommation finale des ménages.

Toutefois, le taux de chômage ne se réduit que graduellement: le taux officiel est passé de 18,9% fin 2011 à 16,7% fin 2012 mais ces chiffres masquent encore de profondes disparités régionales et de genre et sont améliorés par les réintégrations massives dans la fonction publique.

3. Les dispositifs sociaux ont aggravé le déficit budgétaire

La réduction des tensions sociales a constitué un objectif prioritaire pour le premier gouvernement de transition avec la mise en place de dispositif d'intégration de près de 200 000 diplômés-chômeurs (programme Amel 68 ( * ) ), la suppression de la sous-traitance dans le secteur public et l'ouverture de chantiers de travail 69 ( * ) .

Entretenu par les dépenses de fonctionnement (quasi doublement des subventions en valeur absolue et hausse des salaires) le déficit budgétaire pour 2012 s'élève à 5,4% du PIB et devrait croître à 7,2% du PIB en 2013 (contre 3,2% en 2011). Il semble avoir été limité, sur la fin de l'exercice budgétaire mais la réalité des hausses de recettes et de certaines limitations de dépenses font débat. Malgré une dette publique totale estimée à 43,8% du PIB pour 2012 (44,4% en 2011), la Tunisie semble en mesure de faire face à ses remboursements en 2013 70 ( * ) .

4. L'élargissement du déficit commercial

L'élargissement du déficit commercial en 2012 a entretenu le déficit courant qui a dépassé 8,1% du PIB (7,3% en 2011).

Les chiffres du commerce extérieur tunisien pâtissent du ralentissement de la croissance au sein de l'Union européenne (destination de 71,4% des exportations tunisiennes en 2012) Le déficit commercial s'est aggravé (5,8 Mds d'euros contre 4,3 en 2011) en raison d'une forte hausse des imports (+13,3%), soit un rythme de croissance de l'ordre de deux fois supérieur à celui des exports). La résilience de la demande extérieure repose pour deux-tiers sur les secteurs traditionnels du régime offshore (entreprises totalement exportatrices bénéficiant d'un régime fiscal avantageux). Par ailleurs, du fait des mouvements sociaux, le premier poste d'exportation hors off-shore en Tunisie, à savoir l'activité minière (phosphates), enregistre une diminution de 83% au cours du premier trimestre de 2013 comparé à 2010. Cependant, au premier trimestre 2013, on observe une amélioration de la balance commerciale (+100 millions d'euros en mars) et du taux de couverture (74,3% en mars contre 69,5% en 2012).

En raison de la récession de la zone euro et du ralentissement de la croissance française (premier partenaire commercial), les comptes extérieurs de la Tunisie restent donc sous pression dans un contexte de recul des recettes touristiques (- 5,7% au premier trimestre 2013) non compensé par l'augmentation des transferts des expatriés (+ 23,7% en 2012).

Le tourisme, qui représente 7% du PIB et 400.000 emplois, souffre du climat d'instabilité politique avec une baisse de 11,3% du nombre d'entrées de non-résidents par rapport à 2010, année de référence dans le secteur et une baisse de recette de 10%. En 2012, 6 millions d'entrées de non-résidents ont été comptabilisées. Au premier trimestre 2013, les recettes touristiques ont chuté de 2,8% par rapport à la même période 2012 et de plus de 5,7% par rapport à 2010.

a) Une économie massivement soutenue par l'aide internationale

Depuis la conclusion du Partenariat de Deauville du G8 en mai 2011, les bailleurs sont venus massivement combler, en 2012 comme en 2011, les besoins de financement extérieurs 71 ( * ) . En 2013, ces besoins sont estimés à 3 milliards de dollars 72 ( * ) , soit 19% du budget de l'État.

L'aggravation des déséquilibres commerciaux et budgétaires en 2012 ont incité la Tunisie à négocier un accord de confirmation avec le FMI (1,75 Mds USD) qui permettrait de soutenir le programme économique du gouvernement et de renforcer la stabilité budgétaire et extérieure du pays. Cet accord est conditionné toutefois par des réformes de structure ambitieuses 73 ( * ) notamment bancaires. Il constituerait un signe positif pour soutenir les efforts du gouvernement dans la mise en oeuvre de réformes prioritaires et la consolidation des comptes extérieurs.

La confiance des investisseurs a été affectée en février 2013 par la dégradation de la notation souveraine de la Tunisie par les agences Standard and Poor's et Moody's. Ainsi, le déséquilibre des comptes extérieurs ne peut être compensé de façon intégrale par les flux d'aides financières et les IDE.

Les décaissements de financements internationaux ont par ailleurs permis en fin d'année une augmentation des réserves en devises, qui sont repassées au-dessus du seuil psychologique acceptable de 100 jours d'importations (102 jours au 30 avril 2013 contre 94 fin 2012).

b) La situation politique a entraîné un attentisme des acteurs économiques

La situation politique, mais aussi une certaine inertie des administrations dont certains responsables ont été évincés, a aggravé l'attentisme des acteurs économiques. Les réformes structurelles annoncées pour rassurer les investisseurs tardent à se concrétiser (nouveau code des investissements, loi sur les PPP, réforme des marchés publics...).

De plus, la polarisation des dirigeants sur les réformes institutionnelles globales, au détriment d'une relance concrète de la « machine économique », a contribué à geler le processus de décision concernant les grands projets 74 ( * ) .

Hormis les mesures palliatives fondées sur une politique budgétaire expansionniste répondant aux priorités immédiates, et dans une phase de transition qui se prolonge, la Tunisie reste en quête d'un modèle de développement soutenable.

c) Un enjeu social considérable

Les tensions sur le marché du travail, notamment chez les jeunes diplômés de l'enseignement supérieur, restent vives et participent au développement de mouvements sociaux d'envergure qui perturbent le bon fonctionnement de l'activité économique nationale.

« Signe tangible de tension et d'impatience, les contestations ont crû, malgré les mesures sociales d'urgence (...). Des mouvements revendicatifs de tout ordre n'ont cessé d'agiter le pays avec certains pics (notamment en juin-juillet 2011et janvier 2012). » 75 ( * ) Ces manifestations concernent autant certaines catégories de salariés qui souhaitent bénéficier des dividendes de la révolution, que les chômeurs. Comme l'ont indiqué les dirigeants de l'UGTT, les mouvements des sans-emploi échappent en grande partie au contrôle des syndicats et composent la majorité des contestations. Certains, déçus de ne pas être recrutés, bloquent l'accès des travailleurs à leurs lieux de travail.

Au cours des années à venir, le pays devra trouver la voie d'une croissance inclusive, capable d'employer la population active et d'être mieux répartie sur le territoire sans creuser les déséquilibres (commerciaux, financiers et budgétaire).

D. MAURITANIE : UNE ÉCONOMIE EN DÉVELOPPEMENT MAIS FORTEMENT ASSISTÉE

Intermédiaire entre les pays d'Afrique du Nord et ceux de l'Afrique de l'Ouest, et sans doute moins dépendante de l'activité économique en Europe, l'économie mauritanienne a été moins affectée que celle des pays du Maghreb.

Après le rebond qu'elle a connu en 2012 (+ 6,9% - le PIB atteint 7 824 Mds $) et qui faisait suite à une période de sécheresse, l'activité économique devrait croître de plus de 6,5% en 2013 soutenue par le dynamisme de l'agriculture et des services, une production minière plus régulière et de grands projets d'infrastructures : le nouvel aéroport, une ligne électrique terrestre et un système d'adduction d`eau potable. La marge de manoeuvre des autorités s'est considérablement améliorée grâce au programme soutenu par la FEC 76 ( * ) et la politique budgétaire suit aussi une orientation plus prudente. La flambée des prix du minerai de fer et l'afflux de recettes minières préserveront en 2013 les amortisseurs extérieurs et budgétaires.

L'inflation est estimée à 5,3%. Les prix des produits alimentaires locaux ont augmenté faiblement sous l'effet de bonnes récoltes et les prix administrés des principales denrées de base importées ont continué de transmettre de façon limitée les effets de la hausse des prix internationaux des produits alimentaires.

Le déficit du compte courant s'est creusé pour s'établir à 32% du PIB en 2013 en raison de l'afflux d'investissements financés par l'IDE dans le secteur minier. Le paiement anticipé de la licence de pêche par l'UE (qui équivaut à 2,1% du PIB et qui n'était pas attendu avant 2013) ainsi que le don exceptionnel de la Libye promu lors de la table ronde des bailleurs de fonds de 2010 (environ 5% du PIB) ont conforté la position extérieure du pays en 2012, en portant les réserves de change brutes à 962 millions de dollars fin 2012, soit l'équivalent de 6,2 mois d'importations. La situation s'est un peu dégradée en 2013 (907 millions de dollars).

Les résultats budgétaires consolidés en 2012 grâce à un meilleur recouvrement des impôts et à l'amélioration de l'administration fiscale, au paiement anticipé de la licence de pêche, au don exceptionnel reçu ce qui avait permis de financer la hausse des subventions alimentaires dans le cadre du programme d'urgence mis en place pendant la sécheresse, le remboursement des arriérés de la dette accumulés en 2011 et les subventions à l'électricité, la masse salariale restant contenue, se sont légèrement détériorés en 2013 . Le solde de base hors pétrole (dons et dépenses en capital financées par l'extérieur non compris) et le solde global, devenus excédentaires pour la première fois dans l'histoire récente de la Mauritanie sont redevenus déficitaires en 2013 en raison de la baisse des recettes du secteur halieutique et de l'augmentation des dépenses publiques dont celles affectées à l'organisation des élections législatives.

La Mauritanie reste toutefois largement soutenue par l'aide internationale au développement . Elle est l'un des pays d'Afrique les plus aidés par habitant par la communauté des bailleurs internationaux (environs 100 $ d'aide publique au développement par habitant soit le quart du PIB).

La Mauritanie a surmonté plusieurs chocs exogènes et a retrouvé une certaine stabilité macroéconomique. Cela permet de relancer le développement des infrastructures : l'enveloppe d'investissements publics a plus que doublé en proportion du PIB hors pétrole pour la période 2010-13. Toutefois, malgré ces efforts, la plupart des objectifs du Millénaire pour le développement fixés pour 2015 concernant l'éducation, la santé et l'environnement durable semblent difficiles à atteindre 77 ( * ) . Il est, en outre, probable que la sécheresse de 2011 a aggravé la situation de pauvreté : 70% des pauvres vivent en zone rurale. Le taux de chômage reste élevé à plus de 30%, le PIB par habitant s'élève à 2 225 $, parmi les plus faibles du monde (190 e rang) et 40% de la population demeure en dessous du seuil de pauvreté.

Les perspectives économiques à court et moyen termes restent favorables. En outre, le retour des armateurs européens avec la mise en oeuvre de l'accord de partenariat avec l'Union européenne devrait relancer l'activité du secteur de la pêche, dont l'activité a chuté de 25% depuis le début de l'année.

Cependant, plusieurs risques potentiels demeurent bien présents : vulnérabilité à une évolution négative du prix des matières premières, climat peu favorable aux affaires 78 ( * ) , croissance insuffisamment partagée avec des taux élevés de pauvreté et de chômage, ce qui nécessitera une stratégie globale de réformes structurelles. Elle doit par ailleurs faire face au coût de l'assistance aux réfugiés maliens.

Le FMI milite pour une diversification de la base productive qui passe par la promotion du secteur privé et un accès facilité au crédit mais aussi pour la mise en oeuvre d'une stratégie de développement basée sur l'emploi.

*

* *

Les économies des pays du Maghreb disposent d'un potentiel de croissance important et font preuve de résilience, en dépit du ralentissement observé en 2011-2012 imputable au contexte de transition et à un environnement extérieur défavorable. Ce ralentissement a entraîné des besoins de financement accrus pour les pays en transition, pour autant ceux-ci ne traduisent aucun problème de soutenabilité de l'endettement extérieur public. La mise en place dans la plupart de ces pays en 2012 de programmes d'assistance du FMI répond à leurs besoins de financement immédiats accompagnant le rebond de l'activité attendu en 2013 et la mise en place de réformes structurelles.

E. LA CROISSANCE : UNE CHANCE À SAISIR

Croissance de la population et croissance économique sont les caractéristiques de la région depuis plusieurs années, si l'on met entre parenthèses la période des crises politiques en Tunisie et en Libye, qui ont ralenti l'activité économique. Ce faisant, cette croissance reste incapable, pour des raisons structurelles, d'offrir des emplois à tous et notamment aux jeunes qui, nombreux, accèdent au marché du travail , une proportion croissante d'entre eux étant de surcroît diplômés. Elle laisse en dehors du secteur économique (sauf agriculture) nombre de femmes , alors que le taux d'alphabétisation de celles-ci rejoint progressivement celui des hommes. Une partie importante de la population demeure dans la pauvreté et ne profite pas de la croissance économique.

Tableau n° 46 : PNB par habitant en 2009

Algérie

Libye

Maroc

Tunisie

Mauritanie

PNB par habitant en 2009 (en $)

8110

16400

4400

7810

1940

Part de la population vivant avec moins de 2 $/ jour

24

n.d.

14

13

44

Source : PRB (The Population Reference Bureau)

Comme le notent les instances européennes dans un récent rapport sur la politique de voisinage 79 ( * ) : « D'importantes disparités socioéconomiques persistent dans de nombreux domaines(...). Si on ne s'y attaque pas, ces facteurs continueront à mettre en péril la future stabilité sociale et la transition vers la démocratie.»

1. Des taux de chômage élevés, plus particulièrement chez les jeunes de plus en plus diplômés

La région connaît le plus haut taux de chômage des primo-demandeurs d'emploi au monde (25% en moyenne). L'économie n'est pas en mesure de créer des emplois nets en quantité et en qualité suffisantes.

Tableau n° 47 : Taux d'alphabétisation et d'activité des 15 ans et plus

Algérie

Libye

Maroc

Tunisie

Mauritanie

Taux d'alphabétisation des 15-24 ans H/F

94/89

100/100

85/68

98/96

71/65

Taux de participation de la population active des 15 ans et plus H/F

72/15

70/30

75/26

70/26

79/29

Source : Banque mondiale

Les tensions sur le marché du travail, notamment pour la population croissante des diplômés, demeurent très fortes. L'augmentation rapide de la population active (de 3 à 4 % par an) devrait se poursuivre jusqu'en 2015 environ. Les entrées annuelles sur le marché du travail au cours des années à venir sont de l'ordre de 600 000 en Algérie, 400 000 au Maroc et de 80 000 en Tunisie. La gestion de ce pic est au coeur de la stabilité politique de la région.

D'ici 2020, ce sont donc plus de 7 millions d'emplois nouveaux, environ 1 million par an, qui seront nécessaires pour absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail.

Ce chiffre sera encore plus élevé si l`on tient compte de la tendance à la participation croissante des femmes dans la population active engagée timidement depuis 20 ans. Le taux d'activité demeure faible alors que les taux de scolarité des femmes sont très élevés.

Ce paradoxe laisse à penser que la hausse du taux d'activité des femmes pourrait constituer une donnée importante de l'évolution du marché du travail dans la région au cours des prochaines décennies et ceci d'autant plus que les ménages qui ne comptent qu'un actif sont plus vulnérables à la conjoncture économique et donc exposés aux aléas de la vie.

Enfin la situation est aggravée par le ralentissement des migrations économiques tant vers l'Europe que vers les pays du Golfe qui ont longtemps absorbé un part de la main d'oeuvre des pays arabes mais ont tendance, depuis quelques années, à renationaliser leurs emplois.

Ainsi les dynamiques démographiques rendent indispensables le renforcement de la capacité des pays à créer de l'emploi.

2. Une croissance insuffisamment créatrice d'emplois

La combinaison de nombreux facteurs expliquent cette croissance peu dynamique et au contenu trop faible en emplois :

• Les modèles fondés sur une flexibilité du marché du travail peu qualifié et un positionnement sur les segments aval de l'industrie légère (notamment le textile) ont conduit à un « verrouillage » de ces économies dans des activités à faible valeur ajoutée , dont elles peinent à sortir. La faible montée en gamme du tissu économique ne parvient pas à employer les jeunes issus du système universitaire - dont la qualité tend par ailleurs à se dégrader 80 ( * ) . Certains pays de la région voient leur capital humain s'échapper vers des destinations où la formation est mieux valorisée.

• Les activités destinées à l'exportation ont été concurrencées par l'arrivée sur le marché international des produits des pays d'Asie. Les industries de main d'oeuvre du Maghreb ne peuvent rivaliser avec les salaires servis dans ces pays et s'adapter aux exigences du marché européen en matière de productivité qu'en accroissant l'intensité capitalistique au détriment de l'emploi.

• La place du secteur privé est faible et la relève progressive de l'investissement public par l'investissement privé dans le secteur productif est difficile. La faiblesse du secteur privé exigerait une réorientation des politiques publiques, moins en faveur des « grands projets » que du soutien aux PME.

• Enfin, les modèles économiques « fortement rentiers », comme l'Algérie et la Libye , ne sont pas parvenus à édifier un tissu industriel diversifié et sont confrontés à un chômage de masse. Lorsque le taux de chômage diminue, ce qui a été le cas en Algérie au cours des dix dernières années, c'est au profit du développement des emplois précaires, temporaires et dans l'économie informelle.

Au-delà de la transition politique, la question de la transition économique qui permettrait d'élever le potentiel de croissance à long terme et d'accroître son contenu en emplois est posée. Les gouvernements sont confrontés à la nécessité de construire de nouveaux modèles de croissance plus robustes et plus inclusifs, s'ils souhaitent désamorcer la « bombe sociale » que constituent le manque de perspectives et le chômage des jeunes.

3. Une inadéquation entre formations initiales et emplois

Une récente étude de la BAfD a montré que l'inadéquation des filières de formation aux évolutions du marché de l'emploi était aussi une source du chômage des diplômés.

« L'inadéquation des qualifications et les transitions inefficaces de l'école à la vie active ont eu pour effet l'accroissement du chômage des jeunes parallèlement à l'augmentation du niveau d'instruction. Au Maroc, 61 % des jeunes ayant suivi des études secondaires ou plus sont sans emploi, contre 8 % pour les jeunes non instruits. En Tunisie, 40 % des jeunes ayant suivi des études universitaires sont sans emploi, contre 24 % pour les non-diplômés. En Algérie, plus de 34 % des personnes sans emploi ont terminé leurs études secondaires ou tertiaires.

Nombre d'employeurs du secteur privé préfèreraient plutôt embaucher des adultes ayant une expérience professionnelle que des jeunes dotés de compétences acquises à travers l'éducation formelle. Les jeunes travailleurs, particulièrement les jeunes instruits, connaissent de longues périodes de chômage avant de trouver des emplois stables. Au Maroc, la durée moyenne de chômage est de plus de 40 mois. En Tunisie, les diplômés sont au chômage pendant 28 mois en moyenne, contre 19 mois pour les non-diplômés ».

4. Une place insuffisante faite aux femmes sur le marché du travail

Les données du Rapport des Nations unies sur les Objectifs du Millénaire montrent qu'en Afrique du nord, l'écart entre les sexes en matière d'emploi est particulièrement prononcé et que les femmes n'ont pas plus largement accès à l'emploi rémunéré qu'il y a vingt ans. Elles détiennent moins de 20% des emplois en dehors du secteur agricole.

Nombre d'entre elles ne sont pas prises en compte par les statistiques du chômage. Les femmes devraient à l'avenir intégrer davantage le marché du travail, ce qui serait logique compte tenu de la croissance de leur scolarisation 81 ( * ) .

5. Un traitement social inadapté et peu productif

Les inégalités d'accès aux fruits de la croissance et aux opportunités économiques ont, elles aussi, largement contribué aux tensions sociales. Les perceptions d'iniquité dépendent fortement du système de répartition des richesses par le jeu de la fiscalité et de la protection sociale.

Le pacte social entre l'État et la population a longtemps reposé sur l'idée qu'à la citoyenneté était associé, à défaut de droit politique, un ensemble de droits économiques et sociaux. La part publique de la redistribution prenait essentiellement la forme de subventions des produits de première nécessité et d' emplois publics . Ce système a été mis à mal à partir des années 1990-2000. Hormis les économies pétrolières, l'État s'est trouvé contraint de réduire les subventions dans un contexte de hausse des prix des matières premières, et incapable d'offrir des emplois à tous les jeunes diplômés de l'enseignement supérieur. Dès lors l'accroissement des inégalités a fragilisé le tissu social des sociétés de la région.

Sans doute des réformes économiques et sociales ont été mises en oeuvre pour s'attaquer à ces faiblesses dans les domaines de la santé et de l'éducation, ou dans le domaine de la lutte contre la pauvreté 82 ( * ) mais beaucoup reste à faire.

Le déclassement de certaines franges des classes moyennes exposées au chômage et à la hausse des prix a contribué au mécontentement social, avivé dans certains cas par des pratiques de prédation économique en faveur des pouvoirs en place. En Tunisie, comme en Égypte, ce sont les jeunes diplômés du supérieur, soumis à des nouvelles formes de précarité, qui ont constitué les cadres des révolutions, rejoints par d'autres « perdants » d'une croissance économique faible en emplois. Les revendications populaires ont mis en exergue une aspiration à plus de justice sociale et à une répartition plus efficace des richesses qui se traduit notamment en Tunisie, mais aussi en Algérie et au Maroc, par de nombreuses grèves, manifestations et conflits sociaux.

Lorsqu'elles ne s'expriment pas de façon collective, ces situations de mal être peuvent conduire à des actes de désespérance 83 ( * ) . Le suicide du jeune marchand de fruits et légumes de Sidi Bouzid en décembre 2010 qui a été le point de départ de la révolution tunisienne, n'est en rien marginal, les cas de suicides justifiés par ce sentiment d'exclusion sociale sont nombreux en Algérie.

Elles peuvent également s'exprimer par des stratégies individuelles de salut par l'immigration clandestine , malgré les restrictions et les contrôles mis en place tant dans les pays d'accueil que dans les pays de départ 84 ( * ) . Certaines formes d'immigration peuvent consister à s'engager dans le combat armé à l'étranger, parfois au sein de groupes terroristes, sans qu'il soit possible de distinguer clairement religion et appât du gain.

6. Des déséquilibres régionaux persistants

Aux inégalités sociales persistantes s'ajoutent des inégalités territoriales qui se combinent avec elles et génèrent un double sentiment d'enfermement social et spatial.

En Tunisie, les déséquilibres territoriaux se sont creusés avec l'apparition de poches de pauvreté urbaine (quartiers informels ou cités-dortoirs) et rurale (bassins industriels sinistrés, zones rurales marginalisées). L'orientation des économies vers l'exportation et le tourisme à partir des années 1980 a renforcé un développement inégal du territoire, les investissements dans ces activités étant concentrés dans les capitales ou sur les zones du littoral.

Depuis cette décennie, deux Tunisies se font quasiment face, le pays est coupé en deux sur un axe Nord-Sud.

Selon un rapport récent de l'International Crisis Group 85 ( * ) : « l'une, historiquement délaissée, la « bande ouest », a vu son niveau de vie « stagner pour côtoyer celui de la Mauritanie ». L'autre, la « bande est », ouverte sur l'extérieur, a drainé les investissements et modernisé ses infrastructures. En 2007, entre ces deux pays, le taux de chômage officiel accusait jusqu'à 15 points de différence, respectivement 6 et 21 pour cent. Le littoral regroupait près de 80 % des 122 zones industrielles du pays et autant en emplois. Ces inégalités régionales de plus en plus intolérables ont suscité un vif sentiment d'injustice et d'humiliation parmi les populations des régions défavorisées. »

Le départ de l'insurrection depuis Sidi Bouzid trouve sa logique dans la déshérence économique de cette zone laminée par la crise économique. Il n'est pas étonnant que les mouvements sociaux et de protestation continuent à être virulents dans ces régions depuis deux ans comme par exemple les émeutes qui ont fait 250 blessés à Siliana en novembre 2012.

Au Maroc, quatre des seize régions créent la moitié des richesses du pays. Les autorités estiment que les disparités de développement au niveau territorial coûtent jusqu'à 2 points de croissance par an à l'économie nationale du fait de la moindre productivité de ces territoires éloignés des circuits commerciaux et de leur faible potentiel de consommation. De nombreuses zones rurales sont ainsi restées à l'écart du processus de développement, délaissées par une jeunesse attirée par les villes. En l'absence de transfert de richesses au niveau national, ces périphéries disposent de services publics moins performants.

Alimentées par d'importants mouvements de migration en provenance des zones les plus pauvres et marginalisées, les inégalités se sont progressivement inscrites dans le paysage urbain. Dans les zones urbaines non planifiées, l'insuffisance d'infrastructures publiques et la situation de précarité foncière des populations leur interdisent d'investir durablement dans l'amélioration de leur habitat. Il en résulte une aggravation de la précarité de leurs conditions de vie, mais aussi une inégalité d'accès aux opportunités économiques et aux services publics.

Cette dimension semble avoir été prise en compte par les autorités avec des programmes d'infrastructures importants dans certaines régions les plus pauvres.

En Algérie , on observe le développement d'une certaine aisance des zones littorales qui bénéficient de bonnes infrastructures, alors que le Sud est plus pauvre. Les mouvements sociaux et les manifestations de chômeurs qui se sont accrus dans ces régions depuis quelques années témoignent de ce clivage.

7. Une émigration plus limitée et l'arrivée d'une immigration pérenne

Enfin, l'émigration qui constituait une échappatoire possible pour une jeunesse en quête d'emplois et de ressources est devenue plus difficile, notamment vers l'Europe, ce qui a réduit l'effet réducteur qu'elle pouvait avoir sur le chômage et ses conséquences sociales et le potentiel de ressources en retour dont auraient pu bénéficier les économies.

Parallèlement, et en conséquence de la fermeture plus étanche des frontières de l'Europe, les candidats à l'immigration clandestine des pays d'Afrique subsaharienne ont été plus nombreux à rechercher des passages par le Maghreb et sont venus gonfler le nombre de personnes sans emploi ou en emploi précaire dans tous les pays.

Mais on observe également, au-delà du cas exceptionnel de la Libye où la main d'oeuvre immigrée, évaluée à 2 millions de personnes, occupait avant 2011 la quasi-totalité des emplois dans l'industrie et les services, que depuis quelques années les économies locales ont absorbé une partie de ces migrants qui se sont installés et deviennent attractives pour d'autres, qu'il s'agisse de migrants chinois employés dans le secteur du BTP en Algérie (40 000 environ) ou de ressortissants des pays d'Afrique subsaharienne, parfois diplômés, qui s'installent au Maroc, en Tunisie ou en Algérie et occupent des emplois divers, souvent précaires, mais répondent à des besoins non satisfaits de main d'oeuvre ou d'activités locales 86 ( * ) .

8. Des progrès à réaliser pour créer un climat favorable au développement des investissements internationaux

Les pays du Maghreb restent relativement mal classés par les agences de notations tant pour ce qui concerne l'environnement propice au développement des affaires qu'en matière de corruption.

Au-delà des mesures immédiates, l'établissement de la sécurité et de la reconstruction économique passera par un assainissement de l'environnement des affaires qui freine actuellement les établissements financiers dans l'accompagnement des entreprises étrangères.

Enfin on notera que la pression populaire qui s'est manifestée dans l'ensemble du monde arabe en 2011 portait une forte indignation citoyenne contre la corruption.

Tableau n° 48 : Les pays du Maghreb dans le classement de Transparency International

Pays

Rang (174 pays classés)

Score (de 0 à 100)

2010

2011

2012

2010

2011

2012

Algérie

105

112

105

29

29

34

Tunisie

59

73

75

43

38

41

Maroc

85

80

88

34

34

37

Libye

146

168

160

22

20

21

Mauritanie

143

143

123

23

24

37

Classement établi par Transparency International 87 ( * ) .

Tableau n° 49 : Les pays du Maghreb dans le classement « All doing business »

Tunisie

Maroc

Algérie

Mauritanie

Libye

Facilité à y faire des affaires

51

87

153

173

187

Création d'entreprise

70

39

164

173

171

Octroi de permis de construire

122

83

147

123

189

Raccordement à l'électricité

55

97

148

124

68

Transfert de propriété

72

156

186

67

189

Obtention de prêts

109

109

130

170

186

Protection des investisseurs

52

115

98

147

187

Paiements des impôts

60

78

174

181

116

Commerce transfrontalier

31

37

133

152

143

Exécution des contrats

78

83

129

75

150

Règlement de l'insolvabilité

39

69

60

189

189

Classement établi par All doing business 88 ( * ) pour 2014 (189 pays classés)

Tous les Etats du Maghreb, à l'exception du Maroc, ont reculé par rapport au classement 2013. La Libye est classée pour la première fois.

La Tunisie est traditionnellement le mieux classé des pays du Maghreb par les organismes internationaux pour le climat des affaires, même si des progrès restent à faire pour réduire les cas de corruption.

Le Maroc progresse, ce qui traduit ses efforts pour faciliter la création des entreprises et la mise en place d'un environnement des affaires plus transparent.

Une Instance centrale de prévention de la corruption existe depuis 2007.

Longtemps dépourvue d'indépendance et de moyens, elle a pu néanmoins produire des rapports critiques 89 ( * ) . L'instance bénéficie désormais d'un statut constitutionnel. Un débat est engagé avec le ministère de la justice sur ses pouvoirs d'investigation. Elle considère que ce problème touche principalement les marchés publics 90 ( * ) et qu'il importe de lutter contre l'impunité. La question est donc débattue de façon ouverte, ce qui est un premier pas tangible et encourageant. Le Maroc a signé et ratifié la convention des Nations unies contre la corruption, ce qui l'oblige à transposer dans sa législation nationale un certain nombre de dispositions. La nouvelle constitution consacre à la moralisation de la chose publique de nombreuses dispositions. Incontestablement, le Maroc est sorti de la phase du déni pour entrer dans celle de l'action, reste à mesurer l'effectivité et l'efficacité des dispositifs mis en place.

En Algérie, la corruption mine de façon endémique l'économie 91 ( * ) et ne fait guère l'objet d'investigations et de poursuites. Le procès en cours impliquant la principale entreprise publique Sonatrach est la conséquence d'une enquête menée par le Parquet de Milan. Cette situation pénalise l'Etat et freine les investisseurs. Le classement des pays établi par Transparency international selon les signes de corruption perçus constate ce fléau important.

III. LE DIFFICILE PROCESSUS DE LA DÉMOCRATIE

Il est toujours un peu arbitraire de faire débuter à une date précise un processus de transformation ou de transition, qui, même s'il se cristallise autour d'un évènement particulier qui prend une nature symbolique, est en réalité la résultante d'une évolution inscrite dans une temporalité plus longue. Le printemps 2011 et les changements de régime qui vont s'opérer parfois brutalement dans le monde arabe constituent une période clef, mais il est évident que le processus a débuté bien antérieurement même de façon souterraine ou peu lisible dans certains Etats, de façon prévisible dans d'autres comme le Maroc et que ce processus engagé est loin d'être terminé. Les processus s'inscrivent dans le temps long, on ne peut aujourd'hui avoir aucune certitude sur leurs issues. Ils s'inscrivent aussi dans des réalités et des histoires nationales propres qui les différencient et les singularisent. Après avoir analysé chacun d'entre eux, il sera possible de discerner quelques traits communs.

A. TUNISIE : UNE MISE EN oeUVRE DIFFICILE DE LA DÉMOCRATIE

Deux ans après avoir initié le printemps arabe, la Tunisie progresse dans son processus de transition démocratique. Le parcours est chaotique, parfois empreint de violence, mais le dialogue politique et constitutionnel malgré des phases de blocage permet de nourrir des espérances de voir émerger du « laboratoire tunisien » un modèle d'équilibre entre les aspirations des différents courants qui traversent la société.

1. Le point de départ : une révolte et une révolution

Le 17 décembre 2010, l'immolation par le feu d'un jeune vendeur de fruits et légumes, Mohamed Tarek Bouazizi, l'un des très nombreux jeunes Tunisiens qui gagnait sa vie dans le commerce informel à Sidi Bouzid, ville de l'intérieur déshérité, à la suite de la confiscation de son outil de travail, une modeste charrette, va être le point de départ de la révolution. Ce geste concentrait tout le désespoir d'une large partie de la jeunesse tunisienne confrontée au chômage massif, réduite aux petits boulots, le poids de la fracture territoriale croissante entre la côte et l'intérieur du pays, face à un État autoritaire et des dirigeants corrompus. À partir de cet évènement, les revendications sociales et économiques deviennent politiques : un appel à la dignité, et aboutissent au départ du président Ben Ali le 14 janvier 2011. En moins d'un mois, par un soulèvement endogène, spontané mais coordonné 92 ( * ) et relativement peu violent 93 ( * ) , un peuple arabe renvoyait un dirigeant sans coup d'État, ni putsch militaire.

On soulignera la neutralité temporisatrice de l'armée tunisienne dans cette période et notamment le refus du général Rachid Ammar alors chef d'état-major de l'armée de Terre, de tirer sur les manifestants lors des mobilisations populaires du mois de janvier 2011. Cette attitude de l'Armée n'est guère surprenante car elle était de longue date tenue éloignée des affaires politiques 94 ( * ) .

2. Les étapes de la transition

Au lendemain du départ de Ben Ali, se met en place un gouvernement de transition, dit d'union nationale, dirigé par Mohamed Ghannouchi, alors Premier ministre, qui adopte un certain nombre de réformes démocratiques importantes :

- loi d'amnistie générale pour les prisonniers politiques ;

- démantèlement de la police politique ;

- adhésion à plusieurs conventions internationales sur les droits humains ;

- dissolution de l'ex-parti au pouvoir le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD).

Sous le gouvernement de Beji Caïd Essebsi (27 février-24 décembre 2011), l'Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution (ISROR) 95 ( * ) présidée par le professeur Yadh Ben Achour, a élaboré une nouvelle loi électorale pour désigner une Assemblée nationale constituante (ANC). Elle a également adopté un nouveau code de la presse plus libéral. Parallèlement, plus d'une centaine de partis politiques ont été légalisés, la loi sur les associations a été assouplie et une plus grande liberté garantie aux organisations politiques.

Le 23 octobre, les élections se déroulent de manière transparente dans un climat pacifique 96 ( * ) sous la surveillance de l'Instance supérieure indépendante pour les élections qui a joué son rôle de façon efficace.

Le taux de participation est cependant faible : - 51,7 % des inscrits.

Les 27 formations obtiennent au moins un siège, mais le morcellement fait que 31,83 % des voix ne sont pas représentées.

Avec le faible taux de participation, près de 65% des inscrits ne sont pas représentés à l'assemblée constituante.

Avec 49 élues, les femmes représentent 22,6% des députés.

Tableau n° 50 : Les scores et le nombre de sièges obtenus par les grands partis issus de l'élection à l'Assemblée nationale constituante

Source : Isie 2011

• Le parti Ennahdha (islamiste proche des Frères musulmans) remporte 89 des 217 sièges de l'assemblée constituante.

Ennahdha (La Renaissance), né au début des années 1980, a été particulièrement réprimé par le régime Ben Ali. Nombre de ses cadres ont effectué de longs séjours en prison : Ali Laârayedh, l'actuel Premier ministre, y a séjourné 18 ans, d'autres, comme son président Rached Ghannouchi, furent contraints à l'exil.

• Divisés, les autres partis politiques obtiennent des résultats moindres.

Le Congrès pour la République (centre gauche) de Moncef Marzouki : 29 sièges,

La Pétition populaire pour la liberté, la justice et le développement (Al Aridha) : 26 sièges,

Ettakatol (social-démocrate) de Mustapha ben Jafaar : 20 sièges,

Le Parti démocrate progressiste (centre gauche qui deviendra le parti républicain (Al- Joumhourri) de Nejib Chebbi et Maya Jribi : 16 sièges.

Au-delà des explications par l'inexistence ou l'inorganisation des partis non confessionnels, les résultats de l'élection de l'ANC sont le fruit d'un vote antisystème et du poids des réseaux islamistes. De nombreux citoyens ont considéré que les islamistes méritaient leur suffrage parce qu'ils étaient intègres ou moins corruptibles et parce qu'ils avaient payé lourdement le prix de leur opposition à l'ancien régime (vote compassionnel). D'ailleurs, les partis arrivés en second, le CPR, et en troisième (La Pétition populaire) étaient également antisystème.

Les résultats ont été acceptés par l'ensemble des partis, et trois des quatre formations arrivées en tête ont constitué une alliance gouvernementale (Troïka) et se sont réparties les plus hautes responsabilités :

• présidence de la République pour le président du CPR, Moncef Marzouki,

• présidence de l'ANC pour celui d'Ettakatol, Mustapha ben Jafaar,

• et présidence du gouvernement pour Ennahdha, Hamadi Jebali alors secrétaire général, (puis Ali Laârayedh).

Le Congrès pour la République est un parti de centre gauche fondé en 2001, regroupant des militants d'origines diverses, notamment des islamistes, des panarabistes et des gauchistes. Illégal sous Ben Ali, il a été présidé jusqu'en décembre 2011 par Moncef Marzouki, un médecin, ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme qui a vécu en exil.

Ettakatol , né en avril 1994, est de sensibilité sociale-démocrate, membre de l'Internationale socialiste. Son président Mustapha ben Jafaar est un ancien dirigeant de la Ligue tunisienne des droits de l'homme.

3. Un rapport de forces politiques

Depuis les élections, on assiste à la construction d'un rapport de forces politiques et de compromis, auxquels tant les forces politiques qui se sont restructurées, que le peuple grâce à la libération des espaces publics, participent. Cela donne une atmosphère de contestation et de désordre, mais c'est aussi le moyen de permettre aux différentes composantes d'une société qui est loin d'être aussi homogène que l'on l'imagine, de faire l'apprentissage de la démocratie. Cette situation est néanmoins périlleuse car elle peut déboucher sur des actes de violence extrêmement graves susceptibles de faire basculer le pays dans l'instabilité et conduire à d'inquiétantes périodes de blocage des institutions.

a) La tentation du parti Ennahdha d'imposer son agenda

Bien qu'élu au sein d'une coalition, le parti Ennahdha va dans un premier temps gouverner avec un agenda qui correspond à son propre intérêt, provoquant l'opposition de ceux qui étaient dans la coalition révolutionnaire mais ne partagent pas ses valeurs , suscitant des réticences, des interrogations ou des défections et une perte de crédit chez ses alliés 97 ( * ) au gouvernement et à l'ANC. Alors que le parti s'était engagé à ne revenir ni sur les libertés publiques, ni sur les droits des femmes et avait promis de conserver les acquis de la modernité, le bloc fondamentaliste, au sein d'Ennahdha, a commencé à faire pression pour restructurer la Constitution en accord avec la charia. Son évolution est aussi justifiée par l'émergence à sa droite d'une composante safafie avec laquelle il ne souhaitait pas entrer en conflit.

L'opposition reprochera vivement au parti islamiste de vouloir imposer son emprise sur l'ensemble du pays et de ses institutions afin de rendre impossible une autre majorité : un certain nombre de nominations ont alimenté le soupçon de noyautage des administrations, notamment locales et des mosquées, le pouvoir est accusé de conjuguer brutalité et complaisance face à une situation sécuritaire qui se dégrade ; enfin sa mauvaise gouvernance est critiquée. Plus grave, il lui est reproché d'utiliser « les ligues de protection de la révolution », qui constitueraient selon certains observateurs son « bras musclé » pour empêcher la tenue de certaines réunions publiques de l'opposition ou pour effectuer des pressions comme l'attaque le 4 décembre 2012 du siège de l'UGTT à Tunis.

b) La réaction de la société civile

Les velléités d'Ennadha vont être vivement contestées par la société civile , donnant lieu à de très nombreuses manifestations qui vont culminer avec l'assassinat de Chokri bel Aïd et l'impopularité croissante d'un gouvernement qui a beaucoup de difficultés à résoudre les questions économiques et sociales et à maintenir l'ordre public. Ses positions clivantes sur le plan doctrinal seront de moins en moins acceptées dans une société, certes conservatrice, mais ouverte sur l'extérieur et au sein de laquelle les femmes avaient acquis un statut tout à fait protecteur et libéral.

Il convient de souligner la place tout à fait particulière de l'UGTT dans le processus de transition et son positionnement par la force de sa base militante comme contrepoids politique mais aussi comme force temporisatrice, n'hésitant pas à brandir la menace d'une grève générale après la répression brutale des émeutes de Siliana en novembre 2012 et l'attaque de son siège par des membres des ligues de protection de la révolution, mais aussi à offrir sa médiation dans le débat constitutionnel avec sa proposition de dialogue national et à ouvrir le dialogue social avec l'UTICA, organisation représentant les entreprises.

L'UGTT revendique 750 000 adhérents implantés dans toutes les régions. Fondée en 1946, elle s'est toujours imposée comme un acteur politique de premier plan, alternant des phases de collaboration étroite à l'élaboration des politiques sociales et des phases de conflits ouverts. Elle a poursuivi son activité sous le régime Ben Ali, mais nombre de ses militants ont participé à l'organisation et au développement de la révolution tunisienne. Ses locaux ont été des lieux de ralliement de l'opposition.

(Isabelle Mandraud « L'UGTT, l'autre pouvoir tunisien - Le Monde 24-25 mars 2013)

c) La reconstitution des partis d'opposition

Tirant les leçons de son échec électoral, l'opposition est en voie de reconstitution autour de deux pôles, l'un au centre, le second plus marqué à gauche.

L'Union pour la Tunisie regroupe depuis décembre 2012 cinq partis dont le plus important, Nida Tounes 98 ( * ) (L'Appel de la Tunisie) est animé par Beji Caïd Essebsi, figure historique de la période Bourguiba, qui a présidé le gouvernement de transition avant les élections législatives. Son objectif est la préparation d'une plateforme électorale commune et la présentation d'une liste commune et d'un candidat commun aux prochaines élections. Les sondages en font un concurrent sérieux pour les prochaines élections. Cependant, cette Union et les partis qui la composent restent des formations de notables qui manquent de base militante et elle est traversée de courant divers, se situant dans une opposition plus ou moins frontale avec Ennahdha.

La gauche présente un « Front populaire » 99 ( * ) qui regroupe une douzaine de formations, Chokri Belaïd en était une figure charismatique.

Avec la montée des violences, l'impopularité croissante d'Ennahdha, et sa difficulté à entamer un dialogue véritable, les forces d'opposition se sont alliées au cours de l'été dans un Front de salut national.

d) La montée des violences

La face inquiétante et déroutante, mais probablement inévitable de cette période est qu'elle se déroule dans un climat délétère fait de tensions et de violences qui, si elles n'ont pas débouché sur une « guerre civile » comme le redoutent certains, n'en présentent pas moins des risques pour la stabilité du pays.

• Le rapport de l'International Crisis Group « Tunisie : relever les défis économiques et sociaux » 100 ( * ) , souligne la permanence de conflits sociaux, souvent inorganisés , émanant de groupes de chômeurs comme de salariés, parfois à consonance clanique, et la difficulté pour les autorités d'apporter des solutions durables à ces conflits, voire même de rétablir l'ordre public. Leur fréquence sous diverses formes (sit-in, blocage de voies de circulation, de routes ou de chemin de fer, blocage et parfois mise à sac des locaux des administrations ou de partis politiques, blocage de l'accès à des entreprises...) a été confirmée tant par les dirigeants de l'UTICA (association des entreprises) que par ceux de l'UGTT (principal syndicat de salariés) auxquels ces mouvements souvent spontanés et inorganisés sont étrangers. Certains donnent lieu à de violents affrontements avec la police (250 blessés à Siliana en novembre 2012). La situation semblait toutefois mieux maîtrisée par les autorités depuis la fin de l'année 2012.

• Réparti en plusieurs composantes quiétistes ou djihadistes 101 ( * ) , bénéficiant du retour de ses cadres emprisonnés ou exilés sous l'ère Ben Ali et amnistiés en janvier 2011, le mouvement salafi s'est implanté dans les quartiers populaires, a pris le contrôle parfois de façon violente de certaines mosquées et a accru sa puissance.

Il est difficile de mesurer le nombre de ses adeptes. Certains observateurs, notamment l'International Crisis Group, estiment à environ 50 000 le nombre de Tunisiens partageant les convictions des groupes salafis 102 ( * ) , mais la visibilité de leur action dépasse la modestie de leur recrutement. Absents lors des élections d'octobre 2011, ils ont depuis créé trois partis ayant chacun leurs sensibilités et leurs spécificités. 103 ( * )

Depuis sa création en avril 2011, le groupe Ansar Al-Charia a opéré le rassemblement de la mouvance jihadiste. Si l'objectif affiché du groupe à court terme était la prédication et l'enracinement dans la société tunisienne en profitant des faiblesses de l'Etat, en développant une puissante action caritative, il a poursuivi parallèlement des actions violentes 104 ( * ) . En outre, Ansar Al-Charia a appelé au djihad à l'étranger et notamment en Syrie 105 ( * ) . Le passé de certains militants dénote une proximité ancienne avec les mouvements terroristes opérant dans la région et le risque de réactivation de ces réseaux, si tant est qu'ils aient cessé leurs activités. Le ministère de l'intérieur a confirmé le 28 août l'implication d'une aile secrète d'Ansar Al Charia dans les assassinats de personnalités de gauche, Chokri Bel Aïd le 6 février 2013 et du député Mohamed Brahmi le 25 juillet ainsi que ses liens avec le groupe armé traqué dans le Djebel Chaambi et l'AQMI. Il est désormais considéré comme une organisation terroriste.

La réponse du gouvernement, critiqué pour son laxisme et alimentant des soupçons de complaisance à l'égard de ces groupes extrêmes par prudence, calcul politique ou porosité idéologique, a trouvé ses limites.

Il a fallu attendre l'assassinat de Chokri Belaïd, le 6 février 2013, qui a été assez rapidement attribué par le ministre de l'intérieur à des individus de la mouvance salafie et la foule immense qui a manifesté le jour de ses obsèques donnant un signal fort au gouvernement, pour que celui-ci réagisse avec plus de vigueur et la fin du mois d'août 2013 pour qu'Ansar Al Charia soit officiellement considéré comme une organisation terroriste.

• Outre les manifestations violentes, et les assassinats de personnalités et de policiers, la découverte en mai 2013 de lieux d'entraînement et de caches de mouvements terroristes, protégés par un réseau de mines antipersonnel dans le Djebel Chaâmbi et dans le Kef, non loin de la frontière algérienne, puis des accrochages avec des groupes combattants en juillet et en octobre à Goubellat puis à Sidi Bouzid (7 morts) se sont soldés par des morts et des blessés au sein des forces armées tunisiennes.

De surcroît, la situation est mouvante aux frontières en raison de l'instabilité de la Libye et de l'activité terroriste internationale dans la zone sahélienne. Plusieurs accrochages avec des éléments liés à AQMI dans le Sud tunisien comme la participation de nombreux Tunisiens à l'attaque du complexe pétrolier algérien d'In Amenas en janvier (un tiers des terroristes tués et leur présence dans les formations terroristes opérant au nord Mali avant l'intervention française, laissent supposer que des groupes terroristes sont installés ou transitent par cette région.

Le laxisme de la police face à la montée de la violence a été vivement critiqué. Ceci a suscité une réaction de la part du syndicat des forces de l'ordre qui se plaignait de l'absence de directives claires et réclamait des garanties et une indemnisation en cas de blessures, allant jusqu'à demander à être reçu par l'Assemblée nationale constituante et à manifester devant cette assemblée.

Le général Ammar 106 ( * ) , alors chef d'état-major des armées, au lendemain des opérations dans le Djebel Chaâmbi, a indiqué que l'Armée devrait sans doute payer un tribut assez lourd dans la lutte contre le terrorisme, mais qu'elle était au service de l'État. L'Armée n'a pas une tradition d'intervention dans le jeu des forces politiques. Elle travaille au service du gouvernement démocratiquement élu.

e) Une crise politique ouverte

Progressivement, Ennahdha va mesurer qu'au gouvernement, il faut écouter, composer avec d'autres si l'on veut atteindre la stabilité.

Les dirigeants d'Ennahdha prennent également conscience de leur impopularité grandissante et des limites de leur arsenal idéologique pour résoudre les questions économiques . Comme l'explique le professeur Henry Laurens, il y a un fossé entre la capacité à mettre en place sur une base caritative des solutions palliatives au niveau local, domaine d'excellence des organisations islamistes, qu'elles appartiennent à la mouvance frériste ou salafie, et la capacité à exercer le pouvoir central. Cela va se traduire par une tension plus vive entre le pôle idéologique et le pôle pragmatique, qui parlent davantage de valeurs et d'identité que de référence religieuse.

Cela s'est traduit au gouvernement par une plus grande fermeté en matière d'ordre public et par un certain nombre de compromis sur la rédaction du projet de constitution. Cependant ces réorientations sont la résultante d'un rapport de forces qui n'est pas propice au fonctionnement serein de ces institutions.

Cette réponse tardive a été à l'origine de deux crises politiques majeures inquiétantes pour la stabilité du pays mais aussi pour la crédibilité interne et internationale d'Ennahdha.

• La première, en février , après la réaction très vive de l'opinion publique tunisienne à l'assassinat de Chokri Belaïd et, l'échec du Premier ministre sortant Hamadi Jebali de former un gouvernement de techniciens, se soldera par la nomination du ministre de l'Intérieur Ali Laârayedh qui composera un gouvernement avec le soutien des trois partis de la coalition mais dont les ministères régaliens seront attribués à des personnalités indépendantes.

• La seconde, au cours de l'été , après l'assassinat de Mohamed Brahmi, l'opposition, comme de nombreuses organisations de la société civile (dont l'UGTT) demandant la démission du Premier ministre et la formation d'un gouvernement de techniciens ayant l'accord de l'ensemble des formations politiques. Pour protester contre les atermoiements du gouvernement, 60 membres de l'Assemblée nationale constituante décident de suspendre leur participation entraînant l'ajournement des travaux. Les manifestations se multiplient, avec notamment l'organisation d'un sit-in permanent sur la place du Bardo, soutenu le 7 septembre par plusieurs milliers de manifestants.

Cette possibilité a été admise par Ennahdha sous réserve d'un accord préalable entre les forces politiques, alors que l'opposition considère la démission du gouvernement comme un préalable. L'UGTT, l'UTICA, la fédération tunisienne des droits de l'homme et l'Ordre des avocats ont conduit le dialogue entre les parties.

Le 5 octobre 2013, la feuille de route signée par 21 partis dont Ennahdha s'appuie sur deux processus à engager parallèlement, le premier devant aboutir en 3 semaines à la nomination d'un gouvernement de compétences et à la démission du gouvernement actuel, le second, de 4 semaines devant conduire à l'adoption de la Constitution et à la définition des conditions d'organisation des élections (finalisation de la composition de l'instance supérieure indépendante pour les élections et adoption du code électoral). Le parti islamiste a ensuite remis en cause ce calendrier, estimant que le compte à rebours ne pourrait être déterminé qu'avec le début effectif d'un "dialogue national" sur l'ensemble de ces problèmes.

Après de nouvelles tractations et reports, le dialogue national a repris le 25 octobre sur la base de ce compromis.

Il est à craindre que ces tergiversations successives retardent encore l'issue de la crise politique.

Cette crise a conduit à un blocage des institutions avec la suspension des travaux de rédaction de la Constitution. En attendant la situation économique et sécuritaire s'est dégradée.

4. La rédaction de la Constitution

Les principales forces politiques avaient conclu un accord à l'été 2011 qui limitait la durée de rédaction de la Constitution à un an et les élections devaient se tenir six mois plus tard. Ce calendrier n'a pas été respecté. Compte tenu de l'importance des oppositions, la nécessité de réaliser des compromis a conduit à repousser la présentation d'un texte et à multiplier les enceintes de négociations et de dialogue, au-delà de la seule ANC. Il n'y a pas eu, à la différence de l'Égypte, de coup de force constitutionnel.

Les objectifs poursuivis sont doubles : à la fois le choix d'un régime institutionnel qui voit s'opposer les partisans d'un régime présidentiel et ceux d'un régime parlementaire 107 ( * ) et le choix de normes de référence fondatrice de l'état de droit. Ce dernier débat va cristalliser les oppositions entre ceux qui veulent introduire une référence explicite ou implicite au droit musulman et ceux qui la refusent à tout prix, et notamment sur la question emblématique du droit des femmes 108 ( * ) , sur la liberté de croyance, sur la place des droits de l'homme universel, sur l'opportunité d'afficher dans un texte constitutionnel le soutien à la Palestine., sur le caractère non révisable de certaines dispositions.

L'originalité du travail d'élaboration de la Constitution aura été les différentes phases de négociation dans l'élaboration du projet de loi qui aura fait l'objet d'un long débat entre les forces politiques, avant d'être débattu dans le cadre du dialogue national organisé par l'UGTT avec le soutien du président de la République, auquel ont participé l'ensemble des formations politiques, y compris Nida Tounès et des organisations de la société civile.

Il en ressort un texte de compromis soumis à l'examen de l'ANC.

Le texte prône un « Etat civil » qui « garantit la liberté de croyance et le libre exercice du culte » et assure l'égalité entre les hommes et les femmes : « tous les citoyens et les citoyennes ont les mêmes droits et devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination aucune ». Le préambule adopte les principes des droits de l'homme universels, le texte proscrit la torture, reconnaît le droit de grève, l'accès à l'information, la liberté d'expression et de création. S'agissant des femmes il « garantit la protection des droits des femmes et soutient ses acquis 109 ( * ) , l'égalité des chances entre l'homme et la femme pour assumer les différentes responsabilités et prône l'élimination de toutes les formes de violence à l'égard de la femme ».

Le texte souffre toutefois d'un certain nombre d'ambiguïtés qui attisent les soupçons des adversaires d'Ennahdha de vouloir par ce biais ouvrir un chemin pour réintroduire la charia. Il en est ainsi de la restriction posée au principe des droits de l'homme universels « dans la mesure où ils sont en harmonie avec les spécificités culturelles du peuple tunisien » et de la rédaction de l'article sur le caractère non révisable de certaines dispositions qui fait référence à l'islam en tant que religion de l'Etat, alors que l'article 1 er repris de l'ancienne Constitution de 1959 dispose que « la Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain, sa religion est l'Islam, sa langue est l'arabe et son régime est la République » . Il pose aussi quelques restrictions à l'exercice de certaines libertés affirmées et prévoit une phase transitoire de mise en oeuvre.

Mais, pour le professeur Yadh Ben Achour qui fut président de l'Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution (ISROR), « Il paraît exagéré de prétendre que le projet de Constitution balise la voie à un Etat religieux. (...) Poussés par les appels incessants des forces démocratiques, les rédacteurs de la Nouvelle Constitution ont dû consacrer solennellement le caractère civil de l'Etat, et les droits et les libertés (...) Des lacunes et des insuffisances persistent dans le texte de la Constitution, ce qui commande d'en améliorer le contenu, face aux tiraillements politiques et à la lumière des critiques avancées par les experts » 110 ( * ) . Il est favorable à la suppression des dispositions transitoires.

Sur le plan institutionnel, il prévoit un régime mixte dans lequel figure un président élu au suffrage universel mais au pouvoir limité, sauf dans un domaine réservé (armée, diplomatie...).

Le texte est en cours d'examen au sein de l'ANC. Il devra obtenir les deux tiers des voix faute de quoi il sera soumis à un referendum. Le processus a été interrompu par le président de l'ANC dans le contexte de crise ouverte entre Ennahdha et l'opposition -60 députés ayant suspendu leur participation aux travaux- à la fin du mois de juillet 2013. L'ANC a repris ses travaux avec le démarrage effectif du dialogue national le 25 octobre 2013.

5. Vers les élections

Une fois la Constitution adoptée, dans un délai de quatre mois, des élections seraient organisées. Les principales formations se positionnent d'ores et déjà en fonction de ces échéances.

Il reste toutefois à déterminer le calendrier électoral et notamment l'ordre des consultations.

Les gouvernements de transition successifs se sont concentrés sur la réforme constitutionnelle et les questions politiques. Ce faisant, ils ont relégué au second plan les préoccupations sociales des citoyens, qui étaient au premier rang de leurs revendications. Les résultats des élections législatives risquent donc d'être très influencés par ces considérations. Pour le moment, la coalition Nida Tounès, dirigée par Caïd Nejib Essebsi, est en tête dans les sondages. Pour autant, dans une Tunisie où le poids du conservatisme social et religieux reste fort et l'attachement à l'islam, dans son approche modérée, une référence pour partie de la population, Ennahdha représente une force importante. Quel que soit le vainqueur des prochaines élections, il devra gouverner en coalition et effectuer des compromis avec son opposition.

La force de la Tunisie dans cette première période chaotique de la transition a été de savoir préserver, certes laborieusement, le dialogue entre l'ensemble des composantes de la société, contrairement à l'Egypte, en allant au-delà des simples arrangements entre partis politiques.

Pour Denis Bauchard 111 ( * ) « la Tunisie est, parmi les pays arabes, celui qui dispose des meilleurs atouts pour cheminer vers la démocratie : une élite de qualité, une classe moyenne importante, une société civile engagée, un acquis social, l'arrivée sur le marché du travail de générations de jeunes diplômés soucieux d'entrer dans la vie active, un islam à dominante modérée, un modèle économique viable même s'il demande des réformes, une ouverture sur le monde, ... La Tunisie est en quelque sorte le laboratoire de la démocratie arabe » . Ce point de vue est partagé par Bernardino Léon, conseiller pour le Moyen-Orient et l'Afrique du nord de la Haute représentante pour la politique extérieure et de sécurité européenne.

Cette analyse reste d'actualité, mais les tensions observées depuis l'été, dans un contexte marqué par la destitution du président égyptien élu, à la suite de manifestations et d'une intervention de l'armée comme la violence qui s'ensuit, suscitent une inquiétude grandissante.

B. LIBYE : UN ÉTAT À RECONSTRUIRE

Devant l'IHEDN le 24 mai dernier, le président de la République, M. François Hollande, exprimait l'inquiétude de la communauté internationale. « En Libye, l'instabilité menace non seulement ce pays mais aussi les voisins immédiats, mais aussi l'Europe toute proche ».

Une délégation 112 ( * ) de votre commission conduite par son président s'est rendue en Libye du 11 au 13 décembre dernier. Votre groupe de travail s'est attaché à suivre l'évolution de la situation politique et sécuritaire de ce pays et présente une actualisation des observations présentées à votre commission lors de la communication du 25 février 2013 113 ( * ) .

Dans leur communication, les commissaires indiquaient que la Libye fait face à des défis considérables qui se trouvent compliqués par les récents évènements au Mali, en Tunisie et en Égypte, alors qu'au sortir de 42 ans de dictature, longue période de glaciation, tout est à reconstruire et tout est à organiser 114 ( * ) . Reconnaissant le chemin parcouru : « une révolution réussie qui n'a pas basculé dans la guerre civile tribale ou religieuse, des élections dont on a salué le caractère transparent ; il n'y a pas eu d'éclatement du pays en dépit de la tendance irrédentiste de l'Est libyen, il n'y a aucune possibilité de restauration de l'ordre ancien et l'esprit de revanche, s'il existe, ne prédomine pas » elle n'en soulignait pas moins l'ampleur du chemin restant à parcourir. « Un pays ruiné faute d'une gestion minimale sort du chaos de la révolution .

Que ce soit dans le domaine des ressources pétrolières, de l'eau, de l'électricité, des facilités portuaires et aéroportuaires, du système de santé, de la justice et de l'État de droit en général, toutes les réformes doivent être menées de front et toutes sont prioritaires. Au moment où le pays vient de fêter l'anniversaire de la Révolution du 17 février, les défis demeurent les mêmes et leur prise en charge a relativement peu évolué depuis un an, créant ainsi une situation qui risque, peu à peu, de devenir critique » .

C'est malheureusement une dégradation de cette situation qu'a connue la Libye depuis le début de cette année.

1. Une situation politique qui se bloque progressivement

Les élections du 7 juillet 2012 ont été considérées comme un grand succès avec une forte mobilisation pour l'inscription sur les listes électorales et une participation de plus de 60% , dans de bonnes conditions de sécurité.

Elles ont permis à l'Alliance des forces nationales (AFN) modérée d'obtenir 39 des 80 sièges attribués à la proportionnelle au niveau national, le parti Justice et Construction (PJC) des Frères musulmans, 17, les 24 sièges restants allant à une vingtaine de partis, locaux pour la plupart.

L'Alliance des forces nationales est un regroupement d'une quarantaine de partis, dirigée par Mahmoud Jibril, ancien président du conseil exécutif du Conseil national de transition (CNT). On y trouve des représentants des tribus et des villes, grandes ou moyennes.

Le résultat modeste du PJC s'explique parce que les Frères musulmans libyens sont globalement moins connus en Libye. Leurs activités ont été réprimées par Khadafi des années durant y compris dans les secteurs sociaux à la différence de l'Egypte. Ils émergent avec le soutien de l'étranger, le Qatar ou l'Égypte, ce qui suscite la réticence d'une partie de l'opinion.

Néanmoins la présence de 120 députés indépendants élus au scrutin de circonscription, dont les votes pourront varier en constituant des majorités de circonstance, rend la gouvernance difficile.

Le gouvernement de coalition, conduit depuis le 30 octobre 2012 par M. Ali Zeidan, a eu beaucoup de difficultés à se former et la question de la présence de ministres ayant eu des liens avec l'ancien régime reste posée.

Ce gouvernement d'union nationale rassemble le mouvement AFN de Mahmoud Jibril qui avait obtenu une majorité relative conséquente lors des élections du 7 juillet et le parti «Justice et Construction des Frères musulmans 115 ( * ) . Les indépendants y sont néanmoins majoritaires. Il s'agit d'un gouvernement de technocrates, issus pour la plupart de l'administration libyenne, ce qui explique que la question des liens des ministres avec l'ancien régime continue à se poser régulièrement et parfois en des termes violents.

Comme l'explique Jean-François Daguzan 116 ( * ) : « l'hétérogénéité profonde qui caractérise cette coalition fait qu'une fois de plus la Libye va se retrouver écartelée entre de multiples tensions centrifuges et des objectifs stratégiques différents pour les acteurs au pouvoir. »

La mise en chantier d'une nouvelle constitution a pris un retard considérable.

Après des mois d'hésitation, le Congrès général national (CGN) a tranché en avril pour une élection directe par le peuple de la « commission des soixante » qui sera chargée de la rédaction de la Constitution . La date des élections de cette assemblée constituante n'est toujours pas fixée, et les élections comme les travaux de l'assemblée risquent de voir les forces politiques se déchirer sur les questions :

• de la gouvernance ;

• du fédéralisme. Les forces politiques en présence ne pourront faire l'économie d'une réflexion autour de l'articulation et de la coexistence du localisme et du pouvoir central, entre solidarités locales et solidarité nationale ;

• de la langue officielle ;

• de la place des minorités ;

• de la protection juridique des femmes et de l'application de la charia. Sous Khadafi, la charia était déjà la source de la législation, et les déclarations du Conseil national de transition (CNT), sous la présidence M. Mustapha Abdeljalil, semblaient avoir tranché la question. Référence obligée dans la quasi-totalité des Constitutions de la région, la charia n'emporte pas pour autant les mêmes conséquences partout. Beaucoup de Libyens y sont attachés pour des motifs identitaires.

Sur le fond, l'imbroglio autour de la Constituante remonte à l'été 2012. Deux jours à peine avant la tenue des législatives, le Conseil national de transition (CNT) avait modifié la déclaration constitutionnelle d'août 2011, qui prévoyait que la Constituante soit nommée.

Les 200 sièges du Parlement sont répartis comme suit : 100 pour la Tripolitaine (Ouest), 60 pour la Cyrénaïque (Est) et 40 pour le Fezzan (Sud). Sous la pression des fédéralistes de la Cyrénaïque, le CNT avait modifié la feuille de route pour laisser la place à un scrutin direct. La «commission des soixante», comme l'appellent les Libyens, en référence directe aux soixante pères fondateurs qui avaient rédigé la Constitution de 1951, doit garantir une représentation à parts égales des trois provinces, avec vingt membres chacune. Selon le calendrier idéal de la transition, la Constituante aurait dû être mise en place au début de septembre 2012.

Le débat relatif au mode de formation de l'organe chargé de la rédaction de la Constitution a été particulièrement âpre dans l'est du pays, où l'on a exigé avec le plus de force la formule de l'élection. La question s'est retrouvée intimement liée avec celle du fédéralisme, puisque l'élection a été revendiquée principalement par ceux qui prônaient un système fédéral et que soient consacrés par la Constitution les principes de l'administration locale et d'une large décentralisation.

Or, depuis la « révision » de juillet 2012, certains ont voulu revenir à la désignation en avançant toute une série d'arguments : le coût et le retard que causeraient de nouvelles élections, l'idée que la nomination permettrait un choix de personnalités qualifiées et aussi le fait que le texte devra, in fine, être validé par un référendum, ce qui assure une forme de démocratie directe.

Officiellement entamées le 4 novembre 2012, les délibérations du Congrès général national relatives à l'élaboration de la Constitution se sont focalisées sur la question de savoir si les membres de l'organe chargé de sa rédaction devaient être désignés par le Congrès général national ou élus au suffrage universel direct. Par une décision datant du 6 février 2013, le Congrès général national a confirmé que les membres de l'organe chargé de la rédaction de la constitution seraient élus.

Seule institution élue de manière démocratique depuis la révolution, le Congrès est de plus en plus critiqué pour sa lenteur et ses divisions.

La loi sur l'exclusion politique 117 ( * ) adoptée le 5 mai par le CGN, qui interdit la nomination des collaborateurs de l'ancien régime à des postes de responsabilités étatiques dans la nouvelle Libye, a suscité un débat nourri dans l'opinion publique libyenne. Ce projet, adopté sous la pression des miliciens armés - ces ex-rebelles qui avaient combattu les troupes du régime déchu - exclut plusieurs responsables du pays, comme le président du CGN, Mohamed al-Megaryef 118 ( * ) , ainsi que d'autres députés et ministres.

Cette question peut donner lieu à une certaine violence politique, au début du mois de mai des miliciens armés ont fait le siège de plusieurs ministères pour réclamer la démission de responsables y compris celle du Premier ministre accusé de complaisance envers les anciens kadhafistes. Ils ne se sont retirés qu'après un accord avec le CGN et le gouvernement portant sur la création d'une commission mixte regroupant les protestataires et des responsables du ministère pour faire le suivi de la mise en oeuvre de la loi de l'exclusion politique sous la supervision du CGN 119 ( * ) . Autre conséquence dans la définition des catégories visées par cette loi, elle peut empêcher l'intégration de certaines composantes tribales ou locales de la société libyenne, pourtant indispensable à la recomposition de son unité.

Malgré les progrès de l'urbanisation 120 ( * ) , du développement et de la transition démographique, la structure sociale de la société libyenne est restée selon nombre d'observateurs 121 ( * ) , principalement tribale. Le système de gouvernance de Kadhafi avait su composer avec les contradictions de la société libyenne. La permanence du fait tribal s'est accompagnée d'une absence d'émergence de structures étatiques différenciées contrairement à l'évolution observée dans les autres pays arabes. La tendance à la fragmentation s'exprime de nouveau avec force. Il s'agit d'un enjeu important dans l'élaboration de la constitution et pour la stabilité de la Libye. Le risque d'une fracture territoriale interne n'est pas à exclure.

La césure la plus importante sur le plan historique et culturel est celle qui sépare la Tripolitaine qui appartient à l'espace maghrébin, la Cyrénaïque qui appartient au Machrek et les territoires du sud-est, le Fezzan, où prédominent des populations nomades : Touaregs, Toubous). Benghazi, capitale de la Cyrénaïque, et toute la région orientale ont été marginalisées par l'ancien régime car elles furent un bastion de la résistance. A ces distinctions géographiques s'ajoutent et se superposent des clivages tribaux et linguistiques.

• Ce risque de scission s'est clairement exprimé en mars 2012 lors d'une réunion de délégués de la région de la Cyrénaïque. Il ressort des débats politiques en cours (notamment autour de la Constitution) que le fédéralisme pourrait être un système politique viable, mais il est possible que la partition politique de la rente pétrolière soit l'occasion d'une compétition farouche.

• Les risques d'autonomisation au Fezzan 122 ( * ) sont également à considérer.

Plusieurs cycles de violence ont opposé des milices du nord aux communautés du sud (Toubous, Touaregs,...) qui s'expliquent par un ressentiment contre des populations qui sont considérées comme ayant été globalement en faveur de l'ancien régime. Le problème de l'intégration des communautés sahariennes dans les nouvelles institutions nationales et de la reconnaissance de leurs langues respectives est posé, d'autant que ce territoire contigu au Niger, au Tchad et à l'Algérie est une région hautement stratégique dans le contexte de la montée en puissance des groupes terroristes au Sahel. Il est donc impératif pour le gouvernement libyen de favoriser le dialogue avec des autorités élues au niveau local et de mettre en place une autorité militaire pour sécuriser le territoire et les frontières sud.

• On notera également que la question de l'intégration des populations touarègues d'origine nigérienne ou malienne arrivées en Libye à partir des années 1960 reste non résolue.

• Pour autant , comme l'a indiqué Mme Malika Berak, ambassadrice chargée de la coopération méditerranéenne (dialogue 5+5) et de la coordination interministérielle pour la Libye, en s'appuyant sur le taux élevé de participation aux élections du 7 juillet 2012, mais aussi sur la relative atténuation des revendications sécessionnistes, « le nationalisme libyen peut tenir ce pays. Il faut simplement lui laisser le temps de dénouer ses contradictions et de s'organiser » .

Tout l'enjeu pour la stabilité de la Libye à moyen terme sera la construction de l'Etat et la recréation d'une identité nationale.

2. Une situation sécuritaire qui se dégrade fortement

L'attaque menée contre le consulat américain de Benghazi , dans l'est du pays, le 11 septembre 2012, attribuée aux islamistes radicaux, dans laquelle l'ambassadeur américain, Chris Stevens, a trouvé la mort, a révélé l'ampleur du chaos sécuritaire qui règne en Libye. Depuis, plusieurs diplomates, organisations humanitaires et églises ont été la cible d'attaques et de nombreux responsables de sécurité libyens ont été assassinés.

L'attentat contre l'ambassade de France à Tripoli le 23 avril, pour lequel la piste djihadiste a été évoquée, constitue un nouveau tournant. Pour la première fois depuis la chute de l'ancien régime, une représentation étrangère à Tripoli 123 ( * ) était visée.

Dans la plupart des cas, le gouvernement a échoué à identifier les auteurs de ces actes ou à les arrêter, que ce soit par peur de contre-attaques ou du fait de moyens d'enquête défaillants.

Le gouvernement a établi la sécurité comme sa première priorité, devant le développement de l'Etat et des services publics. Des annonces fortes ont été faites mais les résultats concrets se font attendre. Le nouveau pouvoir libyen éprouve toujours les plus grandes difficultés à imposer son autorité dans un pays où d'importantes quantités d'armes sont en circulation et où les milices armées, issues de la révolution, agissent souvent à leur guise.

Estimées à plus de 100, voire 500, les milices armées 124 ( * ) se sont imposées comme des acteurs incontournables avec près de 125 000 hommes armés. La défiance des milices envers un pouvoir central, qu'elles reconnaissent toutefois comme autorité, illustre non seulement une lutte autour de la légitimité révolutionnaire et une compétition pour le pouvoir mais également la persistance du localisme. Ces milices ont tiré profit de l'instabilité politique et du vide sécuritaire pour s'arroger le contrôle du territoire et de ses frontières. Assises sur un véritable arsenal militaire, certaines brigades ont acquis un rôle démesuré.

Si « 95% des milices travaillent pour le gouvernement ou sont avec lui » , selon les estimations de l'International Crisis Group, leur contrôle reste aléatoire et négocié au cas par cas entre leurs chefs et l'Etat central. « Il y a une compétition entre milices. Certaines sont plus islamistes que d'autres, des rivalités entre personnalités existent, comme des hommes d'affaires qui défendent leurs intérêts » , précise l'ICG.

On remarquera toutefois dans l'épisode relaté du siège des ministères, que si le gouvernement s'est trouvé dans l'incapacité, faute de moyens ou de volonté, de rétablir l'ordre, dans le même temps, ces milices n'ont pas cherché à s'emparer du pouvoir et qu'une fois leurs motifs de protestation satisfaits, se sont retirées. Cet épisode coïncidait également avec le lancement par le gouvernement d'une campagne pour évacuer les «milices hors-la-loi» de la capitale.

L'enlèvement pendant quelques heures du Premier ministre Ali Zeidan, le 10 octobre 2013 par des milices armées dépendant officieusement des ministères de la défense et de l'intérieur est un autre exemple du poids de ces groupes.

Les mouvements articulent donc des revendications concrètes, l'établissement de rapports de forces et des visées politiques à plus long terme.

La construction d'une nouvelle force armée s'avère délicate et déstabilisatrice pour le pouvoir central. La question de la réinsertion des anciens miliciens est centrale. Comme l'avait expliqué le 11 février devant votre commission, M. Mohamed Emhemed Abdelaziz, ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de Libye, un plan d'intégration de près de 50 000 combattants au sein de la nouvelle armée nationale et des forces du ministère de l'Intérieur et un programme de réinsertion dans la vie civile de 200 000 combattants ont été annoncés et mis en place 125 ( * ) .

Dans bien des cas, des brigades entières ont été intégrées dans les forces de sécurité nationale et les ex-combattants restent souvent sous l'autorité de leurs anciens commandants, n'obéissant pas forcément aux ordres du gouvernement 126 ( * ) .

On observera la corrélation forte entre la résolution des problèmes politiques et le « désarmement intérieur » des milices . Tant que les Libyens douteront de la capacité du gouvernement à résoudre ces questions, il est peu probable que les milices disparaissent.

De larges portions du territoire et des frontières restent peu ou pas contrôlées.

Depuis la révolte de 2011, l'insécurité est particulièrement persistante dans la région de Benghazi 127 ( * ) , dans l'est de la Libye 128 ( * ) .

La crainte est grande de voir l'instabilité s'installer dans la capitale, notamment depuis l'attentat contre l'ambassade de France.

Mais c'est du Sud que semble se profiler la plus inquiétante menace.

Lors de son audition par votre commission, le 11 février 2013, M. Mohamed Emhemed Abdelaziz, ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de Libye, indiquait que : « en toute sincérité si un problème devait surgir à l'avenir et affecter la sécurité de la Libye, il viendrait du Sud, qui souffre d'un manque de développement et de sûreté auquel s'ajoutent les luttes tribales qui perdurent entre les Touaregs, les Toubous et les Zwaïs. L'ancien régime a laissé ces populations se déplacer sans garantir le respect de leurs droits. Il est temps que celles-ci prennent désormais la parole, s'expriment et revendiquent leurs droits. Le développement ainsi que la sécurité de la région du Sud sont donc cruciaux. ».

La résolution de ces questions est une des conditions de la stabilité de la Libye nouvelle et de la région en raison de la porosité des frontières permettant les trafics en tout genre et de déplacement des groupes terroristes.

L'insurrection a créé un appel d'air pour le djihadisme libyen, qui était très présent semble-t-il, au sein d'Al Qaïda. La participation du Groupe islamique combattant libyen (GICL) aux forces rebelles a permis l'implantation en Libye de groupes armés qui, en outre, ont pu bénéficier de l'ouverture des arsenaux pour se renforcer.

Constitué dans les années 1990, ce groupe a mené des actions contre le régime du colonel Kadhafi. L'arrestation en 2004 de Abdel Hakim Belhadj avait entraîné son démantèlement. De nombreux militants de ce groupe ont été libérés en 2009 par Saïf al-Islam Kadhafi, dans le cadre d'une politique de réconciliation. Ces militants ont pris une place importance dans les institutions révolutionnaires mais n'ont pas réussi à s'implanter électoralement lors des élections du 7 juillet 2012. Cependant, certains groupes comme Ansar al-Sharia militent pour l'instauration d'une vision rigoriste de la charia et mènent des actions violentes comme la destruction de mausolées soufis, leur participation à l'attaque du consulat américain a été évoquée.

Certains éléments islamistes partagent la même idéologie qu'AQMI et peuvent suivre son agenda ou leur fournir une aide logistique.

La situation instable au Fezzan favorise l'implantation des groupes radicaux du Sahel. Certains experts 130 ( * ) estiment qu'effectivement ce territoire pourrait servir de point de jonction entre les différents groupes opérant au nord Mali et au Nigéria et les djihadistes libyens liés à Al Qaïda.

La révolution a conduit un grand nombre d'éléments appartenant aux forces de l'ancien régime à quitter le pays pour se rendre au Nord-Mali dans un contexte local traditionnellement marqué par la lutte du Nord pour son autonomie. Cela a constitué un facteur de déstabilisation du Mali, entraînant l'intervention française. Les autorités libyennes estiment que cette intervention est intervenue au bon moment et lui ont apporté leur soutien. Elles demeurent préoccupées par les étapes suivantes et notamment la nécessaire stabilisation de l'Etat malien. Il est probable qu'un effet collatéral de l'intervention française a été le déplacement d'éléments terroristes dans toute la zone et notamment dans le sud de la Libye. Les opérations d'In Amenas (Algérie) en janvier et d'Arlit et Agadès (Niger) à la fin du mois de mai ont été menées par un groupe dirigé par Mokhtar Belmokhtar, dont la présence dans la région du sud libyen, au cours des derniers mois, a été, semble-t-il, observée.

Lors de son audition par votre commission le 11 février 2013, M. Mohamed Emhemed Abdelaziz, ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de Libye indiquait que « le retour éventuel des extrémistes en provenance du nord du Mali constitue une menace. Des milliers de mercenaires de l'ancien régime sont partis avec leurs armes, nous craignons que certains reviennent.

Des mesures préventives ont été prises pour l'éviter, car ces mercenaires pourraient bénéficier de la solidarité tribale dans le sud de la Libye. Il y a des liens entre les tribus Touaregs, Toubous et Zwaïs et de fortes traditions de solidarité et d'accueil. Nous essayons de mettre en place une coopération avec nos amis et voisins, mais nous sommes conscients de nos faiblesses, la frontière entre le Niger et le Libye est ouverte et peu surveillée. Il importe de procéder de manière préventive, avant que le danger ne se concrétise, notamment par le renseignement. Certaines informations nous laissent entrevoir la possibilité d'une connexion entre ces groupes et certains éléments appartenant à l'ancien régime ».

La jonction entre les salafistes libyens d'Al Qaïda et les djihadistes sahéliens d'AQMI ou du MUJAO n'est plus hypothétique. On comprend dès lors les inquiétudes de la communauté internationale sur la situation sécuritaire en Libye.

Enfin on observera que la Libye est devenue un point de passage des djihadistes en partance pour la Syrie afin de combattre dans les rangs de la rébellion, et notamment de ceux originaires de Tunisie. L'existence de cette filière très organisée dont on sait qu'elle aboutit en grande partie dans les rangs du front Al Nosra, proche d'Al Qaïda, confirme le lien entre les différentes composantes terroristes.

Avec la désorganisation de l'Etat, la Libye qui, comme les autres Etats du Maghreb, se trouve à la confluence des voies de trafics de drogue et à l'origine d'un vaste trafic d'armes, n'est pas encore en état de s'y opposer.

Selon un rapport publié en avril par un comité d'experts du Conseil de sécurité des Nations unies "la Libye est devenue, au cours des deux dernières années, une source significative et attractive pour les armes dans la région." Ces experts citent particulièrement l'afflux d'armes libyennes dans le désert du Sinaï, en Egypte, dans la bande de Gaza et vers la Syrie. Le trafic irrigue également le Sahel et le Tchad. Il concerne aussi bien des armes légères que des mines et des systèmes de défense anti-aériens. « Le manque de stabilité politique et sécuritaire, l'absence prolongée de contrôle sur les stocks par les autorités nationales et les retards pris dans le désarmement encouragent les ventes illégales et ont généré des bénéfices considérables pour les trafiquants », soulignent les experts des Nations unies.

Certains experts 131 ( * ) considèrent comme plus que probable que les groupes djihadistes libyens soient à l'origine de l'organisation des trafics d'armes depuis la Libye.

Il est clair que dans la construction de l'État libyen, la reconstitution des outils de souveraineté est devenue une priorité. Cette reconstruction est à la fois une condition et un appendice de la reconstruction institutionnelle et du processus de réconciliation nationale. De nombreuses missions internationales, certaines sous la conduite des Nations unies, d'autres, avec l'expertise de l'Union européenne ou celle de l'OTAN, s'activent à aider le gouvernement dans cette tâche mais la création d'un consensus national n'a pas encore abouti pour permettre cette stabilisation et les craintes d'un enfoncement de la Libye dans la crise se sont renforcées au cours des derniers mois.

C. ALGÉRIE : UN CHANGEMENT À CONDUIRE

Le discours des autorités algériennes sur les « printemps arabes » est articulé sur l'idée que le pays a connu, à la fin des années 80, une transition démocratique avec une libéralisation des droits politiques, et qu'elle en a payé le prix par une guerre civile dans les années 1990 qui a occasionné entre 150 000 et 200 000 morts 132 ( * ) .

Cette situation a créé un traumatisme profond et marque tous les acteurs de la vie politique et plus encore la population. C'est sans doute, avec la relative aisance économique qui permet un partage plus acceptable des fruits de la rente pétrolière (voir supra), avec le maintien d'un appareil de sécurité important et l'absence d'une opposition unie, la raison pour laquelle, en apparence du moins, l'Algérie est restée à l'écart du mouvement du printemps 2011.

Les forces de sécurité

Forte de 140 000 hommes et 100 000 réservistes, l'Armée nationale populaire a toujours été impliquée dans la conduite des affaires politiques du pays.

Depuis le milieu des années 1990, les forces de sécurité ont connu une augmentation très forte de leurs effectifs de 50 000 en 1994 à 200 000 en 2012. Les policiers sont bien payés et se voient offrir des carrières attractives. La police est réputée pour sa loyauté et sa compétence technique pour prévenir, gérer et contrôler les manifestations et les situations d'émeutes.

1. Un système politique complexe

Si l'Algérie présente tous les atouts d'un régime politique classique avec des institutions (Président de la République et assemblée élue au suffrage universel), elle n'en demeure pas moins une démocratie inaboutie , car le système est largement dominé par un cercle restreint de dirigeants qui détiennent la réalité du pouvoir , le Président de la République étant une composante de ce système qui regroupe également les principaux dirigeants ou anciens dirigeants de l'Armée et de la DRS (direction du renseignement et de la sécurité). Cette instance informelle, qui s'exprime à travers le Président, oriente l'action du gouvernement soutenu par une coalition au sein de laquelle domine le parti historique, le Front de Libération Nationale (FLN). Parti révolutionnaire historique de l'indépendance algérienne, le FLN a une vocation d'unité, de rassemblement de toutes les composantes de la société algérienne dans leur diversité. Il comprend aussi des dirigeants et des militants culturellement marqués par leur appartenance musulmane.

Ce système s'est toujours maintenu au pouvoir. Il n'a été contesté par les urnes qu'aux élections de 1991, qui auraient pu voir la victoire d'un parti islamiste (le Front islamique du salut) si le processus électoral n'avait été interrompu par l'Armée et l'état d'urgence décrété.

Depuis lors, et après une ouverture progressive pour rétablir les institutions démocratiques au terme de la guerre civile, ce système perdure. Il assure la stabilité politique mais ne permet pas une vie démocratique réelle engageant et recherchant la participation des citoyens.

Dès son élection en 1999, le président Bouteflika a mis en oeuvre une politique de réconciliation nationale, et fait adopter par referendum en septembre 2005 une « Charte pour la paix et la réconciliation nationale ». Cette politique a porté ses fruits. La paix civile est globalement assurée, si l'on excepte certaines zones (Kabylie, Aurès). Cinq partis islamistes modérés sont représentés au parlement et deux d'entre eux ont participé au gouvernement jusqu'en mai 2012.

La vie politique semble figée. L'alliance présidentielle constituée du FLN, RND 133 ( * ) et le MSP 134 ( * ) , les trois principales formations politiques, qui représentent les tendances idéologiques (nationalisme et islamisme) les plus mobilisatrices, a fermé le jeu politique et empêché toute compétition en vue d'une alternance. Le débat se limite parfois au choix des dirigeants, à la répartition des postes et à des compromis en dehors de la sphère publique. Les forces d'opposition sont peu audibles en dehors des échéances électorales, peu crédibles par leur opposition systématique et par l'absence de programme constructif.

Comme l'a précisé Luis Martinez, directeur de recherche au CERI, l'Algérie n'a pas su, sur le plan institutionnel, intégrer ses opposants et développer des ressources autres que celle de l'administration.

2. « Une société qui vit dans la peur de l'implosion »

Pour certains experts comme Olivier Roy, « la société vit dans la peur de l'implosion ». Le souvenir du nombre de victimes et des actes de terreur qui ont marqué les années noires explique, pour beaucoup d'observateurs, la faible appétence des Algériens pour un changement radical, malgré le niveau élevé de leurs revendications sociales et économiques, la difficulté pour les structures sociales intermédiaires d'organiser la contestation et le faible résultat des partis islamistes aux élections législatives de 2012. Cette retenue a sans doute été confortée par le déroulement conflictuel (Tunisie, Egypte), parfois chaotique (Libye) et même tragique (Syrie) de certains processus de transition et par la persistance d'attentats terroristes sur le sol algérien 135 ( * ) .

Mais certains observateurs estiment également que les jeunes générations qui vont accéder au marché du travail et être confrontées à des situations de mal-être n'auront pas connu cette période noire et qu'elles pourraient être moins réservées et plus exigeantes. Les solutions palliatives jusqu'alors mises en place, qui ne constituent pas un changement politique fondamental, risquent, dès lors, de s'avérer insuffisantes. Elles permettent de gagner du temps, mais l'orientation future de l'Algérie dépendra de l'usage qu'en feront les dirigeants pour conduire ce changement. Le bénéfice retiré par le gouvernement des politiques de redistribution et de réalisation d'infrastructures et de logements n'est d'ailleurs pas univoque car les résultats ne sont pas souvent à la hauteur des engagements, ce qui pose la question de l'efficacité de la gouvernance.

3. Classe politique et population : la défiance par l'abstention

Le sous-emploi et la précarisation ne constituent que l'une des facettes d'un malaise de la jeunesse algérienne. Les Algériens souffrent également de la faiblesse d'un modèle politique peu ouvert et du manque d'organisations sociales susceptibles de faire remonter leurs revendications. L'administration très bureaucratique joue un rôle insuffisant pour le traitement des besoins des citoyens.

L'Algérie a formellement adopté le multipartisme à la fin des années 1980, mais le système reste quelque peu artificiel dans la mesure où il n'a pas mis fin à la prééminence de l'armée, ni expérimenté une alternance démocratique aux termes d'élections.

Les élections législatives qui se sont tenues en mai 2012, en présence d'observateurs internationaux 136 ( * ) et sous supervision judiciaire, n'ont pas modifié l'équilibre politique, le FLN voyant ses positions confortées. Mais ce résultat ne peut être interprété comme une acceptation par les Algériens du système dans son fonctionnement actuel . Son mécontentement s'exprime par l'abstention (57%) et le vote blanc (18,3% des votants).

Tableau n° 51 : Résultats des élections législatives

Voix

% des voix

Sièges

Front de libération national (FLN)

1 324 363

14,18%

221

Rassemblement national démocratique (RND)

524 027

5,61%

70

Alliance Algérie Verte (AAV)

475 049

5,09%

47

Front des forces socialistes (FFS)

188 275

2,02%

21

Parti des travailleurs (PPT)

283 585

3,04%

17

Front national algérien (FNA)

198 544

2,13%

9

Parti de la justice (Addala)

232 676

2,49%

7

Mouvement populaire

165 600

1,77%

6

Al Fedjr Al Djadid

132 492

1,42%

5

Front du changement

173 981

1,86%

4

Autres partis

3 444 197

36,88%

36

Candidats indépendants

671 190

7,19%

19

Blancs et nuls

1 704 047

18,25%

Total

9 339 026

100%

462 dont

147 femmes

Les élections de mai 2012

Par l'effet combiné de la multiplication des listes et du mode de scrutin, le Front de libération nationale le (FLN) et son allié le RND ont, avec 24% des suffrages exprimés, remporté 60% des sièges.

Le FLN , au pouvoir depuis l'indépendance de l'Algérie en 1962, a remporté la majorité des sièges parlementaires (208 sur 462) et le RND (parti du Premier ministre) 68 , tandis que les partis islamistes n'en obtenaient que 61 dont 49 pour l'Alliance verte , un groupement de trois partis islamiques modérés. Ce recul des islamistes doit être interprété avec prudence, d'autant que les partis islamistes légaux jouissent, dans l'ensemble, d'un crédit très limité. Le Front des forces socialistes (kabyle non confessionnel) a remporté 27 sièges se substituant au RCD qui a boycotté le scrutin.

Le nouveau gouvernement formé le 4 septembre 2012 et dirigé par le Premier ministre, Abdelmalek Sellah (RND) s'est donné comme grandes priorités la stabilité et la mise en oeuvre des réformes et des programmes du président Bouteflika, tels qu'ils sont exposés dans le plan de développement 2009-2014.

Les associations sont nombreuses (plusieurs dizaines de milliers) au sein de la société civile, dont un millier au niveau national. Le tissu associatif est bourgeonnant et supporte des revendications locales y compris sur le plan culturel. Toutefois, les associations de base restent faibles et n'exercent qu'un rôle marginal dans le débat public et les processus de décision, même au niveau local. Rien n'est fait par le gouvernement pour faire émerger des fédérations au niveau national. Les associations ont très peu de marges de manoeuvre et sont souvent l'objet de pression. Les organisations les plus puissantes sont liées fortement au parti dominant, le FLN.

La presse écrite est relativement libre dans son expression, mais sa capacité d'investigation est limitée. Il s'agit d'une presse d'opinion, les éditorialistes sont vigoureux et les dessinateurs humoristiques talentueux. Elle est parfois soumise à des pressions notamment sur ses espaces publicitaires qui ont pour principaux clients les grandes entreprises qui appartiennent toutes au secteur public.

Selon Olivier Roy, si les Algériens ont été traumatisés par les années noires, ils sont également vaccinés contre le djihadisme, et ils se tournent davantage vers les combats en faveur des droits de l'homme et de la participation de la société civile au débat politique. Ils sont plus « politisés » au bon sens du terme.

Toutefois, la société civile demeure incapable d'exprimer et de coordonner, pour l'heure, ses initiatives. Au printemps 2011, certaines organisations de la société civile ont essayé mais en vain d'organiser des manifestations. Les principaux partis d'opposition, comme le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) fondé en 1989 et qui porte principalement les revendications de la population berbère ou le Front des Forces socialistes qui milite pour la réduction de la place de l'armée dans le système politique et le dialogue avec les islamistes modérés, n'ont pas appelé les Algériens à manifester.

Finalement, c'est à une multiplication de revendications et d'actions catégorielles que l'on a assisté, dont certaines ont pu être satisfaites par les moyens classiques de redistributions (embauches dans la fonction publique, augmentations de salaires parfois rétroactives...). Des manifestations ont eu lieu en janvier 2011 qui ont dégénéré en affrontement avec les forces de l'ordre 137 ( * ) . Pour Khadija Mohsen-Finan, elles ne se sont pas transformées en demande politique de changement de régime.

Selon Louisa Dris-Aït-Hamadouche, maître de conférence à la faculté des Sciences politiques et de l'information d'Alger, « la première raison est sans doute liée à la nature des mouvements sociaux, au caractère redondant et finalement banal des émeutes, au point qu'elles sont comparées, non sans ironie, à un sport national 138 ( * ) (...). Ces émeutes sont spectaculaires de prime abord, mais de courte durée, de faible intensité et géographiquement circonscrites. Elles peuvent aussi survenir au moindre prétexte », ensuite la gestion tout en retenue par les forces anti-émeutes, enfin le caractère pragmatique des revendications et la méfiance des contestataires face aux tentatives de récupération des partis politiques. Et de s'interroger : « Les Algériens sont-ils entrés dans une culture protestataire apolitique ? » 139 ( * ) .

Cette agitation se poursuit dans les willayas plus sinistrées du Sud algérien marquées depuis deux ans par des grèves à répétition et des manifestations de chômeurs.

4. Un processus timide de réforme dans l'attente des élections présidentielles de 2014

La désunion des forces d'opposition et l'absence de coalition réformatrice en mesure de contester le régime sont des obstacles à une évolution importante du système politique. En outre, la situation des droits de l'homme est « peu reluisante » selon le rapport 140 ( * ) de la Commission Nationale consultative de Promotion et de Protection des Droits de l'Homme (CNCPPDH) pour 2011 et son amélioration ne semble pas une priorité majeure. Nombre d'observateurs estiment, que sauf évènement grave, l'évolution du système vers plus de démocratie et de respect des droits de l'homme procédera des changements au sein de l'appareil d'Etat et notamment du changement de génération, les actuels dirigeants appartenant à la génération qui a conduit la guerre d'indépendance. Cette évolution procèdera par étapes. Elle a commencé discrètement en 2012.

Prenant conscience des tensions sociales dans le contexte des révolutions arabes et de l'immobilisme du système politique, le Président a annoncé le 3 février 2011 la levée de l'état d'urgence en vigueur depuis 1992 et, le 15 avril, toute une série de réformes politiques et constitutionnelle.

À la fin 2011, les autorités ont autorisé toutes les formations politiques à s'inscrire afin de participer aux élections parlementaires du 10 mai 2012 141 ( * ) .

Le Parlement a adopté au début de l'année 2012 six lois cadres qui ont facilité la création de nouveaux partis politiques, modifié le code électoral, ajusté le régime des incompatibilités et institué un quota de 30 % des sièges à des candidats de sexe féminin (143 sièges) 142 ( * ) , assoupli le régime des médias audiovisuels 143 ( * ) et des associations. Mais ces réformes ont reçu un accueil mitigé en raison de leur caractère incomplet et parfois ambigu, notamment aux termes de leur examen par le Parlement. Elles n'ont pas bouleversé de façon importante les processus de décisions.

Néanmoins, ce processus a conduit à la sortie du MSP de l'alliance présidentielle, et à de nombreux renouvellements à la tête des formations politiques dans la majorité comme dans l'opposition qui présagent peut-être d'une restructuration du paysage politique dans la perspective des élections présidentielles de 2014.

Le Président Bouteflika a annoncé à la mi-avril 2011 une modification de la Constitution pour renforcer la démocratie représentative, mais cette réforme n'est pas intervenue. Des réformes constitutionnelles, comme la limitation du nombre de mandats du président de la République ou le renforcement des pouvoirs du Premier ministre et sa désignation par l'Assemblée, ont été évoquées, mais elles n'ont pas été mises en place. Le processus de réforme n'a pas été élargi à une part plus importante de la population ou de la société civile. Une commission de professeurs de droit constitutionnel, nommée par le Président, a été chargée de lui faire des propositions de réforme.

De fait, c'est bien vers l'élection présidentielle de 2014 que la société algérienne est tendue, ou plus exactement en attente. Peu de dirigeants politiques ont exprimé leur volonté d'être candidat, même dans l'opposition la plupart attendent pour se positionner que le Président ait annoncé s'il concourrait ou non pour un quatrième mandat, ou, s'il renonçait, de connaître le nom de celui qui émergera des consultations au sein de l'appareil d'État pour assurer la continuité. L'aléa que constitue l'état de santé du Président est à l'instant une variable importante dans ce jeu.

Le Président Bouteflika de retour en Algérie, après des problèmes de santé traités en France, a procédé dernièrement à un remaniement gouvernemental le 7 septembre 2013 qui ressemble à « une reprise en main » par le Chef de l'Etat.

Dix ministres titulaires de portefeuilles régaliens (justice, intérieur, affaires étrangères, etc.) ont été changés.

Abdel Malek Sellal, Premier ministre, est reconduit dans ses fonctions et le chef d'Etat major de l'armée algérienne Ahmed Gaid Salah est promu vice-ministre de la défense.

L'hypothèse d'un 4 e mandat de M. Bouteflika ou la prolongation de sa présidence à la faveur d'une réforme constitutionnelle annoncée déjà depuis 2001 font l'objet des commentaires immédiats. Mais les situations évoluent.

En conclusion, entre la faiblesse de l'opposition et de la société civile et la résistance de ceux qui sont associés ou bénéficiaires du système politique et économique, les incitations au changement sont faibles. Néanmoins un processus nécessaire à la stabilité politique de l'Algérie à moyen terme reste à conduire de façon ordonnée. La sensibilité au cours des hydrocarbures sur lequel repose l'édifice économique et social, l'atonie relative ou apparente d'une société qui pourrait se réveiller brusquement si l' É tat n'était plus en mesure de remplir pleinement son oeuvre d'assistance et la fragilité de son environnement, appellent à faire évoluer vers le modèle actuel.

Les dirigeants présents en sont conscients, cependant la question du rythme des réformes reste en débat, leur capacité à anticiper les échéances et à conduire le changement dépendra des réponses qu'ils sauront apporter. À défaut, l'usure du pouvoir modifiera les équilibres internes, fragilisera l'ensemble du système et rendra la rupture probable et sûrement brutale. Les incertitudes et les menaces sont lourdes.

D. MAROC : UNE RÉVOLUTION TRANQUILLE ET MAÎTRISÉE

Entre l'immobilisme algérien et l'agitation tunisienne, le processus de transition démocratique marocain apparaît progressif et maîtrisé. Il n'y a pas d'exception marocaine, mais il y a une voie marocaine, à la fois parce que ce processus est engagé de longue date, qu'il avance à un rythme régulier sans à-coups majeurs, ni régressions.

1. Une transformation engagée

Plusieurs choix effectués au début des années 1960 constituent des marqueurs idéologiques et ont orienté le Maroc dans la voie de la transition démocratique même si celle-ci est loin d'avoir été immédiate. En tout cas, ces choix vont le moment venu faciliter cette transition sans heurt : le choix du multipartisme avec la Constitution de 1962, alors que nombre de ses voisins préservent l'unitarisme issu des luttes d'indépendance, le choix de l'économie de marché alors que beaucoup optaient pour un modèle administré d'inspiration communiste, le choix d'un partenariat avec l'Occident alors que d'autres pays restaient attachés à la ligne tiers-mondiste (mouvement des non-alignés) ou se rapprochaient de fait du bloc soviétique.

Depuis la fin du règne du roi Hassan II et sous celui de Mohammed VI, le Maroc a engagé sa modernisation économique (voir supra p.  73) et sociale, avec la réforme du code de la famille (Moudawana) en 2004 et de la protection sociale, mais aussi un processus d'ouverture politique progressif et de développement de la société civile.

Pour autant, il n'a pas échappé aux « printemps arabes », l'accélération des réformes engagées en 2011, imprimée par le contexte régional plus que par une volonté politique propre en témoigne. Celle-ci procède toutefois d'une ingénierie propre dans la tradition marocaine d'ouverture et d'inclusion progressive qui confère à cette transition un caractère original.

Le système traditionnel marocain est caractérisé par l'ouverture et l'inclusion progressive, mais contrôlée, des oppositions.

Au début de la décennie 1990, le roi Hassan II a mis en place un régime d'alternance politique, consistant à renouveler les élites et à opérer une ouverture relative du système politique en associant au pouvoir l'ancienne opposition (UFSP). Comme le précise Khadija Mohsen-Finan, « ce processus d'ouverture est le fait du système qui le suscite. Il consiste à élargir le nombre de participants à la compétition légale, tout en continuant d'en exclure une partie, obéissant ainsi à l'un des principes fondamentaux du fonctionnement du système traditionnel marocain. Mais l'ouverture politique se définissait aussi dans l'élargissement de l'espace de négociation entre régime et opposition. Celle-ci reste à géométrie variable et peut connaître des limites. Ces balises souvent désignées de « lignes rouges » à ne pas dépasser permettent à la monarchie de ne jamais perdre le contrôle du gouvernement. Cette relation négociée et le rapport de forces inhérents aux régimes ouverts ont pu se trouver biaisés, notamment lorsqu'il s'agissait de nouveaux acteurs du système, les « entrants ». Ce fut le cas des islamistes du parti de la justice et du développement (PJD) qui, malgré leurs succès électoraux, ont dû se contenter d'être présents au parlement et non au gouvernement pour figurer dans le paysage politique (42 députés en 2002 et 47 après les législatives de 2007) 144 ( * ) . »

En 2006, le rapport de l'Instance équité et réconciliation, instituée par le roi afin de faire la lumière sur les graves violations des droits de l'homme entre 1956 et 1999, a également marqué une étape importante.

Cette politique engagée depuis plusieurs années expliquent pour partie que le mouvement des printemps arabes ait eu relativement peu de prise au Maroc.

Le Mouvement du 20 février a mis en évidence les limites du consensus sur les réformes initiées par la monarchie en exprimant des demandes d'accès à la justice sociale, à l'éduction, au travail, à la dignité et à la liberté.

Le Mouvement du 20 février

Ce Mouvement qui regroupait au départ des personnes qui n'étaient pas issues de partis, de syndicats ou d'association, a bénéficié très vite du soutien de certains partis de gauche (PSU et la Voie démocratique), de l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH) et du syndicat CDT et de l'association islamiste de cheikh Yacine Justice et bienfaisance.

Toutefois, les critiques se sont arrêtées à l'entourage du Roi - ce dernier étant exempt, ce qui démontre son aura- et elles n'ont pas été relayées par les principales forces politiques 145 ( * ) .

Le roi n'a pas attendu pour apporter une réponse à cette crise naissante en proposant une nouvelle Constitution.

2. La nouvelle Constitution

Conçue dans le contexte marqué par le « printemps arabe » et la montée en puissance des revendications démocratiques, la nouvelle Constitution qui a été annoncée le 9 mars par un discours du roi, élaborée par une commission ad hoc 146 ( * ) sur la base d'une consultation étendue des partis politiques, des syndicats et de la société civile, et approuvée massivement par referendum 147 ( * ) , est l'instrument choisi par le roi Mohammed VI pour asseoir sa légitimité et répondre aux aspirations de son peuple par une double mutation des ordres politique et juridique. Le projet de réforme se place dans la continuité des réformes engagées.

Ainsi le Royaume se revendique-t-il comme une monarchie parlementaire et s'inscrit-il dans l'approche constitutionnaliste pour tendre vers l'État de droit.

Dès son préambule, la Constitution affirme l'identité et l'unité nationale du Maroc.

« État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale, le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes 148 ( * ) arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s'est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen ». Elle ajoute que « la prééminence accordée à la religion musulmane dans ce référentiel national va de pair avec l'attachement du peuple marocain aux valeurs d'ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde ». Cette définition originale s'accompagne en conséquence de la reconnaissance de l'amazighe comme langue officielle de l'Etat, aux côtés de la langue arabe et de l'organisation décentralisée du Royaume.

La nouvelle Constitution instaure une monarchie parlementaire dualiste. Elle renforce très sensiblement les prérogatives du chef du gouvernement et du parlement par un profond rééquilibrage des pouvoirs.

Nommé obligatoirement au sein du parti politique arrivé en tête à l'élection à la Chambre des représentants 149 ( * ) (chambre basse), le Premier ministre, chef du gouvernement, acquiert une double autonomie par rapport au roi :

- il est responsable devant la seule Chambre des représentants (et non plus devant le souverain) et dispose du pouvoir de dissoudre celle-ci ;

- il est le chef de l'exécutif et à ce titre préside le conseil du gouvernement, distinct du conseil des ministres que préside le roi.

Le Parlement est renforcé par un élargissement de ses compétences : extension du domaine de la loi et du domaine des traités dont la ratification est soumise à son approbation préalable, par une modernisation et une rationalisation du travail parlementaire et par une amplification du caractère inégalitaire du bicamérisme. La Constitution octroie également un statut à l'opposition lui garantissant l'accès aux médias officiels, le bénéfice de financements publics ainsi qu'une participation active à la procédure législat

La Chambre des conseillers 150 ( * ) est maintenue mais elle se trouve dans une situation d'infériorité par rapport à la Chambre des représentants.

Comme l'indique le professeur David Melloni : « en dotant ainsi le gouvernement et le Parlement d'un statut à hauteur de leurs fonctions, la nouvelle Constitution marocaine participe assurément à une transition du régime marocain vers un authentique parlementarisme. Surtout en posant plus précisément le « principe selon lequel « le roi nomme le chef du gouvernement au sein du parti arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des représentants et au vu de leurs résultats », le pouvoir constituant s'est engagé dans la voie exigeante d'une démocratie de type majoritaire » 151 ( * ) .

Ce choix n'était pas évident, car l'actuel système de partis, au Maroc, ne l'appelle pas. Le mode de scrutin, à dominante proportionnelle, et la vie politique donnent lieu depuis de nombreuses années à un affaiblissement et à un émiettement des forces politiques. En ne déterminant pas le mode de scrutin et en n'introduisant pas la motion de censure constructive, la Constitution peut créer les conditions d'une crise politique. Il faut donc compter sur l'évolution de la législation électorale et plus encore de la structuration partisane et des comportements électoraux pour assurer la pérennité du nouveau système. ive et au contrôle du gouvernement.

Certains observateurs estiment que ce nouvel équilibre institutionnel permet au roi d'assurer une position centrale et arbitrale dans les rapports entre pouvoirs constitués. En effet, la Constitution ne remet pas en cause la suprématie constitutionnelle du monarque, qui garde les attributs inhérents à un régime parlementaire dualiste. En outre, le roi se situe au-dessus des partis et représente le Maroc dans son ensemble. Cette position lui confère une position d'arbitrage ou de médiation dans les conflits entre formations politiques, mais il n'est pas dans la politique courante un intervenant permanent 152 ( * ) . La direction est celle d'une monarchie constitutionnelle même si elle n'est pas encore la réalité actuelle, en grande partie parce que les acteurs politiques n'ont pas encore pris la mesure de leurs nouvelles libertés d'action et continuent à se référer à la personne du roi en permanence.

Le roi conserve également son titre de Commandeur des croyants et demeure la première autorité religieuse du pays. Sa personne est inviolable.

La mise en oeuvre de la Constitution dans toute son ampleur est toutefois subordonnée à l'adoption de 19 lois organiques (régionalisation avancée, égalité hommes-femmes, protection des droits de l'homme, indépendance de la justice...) 153 ( * ) .

3. Des avancées significatives dans la construction de l'Etat de droit

La nouvelle Constitution permet d'aborder une étape nouvelle dans la construction d'un É tat de droit.

Au cours de notre déplacement au Maroc, nous avons eu la capacité d'aborder les questions concernant les droits de l'Homme avec une grande liberté et semble-t-il avec honnêteté tant avec les autorités marocaines qu'avec les représentants des associations de défense des droits de l'homme, y compris au Sahara occidental, ce qui démontre une volonté de transparence.

Le second constat est que le Maroc a mis en place avec l'Institution équité et réconciliation (IER) d'abord, puis, un certain nombre d'autorités indépendantes en charge de ces questions (Conseil national des droits de l'homme, Instance centrale de lutte contre la corruption ...) qui se sont vues reconnaître un statut constitutionnel en 2011 154 ( * ) , enfin avec la nouvelle Constitution, un arsenal juridique conséquent à hauteur des textes constitutionnels les plus modernes.

La Constitution instaure des principes tels que la non-rétroactivité des lois, l'égalité absolue des sujets de droit (y compris les pouvoirs publics), l'application impartiale de la loi comme seul fondement des décisions de justice, l'obligation de publication des normes juridiques et surtout le principe de constitutionnalité et de hiérarchie des normes qui met un terme à la théorie d'immunité juridictionnelle des actes royaux.

La Constitution devient aussi le réceptacle des droits et libertés fondamentaux avec dans son titre II la constitutionnalisation de nombreux droits et libertés 155 ( * ) .

La constitutionnalisation, par le nouveau préambule « des droits de l'Homme tels qu'ils sont universellement reconnus » en est également un exemple et annonce une profonde mutation de l'ordre juridique, car ce préambule se voit reconnaître une valeur constitutionnelle. Il reviendra à la Cour constitutionnelle de préciser le contenu de ces droits, d'oser contrôler la conformité de la loi à des principes encore étrangers au corpus juridique marocain comme la liberté de conscience et de religion, et de procéder aux arbitrages nécessaires que suscitera la confrontation de plusieurs de ces droits. Elle y sera encouragée par l'instauration de l'exception d'inconstitutionnalité qui permettra au justiciable de contester, à l'occasion d'un procès, la conformité d'une loi aux droits et libertés garantis par la Constitution.

Le même débat se posera avec la reconnaissance de la primauté accordée aux conventions internationales dûment ratifiées dans le cadre des dispositions de la Constitution et des lois du royaume, dans le respect de son identité nationale immuable, sur le droit interne du pays 156 ( * ) . La Cour constitutionnelle devra agir avec sagesse et avec audace pour confirmer cette orientation positive à maints égards.

Ces opportunités ont été bien saisies par les représentants des associations de la société civile rencontrés, qui n'en regrettent pas moins la lenteur de la mise en oeuvre des nouvelles dispositions de la Constitution et de la publication des lois organiques et ont le sentiment que certains principes importants se trouvent édulcorés dans leur traduction législative.

Le troisième constat est donc que le Maroc est entré dans une logique de supervision internationale de la question des droits de l'Homme qui rend effective la question de leur universalité. Le Maroc a ratifié un nombre important de conventions internationales 157 ( * ) . Il a accepté les missions d'organes des Nations unies (rapport de Juan Mendez, rapporteur spécial sur la torture en 2011) et il s'est rapproché du Conseil de l'Europe 158 ( * ) . Cette acceptation est le signe que la question des droits de l'Homme est prise au sérieux et que le Maroc se soumet à un regard extérieur qui ne peut être soupçonné de complaisance.

De ce point de vue, le Maroc apparaît comme un précurseur.

Le quatrième constat est que parmi les pays du Maghreb, il est celui pour lequel la question des droits de l'Homme est inscrite à l'agenda politique avec une volonté manifeste de progresser. En Tunisie, la question a avancé, elle est abordée aujourd'hui dans le cadre du débat constitutionnel. En Algérie, la question n'est guère soulevée, ce qui ne veut pas dire hélas que les atteintes ne sont pas réelles de la part des forces de sécurité et que les libertés d'association ou de manifestation ne sont pas étroitement encadrées.

Évidemment la publicité de la question au Maroc a pour conséquence la remontée de nombreux cas ou pratiques portant atteinte aux droits de l'Homme qui resteraient occultées sans ces préalables et qu'il importe de corriger, mais c'est aussi une façon pour les autorités de se mettre une pression pour progresser plus rapidement.

Si la peine de mort n'est toujours pas abolie, les autorités se sont engagées à réduire le nombre de crimes punissables de cette peine. Un réseau de parlementaires contre la peine de mort s'est constitué.

En dépit du conservatisme religieux de la société, le roi se montre favorable à la promotion du droit des femmes, il a tranché dès 2004 en faveur d'une importante réforme du code de la famille, même si elle reste en deçà du statut de la femme tunisienne. La société civile féministe est dynamique, libre d'agir et de manifester pour exprimer ses opinions.

Néanmoins, certaines manifestations continuent à être réprimées avec une utilisation disproportionnée de la force et la culture des agents des forces de sécurité reste autoritaire.

Les rapports du Comité national des droits de l'Homme (CNDH), mais aussi de certaines organisations internationales comme le rapporteur spécial des Nations unies contre la torture ont souligné de graves problèmes dans les prisons et la persistance de la torture dans les affaires politiquement sensibles, notamment en garde à vue. Il semble également que les juges n'ouvrent pas systématiquement d'enquête sur les allégations de torture, attachent peu d'importance sur la façon dont le contenu de certains procès-verbaux de police est obtenu et recourent trop systématiquement à la détention préventive.

Selon le CNDH, on compte aujourd'hui 72 000 détenus (dont la moitié en attente de leur procès) dans les prisons marocaines pour 22 000 places. Afin de réduire les mauvais traitements, le CNDH a demandé au gouvernement la possibilité d'effectuer des visites inopinées dans les prisons et la mise en place du mécanisme national de prévention de la torture prévu dans le cadre du protocole facultatif à la convention contre la torture ratifiée par le Maroc. Il propose que le CNDH soit chargé de ce mécanisme et souhaite le développement des peines alternatives à la prison. Il développe des actions de formations et de sensibilisations (manuels scolaires...).

La liberté d'association reste encadrée et nombre d'associations se plaignent de ne recevoir le récépissé d'autorisation qui leur permet de bénéficier du statut que très tardivement ou au prix d'une longue procédure de contentieux administratif.

Selon Transparency Maroc, la corruption touche de nombreux secteurs, y compris celui de la justice et aucune stratégie nationale contre la corruption n'a été mise en place bien que cela fut un thème important des manifestations et un axe fort du programme du PJD. On notera néanmoins la mise en place de l'Instance centrale de lutte contre la corruption dont les prérogatives doivent être étendues.

Comme il a été indiqué, les instances nationales constitutionnalisées en 2011 ont joué un rôle utile en animant le débat public sur la question des droits de l'Homme au sens large, notamment par la production de nombreux rapports. Encore faut-il qu'une suite soit donnée aux recommandations et qu'elles disposent des moyens budgétaires et réglementaires pour mener à bien leurs missions.

Si les violations graves des droits de l'Homme appartiennent au passé, il reste que la culture du respect des droits n'a pas pénétré suffisamment certains secteurs.

4. Le parti islamiste modéré PJD : une expérience gouvernementale

Les élections législatives anticipées du 25 novembre 2011 ont été remportées par les islamistes modérés du parti de la justice et du développement (PJD) avec 27 % des sièges. Le taux d'abstention est élevé (55 %). Elles se sont déroulées de façon libre et transparente.

Durant la campagne, trois blocs étaient en compétition :

- le Bloc démocratique qui rassemblait les vieux partis traditionnels (Istiqlal, USFP, PPS) (en jaune dans le tableau ci-dessous) ;

- l'Alliance pour la démocratie (en bleu dans le tableau) , regroupement de huit formations dont le PAM et le RNI ;

Les deux coalitions ont fait campagne sur l'incompatibilité entre démocratie et conservatisme des partis islamistes.

- Enfin, le PJD 159 ( * ) qui, bénéficiant d'une image de probité, a fait campagne sur la moralisation de la vie publique, la lutte contre la corruption, l'accès au travail, la justice sociale, l'éducation et la dignité ; thèmes qui rejoignaient les revendications du mouvement de contestation. À la différence des partis islamistes en Égypte ou en Tunisie, le PJD est représenté de façon significative au Parlement depuis 2002, qu'il a donc acquis une expérience politique , mais à la différence de l'AKP en Turquie, son expérience gestionnaire acquise dans les collectivités locales est très faible à l'exception de quelques secteurs du grand Casablanca. On notera enfin que le PJD n'est pas un bloc homogène mais qu'il est traversé par des courants de pensées très différents qui se sont opposés par le passé. Les électeurs ont été sensibles à ce discours de rupture et ont majoritairement porté leurs voix vers les partis qui semblaient le mieux incarner le changement.

Tableau n° 52 : Composition de la Chambre des représentants (élection du 25 novembre 2011)

PJD parti Justice et développement (islamiste modéré)

107 sièges

Istiqlal (nationaliste et conservateur) 160 ( * )

60 sièges

RNI parti du rassemblement national des indépendants (libéral) 161 ( * )

52 sièges

PAM parti Authenticité et modernité (libéral)

47 sièges

USFP Union socialiste des forces populaires (socialiste)

39 sièges

Mouvement populaire (berbère, conservateur)

32 sièges

Union constitutionnelle

23 sièges

Parti du progrès et du socialisme

18 sièges

Autres formations

17 sièges

En gras : partis membres de la coalition gouvernementale formée à l'issue des élections du 25 novembre 2011.

Le PJD ne dispose pas de la majorité absolue. Il a formé un gouvernement de coalition avec l'Istiqlal (nationaliste et conservateur), le Mouvement populaire (berbère et conservateur) et le parti du progrès et du socialisme (PPS, gauche). Conformément aux dispositions de la nouvelle Constitution, le roi a nommé, le 29 novembre 2011, M. Abdelilah Benkirane comme chef du gouvernement, puis sur sa proposition, le 3 janvier 2012, les membres du gouvernement. M. Karim Ghellab (Istiqlal) a été élu à la présidence de la Chambre des représentants.

Dès lors, il n'est pas étonnant que ce gouvernement ait eu quelques difficultés à définir et à mettre en oeuvre rapidement des politiques publiques et les lois organiques nécessaires à l'application pleine et entière de la Constitution : seules 6 lois organiques sur 19 ont été adoptées.

On observera que cette coalition n'obéit que faiblement à des clivages évidents (gauche/droite, religieux/non religieux) mais davantage à des opportunités.

5. Les partis face à la mécanique constitutionnelle

Ce faisant l'expérience constitutionnelle de mise à distance de la monarchie souhaitée par le roi suppose, pour réussir, que le gouvernement investi de la légitimité démocratique soit en mesure d'agir sauf à perdre de sa crédibilité. Le positionnement respectif du Roi et du premier ministre est nécessairement complexe et cette cohabitation ne trouvera son équilibre qu'après une pratique suffisamment longue, qui n'exclut d'ailleurs en rien une évolution.

Si au cours de l'année 2012 le gouvernement a pu bénéficier d'un relatif état de grâce, les relations se sont tendues depuis le début de l'année 2013 aboutissant à une sortie de l'Istiqlal de la majorité 162 ( * ) . Après une longue période de négociations, un gouvernement toujours dirigé par M. Abdelilah Benkirane a pu être constitué grâce à l'entrée dans la coalition du Rassemblement national des indépendants (RNI). Le poids du PJD au sein de ce gouvernement a diminué, en nombre de portefeuilles ministériels, au profit des autres partis de la coalition (RNI, MP, PPS). Le gouvernement compte désormais six femmes.

Le système marocain rend peu probable une dérive autoritaire ou hégémonique. Il est en effet tempéré par la nécessité de composer avec l'institution monarchique qui constitue un contrepoids et jusqu'à présent d'évoluer dans le cadre d'une coalition. En sens inverse, même si des actes de violence et de terrorisme peuvent survenir (Casablanca 2003, Marrakech avril 2011), rien n'indique qu'ils puissent conduire à une déstabilisation du régime.

Comme dans l'ensemble des pays du monde, et tout particulièrement du monde arabe, le Maroc souffre d'une crise de la représentation, comme en témoigne le niveau de l'abstention aux dernières élections législatives, et d'une grande difficulté à transformer rapidement en mesures concrètes les demandes exprimées par les mouvements protestataires, d'où la nécessité de laisser des espaces pour l'expression de la société civile, de dialoguer avec elle et de créer des institutions susceptibles, au sein de l'Etat, de porter certaines préoccupations (décentralisation des décisions dans la proximité, droits de l'homme, lutte contre la corruption...).

Le cadre juridique et constitutionnel est sans doute prometteur avec la création d'institutions de bonne gouvernance comme l'autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination, le conseil de la jeunesse et de la vie associative, l'instance centrale de prévention de la corruption ou le Conseil national des droits de l'Homme, et les perspectives d'une progression de la démocratie locale), mais il faut qu'il y ait des acteurs pour le mettre en oeuvre, une culture à acquérir et à s'approprier.

Le projet de « régionalisation avancée » dont les grandes orientations ont été décrites par le roi dans son discours du 9 mars 2011 prévoit une décentralisation du pouvoir et un fonctionnement démocratique des institutions locales

6. Une demande sociale encore insatisfaite

Si les avancées en matière constitutionnelle et l'instauration d'un État de droit constituent des progrès indéniables, elles n'épuisent pas la nécessité d'aller plus avant pour rendre la croissance plus inclusive.

Les phénomènes d'exclusion et de pauvreté restent à des taux élevés même si on a pu observer depuis une dizaine d'années des progrès en matière d'alphabétisation ou de réduction de la mortalité infantile.

Le PJD, qui donnait l'impression d'avoir un plan de réforme ambitieux (caisse de compensation justice, corruption), tarde à le mettre concrètement en place.

La question de l'éducation reste également un domaine prioritaire.

De la réponse à ces questions dépendra la stabilité politique et sociale du Maroc dans les années à venir.

Une attention particulière doit être portée à la jeunesse, nombreuse, souvent diplômée, mais aussi souvent sans emploi ou dans une situation de précarité et prompte à se mobiliser, notamment par le biais des réseaux sociaux (le Maroc est l'un des pays les plus connectés à l'Internet avec 18 millions d'internautes).

La forte abstention aux élections législatives (55%), qui contraste avec le taux de participation important au referendum constitutionnel (73%), suscite de nombreuses interrogations et laisse supposer qu'une frange importante de la population ne se sent pas représentée par les forces politiques siégeant au Parlement. Le développement d'un mouvement comme celui du 20 février, même s'il n'a pas eu de prolongation, est également le signe d'une certaine frustration sociale et comme une contestation de la façon inéquitable dont les richesses sont redistribuées et de la corruption endémique.

Les forces politiques « hors système »

Certains partis, plutôt à l'extrême gauche de l'échiquier politique comme le parti socialiste unifié, le parti de l'Avant-garde démocratique socialiste et « La Voie démocratique » ont boycotté les élections en arguant qu'elles avaient pour cadre une « Constitution octroyée » et que les conditions nécessaires n'étaient pas réunies pour tenir des élections sincères.

Depuis de nombreuses années, le mouvement initié par le Cheikh Yassine, religieux soufi, a constitué plus qu'une opposition « dans le régime », une opposition « au régime » en refusant de reconnaître l'autorité du roi en tant que « commandeur des croyants » et en appelant à l'instauration d'une « République islamique ». Fortement réprimé sous Hassan II, il s'est opposé à la nouvelle Constitution jugée non démocratique. Il compte néanmoins plusieurs centaines de milliers de sympathisants et semble vouloir désormais, sous la conduite de son nouveau secrétaire général, s'intégrer dans le jeu politique. Il n'est pas impossible que dans la tradition inclusive du système marocain conduite par le roi, des contacts soient établis dans cette perspective même éloignée. Ce parti pourrait constituer un concurrent direct pour le PJD mais aussi un allié potentiel. Néanmoins cette question n'est pas tranchée au sein du mouvement Justice et Bienfaisance et donne lieu à des débats internes notamment entre les générations.

Sévèrement réprimé après les attentats de Casablanca en 2003, le courant salafi paraît résiduel, mais il poursuit son action prédicatrice. L'intégration des certains cheikhs dans le PRV semble néanmoins être le signe d'une certaine appétence de cette composante à vouloir intégrer le jeu politique.

S'il n'y a pas de mouvements ouvertement djihadistes actifs au Maroc, force est de constater que des Marocains se sont enrôlés aux côtés des groupes terroristes au Mali, que d'autres ont rejoint les combattants en Syrie, une filière via les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila a été récemment identifiée et que des cellules sont régulièrement démantelées par les forces de sécurité. AQMI par la voix de son chef l'émir Droudkal a proféré des menaces contre le Maroc dans une vidéo postée en septembre.

E. MAURITANIE : UNE DÉMOCRATIE HÉSITANTE

La Mauritanie est un pays dont la cohésion nationale est fragilisée par l'opposition ancestrale de la population d'origine arabo-berbère, majoritairement composée de Maures (blancs, 40% de la population environ) mais aussi de Haratines (Arabes noirs, descendants d'esclaves), lesquels partagent la même langue (dialecte arabe hassani) et les négro-mauritaniens qui représentent environ un tiers de la population. Les discriminations subies par les communautés négro-mauritaniennes et haratines restent importantes et la politique d'arabisation une source de tensions.

L'Etat a connu de nombreux coups d'Etat militaires depuis l'indépendance. Le processus de démocratisation reste hésitant.

1. Une transition démocratique avortée

L'histoire récente de la Mauritanie est marquée par le long règne du Président Maaouya Ould Sid'Ahmed Taya, arrivé au pouvoir par la force en décembre 1984, élu en 1991 puis réélu à plusieurs reprises dans des conditions ne permettant pas d'alternance. Impopulaire en raison notamment de son rapprochement avec Israël en 1999 et de son soutien à la politique américaine en Irak, il a été victime de plusieurs tentatives de coup d'Etat avant d'être renversé le 3 août 2005 par les généraux Abdel Aziz et Ghazouani.

Ce coup d'Etat a été suivi d'une transition démocratique, dirigée par le colonel Ely Ould Mohamed Vall, président du Comité Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD) qui a abouti à l'approbation d'une constitution par référendum en juin 2006, suivie d'élections législatives, municipales et sénatoriales, jusqu'à l'élection présidentielle de mars 2007. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a été élu au second tour de cette élection avec 53% des voix.

18 mois après le début de son mandat, le président Abdallahi a été renversé par des hauts responsables militaires, dont le chef d'état-major particulier du président, le Général Abdel Aziz, et le chef d'état-major des armées, le Général Ghazouani, tous deux déjà à l'origine du coup d'Etat qui avait renversé Maaouya Ould Taya en 2005.

2. Un retour à une démocratie de compromis

Après plusieurs mois de crise politique, la junte au pouvoir et l'opposition ont accepté d'engager des négociations sous l'égide du Sénégal qui ont abouti à la signature le 4 juin 2009 d'un accord intermauritanien (prévoyant notamment l'organisation d'élections présidentielles pluralistes).

Ce scrutin, observé par la communauté internationale (OIF et UA notamment) a consacré la victoire du candidat Abdel Aziz, élu dès le premier tour avec 52,47% des voix.

Le fonctionnement démocratique et institutionnel connaît des difficultés. Des élections législatives et municipales devaient se tenir en novembre 2011. Elles avaient été repoussées sine die, jusqu'à l'aboutissement du processus de recensement électoral (enrôlement), toujours en cours.

Le gouvernement est par ailleurs confronté à l'opposition de la Coordination de l'opposition démocratique (COD), regroupant une dizaine de partis politiques. La COD s'est lancée dans un bras de fer avec le pouvoir, organisant des manifestations, principalement dans la capitale Nouakchott. Réunissant 12 000 personnes le 12 mars 2012, ce mouvement a, depuis, diminué d'intensité.

Plusieurs fois repoussées, les élections législatives et municipales devraient se tenir en novembre et décembre 2013, l'élection présidentielle en avril 2014.

Trois blocs s'affrontent dans la perspective des élections

- l'UPR qui soutient le président,

- le COD 163 ( * ) qui regroupe l'opposition radicale autour de l'opposant historique Ahmed Ould Daddah et au sein de laquelle s'affirme de façon plus prégnante le parti islamiste Tawassoul, proche des Frères musulmans. La majorité des 11 partis composant la COD a décidé de boycotter les élections législatives et municipales, mais deux partis ont décidé de participer : Tewassoul (islamiste) et l'Union des forces du progrès (gauche).

- et la Coalition pour l'alternance pacifique qui a réussi à fédérer autour du président de l'assemblée nationale Ould Boulkheir plusieurs formations politiques dont l'Alliance patriotique.

3. Une stabilité incertaine en raison du contexte économique, social et sécuritaire
a) Une situation sociale difficile

Après un an d'isolement diplomatique et de suspension de l'aide internationale, la relance du développement économique et social est devenue la priorité du gouvernement, dirigé par Moulaye Ould Mohamed Laghdaf. La sécheresse a pesé, mais le développement des activités minières assure à la Mauritanie des marges de manoeuvre. Elle n'en reste pas moins un pays en proie à une grande pauvreté. Des conflits sociaux sont fréquents notamment dans le secteur minier (Zouerate) et les ports.

b) Une situation sécuritaire sous vigilance

Toutefois, avec la menace terroriste que fait peser AQMI, les questions de sécurité suivies par le président Abdel Aziz sont revenues au premier plan (voir infra p. 198). Le conflit malien a également eu des conséquences intérieures ne serait-ce que par la nécessité d'accueillir des réfugiés 164 ( * ) .

c) Une tension inter-ethnique permanente

Le président Abdel Aziz s'est engagé à régler la question du « passif humanitaire » (violences interethniques de 1989 et séquelles de l'esclavage). Malgré les avancées, cette question n'est pas encore réglée.

Globalement, la question de l'équilibre ethnique domine ces tensions. Chaque communauté veille sur les mesures qui tendraient à réduire son poids démographique au sein de l'ensemble mauritanien : retour d'environ 24 000 réfugiés négro-mauritaniens au Sénégal dans le cadre du règlement du « passif humanitaire » engagé depuis 2009, suspicion d'intégration de sahraouis non mauritaniens depuis 2011....

La crainte de la communauté arabo-berbère s'est renforcée en raison de l'accroissement démographique plus rapide des négro-mauritaniens et des haratines ainsi que de la crainte de voir ces derniers s'émanciper de la communauté arabo-berbère sous l'effet du militantisme anti-esclavagiste. A terme, la communauté maure redoute de devenir minoritaire et de perdre sa situation dominante.

IV. LES RISQUES DE SOCIÉTÉS EN ÉVOLUTION

À regarder de près leur fonctionnement, les sociétés maghrébines partagent des traits culturels communs. Ce sont des sociétés musulmanes dans lesquelles la religion a pris du poids comme valeur identitaire, à côté d'un nationalisme fort mais peut-être plus artificiellement entretenu, qui sont de plus en plus ouvertes aux influences extérieures de la mondialisation et donc soumises à des tensions fortes.

A. DES FRUSTRATIONS ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

Le chômage et les emplois précaires, notamment ceux des jeunes , et plus encore lorsque ceux-ci ont suivi des études, s'ils sont un élément de la désespérance et de la marginalisation de la jeunesse, viennent se greffer sur d'autres éléments. Au-delà de revendications purement sociales, les revendications multiformes, qui touchent aussi à l'accaparement des richesses et du pouvoir, révèlent un besoin de reconnaissance et de dignité (et s'apparentent à maints égards au mouvement des « indignés » en Occident ou à celui que viennent de connaître la Turquie et le Brésil dont les économies ne sont pas en crise).

À ces revendications, l'offre politique au sein du monde arabe apporte une réponse souvent insuffisante , en raison de modèles à parti unique (modèle unitaire issu de la décolonisation) ou à parti dominant, les autres formations n'étant admises au gouvernement que comme forces d'appoint, mais sans pouvoir agir réellement sur les décisions, jamais comme une capacité d'alternance.

L'absence de clivage politique fort dans l'offre de représentation ne structure pas le débat politique. Elle a longtemps rejeté l'opposition hors du champ politique, dans l'action associative, religieuse ou caritative comme seul moyen d'expression acceptable ou dans l'exil ou dans les geôles. Il y a donc une véritable crise de la représentation politique et même une absence de culture de la démocratie représentative qui explique les difficultés de ces sociétés à en utiliser raisonnablement les mécanismes : les derniers développements de la situation politique en Égypte en témoignent avec un rejet du gouvernement des Frères musulmans issu des urnes en raison de son incapacité à dialoguer avec les différentes composantes du peuple et en même temps une véritable difficulté à proposer une alternative démocratique et à sortir de la culture protestataire pour entrer dans l'action politique, autrement qu'en s'appuyant sur l'Armée ou en lui délégant largement le pouvoir.

Il faut observer que ces sociétés connaissent des profonds bouleversements qui ébranlent leurs fondements traditionnels du renouvellement de générations à leur inclusion dans une mondialisation traversée d'influences diverses et contradictoires. Comme dans toutes les périodes tumultueuses, l'instabilité est importante et va s'inscrire dans la durée.

B. MONDIALISATION ET MODERNITÉ

Les pays du Maghreb n'ont pas connu un développement autarcique . Le développement des technologies de l'information et de la communication, le développement du tourisme, des relations d'affaires, des voyages et de l'immigration de certains de leurs ressortissants, donnent à voir à une part croissante de ces sociétés un modèle qui leur paraît enviable à maints égards, une société de consommation, une société de liberté.

Une partie de la population considère que les modèles de développement libéral et les valeurs qui les fondent sont sources de prospérité, mais aussi de liberté. Elle aspire à la transformation des sociétés vers plus de démocratie, plus de justice, plus de sécurité. Une grande partie des revendications exprimées lors des révolutions arabes relèvent de ces aspirations et apparaissent très modernes dans leurs modalités d'expression.

Comme le note Beligh Nabli 165 ( * ) , les insurrections populaires visent à abattre tout à la fois un système répressif, de captation du pouvoir politique et économique par une minorité, voire par des clans familiaux. Elles se développent sans assise idéologique, ni leader charismatique. Les aspirations initiales sont à la fois d'ordre social (répartition plus juste des richesses) et politique (appel à la liberté et à la dignité). Elles conjuguent des formes de mobilisation classiques (manifestations de masse, grèves générales) et modernes (médias de masse, internet et réseaux sociaux).

Ainsi que le fait remarquer le professeur Olivier Roy « si l'on regarde ceux qui ont lancé le mouvement, il est évident qu'il s'agit d'une génération post-islamiste. Cette nouvelle génération ne s'intéresse pas à l'idéologie : les slogans sont tous pragmatiques et concrets » ; ils ne font pas appel à l'islam comme leurs prédécesseurs le faisaient en Algérie à la fin des années 1980. Ils expriment avant tout un rejet des dictatures corrompues et une demande de démocratie. Cela ne veut évidemment pas dire que les manifestants sont laïcs, mais simplement qu'ils ne voient pas dans l'islam une idéologie politique à même de créer un ordre meilleur : ils sont bien dans un espace politique séculier ».

Avec des fortunes diverses selon les pays, « l'expression des peuples (...) depuis 2011 a clairement manifesté dans les urnes sa défiance vis-à-vis des élites qui n'ont pas engagé depuis les indépendances leur société dans la voie du développement. L'éducation de masse(...), malgré des lacunes, ainsi que les nouveaux moyens de communication produisent leurs effets : la jeunesse ne s'accommode plus d'une société verrouillée par la culture du monolithisme autoritaire, par la prédation rentière et l'humiliation 166 ( * ) ».

C. ISLAM CONSERVATEUR OU ISLAM POLITIQUE ?

L'ouverture peut aussi susciter des réflexes identitaires et de repli qui se sont exprimés pour partie dans les urnes, mais on a vu que les déterminants du vote islamiste sont complexes, ou dans l'espace public à travers des codes vestimentaires, des pratiques religieuses plus rigoristes, parfois par des actions plus violentes.

1. L'islam est la religion de la très grande majorité des habitants du Maghreb

Par tradition, ces sociétés sont régies en partie par des règles inspirées des préceptes de l'islam (et donc de la charia), étant entendu qu'il peut exister de multiples interprétations de ces préceptes. La dernière étude 167 ( * ) , publiée en avril dernier, par le Pew Research Center, confirme cet attachement des sociétés d'Afrique du nord à cette relation forte avec les préceptes de l'islam , plus marquée au Maroc qu'en Tunisie, société plus ouverte aux influences, avec une population rurale moins importante et un niveau d'éducation plus élevé.

2. La place de l'islam dans les institutions et la législation

Nombre de dispositions du droit musulman sont appliquées dans les pays du Maghreb , soit qu'elles relèvent d'une vision large du droit religieux, soit qu'elles sont transposées dans le droit civil. En revanche, dans certains domaines, des législations civiles plus modernes et inspirées des principes défendus par la déclaration universelle des droits de l'homme ont été mises en oeuvre , qu'ils s'agissent du statut de la femme en Tunisie décidé sous Bourguiba ou des évolutions récentes du droit de la famille au Maroc. Dans certains pays comme le Maroc, l'unification sur la personne du roi, du pouvoir civil et du pouvoir religieux, symbolise cette place particulière. Avec une signification plus ambiguë, l'existence de ministères en charge des affaires religieuses témoigne de la volonté de ne pas séparer totalement le champ religieux du champ politique a minima pour le contrôler 168 ( * ) .

3. La montée de l'islam et les régimes autoritaires

L'islam politique avait été marginalisé aux indépendances par le modèle national progressiste incarné par le baasisme et le nassérisme. Paradoxalement, sa montée a été favorisée par les régimes autoritaires qui ont fait de la mosquée le seul espace d'expression politique. Elle peut s'expliquer également par la tendance qu'ont eu certains États d'instrumentaliser l'islam à leur profit pour mieux lutter contre les radicaux en insérant certaines composantes dans l'espace politique ou en se revendiquant de l'islam, ceci constituant une justification de la capacité de l'islam d'entrer dans le champ du politique.

4. La légitimité démocratique de l'islam politique par les urnes

Les bons scores des formations s'en revendiquant, notamment celles issues de la mouvance des Frères musulmans, peuvent être expliqués par une volonté des électeurs de donner un sens moral au changement de régime et notamment de renouveler une classe politique jugée peu intègre, mais aussi par une affirmation de volonté syncrétique démontrant que l'islam n'est pas antagonique de la démocratie et de la modernité, et donc le souhait de tester la capacité des islamistes, comme gestionnaires de l'Etat après l'échec des modèles importés de l'extérieur.

ISLAM POLITIQUE - PARTIS ET MOUVEMENTS (Partis laïcs - Partis islamistes)

MAROC

(Elections législatives du 25.11.2011)

ALGERIE

(Elections législatives du 10.05.2012)

TUNISIE

(Elections de l'Assemblée constituante 23.10.2011)

LIBYE

(Elections 7 juillet 2012)

EGYPTE

(Elections législatives du 10 janvier 2012)

MAURITANIE

Parti de la justice et du développement (PJD) origine salafiste 27,081%

FLN 14,18%

Ennahdha 41,47%

(proche des Frères Musulmans)

Alliance des forces nationales (AFN) Alliance de libéraux 19,5%

Parti de la Liberté et de la Justice (Frères musulmans) 44,6%

UPR (parti au pouvoir)

Istiqlal 15,19%

RND (Rassemblement national démocratique) 5,61%

Congrès pour la République (CPR - Centre gauche) 5, 52%

Parti de la justice et de la construction (PJC) 8,5%

Parti de la Lumière (Salafistes) 22,5%

COD (coalition d'opposition radicale, inclut le parti islamiste Tawasosoul

Union socialiste des forces populaires (USFP) 9,87%

AAV (Alliance Verte) Mouvance proche des frères musulmans 5,09%

Ettakatol (Social-démocrate) 5, 52%

Néo-Wafd 7,8%

Tawassoul (parti islamiste proche des Frères musul-mans) appartient à la COD

Parti de l'Authenticité et de la Modernité (PAM) 11,90%

Front des Forces Socialistes (FFS) 2,02%

Union pour la Tunisie -mouvement Nida Tounès (5 partis centre gauche) 12,44%

Parti égyptien social-démocrate 3,2%

CAP Coalition de l'opposition modérée

Rassemblement national des indépendants (RNI) 13,16%

Parti des travailleurs (PT) 3,04%

Front Populaire (Coalition 12 partis) 2,76%

Parti des Égyptiens libres 3%

Front pour la justice et le développement (FJD) 2,49%

Parti de la construction et du développement 2,6%

Front du changement (FC) 1,86%

PALESTINE

(Elections législatives 25 janvier 2006)

SYRIE

LIBAN

(Elections législatives du 7 juin 2009)

IRAK

(Elections législatives du 7 mars 2010)

IRAN

(Elections législatives du 25 avril 2008)

TURQUIE

(Elections législatives du 12 juin 2011)

HAMAS (Mouvement de résistance islamique) 42,9%

Front national progressiste (coalition de 8 partis autorisés dont le parti Baas)

Courant du Futur 21,87%

Mouvement national irakien 25,8%

Front des principalistes unifié 40,34%

AKP (Parti de la justice et du développement) 46,58%

FATAH (Mouvement national palestinien de libération) 39,8%

Frères musulmans

Courant patriotique libre (CPL)  14,06%

Coalition de l'État de droit 25,7%

Conservateurs pragmatiques 18,27%

CHP (Parti républicain du peuple) 20,88%

FPLP (Front populaire de libération de la Palestine) 4,1%

Coalition nationale des forces de l'opposition et de la révolution

Hezbollah (Parti de Dieu) 10,15%

Alliance irakienne unifiée 19%

Réformistes 15,86%

MHP (Parti d'action nationaliste) 14,27%

Mouvement Amal 10,15 %

Parti pour la paix et la démocratie (BDP) 0,73%

Parti socialiste progressiste (PSP) 7,81%

5. La montée de l'islam politique

Le repli sur des valeurs traditionnelles considérées comme sûres et connues et donc rassurantes s'impose à une partie des populations . Ce repli identitaire n'est pas propre au Maghreb, il existe également en Europe, mais dans des sociétés où la séparation du religieux et du politique est ancienne, il s'exprime davantage à travers des courants nationalistes et populistes. Dans le monde arabe, il s'est peu à peu substitué au courant nationaliste dont certains dirigeants se sont rapprochés de l'Occident, notamment après les accords de Camp David et la guerre du Koweït, et ne portent plus suffisamment des valeurs identitaires.

6. Les acteurs de l'islamisme politique au Maghreb

Il apparaît assez clairement que les acteurs de l'islamisme politique appartiennent plutôt à des mouvements qui ont irrigué assez récemment le Maghreb, qu'il s'agisse des Frères musulmans ou des mouvements salafis, parfois djihadistes (notamment depuis l'intervention russe en Afghanistan).

Ces mouvements avaient relativement peu de poids dans l'Islam maghrébin jusqu'à une période récente, les habitants de ces pays continuant à pratiquer leur religion dans la tradition malékite sur laquelle s'était greffé un islam populaire de type soufi.

Ces influences extérieures se sont développées en partie pour des raisons internes (le modus-vivendi entre institutions traditionnelles de l'islam et autorités coloniales, la domination des forces modernistes lors des indépendances et la résistance aux régimes autoritaires soutenus par l'occident), mais aussi pour des raisons extérieures (développement des chaînes de télévision arabes par satellite avec de nombreuses émissions de prédication, financées par les capitaux du Golfe, elles véhiculent un islam d'inspiration « frériste » ou salafie).

Les populations du Maghreb, comme les populations musulmanes du monde entier, sont donc influencées par ces mouvements nouveaux dont certains sont plus engagés sur le terrain politique.

a) Le Mouvement des Frères musulmans s'est engagé de façon précoce sur le terrain politique

Le mouvement des Frères musulmans a été fondé en 1928 par l'Égyptien Hassan al-Banna (1906-1949). L'objectif premier du fondateur du mouvement était l'éducation des jeunes dans la tradition islamique et la propagation de la prédication salafie et de « l'islam sunnite purifié ». Le mouvement est devenu une organisation mondiale présente en Egypte, dans tout le Moyen-Orient et au Maghreb, mais aussi dans la communauté musulmane à travers le monde . Il dispose de fortes ressources, de soutiens financiers actifs, d'une importante assise dans le monde universitaire et intellectuel et d'une force de communication efficace, notamment à travers la chaîne Al Jazeera.

Cependant, chaque mouvement a une approche distincte adaptée à la culture locale et à son histoire propre.

Le Mouvement des Frères musulmans dans le Maghreb

En Tunisie , avant le Printemps arabe, les membres de la tendance islamique (proche des Frères) avaient réitéré leur choix en faveur de la voie légale (parlementaire). Malgré cela, ils furent victimes d'une répression, leurs principaux dirigeants exilés à l'étranger (comme Rached Ghannouchi) ou emprisonnés (comme Ali Laarayedh , actuel Premier ministre). Selon Zidane Meriboute « Ghannouchi a su donner une image de parti réformiste et progressiste au parti tunisien Ennahdha , en se démarquant légèrement de la vision traditionnelle et idéologique des Frères musulmans 169 ( * ) notamment sur la notion d'Etat, sur l'adaptation de l'idéologie islamique au contexte social et économique du moment, sur le consentement démocratique de la société, la souveraineté du peuple et l'Etat de droit. Il s'en écarte plus sensiblement s'agissant des thèmes du djihad, du rôle de la femme, du voile, de l'apostasie et de la polygamie.

En Algérie , les Frères musulmans ont été introduits par la filière des « coopérants » égyptiens et moyen-orientaux venus arabiser le pays dans les années qui ont suivi l'indépendance. Aujourd'hui, plusieurs partis islamiques représentés à l'Assemblée nationale se réclament de l'idéologie des Frères musulmans. Il s'agit de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV), formée principalement de trois partis, El Islah, le Mouvement de la société pour la paix (MSP/Hamas) 170 ( * ) et Ennahdha (Algérie) .

En Libye : le parti Justice et Construction (PJC) des Frères musulmans dont les activités ont été réprimées sous le régime Kadhafi y compris dans le secteur social à la différence de l'Egypte a émergé à l'issue de la révolution avec un soutien marqué de l'étranger (Egypte, Qatar).

En Mauritanie, le parti islamiste Tawassoul , présidé par Jawal ould Mansour, fait alliance avec l'opposition radicale au sein de la COD. Attaché à l'islam et à la sunna comme « source unique du droit », ce parti revendique un caractère multiethnique. Il affirme son attachement à la démocratie. Il emploie des méthodes modernes de communication et a démontré sa capacité de mobilisation populaire.

b) Une partie de la mouvance salafie cherche à intégrer l'espace politique

Cette mouvance fondamentaliste revendique le retour à l'islam des origines. Dans sa forme "scientifique" ou "quiétiste", elle prône la prédication et s'oppose à la désobéissance civile. Deux autres catégories ont investi le terrain politique : le salafisme "activiste", qui croit à l'action politique, à l'oeuvre depuis les printemps arabes dans plusieurs pays, et le salafisme "djihadiste", qui utilise la force pour lutter contre les « infidèles », jusqu'au terrorisme à l'image d'Al-Qaeda.

Au Maroc, le Parti « Justice et Développement » (PJD) fait d'une certaine façon exception à cette classification.

À l'origine, les membres du PJD appartiennent plutôt à la mouvance salafie, mais ils ont noué de nombreux contacts avec les Frères musulmans réfugiés au Maroc qui ont constitué une référence et une formation à l'implication dans la sphère sociale puis politique. Le PJD n'appartient pas au mouvement international des Frères musulmans. Il ne conteste pas la monarchie chérifienne en place depuis 1664.

Issus du MUR (mouvement pour l'unicité et la réforme) qui s'inscrit dans la continuité du mouvement salafi qui s'est développé au Maroc à partir des années 1920, laquelle a consisté à mener de front réforme islamique et action politique pour l'indépendance, les membres du PJD se réclament principalement d'une interprétation des textes fondateurs de l'Islam en s'appuyant sur les finalités et en organisant une direction collégiale engagée dans le débat et la contradiction.

Lorsque le mouvement décide de ne plus se contenter de l'éducation religieuse et de la prédication, mais d'agir dans l'espace public en participant à des élections les membres du PJD se sont organiquement dissociés du MUR. Les activités de prédication sont donc clairement séparées des activités politiques ce qui constitue une différence notable avec les mouvements de la tendance des Frères Musulmans en Egypte et en Tunisie. Les dirigeants du MPDC qui deviendra le PJD en 1998 , Abdelilah Benkirane , actuel Premier ministre et Saadeddine Othmani, ancien ministre des affaires étrangères abandonnent leur fonction de prédicateur pour celle de responsable politique et d'élu. Les spécialistes du savoir islamique et de la prédication comme Ahmed Raissouni animent le MUR, ils n'exercent pas de responsabilité politique, mais interviennent pour donner un avis sur les grandes questions politiques 171 ( * ) .

La mouvance « salafie jihadiste » a été pourchassée au Maroc après les attentats de Casablanca en 2003 et en application de la loi anti-terroriste.

Elle compte plusieurs centaines de détenus. Un processus de règlement de la situation de ceux qui n'ont pas bénéficié d'un procès équitable et qui ne sont pas impliqués dans des actes de violence est en cours (accord du 25 mars 2011) et une première vague de prisonniers ont été libérés. Le retour de leurs leaders Abou Hafs, Hassan Kettani et Omar Haddouchi dans le jeu politique légal semble s'esquisser à travers le parti de la Renaissance et de la Vertu formé par un dissident du PJD.

En Tunisie, réparti en plusieurs composantes quiétistes ou djihadistes, le mouvement salafi s'est implanté dans les quartiers populaires (voir supra p. 100) en s'appuyant sur une jeunesse défavorisée en quête d'identité, et a accru sa puissance. Il est difficile de mesurer le nombre de ses adeptes. Absents lors des élections d'octobre 2011, ils ont depuis créé trois partis ayant chacun leurs sensibilités et leurs spécificités 172 ( * ) .

S'ils rejettent les autorités qualifiées d'ennemis de l'Islam et le processus démocratique, certains observateurs estiment que certaines composantes salafies pourraient être tentées par une intégration dans le jeu politique à l'image du parti Al Nour en Egypte. Aujourd'hui, la proximité révélée, voire l'implication dans des actes terroristes du groupe Ansar Al-Charia qui a opéré le rassemblement d'une partie de cette mouvance autour d'une personnalité du djihad global, Abou Ayad, éloigne cette perspective.

En Algérie, le salafisme "scientifique" préfère réislamiser la société plutôt que de s'impliquer directement sur la scène politique . Peu représentatifs, les salafis sont très présents dans les quartiers populaires. Leur discours moralisateur, égalitaire et anticorruption séduit une partie de la jeunesse qui a s'est désinvestie du champ politique. Ils sont impliqués dans les associations qui militent pour la construction de nouvelles mosquées, comme dans le secteur caritatif.

En Libye, deux leaders islamistes, Abdelhakim Belhaj et Sami Saadi, dirigent chacun une formation politique et contestent la légitimité du gouvernement. Ils n'ont pas réussi à s'implanter électoralement lors des élections du 7 juillet 2012.

Certains groupes comme Ansar al-Sharia militent pour l'instauration d'une vision rigoriste de la charia et mène des actions violentes.

c) La mouvance soufie est moins active dans l'espace politique

Alors que le soufisme 173 ( * ) est très présent au Maghreb, il n'a pas développé de mouvement politique propre, sauf au Maroc.

Les dizaines de confréries soufies du Maroc sont regroupées au sein d'une organisation religieuse supervisée par le roi en sa qualité de « Commandeur des croyants », et n'ont en principe pas le droit d'exercer une action politique. Elles appuient néanmoins la monarchie et ont soutenu la nouvelle constitution. Notamment la principale d'entre-elles la « Zâwiya Qâdiriyya Boudchichiyya » 174 ( * ) constitue un facteur important des équilibres politiques du Maroc. Elle n'envisage pas sa transformation en parti politique.

Tel n'est pas le cas de la communauté « Justice et spiritualité » (connue aussi sous le nom de « Justice et bienfaisance ») qui se place dans la continuité de la pratique soufie organisée autour de l'autorité du Cheikh Abdessalam Yassine 175 ( * ) qui est considéré comme une autorité spirituelle, un guide qui permet à ses adeptes de se rapprocher du divin. Cette communauté est entrée dans le champ politique en s'opposant frontalement à la monarchie marocaine à laquelle elle dénie le titre de commandeur des croyants. Elle ne participe pas jusqu'à maintenant aux confrontations électorales mais a pris une part active dans les manifestations de janvier et février 2011 avant de prendre ses distances. Elle s'est opposée à la nouvelle constitution. Elle semble en proie à un débat interne, entre les partisans d'une entrée dans l'arène politique avec la formation d'un parti (génération des quinquagénaires) et les partisans de la ligne actuelle (branche étudiante).

Dans les autres pays, le mouvement soufi n'est pas représenté en tant que tel par des partis politiques dans le champ politique.

d) Trois caractéristiques communes à l'ensemble de ces formations

Elles ont été tenues ou se sont tenues longtemps hors du champ politique : activité de prédication, d'éducation ou caritative. Elles sont donc dépourvues d'expériences et souvent de compétences pour gouverner (à la différence de l'AKP en Turquie qui disposait d'une expérience solide de gestion de grandes villes comme Istanbul, ou PJD qui participe à l'opposition parlementaire au Maroc depuis plusieurs années). Ces formations ont donc davantage une culture de la protestation et de l'opposition que de l'action. Ceci est d'ailleurs vrai de tous les partis qui stationnent trop longtemps en dehors du jeu politique faute d'alternance.

Le référentiel religieux est longtemps apparu comme seule source d'inspiration : discours moral, lutte contre la corruption et la prévarication, application de la charia (avec toutes les nuances d'interprétation possible). Or si elle apparaît acceptable pour adopter des comportements éthiques, cette matrice est insuffisante pour traiter des questions économiques et sociales complexes.

Elles ont une tendance immédiate à se considérer comme des partis de la vérité et ont insuffisamment intégré le concept de pluralisme politique et de débat démocratique. Elles articulent un discours sur la démocratie assimilant le choix du peuple au choix de Dieu, agissent parfois avec une certaine arrogance, et ont quelques difficultés à entrer dans la voie du compromis, d'autant que les différentes tendances entrent en concurrence et s'adonnent à une forme de surenchère.

Après avoir suscité une espérance, elles suscitent de la déception voire de la défiance.

Leur intégration dans le jeu politique démocratique suppose un apprentissage et une adaptation de leur logiciel dont les premiers signes peuvent être perçus dans la séparation complète des activités de prédication et des activités politiques (MUR/PJD au Maroc). Elle semble plus facile à réaliser sous les auspices d'une autorité morale incontestable (comme celle du roi du Maroc, commandeur des croyants et protecteur des religions).

e) Ces mouvements n'épuisent pas l'engagement politique des musulmans

La participation des musulmans au jeu politique peut aussi se traduire par un engagement individuel classique sur des fondements idéologiques distants des préceptes religieux, un certain nombre de facteurs poussent dans cette direction : la confrontation à la prise de décision politique entraîne des clivages au sein de ces formations entre conservateurs et progressistes que le référentiel religieux est incapable de trancher, la multiplication de l'offre religieuse conduit à une individualisation de la pratique, enfin la résistance forte d'une grande partie de l'opinion publique permet difficilement dans le cadre démocratique d'éluder longtemps le dialogue et les compromis. On a vu récemment que les dignitaires de la célèbre mosquée Al Azar qui fait référence dans l'Islam ont affiché leur soutien au nouveau gouvernement égyptien issu des grandes manifestations contre le gouvernement des Frères musulmans en juillet 2013. Ils ne semblent pas avoir pris de positions tranchées à la suite de la répression des manifestations pro-Morsi.

Pour certains observateurs, les partis religieux ne sont qu'un phénomène momentané, sauf à entrer dans un système théocratique (à l'Iranienne).

Il faut aussi considérer comme Olivier Roy que « la réislamisation évidente qui a touché la société (...) favorise de nouvelles formes de religiosité, très individualistes et très diversifiées. L'extension du salafisme exprime paradoxalement l'émergence d'un islam plus individualiste, moins politisé, même s'il est très rigoriste 176 ( * ) ».

Il ne faut pas non plus minorer les influences, parfois très diverses, de l'islam sur les comportements individuels et sur la formation culturelle de l'ensemble des dirigeants du monde arabe . Comme les religions chrétiennes ou juives ont pu et continuent à façonner la pensée de nombre d'hommes et de femmes politiques, l'islam constitue une référence culturelle et éthique qui ne nécessite pas sa manifestation dans une formation politique référencée, il ne sera donc pas étonnant de rencontrer dans toutes les sphères politiques, y compris dans les partis sans référentiels confessionnels, des musulmans pratiquants, affichant parfois de façon ostensible certains signes de leur appartenance religieuse.

La confrontation de ces diverses influences culturelles et religieuses est source de tensions extrêmes. En soulevant la chape qui pesait sur l'expression des idées, les révolutions arabes ont été un révélateur de ces tensions et de ces discordances.

Les sociétés du sud et de l'est de la Méditerranée découvrent qu'en leur sein, elles sont multiples, contradictoires, comme toutes les autres sociétés du monde, et que la soumission à un modèle unique n'a plus cours. À leur façon, elles devront apprendre à vivre avec cette diversité, à composer avec la divergence, avec les oppositions politiques, à pacifier leurs rapports entre majorités et minorités, à respecter la critique et le contradicteur. À l'échelle historique, c'est bien ce que révèlent ces mouvements. Et même si les forces politiques qui ont récupéré la dynamique engagée présentent bien des caractéristiques du monolithisme autoritaire (cette fois dans sa version religieuse), elles ne pourront à terme perpétuer le verrouillage des sociétés, désormais ouvertes, plus instruites et plurielles. Il revient dès lors à ces sociétés d'accepter leurs différences et de vivre avec cette diversité 177 ( * ) .

C'est bien l'enjeu des processus de transition qui sont en cours au Maghreb. Il s'agit pour ces Etats de réinventer avec pragmatisme un modèle démocratique qui assure un consensus social, que l'on procède par adaptation et ajustement successif comme au Maroc ou en Algérie ou par reconstruction comme en Tunisie ou en Libye.

V. LE MAGHREB EN QUÊTE DE STABILITÉ

Le processus démocratique suit des chemins très différents selon les États, il connaît et connaîtra nécessairement des avancées et des ruptures . Il est donc nécessaire de prendre quelques distances de l'actualité du moment pour apprécier les trajectoires suivies.

• En Tunisie, la transparence du débat facilite l'observation. La phase de blocage qui perdure suscite nombre d'inquiétudes.

• En Libye, la trajectoire est plus inquiétante dans la mesure où la faiblesse même de l'Etat rend difficile la mise en oeuvre d'institutions démocratiques. Cette situation peut dégénérer et constitue d'ores et déjà un facteur de risque pour toute la région.

• En Algérie, la stabilité apparente du régime peut rassurer, mais elle repose sur des fondements dont la solidité pourrait être mise à l'épreuve. Le peu de transparence dans les processus de décision comme dans les tendances sous-jacentes qui modèlent l'opinion publique ne donnent guère d'assurance.

• Au Maroc, le cheminement suivi avec une ouverture démocratique progressive et un effort de développement économique ambitieux est rassurant. Cependant, il repose sur des équilibres complexes au sein de la société marocaine que la légitimité royale permet de maintenir jusqu'à présent.

• En Mauritanie, les perspectives électorales peuvent être une occasion de retour progressif vers la démocratie, mais le pays reste profondément divisé.

Nombre d'experts prolongeant le concept de « vagues démocratiques » développé par Samuel Hutington estiment que les révolutions arabes constituent après celles des années 1970-1980 qui a touché l'Espagne, le Portugal et la Grèce, puis celles des années quatre-vingt-dix avec l'Europe centrale et orientale, une nouvelle vague de démocratie, le peuple se saisissant du pouvoir politique. Ce faisant la transformation des mouvements arabes doit être examinée avec prudence. La démocratisation du monde arabe ne se fera probablement pas par un alignement pur et simple sur les démocraties occidentales. Le contexte culturel et historique affirme sa spécificité.

De plus, contrairement aux précédentes vagues démocratiques en Europe, il manque le puissant moteur de convergence que représentait la perspective d'intégration à l'Union européenne. Ces Etats manquent d'un grand dessein pour fédérer les énergies et converger vers l'avenir.

Le processus de transition est d'abord un apprentissage du débat démocratique. Il sera long et sûrement chaotique, mais il ne pourra pas occulter la réalité de ces sociétés et à terme le besoin d'une gouvernance apaisée.

Il est aussi pour une partie des dirigeants un apprentissage de la gouvernance d'un Etat et des affaires du monde. Passer de l'opposition, de la prison ou de l'exil au gouvernement n'est pas un exercice simple. Il est rendu encore plus compliqué lorsque les lois d'immunisation ou d'exclusion des anciens dirigeants et de leurs collaborateurs écartent des responsabilités ou de l'administration un grand nombre de cadres expérimentés. L'intégration des partis islamistes, et leur capacité à faire des compromis dans l'exercice du pouvoir, sans se laisser dépasser ou influencer par des mouvements plus radicaux, constitue l'un des enjeux majeurs des transitions démocratiques au Maghreb.

Les dirigeants des différents pays, et la grande majorité des habitants, en sont conscients. Mais ils divergent sur la méthode et le rythme . Restent des facteurs de déstabilisation à ne pas ignorer :

• facteurs conjoncturels comme la montée de courants identitaires ou djihadistes qui peuvent au moyen du terrorisme fragiliser le processus ou conduire à sa dérive.

• facteurs structurels comme l'ajustement de la croissance économique, insuffisante pour intégrer dans l'emploi les classes d'âges nombreuses en âge de travailler qui chaque année se présentent sur le marché du travail, à la croissance démographique.

Au-delà de tout progrès dans le processus de transition démocratique, cette donnée structurelle met sous tension sociale le développement économique et politique du Maghreb, sauf à relancer fortement une croissance inclusive, créatrice d'emplois en nombre.

Tout se tient. Pas de stabilité politique sans progrès social, de progrès social sans développement économique, de développement économique sans sécurité ni stabilité politique.

TROISIÈME PARTIE : LE MAGHREB À LA CROISÉE DES CHEMINS

La Méditerranée n'est plus l'épicentre culturel, commercial et politique du monde, même si elle fut, est et demeurera longtemps une matrice influente de son histoire.

Les regards se portent aujourd'hui au loin et le « pivotement » stratégique des Etats-Unis illustre un certain éloignement de la Méditerranée du centre de gravité du monde.

Elle reste néanmoins importante pour l'Europe et le Proche-Orient. Elle est en effet la seconde interface de l'Europe, vitale pour son approvisionnement en pétrole ainsi que pour l'importation des produits venus d'Asie via le Canal de Suez et pour l'ensemble du monde la voie maritime la plus courte, et une des plus utilisées, entre l'Europe et l'Orient.

Est-ce pour autant un déclin amorcé pour les pays riverains ?

Une autre perspective n'est-elle pas envisageable ? Par leurs positions géographiques, les Etats du Maghreb sont au carrefour de régions porteuses d'avenir, à commencer par l'Afrique subsaharienne. Nombre d'experts prédisent que l'Afrique sera le continent du XXIème siècle.

Cette situation de moindre influence est liée à l'histoire contemporaine telle que décrite dans l'avant-propos. Mais le moment est sûrement venu de saisir l'opportunité qu'offre un monde différent et dans une démarche nouvelle volontariste et ouverte de faire valoir enfin les atouts des pays de la rive sud et singulièrement ceux des pays du Maghreb.

La valorisation de ces atouts suppose que, parallèlement, les conditions de la stabilité de ces Etats soient progressivement assurées . C'est une condition nécessaire à leur développement. Elle suppose la poursuite dans des conditions apaisées de la transition démocratique, la sécurisation de l'environnement et le renforcement des liens de voisinage. Autant de conditions dont la satisfaction appartient au premier chef, individuellement et collectivement à ces Etats.

I. DES ATOUTS POUR RÉUSSIR

1/ Le positionnement géographique

2/ Une jeunesse nombreuse

3/ Le potentiel énergétique

4/ Le tourisme

5/ L'ouverture vers l'Afrique

6/ La culture de l'Etat

Le principal atout du Maghreb est son positionnement géographique : sa proximité avec l'Europe occidentale, sa façade méditerranéenne et son positionnement pivot à la proue de l'Afrique.

La plupart des experts font valoir en outre trois atouts importants à valoriser dans les 30 prochaines années : une jeunesse nombreuse disposant d'un bon niveau d'éducation, un important potentiel énergétique notamment dans le domaine des hydrocarbures et des énergies renouvelables, enfin, le tourisme dont le développement n'a pas atteint son apogée ; Sans compter l'existence d'autres secteurs industriels et de services pour la consommation locale ou pour l'exportation.

Précisons que les pays du Maghreb entretiennent des liens étroits avec le monde arabo-musulman et avec les pays africains, ce qui constitue des atouts politiques intéressants. Enfin, mis à part peut-être la Libye, ils disposent d'une culture de l'Etat qui leur confère une certaine stabilité.

A. UN POSITIONNEMENT GÉOGRAPHIQUE FAVORABLE

1. Une proximité de l'Europe

Même si les pays du Maghreb diversifient leurs activités, leurs clients et leurs fournisseurs, l'Europe, et singulièrement les pays européens de la Méditerranée occidentale restent leurs partenaires naturels, tant pour les échanges commerciaux que pour les investissements (voir supra p. 45 et suivantes).

Une grande partie des capacités de développement économique notamment par la production de produits agricoles ou industriels et de services, destinés à l'exportation, sont largement tournés vers l'Europe.

2. L'Afrique, un continent d'avenir. Le Maghreb en est la proue
a) La mondialisation est marquée par une dynamique des grandes régions

Jean-Louis Guigou, président de l'IPEMED, a exposé la profondeur des relations économiques, mais aussi culturelles entre les pays du Maghreb et l'Afrique sub-saharienne, singulièrement l'Afrique occidentale et l'Afrique centrale. Il a aussi montré qu'outre leur proximité, ces régions travaillaient dans le même fuseau horaire et donc dans un même espace-temps.

Carte n° 53 : La dynamique des grandes régions

La mondialisation pousse à la constitution de grandes régions

« L'Amérique du nord a constitué, avec ses deux voisins, le Canada et le Mexique, l'ALENA. Les pays sud-américains ont eux aussi constitué leur grand marché commun le Mercosur. Ces deux ensembles coopèrent de plus en plus étroitement pour dessiner une grande région continentale, qui prend la forme d'un « quartier d'orange » nord-sud. De son côté, la Chine a constitué avec tous ses voisins un immense marché commun, l'ASEAN+5 de 2,5 Mds d'habitants, avec ses propres régulations. L'Europe qui avait pris de l'avance en 1957 en créant le Communauté économique européenne a bien réagi en intégrant dans les années 1990 l'Europe centrale et orientale. Au sud de l'Europe, en Méditerranée et en Afrique, la constitution d'une grande région réunissant les pays développés vieillissants à des pays jeunes et émergents se dessine ».

Carte n° 54 : La grande région Europe-Méditerranée-Afrique

Source : IPEMED

Pour Jean-Louis Guigou, il faut maintenant mettre cap au sud en deux temps :

• en premier lieu, pour peser dans la mondialisation, créer d'ici 2030 une union euro-méditerranéenne qui associera d'ici quelques décennies une population de 500 millions d'habitants en Europe et de 500 millions dans les pays du sud et de l'est de la Méditerranée ;

• dans un deuxième temps, très rapproché, envisager une grande région Europe-Méditerranée-Afrique , en intégrant 2 milliards d'Africains dont un quart seront francophone en 2050. Dans cette vision « La Verticale », les pays de la Méditerranée auront une position géostratégique centrale. La Méditerranée, pivot de la grande région Europe-Méditerranée-Afrique.

b) L'Afrique : un pôle de croissance, un continent d'avenir

Tous les observateurs s'attachent à reconnaître que l'Afrique sera un continent d'avenir avec un potentiel de développement économique considérable au cours du XXI e siècle.

L'idée d'un partenariat triangulaire France (Europe)-Maroc-Afrique est souvent mise en avant par certains interlocuteurs français et marocains entendus par votre groupe de travail. Il est vrai que le développement de relations économiques entre le Maroc et les pays d'Afrique de l'Ouest (voire certains pays d'Afrique centrale) constitue des points d'entrée qui peuvent conforter nos relations avec ces pays. On observera que cette analyse est partagée par l'Espagne, plusieurs déclarations du roi Juan Carlos Ier lors de son séjour au Maroc au mois de juillet ont porté sur ce sujet.

Le Maghreb se trouve au coeur de cette relation, il n'est plus la périphérie de l'Europe mais un point de passage, un relais important.

Une communication conjointe de la Commission et de la Haute représentante consacrée aux pays du Maghreb 178 ( * ) souligne également l'importance de ces relations.

3. Les façades maritimes et le développement grâce aux infrastructures portuaires

Carte n° 55 : Volume de conteneurs maritimes des ports de la Méditerranée, 2005 (EVP4)

Source : http://planbleu.org/sites/default/files/publications/cahier7_transport_fr.pdf

Le Maghreb central (Maroc, Algérie, Tunisie) possède une façade maritime de 3 000 km en bordure de la mer Méditerranée et de l'océan Atlantique. Sa position de carrefour entre deux mers et deux continents en fait un acteur stratégique de l'interface Nord/Sud que constitue la mer Méditerranée.

Comme dans beaucoup de pays émergents, le transport maritime concentre l'essentiel du commerce international des pays du Maghreb (90%), ce qui donne aux ports un rôle essentiel dans la structuration des territoires. Toutefois, l'orientation nord/sud des flux et la faiblesse des relations économiques régionales n'en font pas un espace logistique intégré 179 ( * ) .

L'orientation nord/sud des flux

Plus de 60% des échanges se font avec l'Union européenne. Cette dissymétrie pose un problème de rentabilité des flottes (retour à vide), notamment pour l'Algérie. L'avant-pays maghrébin dans son ensemble est fortement spécialisé géographiquement : on y trouve l'Europe occidentale, la Méditerranée et l'Afrique de l'Ouest, le reste du monde occupant une place très mineure. Les flux maritimes se sont en fait concentrés sur quelques ports d'Europe du Nord (la rangée du Havre à Hambourg) mais surtout méditerranéens : rangée Sud d'Algésiras à Livourne, hubs de Cagliari (Sardaigne), Marsaxlokk (Malte), Gioia Tauro (Italie).

L'éparpillement des ports 180 ( * ) sur le littoral est aussi une marque de cette faiblesse. Aucun port du Maghreb n'entre actuellement dans le classement des 125 premiers ports mondiaux réalisé par l'AAPA ( American Association of Port Authorities ) pour 2011 181 ( * ) .

Carte n° 56 : Les grands ports

Sources : Fatima Zohra Mohamed-Chérif et César Ducruet : « Les ports et la façade maritime du Maghreb, entre intégration régionale et mondiale » - Mappemonde n°101 - 2011 http://mappemonde.mgm.fr/num29/articles/art11103.html

NB : La taille des cercles est ajustée par rapport au tonnage le plus élevé de la période (ex : Arzew 2005). L'évolution est calculée par rapport à l'année 2007.

La faible efficacité de la chaîne de transports maritimes au regard des standards internationaux, la modernisation tardive et incomplète des infrastructures portuaires, l'absence d'une chaîne de logistique de transport reliant les trois pays du Maghreb, la faible implication des armateurs nationaux dans le transport international 182 ( * ) , et enfin la prédominance des navires conventionnels empêchant les chargeurs maghrébins de profiter pleinement des avantages de la conteneurisation 183 ( * ) (gain de temps, de coût, sécurité de la marchandise) n'ont pas permis de répondre efficacement à la croissance des flux.

Une comparaison détaillée des avant-pays montre que le Maroc est plus « mondialisé » que l'Algérie et la Tunisie, dont le progrès du trafic outre-mer reste majoritairement limité à la Méditerranée, probablement à cause de leur plus forte dépendance envers les hubs pour leur raccordement au système mondial.

Malgré ses faiblesses, une évolution se dessine : la façade maritime du Maghreb se diversifie et devient plus dynamique.

Selon Fatima Zohra Mohamed-Chérif et César Ducruet 184 ( * ) , « l'émergence du port de Tanger-Méditerranée (Maroc), les futurs hubs de Djen Djen (Algérie) et d'Enfidha (Tunisie), le développement de l'activité touristique (Maroc, Tunisie) et l'activité gazière (Algérie) symbolisent l'insertion croissante du Maghreb dans le système maritime mondial, ce que montre aussi l'évolution géographique des connexions maritimes à porte-conteneurs. La croissance générale du trafic portuaire va de pair avec, à la fois, une dynamique d'intégration (harmonisation des rythmes de croissance) et une diversification géographique des avant-pays maritimes .

Les États du Maghreb adaptent leurs politiques maritimes pour rendre leurs ports plus compétitifs .

Une phase de libéralisation est en cours dans les trois pays, avec la modernisation et l'extension des ports et des réseaux de transport, l'introduction de la concurrence, des réformes structurelles allant de la facilitation des investissements étrangers et des partenariats public-privé, jusqu'à privatiser les compagnies maritimes nationales (Maroc) et, enfin, une intégration accrue des chaînes de transport et logistiques (projet de liaisons autoroutière et ferroviaire transmaghrébines).

Ils développent de nouvelles infrastructures.

Carte n° 57 : Le détroit de Gibraltar

Source : Aquaportail http://www.aquaportail.com/definition-5612-detroit-de-gibraltar.html

Carte n° 58 : Gibraltar et Tanger

« C'est ici, dit la légende, qu'Hercule a séparé l'Afrique de l'Europe »

Source : Nora Mareï, « Le détroit de Gibraltar dans la mondialisation des transports maritimes », EchoGéo [En ligne], 19 | 2012, mis en ligne le 10 février 2012. URL : http://echogeo.revues.org/12919 ; DOI : 10.4000/echogeo.12919

Photo gauche : Tanger ville - Source : http://www.aut.gov.ma/

Photo droite : Tanger-Med - Source : http://achnoo.com/wp-content/uploads/2013/06/Tanger-Med.jpg

Le développement de nouveaux projets d'infrastructures portuaires

Au Maroc, la mise en service en 2007 du port Tanger Méditerranée comprend la création de zones logistiques (port sec à Ksar Sghir) et de zones d'activités dotées d'un statut de zone franche 185 ( * ) (500 km 2 et 120 000 emplois directs), ainsi qu'une nouvelle ville (Ch'rafate). Ce port polyfonctionnel de dernière génération peut recevoir des porte-conteneurs de plus de 6 000 EVP, il a une capacité de 5 millions EVP. En 2015, lorsque ce projet sera terminé, 8,5 millions de conteneurs, 7 millions de passagers, 3 millions de véhicules et 10 millions de tonnes d'hydrocarbures pourront transiter chaque année par cette plate-forme multimodale. Dans la concurrence sur le marché du transbordement des conteneurs, le port marocain Tanger Med est opérationnel et favorablement placé pour capter les flux en provenance de l'Amérique du Nord, de l'Europe occidentale et de l'Afrique de l'Ouest.

En Tunisie , le port de croisière de Tunis-La Goulette, les concessions accordées en vue de la modernisation de Rades, Zarzis, Gabes vont également dans ce sens. Le projet d'Enfidha, 75 km au sud de Tunis, fait suite à la construction d'un aéroport international et devrait accueillir 1 200 hectares d'infrastructures portuaires en eau profonde ainsi que 2 000 hectares pour la zone logistique, avec une capacité totale de 5,7 millions d'EVP  pour un coût d'1,4 milliard d'euros étalés sur 20 ans.

De son côté , l'Algérie mise sur l'agrandissement du port de Djen Djen (Jijel) pour assurer la fonction de hub . Le port sera doté d'une superficie supplémentaire de 78 hectares pour une capacité de 2 millions d'EVP et pour un coût de 500 millions d'euros étalés sur 30 ans. Au-delà de la fonction de transbordement, le port veut élargir son arrière-pays aux pays limitrophes. Connecté à la Transsaharienne, il pourrait devenir la porte de l'Afrique subsaharienne. Le groupe nucléaire français Areva a étudié, semble-t-il, la possibilité d'évacuer par le port de Djen Djen l'uranium extrait à Imouraren, dans le nord du Niger.

Selon Fatima Zohra Mohamed-Chérif et César Ducruet : « Les ports et la façade maritime du Maghreb, entre intégration régionale et mondiale » - Mappemonde n°101 - 2011 http://mappemonde.mgm.fr/num29/articles/art11103.html

• Les efforts d'investissements en cours doivent s'accompagner d'une poursuite des réformes de la politique portuaire tout entière, et permettre d'attirer les investisseurs étrangers afin que cette façade maritime soit valorisée. La dynamique maritime devrait pouvoir entraîner le développement et l'intégration territoriale du Maghreb de l'intérieur. Le projet de développement de Tanger Med est caractéristique de cette dynamique avec l'établissement de zone franche.

Le Royaume Marocain a fait de cette ville du Nord une cité portuaire au rayonnement commercial international. Deuxième pôle économique après Casablanca, en trente ans la population y a quadruplé.

• La mise en place d'une zone de libre-échange peut être l'une des conditions préalables à l'instauration d'un groupement régional viable à l'instar d'autres espaces économiques tels que l'Afrique australe ou les pays du Mercosur. Toutefois, les mesures arrêtées jusqu'à maintenant ne vont pas forcément dans le sens de l'intégration ou de la mise en commun des infrastructures, chacun des trois pays développant son propre port de transbordement à conteneurs . Or ce marché est extrêmement concurrentiel et l'on peut s'interroger sur la viabilité de ces projets face aux hubs méditerranéens existant depuis les années 1990, tels Marsaxlokk (Malte), Gioia Tauro (Italie), Valence et Algésiras (Espagne). Actuellement, avec la croissance du trafic, les armateurs paraissent intéressés par les nouvelles opportunités qui peuvent s'offrir sur la façade sud de la Méditerranée, notamment au Maghreb, mais le ralentissement économique en Europe, s'il persistait, pourrait avoir des conséquences sur ce trafic.

Tableau n° 59 : Données sur les principaux ports de la rive nord de la Méditerranée occidentale

en 2011 (*)

En millions de tonnes métriques

Rang mondial

En millions d'EVP

Rang mondial

Marseille

88,092

41

0,827

>100

Valence

65,564

60

4,327

26

Algésiras

76,884

49

3,608

30

Gênes

50,393

78

1,847

70

Barcelone

43,054

96

2,033

60

Marseille : un port en Méditerranée

Deuxième unité urbaine de France avec 1,6 million d'habitants, Marseille est aujourd'hui encore avec 88 millions de tonnes métriques de marchandises traitées (*) en 2011 , le premier port français devant Le Havre, le premier port de la Méditerranée (devant Algésiras et Valence), le cinquième port européen (derrière Rotterdam, Anvers, Hambourg et Amsterdam) et le 41 e port mondial.

Mais le trafic de conteneurs reste très faible comparativement à ses concurrents méditerranéens. Il n'est pas classé dans les 100 premiers ports mondiaux ni parmi les 15 premiers méditerranéens . Il est distancé notamment par Valence, Algésiras, Marsaxlokk (Malte), Gioia Tauro (Italie), Tanger, Barcelone, Gênes, La Spezia et Las Palmas en Méditerranée occidentale.

De même, en matière de croisières , selon le classement Medcruise/ECC, Marseille, avec 890 000 passagers ne se classe qu'au 9ème rang des ports de Méditerranée , loin derrière Barcelone (2,408 millions de passagers), Civitavecchia (2,393), Venise, Las Palmas, Naples, le Pirée, Livourne et Dubrovnik.

La ville est largement tournée vers la Méditerranée, elle accueille nombre d'institutions : IRD, services de formation de l 'AFD et d'Ubifrance, organisations et centre de recherche à vocation euro-méditerranéenne.


(*) http://aapa.files.cms-plus.com/PDFs/WORLD%20PORT%20RANKINGS%202011.pdf

B. UNE JEUNESSE NOMBREUSE ET UNE FORMATION ÉLEVÉE MAIS SOUVENT SANS EMPLOI

• Selon une étude réalisée par la Banque Africaine de Développement 186 ( * ) , les gouvernements du Maghreb ont fortement investi dans l'éducation au cours des 30 dernières années. Ils ont engagé plus de 5% du PIB et près de 20% du montant total des budgets nationaux dans l'éducation.

Dans le domaine de l'enseignement primaire, l'Afrique du Nord a fait des avancées importantes. Le taux net ajusté de scolarisation est passé de 80% en 1990 à 97% en 2011. L'Algérie et la Tunisie ont également enregistré des améliorations notables des taux bruts de scolarisation dans l'enseignement secondaire et tertiaire comparables aux niveaux observés dans les pays de l'Asie de l'Est. Néanmoins, les taux d'abandon par les élèves du cycle secondaire demeurent élevés : Maroc : 15%, Algérie : 13%, Tunisie : 9%.

Tableau n° 60 : Taux de scolarisation 187 ( * ) par niveau d'études

Pays

Niveau d'éducation

1970

2011

Ils ont réalisé

l'Objectif du millénaire

pour le développement n°3 relatif

à l'instauration

de l'égalité hommes/femmes

Algérie

Primaire (net)

76,0

96,0

Secondaire (brut)

11,2

100

Supérieur (brut)

1,8

32,0

Maroc

Primaire (net)

39,1

96,0

Secondaire (brut)

12,6

70,0*

Supérieur (brut)

1,4

14**

Tunisie

Primaire (net)

75,6

99,0

Secondaire (brut)

22,7

93,0

Supérieur (brut)

2,6

37,0

Mauritanie

Primaire (net)

32***

74

Secondaire (brut)

10****

27

Supérieur (brut)

3*****

5

*données 2012 **données 2010 ***données 1985 ****données 1981 *****données 1986

Source : Banque mondiale (2008: 316-19); Banque mondiale (2010a) pour les données de 2008

Carte n° 61 : Taux d'alphabétisation, population de plus de 15 ans

Tableau n° 62 : Indice de parité entre les sexes du taux brut de scolarisation par niveau d'études 188 ( * )

Pays

Niveau d'éducation

1970

1980

1990

2003

2008

2011

Algérie

Primaire (net)

0,62

0,75

0,85

0,93

0,94

0,94

Secondaire (brut)

0,41

0,65

0,81

1,07

1,08

1,04

Supérieur (brut)

0,25

0,37

0,52

1,08

1,40

1,46

Maroc

Primaire (net)

0,55

0,61

0,69

0,90

0,91

0,95***

Secondaire (brut)

0,42

0,61

0,73

0,84

0,86

0,85***

Supérieur (brut)

0,19

0,30

0,59

0,87

0,89

89 ,0**

Tunisie

Primaire (net)

0,66

0,74

0,89

1,00

0,98

0,96

Secondaire (brut)

0,38

0,60

0,79

1,05

1,08

1,03

Supérieur (brut)

0,25

0,44

0,67

1,28*

1,49

1,52

* = données de 2001, ** = données 2010, *** = données 2012

Source : Banque mondiale - Institut de statistique de l'UNESCO pour les données de (2008).

La région a aussi enregistré l'une des plus grandes augmentations du taux d'alphabétisation .

Tableau n° 63 : Taux d'alphabétisation des adultes (15+)

Pays

1970

1980

1990

2000

2003

2008

Algérie

21,5

36,6

52,9

66,7

66,9

73,0

Maroc

19,8

28,6

38,7

48,8

52,3

56,4

Tunisie

27,4

44,9

59,1

71,0

74,3

77,6

Libye

89**

Mauritanie

58**

Moyenne MOAFN

24,7

40,3

56,1

68,4

69,4*

* = Se réfère à des données de 2001, ** données 2010

Source : Banque mondiale, Institut de statistique de l'UNESCO pour les données de (2008).

• Cependant à travers les résultats de diverses évaluations internationales, l'étude montre également que les élèves du Maghreb seraient moins compétitifs au plan international. En effet, les trois pays ont obtenu des notes largement inférieures aux moyennes mondiales. Selon la Banque mondiale, leurs faibles résultats sont la conséquence des méthodes d'enseignement au Maghreb : l'apprentissage par coeur plutôt que l'analyse des problèmes à l'application des savoirs. On y ajoutera aussi la complexité liée à l'apprentissage de l'arabe classique qui est la langue de l'enseignement cependant différente de la langue parlée, à quoi s'ajoute la pratique des langues locales du monde berbère.

L'étude de la BAfD montre également que le système éducatif des pays du Maghreb n'a pas produit le personnel ayant les compétences et la formation exigées par le marché de l'emploi . « Dans l'ensemble des trois pays, il existe un excédent d'étudiants de l'université qui se spécialisent dans les « matières non techniques » et un déficit d'ingénieurs, de scientifiques et de techniciens, qui sont les éléments moteurs de la croissance économique dans d'autres régions ».

Tableau n° 64 : Répartition des étudiants de l'université par domaine d'étude, en 2003

Pays

Éducation &

Sciences

humaines

Sciences

sociales

Médecine

Études

scientifiques

& d'ingénierie

Autres

Algérie

16,4

38,2

7,1

18,0

20,2

Maroc

27,6

47,8

3,9

18,3

2,3

Tunisie

22,0

27,0

7,0

31,0

13,0

Chine

22,8

9,4

8,9

46,8

12,1

République de Corée

23,4

20,4

7,3

41,1

7,9

Source : Banque mondiale (2008:21); les chiffres présentés sont des pourcentages

Selon certains experts cités par cette étude,  « la faible propension des étudiants à poursuivre des études techniques à l'université prend sa source dans l'enseignement primaire et secondaire. Premièrement, le programme d'études accorde la priorité à l'enseignement des langues au détriment des mathématiques et de la science. Deuxièmement, le français est la principale langue d'enseignement pour les matières techniques et scientifiques et dans les programmes de formation professionnelle. Il est également la langue dominante dans les affaires. Toutefois, l'arabisation des systèmes éducatifs du Maghreb après les indépendances a entraîné la subordination de l'enseignement en français à l'arabe dans les écoles publiques , si toutefois le français est au programme ».

Ceci explique la forte demande d'enseignement en français dans les pays du Maghreb, et le développement d'une offre du secteur privé, mais cela introduit de fait des discriminations en fonction du niveau de revenu, ces filières étant payantes. Par conséquent, les barrières linguistiques empêchent les étudiants de s'engager dans les filières techniques et limitent leur qualification pour nombre d'emplois du secteur privé.

L'inadéquation des qualifications et les transitions inefficaces de l'école à la vie active ont eu pour effet l'accroissement du chômage des jeunes parallèlement à l'augmentation du niveau d'instruction (voir supra p. 85).

C. ÉNERGIE : UN POTENTIEL CONSIDÉRABLE

Outre ses réserves en énergies fossiles (hydrocarbures), 4% des réserves mondiales 189 ( * ) , qui ont été évoquées pour l'essentiel en Algérie et en Libye, (voir supra p. 36), le Maghreb dispose d'atouts considérables en matière d'énergies renouvelables par son ensoleillement et par son exposition aux vents.

• Le solaire

Grâce à l'ensoleillement exceptionnel de l'Afrique du nord, le rendement de l'énergie solaire est deux fois supérieur à celui obtenu en Europe.

L'irradiation solaire dans les déserts en Afrique du Nord permet d'atteindre jusqu'à 3 000 kWh/m²/an (mesurée en 2002 à 23° de latitude), contre moins de 2 000 kWh/m²/an pour les pays méditerranéens, et 700kWh/m²/an pour les pays de l'Europe centrale).

Selon les études menées par la T ransmediterranean R enewable E nergy C ooperation (TREC) en occupant moins de 0,3% de la surface entière désertique de la région Moyen-Orient - Afrique du Nord, des centrales thermiques solaires pourront produire assez d'électricité pour satisfaire aux demandes actuelles de l'Europe et de la région, et aux augmentations des demandes que l'on attend dans le futur.

• L'éolien

Le Maroc, grâce à sa situation géographique (3 500 km de côtes), dispose de nombreux sites où les conditions de vent sont très favorables :

- Essaouira, Tanger, Tétouan et avec des vitesses moyennes annuelles entre 9,5 et 11 m/s à 40 mètres ;

- Tarfaya, Taza et Dakhla avec des vitesses moyennes annuelles entre 7,5 m/s et 9,5 m/s à 40 mètres (pour partie dans le Sahara occidental).

Dans le cadre de sa stratégie énergétique, le Maroc s'est engagé dans un vaste programme éolien, pour accompagner le développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique dans le pays. Le Projet Marocain Intégré de l'Energie Eolienne, s'étalant sur une période de 10 ans pour un investissement total estimé à 31,5 milliards de dirhams, permettra au pays de porter la puissance électrique installée, d'origine éolienne, de 280 MW en 2010 à 2000 MW à l'horizon 2020.


Le développement de 1720 MW de nouveaux parcs éoliens à l'horizon 2020 est prévu dans le cadre du projet éolien :

720 MW en cours de développement à Tarfaya (300 MW), Akhfenir (200 MW), Bab El Oued (50 MW), Haouma (50 MW) et Jbel Khalladi (120 MW)

1 000 MW prévus sur 5 nouveaux sites choisis pour leur grand potentiel: Tanger 2 (150 MW), Koudia El Baida à Tétouan (300 MW), Taza (150 MW), Tiskrad à Laayoune (300 MW) et Boujdour (100 MW).

Les objectifs du programme éolien sont :

Augmenter la part de l'énergie éolienne dans la capacité électrique totale à 14% à l'horizon 2020

Atteindre une capacité de production à partir de l'énergie éolienne de 2 GW et une capacité de production annuelle de 6600 GWh, correspondant à 26% de la production électrique actuelle

Economiser en combustibles 1,5 million de tonnes équivalent pétrole annuellement, soit 750 millions de dollars US, et éviter l'émission de 5,6 millions de tonnes de CO2 par an.

1. Des objectifs de production ambitieux

Le plan solaire méditerranéen lancé en 2008 dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée prévoit la construction de 20 GW de capacités supplémentaires en solaire ou en éolien, et le développement de lignes d'interconnexion permettant l'exportation d'une partie de cette électricité vers l'Union européenne.

Plus ambitieuse, l'initiative de la Fondation Desertec connaît toutefois quelques turbulences dans ces orientations stratégiques portant sur les besoins d'importation d'électricité des pays de l'Europe du Nord qui pourraient s'avérer moins importants que prévu initialement.

Le plan solaire méditerranéen

Pour amplifier la croissance de cette part des énergies renouvelables - aujourd'hui moins de 1% de la consommation en électricité des pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée provient de sources ENR hors hydroélectricité, le pourtour méditerranéen devrait connaître, d'ici à 2020, une évolution profonde de son mix énergétique : la demande d'électricité au Sud devrait doubler, alors que la progression ne serait que de 30% au Nord ; la part des énergies renouvelables dans la consommation totale atteindrait 5,3% au Nord, contre 3,3% au Sud.

Le montant des investissements nécessaires est estimé de 38 à 46 milliards d'euros, interconnexions comprises. La réussite du PSM est soumise à une double condition : l'appropriation par les pays du Sud de ses objectifs, et donc la nécessité de se doter des outils réglementaires permettant le développement effectif des énergies renouvelables ; un partage équilibré entre le Nord et le Sud de la charge de la création de capacités additionnelles de production d'électricité verte, en utilisant l'ensemble des instruments financiers disponibles à cette fin.

Carte n° 65 : L'initiative de la fondation Desertec

Cartographie sommaire permettant de visualiser la structure et les noeuds du réseau électrique
du projet Desertec

Le but poursuivi est le suivant : créer un nouveau marché des énergies renouvelables dans le bassin méditerranéen et un partenariat énergétique entre l'Europe, l'Afrique du nord et le Moyen-Orient. D'ici 2050, Desertec Industrial Initiative (consortium réunissant des groupes industriels et financiers soutenant le projet) s'est fixée comme objectif d'installer des capacités de production d'électricité à partir des énergies renouvelables de 100 GW, construire un réseau haute tension (MedRing) sur tout le pourtour méditerranéen et étudier la possibilité de deux connexions entre l'Afrique du nord et l'Europe. D'ici à 2030, les énergies renouvelables devraient fournir plus de 50% de la production d'électricité en Afrique du nord et au Moyen-Orient.

Chacun des pays conduit un programme d'investissement important en matière d'énergie renouvelable.

Photo n° 66 : Centrale solaire de Ouarzazate

Le Maroc est le pays le plus avancé dans cet effort d'équipement. Il a commencé la construction à Ouarzazate d'une centrale solaire thermique à concentration d'une puissance de 160 MW qui sera opérationnelle en 2015. Une deuxième tranche de 300 MW est prévue. Le Maroc espère avoir installé 2000 MW en solaire et autant en éolien à l'horizon 2020, soit 42% de la capacité électrique installée. 190 ( * ) .

En Algérie , le Programme des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique prévoit d'installer une puissance d'origine renouvelable de près de 22 000 MW d'ici à 2030 dont 12 000 MW destinés à couvrir la demande nationale en électricité et 10 000 MW à l'exportation. D'ici 2030, environ 40% de la production d'électricité destinée à la consommation nationale sera d'origine renouvelable 191 ( * ) . 60 projets ont été identifiés qui devraient permettre de produire entre 2 500 et 3 000 MW d'électricité à partir du solaire et de l'éolien.

En Tunisie, le Plan Solaire (PST) avec 40 projets a été lancé en décembre 2009. Son objectif est de doter la Tunisie d'une capacité de production en énergies renouvelables de près de 1 000 MW en 2016 et de 4 700 MW en 2030. Ceci ferait passer la part d'électricité verte dans la capacité nationale de production électrique à 16% en 2016 et 40% en 2030.

2. Une capacité d'exportation et de distribution en Europe

Les puissances solaire et éolienne pourront être distribuées dans ces pays et être transportées par des lignes de courant continu de haute tension (CCHT) vers l'Europe en subissant des pertes de transmission totales qui n'excéderait pas les 10-15%.

Le développement des énergies nouvelles devrait ainsi s'élargir à l'ensemble du bassin méditerranéen. Une clé en est aussi l'unification du réseau électrique, par l'établissement d'un anneau autour de la Méditerranée 192 ( * ) et, par ailleurs, de liaisons entre l'Afrique et l'Europe. L'objectif à terme est la création d'un grand marché de l'électricité . Si des interconnections existent entre les pays du Maghreb depuis de nombreuses années, il s'agit essentiellement d'échanges de secours, il n'y a pas d'échanges commerciaux véritables.

Carte n° 67 : Schéma de principe pour les lignes électriques transméditerranéennes 2020-2030

Source : Medgrid

L'organisation MedGrid , créée en 2011 par des compagnies d'électricité des deux côtés de la mer, en est un agent essentiel. Elle a pour but d'élaborer un schéma directeur du réseau électrique entre l'Europe et le sud de la Méditerranée, à l'horizon 2020-2030.

La question des interconnexions électriques est en effet consubstantielle au PSM . Des trois grands « blocs électriques » constituant le réseau au Sud et à l'Est de la Méditerranée, seul le bloc Maghreb, via le Maroc, et le bloc Turquie, sont aujourd'hui reliés au réseau européen , permettant de disposer en théorie des capacités d'échange nécessaires aux premiers projets du PSM. En 2015, entre 1,5 et 2 GW de capacités d'exportation d'électricité seraient disponibles.

L'obtention, à horizon 2020, des 5 GW envisagés par le plan supposera la mise en place de nouvelles interconnexions, en renforçant pour une part les lignes existantes à l'Est et à l'Ouest, mais surtout en créant des liaisons directes du Sud (Algérie, Tunisie, Libye) vers le Nord (Espagne et Italie). Pour la réalisation de ces interconnexions, des moyens financiers seront nécessaires. La Commission européenne considère l'achèvement de la « boucle énergétique méditerranéenne » comme une priorité stratégique.

D. LE TOURISME : UN POTENTIEL IMMENSE

Avec 8 100 km de côtes dont les 2/3 sur la Méditerranée, un taux d'ensoleillement important, y compris en basse saison, et une proximité géographique de l'Europe qui constitue un marché à fort pouvoir d'achat important, les pays du Maghreb disposent d'un potentiel important. En 2010, le Maghreb a accueilli 18 millions de touristes : 9 millions au Maroc, 7 millions en Tunisie, 2 millions en Algérie et la Libye 40 000, générant plus de 9,6 milliards d'euros de recettes (6,7 au Maroc, 2,6 en Tunisie).

Dans les pays comme le Maroc ou la Tunisie qui ont misé de longue date sur le tourisme pour développer leur économie et équilibrer leur balance des paiements, le secteur représente environ 7% du PIB et 400 000 emplois directs.

En revanche, l'Algérie comme la Libye n'ont pas été en mesure de développer ce secteur d'activité pour des raisons politiques.

Ce potentiel n'a pas pour autant atteint l'apogée de son développement. L'Organisation mondiale du tourisme 193 ( * ) estime que le nombre de touristes pourraient atteindre 31 millions en 2020 et 46 en 2030, la part de marché de l'Afrique du nord dans le tourisme mondial passant de 2 à 2,5%.

- Le tourisme balnéaire peut encore être développé par une montée en gamme dans les pays ouverts comme le Maroc et la Tunisie, et par une ouverture et la création d'infrastructures dans des pays comme l'Algérie et la Libye.

- Une offre culturelle peut être proposée, voire associée à ce tourisme balnéaire reposant sur un patrimoine exceptionnel (sites antiques notamment, mais aussi architecture arabe ou ottomane), des évènements (festivals), des sites naturels (comme le désert), la possibilité de pratiquer des sports de plein air (sports nautiques, golf...).

- La diversification de la clientèle peut être poursuivie en direction de l'Europe de l'Est, de la Russie et des pays du Moyen-Orient.

Carte n° 68 : Architecture arabe

Source : cepolina.com

Chacun des pays s'est lancé dans des plans de développement pour conquérir ces nouveaux marchés.

Reste toutefois :

• à veiller à ce que cette concurrence acharnée entre les pays du Maghreb ne conduise pas à des surcapacités inutiles et coûteuses, et à maîtriser cette évolution en terme écologique.

• à assurer la stabilité politique et la sécurité qui sont les conditions sine qua none pour accueillir une clientèle touristique.

• à conduire ce développement tout en préservant l'environnement.

• à fidéliser la clientèle sur un marché très concurrentiel.

1. Au Maroc, le secteur du tourisme est déjà très développé

Le secteur du tourisme a enregistré une forte croissance et se situe à la première place dans le Maghreb :

- le nombre d'arrivées a plus que doublé entre 2001 et 2012 passant de 4 380 000 à 9 375 000 (5 millions si l'on met à part les Marocains résidant à l'étranger, dont plus des 4/5 en provenance de l'Union européenne 194 ( * ) ),

- le nombre de nuitées est passé de 11,3 à 17,5 millions,

- les investissements ont été multipliés par près de 10 passant de 1,5 à 14 milliards de dirhams,

- il représente la troisième source de devises du pays et 7,5% du PIB,

- la part du secteur touristique dans les revenus des investissements directs étrangers (IDE) a atteint 17% durant la période 2003-2010,

- le tourisme occupe la deuxième place en matière de création d'emploi (470 000 postes directs à fin 2011),

- il reste très concentré sur deux destinations phares : Marrakech et Agadir réalisent à elles seules 62% des nuitées.

Au moment où l'instabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ont éloigné les touristes de la région, le Maroc reste une destination touristique attractive pour de nombreux visiteurs et garde la confiance des tour-opérateurs.

Malgré cette croissance rapide, le Maroc continue à faire du tourisme l'un des moteurs de son développement économique, social et culturel.

La Vision stratégique 2020

Dans ce cadre de la Vision stratégique 2020, le Maroc a pour objectif de doubler sa capacité d'accueil par la construction de nouveaux établissements hôteliers et des centres d'estivage à même de créer 200 000 lits touristiques supplémentaires afin d'attirer annuellement 20 millions de touristes, se hissant ainsi dans les vingt premières destinations touristiques mondiales. Il escompte ainsi générer 10 milliards de dollars de recettes supplémentaires.

Tout en poursuivant un positionnement offensif sur le balnéaire 195 ( * ) , il entend devenir également un modèle de durabilité dans la région de la Méditerranée en associant davantage les territoires au développement du secteur 196 ( * ) et en diversifiant son offre (enrichissement de l'offre culturelle par la création de festivals, création d'une offre « nature », sauvegarde du patrimoine, nouvelles destinations...).

Cette stratégie s'appuie sur la politique de libéralisation du transport aérien du Maroc ainsi que sur sa stratégie offensive visant les marchés émergents en parallèle à sa présence continuellement solide dans les marchés traditionnels.

2. En Tunisie, le tourisme, pilier de l'économie nationale

Il contribue, à raison de 7%, au PIB, génère entre 18 et 20% de recettes en devises par an et couvre environ la moitié du déficit commercial. Il est également pourvoyeur de quelque 400 000 emplois directs. Il compte désormais une capacité globale de plus de 241 000 lits. Il contribue également au dynamisme d'autres secteurs économiques, tels que le transport, l'artisanat, le commerce, la restauration, les services...

Sa clientèle est principalement maghrébine (Libyens et Algériens) et européenne.

En 2012, environ un tiers des 6 millions d'entrées de non-résidents proviennent de l'Union européenne : France (17%), Allemagne (7%) et Royaume-Uni (5%). Il faut noter la domination des Libyens (32%) et d'un fort contingent d'Algériens (15%). Elle s'élargit de plus en plus vers l'Europe de l'Est (Pologne, Russie) et les pays arabes qui compensent partiellement la baisse d'entrées européennes. La France demeure le 1 er pourvoyeur de touristes hors Maghreb. En dépit d'une moindre attraction du marché, les touristes français représentent encore 1/9 des touristes accueillis par la Tunisie (1 M de personnes, contre 1,3 M avant la Révolution). L'année 2012 a été une année de reprise (+22%) après la forte baisse de 2011. L'année 2013 s'avère décevante en raison de la situation politique.

La particularité du secteur hôtelier était de fonctionner avec un tourisme de masse, presque exclusivement ouest-européen (Français, Allemands, Italiens, Britanniques), ciblé sur une clientèle de niveau moyen, ayant recours à des forfaits complets, acheminée par avion et hébergée dans des hôtels de gamme moyenne à haute (30%). Toutefois, la clientèle maghrébine fréquente peu les hôtels préférant le système de la location chez l'habitant.

Très concentré sur le tourisme balnéaire avec des séjours proposés à des coûts relativement faibles, commercialisés par les tour-opérateurs internationaux, le tourisme tunisien dispose d'un potentiel important en diversifiant son offre et en améliorant la qualité des prestations pour conquérir un nouveau profil de touristes au pouvoir d'achat plus élevé.

Les nouvelles orientations

Les acteurs du tourisme souhaitent proposer le développement de la thalassothérapie, la plaisance, le golf, la culture ou l'écotourisme et le développement des gîtes ruraux dans l'intérieur du pays. Le Fonds pour l'Environnement mondial (FEM) a d'ailleurs récemment accordé à la Tunisie un don de plus de 4 millions de dinars pour soutenir le tourisme écologique dans le sud saharien.

Les autorités tunisiennes sont déterminées à atteindre l'objectif de 10 millions de touristes d'ici à 2016.

La Tunisie essaie de redéployer son offre par la création de nouvelles zones touristiques sur 2 700 ha pour atteindre 275 000 lits, sans compter les grands projets émanant des investisseurs du Golfe.

Le tourisme intérieur ne représente que 7% du taux d'occupation des hôtels en Tunisie, un chiffre que le ministère du Tourisme envisage de faire passer à 15% dans les années à venir.

3. L'Algérie a peu développé ses infrastructures

On compte moins de 2,6 millions d'arrivées en 2012 (dont 1,6 million d'Algériens résidant à l'étranger), et un peu moins de 1 million d'étrangers dont 700 000 touristes essentiellement en provenance de Tunisie (530 000), de France (120 000), d'Espagne et d'Italie.

Le secteur réalise 6,640 millions de nuitées et emploie 420 000 personnes pour une capacité de 96 500 lits. Il représente 2,4% du PIB. Il apporte 430 millions de dollars à l'économie algérienne.

L'Algérie s'est donné pour objectif de combler ce retard.

Le secteur du tourisme algérien a un potentiel important grâce à ses plages méditerranéennes, au parc national de Djurdjura, son patrimoine culturel et historique.

Il s'agit toutefois d'un pari risqué compte tenu du retard des équipements touristiques et de la concurrence des pays voisins.

Le projet Horizon 2025

Ce projet prévoit une nouvelle dynamique d'accueil et de la gestion du tourisme en Algérie qui est présenté comme une économie alternative et, à terme, de substitution aux hydrocarbures.

L'Algérie table sur 11 millions de touristes à l'horizon 2025 .

Les pouvoirs publics ont décidé de consacrer 720 millions de dollars pour moderniser les hôtels, les spas et les bains thermaux. La capacité actuelle en lits hôteliers est de 95.000 et le programme en cours mené par le secteur privé consiste à accroître ce potentiel de 80.000.

Cette décision, arrêtée en mai 2012, procède de la volonté de mener à bien un vaste schéma directeur d'aménagement touristique, inséré dans le Schéma national d'aménagement du territoire 2025, en valorisant le potentiel naturel, culturel et historique et afin de hisser l'Algérie au rang de destination d'excellence. Il donne, pour chacune des parties du territoire national, les orientations stratégiques pour l'aménagement touristique dans le cadre d`un développement durable.

4. La Libye est en retrait

Dans le domaine touristique , la Libye dispose d'un immense potentiel, non seulement les sites archéologiques, mais aussi le désert et 2 000 km de côtes. La Libye comptait investir près de 19 milliards d'euros dans le secteur touristique à l'horizon 2015. Actuellement, la situation politique et sécuritaire ne permet pas de réaliser cet objectif.

5. La Mauritanie : un potentiel à exploiter

Avec ses plages, le désert, les oasis, les deux parcs naturels (le Banc d'Arguin et le Parc de Diawling) classés par l'Unesco au patrimoine mondial de l'Humanité et des vestiges historiques, la Mauritanie dispose d'un potentiel touristique. En 2012, la seule ville d'Atar a connu la visite de plus de 12 000 touristes venues par vols directs en provenance de Paris.

Le gouvernement s'attelle à en faire un pilier de l'économie nationale en éliminant les lacunes enregistrées au niveau des textes, en organisant le secteur, en favorisant la formation des personnels et en élaborant un plan stratégique de développement couvrant une période de 10 ans.

Toutefois, la situation sécuritaire avec le développement du terrorisme dans la zone saharo-sahélienne constitue actuellement un frein considérable.

E. DES DIPLOMATIES OUVERTES SUR LE MONDE ARABE ET L'AFRIQUE

1. Des modèles historiquement concurrents
a) Le Maroc : un allié traditionnel de l'Occident

Pour des raisons stratégiques, le Maroc s'est rapproché du camp occidental pendant la période de la guerre froide. Hassan II opte clairement au début des années 1960 pour le camp occidental, pour l'économie libérale et pour le pluralisme politique à l'inverse des autres Etats arabes (Egypte, Algérie, Syrie, Irak...). Il soutient en maintes occasions les positions françaises ou américaines. Cette politique lui a permis de maintenir des liens privilégiés avec les États-Unis .

Le Maroc entretient un dialogue politique régulier avec les Etats-Unis.

Un accord de libre-échange est entré en vigueur en 2006. Les Etats-Unis ont qualifié le Maroc « d'allié non-OTAN majeur » et lui apportent leur soutien dans le contexte saharo-sahélien soumis à la menace terroriste. Outre la fourniture d'équipements militaires, les États-Unis apportent au Maroc une aide au développement conséquente : mobilisation de 700M$ par le Millenium Challenge Corporation depuis 2007 pour la modernisation des structures économiques, l'amélioration de la gouvernance et la promotion du développement humain au Maroc.

Le Maroc a accueilli les première (2004) et cinquième (2009) éditions du Forum pour le Futur dans le cadre de initiative américaine du BMENA (the Broader Middle East and North Africa Initiative), modèle original de coopération entre le G8, les nations européennes et les gouvernements, entreprises et sociétés civiles de la région afin de renforcer les libertés, la démocratie et la prospérité lancée au sommet du G8 de Sea Island, Georgia, en juin 2004.

La première session du dialogue stratégique entre le Maroc et les Etats-Unis s'est tenue en septembre 2012.

Avec la France et avec l'Europe, il accède régulièrement et progressivement aux modes de coopération les plus étroits (voir infra p. 262) et joue un rôle très positif dans l'UpM (dont il assure le secrétariat général).

Sur la question du Proche-Orient, le Maroc soutient la cause arabe et palestinienne. Néanmoins il a essayé à plusieurs reprises d'être un interlocuteur dans le processus de paix au Proche-Orient. S'il n'entretient plus de relations diplomatiques avec Israël depuis 2000, il n'a pas fermé sa porte à un dialogue officieux avec certaines personnalités israéliennes.

Il est un acteur important au sein de la Ligue arabe et un interlocuteur des monarchies du Golfe.

Il entretient des relations courtoises avec la Turquie 197 ( * ) .

S'il ne participe plus aux travaux de l'Union africaine (ex OUA) depuis 1984 en raison du contentieux sur le Sahara occidental, il exerce une véritable influence en Afrique subsaharienne et bénéficie du soutien de nombreux États.

Le Maroc dispose d'une bonne crédibilité sur le plan international , ce qui lui a permis, malgré l'absence de soutien de l'UA, d'être élu le 21 octobre 2011 par l'Assemblée générale des Nations unies, membre non permanent du Conseil de sécurité pour biennum 2012-2013 . Il est reconnu pour sa contribution au maintien de la paix, notamment à travers sa participation constante et ancienne aux opérations de maintien de la paix en Afrique.

b) L'Algérie : un non-alignement traditionnel

Dans les années 1960 et 1970, l'Algérie a émergé comme puissance moyenne. Ses ressources pétrolières lui ont donné un poids dans les échanges internationaux.

L'Algérie a participé activement au mouvement des non-alignés en affirmant les principes de sa diplomatie (respect de la souveraineté politique et économique, droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, lutte contre les inégalités et rejet du colonialisme et de l'impérialisme, promotion d'ordre économique international plus équilibré), ce qui a conforté son influence idéologique déjà portée par sa lutte pour l'indépendance.

Elle a bénéficié du soutien de l'URSS. La Russie lui fournit une grande partie de son arsenal militaire.

Minée par la crise intérieure des années 1990-2000, « affaiblie par l'échec d'un modèle de développement autocentré, puis engagée dans une transition politique chaotique, l'Algérie s'inscrit dans un isolationnisme d'abord voulu, puis subi » 198 ( * ) . Sa position extérieure se dégrade du fait de sa dépendance commerciale et technologique envers les pays de l'OCDE et de sa dépendance stratégique et militaire envers un partenaire historique, la Russie, elle-même en plein bouleversement.

À partir du début des années 2000, pour rompre avec la logique isolationniste, les autorités algériennes axent leur politique sur les bénéfices qu'ils peuvent tirer d'une rente pétrolière/gazière restaurée 199 ( * ) et d'une rente sécuritaire assise sur sa capacité à combattre le terrorisme islamiste.

Aujourd'hui, elle maintient ses relations traditionnelles (Russie), s'est rapprochée des BRICS et, notamment, sur le continent africain, de l'Afrique du sud . La présence des entreprises et d'un fort contingent de travailleurs chinois sur son territoire (30 000) lui permet d'entretenir de bonnes relations avec Pékin. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, elle a intensifié discrètement ses relations avec les États-Unis, qui n'ont jamais été écartés (position en faveur de la décolonisation, contrepoids dans la relation occidentale avec la France).

Cependant la politique étrangère de l'Algérie reste fondée sur de grands principes que M. Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des affaires maghrébines et africaines, a tenu à rappeler :

• la non-ingérence dans les affaires intérieures,

• le respect de la souveraineté et la préservation de l'intégrité territoriale des pays en proie à une forte instabilité interne,

• le dialogue politique avec l'ensemble des parties concernées,

• la gestion des crises dans un contexte régional (avec la Ligue arabe ou l'Union africaine),

• l'interdiction « constitutionnelle » d'engager ses forces armées en dehors de son territoire 200 ( * ) .

En outre, si la diplomatie pétrolière lui a permis quelques générosités avec les pays africains et arabes, l'Algérie n'a pas constitué la base d'une puissance économique régionale fortement influente 201 ( * ) , alors que son action diplomatique est très active dans les instances internationales.

c) Le Tunisie : une diplomatie diversifiée

Si à l'époque Bourguiba, la Tunisie a été tentée par les positions panarabes et non alignées, elle s'est, compte tenu de son projet de développement économique et de son ouverture, plutôt tournée vers l'Occident et l'Europe, tout en étant extrêmement ferme sur la question palestinienne.

À la suite du changement de régime, en 2011, la Tunisie affiche la volonté de diversifier les approches : Maghreb, monde arabe, UE, États-Unis, Afrique et monde musulman, pays émergents (Turquie et Brésil) par ordre de préférence.

Les Turcs, dont la position dans le processus de paix en Palestine a été appréciée, et dont le modèle AKP a été mis en valeur dans les premières déclarations de Rached Ghannouchi à son retour d'exil, renforcent leur influence.

Visite à Ankara du ministre des affaires étrangères en janvier 2012 et du Premier ministre en janvier 2013. Tournée du Premier ministre turc Erdogan en juin 2013. La Turquie annonce un prêt de 500 M $ à la Tunisie.

d) La Libye : de l'activisme à l'effacement

Fondée sur sa richesse pétrolière, la diplomatie du colonel Kadhafi a été erratique et déstabilisante pour ses voisins, alternant un objectif panarabe avec la volonté de fusion avec l'Égypte avant de se tourner vers l'Afrique où elle est venue rivaliser avec l'Algérie.

Sa volonté de puissance l'a conduit à développer des programmes d'armement sophistiqué et à mener contre les intérêts occidentaux des entreprises terroristes qui ont suscité des réactions militaires (bombardement de site d'industrie d'armement par l'aviation américaine).

Aujourd'hui, préoccupée par sa situation intérieure, mais devant rassurer ses voisins sur sa capacité à contrôler ses frontières et à ne pas laisser se développer des entreprises terroristes susceptibles de les atteindre, la Libye mène une diplomatie discrète, plutôt en demande de soutien qu'en affirmation de son influence.

e) La Mauritanie : une diplomatie de compromis

Du fait de sa position au contact des mondes arabo-berbère et africain, la Mauritanie a vocation à mener une diplomatie de compromis. Malgré son retrait de la CEDEAO en 1999 et la poursuite de son intégration au sein de l'Union du Maghreb arabe (UMA), elle reste membre d'organisations spécifiques avec ses voisins du sud. Elle est membre de l'Union africaine et du CEN-SAD.

Elle a témoigné de sa volonté à participer aux instances euro-méditerranéennes.

La Chine occupe une place importante sur le plan économique en tant que premier acheteur des minerais, d'exploitant de permis de recherche pétrolière et à travers de nombreux contrats et dons dans le domaine du BTP dont l'extension du port de Nouakchott et la réfection du terminal pétrolier de Nouadibou.

2. Une insertion différente dans le monde arabe
a) L'Algérie : une voie originale

Le groupe des républiques « progressistes » constitué des régimes nassériens et baasistes, auxquels on peut rattacher l'Algérie s'est trouvé isolé sur la scène internationale par l'évolution politique de l'Egypte depuis l'accession d'Anouar al-Sadate puis d'Osni Moubarak qui vont conduire un processus de paix avec Israël sous l'égide des Etats-Unis (accords de Camp David, 17 septembre 1978), par le fractionnement des Palestiniens entre l'OLP et le Hamas et par la défection de ses membres, notamment de l'Irak après l'intervention américaine en 2004.

Ce groupe est fortement concurrencé par l'influence des Monarchies du Golfe, qui s'appuient en outre sur les réseaux de confréries religieuses.

Après une guerre civile (1991-1999) contre les terroristes issus de la mouvance islamiste, l'Algérie se trouve dans une relative position d'isolement au sein du monde arabe.

Ses positions traditionnelles à l'aune des révolutions arabes et des espoirs qu'elles ont suscités, notamment auprès de puissances occidentales, ont affaibli son crédit 202 ( * ) dans la mesure où elles ont été comprises comme étant motivées par des considérations de politique intérieure et par une hostilité à l'intervention occidentale en Libye. Au demeurant elles s'appuyaient aussi sur la crainte d'une déstabilisation à ses frontières et ont été néanmoins partagées par l'Union africaine, le Brésil et l'Inde.

L'Algérie observe, en revanche, une grande prudence 203 ( * ) sur le dossier syrien avec une position en retrait de celle de la Ligue arabe, mais plus solidement fondée sur ses principes traditionnels (voir supra p. 180) et sur l'appartenance ancienne au même clan « moderniste ». L'Algérie a tenté de promouvoir une solution au sein de la Ligue arabe qui puisse éviter l'internationalisation, mais avec un écho relativement faible.

b) Le Maroc : une relation étroite avec les monarchies du Golfe

Au sein de la Ligue arabe, le Maroc s'est trouvé conforté par l'affaiblissement du camp « progressiste » et le renforcement des pro-occidentaux, et notamment des pays du Golfe avec lesquels il entretient des relations fructueuses. Outre la sécurisation de ses approvisionnements énergétiques 204 ( * ) , ces pays lui apportent régulièrement une aide pour le financement de ses projets d'investissement 205 ( * ) .

Cette proximité est allée jusqu'à une proposition faite au Maroc d'adhérer au Conseil de coopération du Golfe (CCG), au lendemain des révolutions arabes, en mai 2011.

Les deux parties semblent d'accord sur un processus graduel avec comme première étape l'instauration d'un partenariat avancé dans trois domaines : économie, sécurité et culture. Parallèlement, un fonds de soutien au projet de développement au Maroc a été créé. On peut imaginer que ce rapprochement renforce le poids du CCG et que l'inclusion du Maroc et de la Jordanie permet de combler le vide laissé par l'incertitude sur la position de l'Égypte aussi bien dans la stratégie d'endiguement de la menace iranienne, qu'au sein de la Ligue arabe et sur la scène internationale.

Pour le Maroc, les inconvénients (conciliation d'un partenariat trop étroit avec les clauses de conditionnalité du statut avancé reconnu par l'Union européenne, perte d'autonomie) et les avantages (capacité de développement d'une coopération trilatérale mettant en correspondance les intérêts convergents du Maroc, du CCG et de l'Union européenne en Méditerranée et en Afrique, cohérence avec le rapprochement de ces pays et de l'OTAN) 206 ( * ) , s'équilibrent.

Membre du groupe des amis du peuple syrien et du « core group », le Maroc a coparrainé toutes les résolutions sur la Syrie présentées par l'Assemblée générale des Nations unies, puis présenté le 31 janvier 2012 un projet de résolution au Conseil de sécurité au nom de la Ligue arabe. Il a accueilli, le 12 décembre 2012, à Marrakech, la quatrième réunion du groupe des amis.

c) La Tunisie : un État présent au sein de la Ligue arabe

La Tunisie entretient de bonnes relations avec ses voisins et avec les pays arabes.

La cause palestinienne bénéficie d'un fort soutien . La Tunisie a accueilli le siège de l'OLP de 1982 à la signature des accords d'Oslo en septembre 1993. Cependant, sous l'ancien régime, la Tunisie n'a pas pris de véritable initiative dans le processus de paix au Proche-Orient. La période de transition actuelle rend toute initiative en la matière limitée 207 ( * ) .

Avec l'arrivée des gouvernements dirigés par Ennahdha, la relation avec le Qatar s'est, dans un premier temps, renforcée . Le premier déplacement à l'étranger, après le scrutin du 23 octobre, de Rached Ghannouchi au Qatar n'est pas passé inaperçu. L'émirat est également un soutien économique et a effectué des investissements importants en Tunisie. Enfin, il affichait une proximité forte avec les dirigeants de la mouvance frériste. Avec le changement de souverain et les changements politiques en Egypte, ce soutien se fait plus discret.

La Tunisie a soutenu la cause des rebelles syriens au sein de la Ligue arabe . Le Conseil national syrien s'est réuni en décembre 2012 à Tunis. La Tunisie a annoncé qu'elle allait cesser de reconnaître le gouvernement de Bachar Al Assad comme l'autorité légitime en Syrie, elle a appelé tous les pays à expulser les ambassadeurs syriens pour protester contre la répression sanglante. La Tunisie est néanmoins très inquiète de l'enrôlement dans les rangs djihadistes de nombre de ces ressortissants et s'inquiète pour le sort de ceux qui ont été faits prisonniers par les troupes fidèles à Bachar Al Assad. L'évolution de sa situation politique intérieure, les changements politiques intervenus en Egypte et l'évolution de ce pays sur la question syrienne, ont rendu la Tunisie moins engagée sur ce dossier, notamment à l'occasion de la position à adopter au sein de la Ligue arabe à la suite de l'utilisation d'armes chimiques.

d) La Libye : le risque d'une marginalisation progressive

Après quelques tentatives pour unifier les Etats arabes « modernistes » sous une bannière commune, la Libye du colonel Kadhafi a été rapidement marginalisée au sein du monde arabe, même si elle s'est livrée sans beaucoup de succès à une certaine surenchère sur la question israélo-palestinienne et a même tenté de déstabiliser son voisin égyptien.

Elle s'est davantage tournée vers l'Afrique qui a constitué sa profondeur stratégique et une part non négligeable de son réservoir de main d'oeuvre y compris militaire.

e) La Mauritanie : le rapprochement avec le monde arabo-musulman

Depuis la fin des années 1990, la Mauritanie affiche sa volonté de jouer davantage la carte d'un rapprochement avec le monde arabo-musulman, part importante de son identité.

Elle a poursuivi son rapprochement avec l'Union du Maghreb arabe et les instances euro-méditerranéennes. Elle est également membre de la Capacité régionale de l'Afrique du nord (NARC) créée pour permettre aux pays d'Afrique du Nord de contribuer à la Force africaine en attente de l'UA.

En revanche, elle n'est pas partie à l'accord sur la Grande zone arabe de libre-échange mis en place en 1997 auquel sont parties les autres membres de l'UMA.

La rupture des relations avec Israël en mars 2010 et les visites du président Aziz en Libye, dans les pays du Golfe, au Soudan et en Syrie en témoignent, tout comme le rapprochement avec l'Iran (visite réciproque en 2010 et 2011).

Sur la question syrienne, la Mauritanie a demandé le départ de Bachar El Assad, elle a réprouvé l'utilisation des armes chimiques, mais s'inquiète du développement des groupes armés djihadistes et des risques de déstabilisation qu'ils pourraient faire courir à l'avenir dans les pays du Golfe et en Arabie saoudite.

S'agissant des révolutions arabes, le régime mauritanien s'est montré circonspect. Il doute de la capacité des dirigeants islamistes à assurer la stabilité des pays. Il s'inquiète de la situation sécuritaire en Libye.

Carte n° 69 : Les Etats du Maghreb dans les organisations internationales

3. Une certaine concurrence en Afrique
a) Algérie : une diplomatie active

L'Algérie a toujours voulu jouer un rôle de puissance régionale dans la zone sahélo-saharienne 208 ( * ) .

Au moment de l'indépendance, elle disposait d'une influence idéologique prestigieuse confortée par son soutien actif aux mouvements de libération (Sahara occidental, Afrique australe, soutien à la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud).

La fin de la guerre froide, l'ouverture de l'économie internationale l'obligeront à redéfinir sa politique africaine, notamment au sortir de l'isolement auquel elle est contrainte durant sa crise intérieure des années 1990. Elle va s'efforcer de se positionner comme un interlocuteur de premier rang en Afrique, notamment au sein de l'UA.

Une forte position au sein de l'Union africaine

L'Algérie doit cette position au retrait du Maroc de l'organisation en 1984 (suite à la reconnaissance par cette dernière de la RASD), à son poids militaire, à ses positions idéologiques, à sa capacité à tenir des postes-clefs au sein de l'organisation et à sa participation à la résolution des conflits et à la gestion de la sécurité africaine 209 ( * ) .

Il convient de remarquer l'établissement d'un partenariat stratégique entre l'Algérie et l'Afrique du Sud 210 ( * ) , ancré sur la relation ancienne entre le FLN et l'ANC, mais aussi sur l'inimitié avec le Maroc découlant de la position sud-africaine sur le Sahara. Cette coopération s'étend à de nombreux domaines et s'exerce également au sein des organisations comme le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) 211 ( * ) et l'UA.

Parallèlement, elle conduit un effort exceptionnel de renforcement de sa puissance militaire (voir infra p. 200). De 2007 à 2011, la part des achats algériens d'armes conventionnelles représentait 43% du commerce légal vers l'Afrique devant le Maroc (17%) et l'Afrique du Sud (16%).

Ce changement se manifeste dans trois directions : la coopération interafricaine, l'aide au développement et son expertise en matière de sécurité.

Pour autant, l'Algérie ne s'est pas dotée d'un outil d'influence, l'impliquant dans des projets de développement importants.

Le commerce extérieur de l'Algérie vers l'Afrique (hors Maghreb) reste faible : 1,9% des importations et 1,2% des exportations en 2011, tourné essentiellement vers l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique du Sud. Les projets de route transsaharienne et de gazoduc reliant le Nigeria à l'Algérie ont peu de chance de se réaliser à court terme compte tenu de la situation d'insécurité des zones traversées 212 ( * ) .

Sa politique se limite à des aides financières aux pays les plus pauvres .

Elle a annulé, en mars 2012, près d'un milliard de dollars de dettes à plusieurs pays (dont le Mali, la Mauritanie et Madagascar). Alors même que ces opérations s'accompagnent, le plus souvent, d'opérations de conversion de dettes en investissements - pour exercer un levier économique et financier - ou d'un partenariat privilégié, elles reposent ici davantage sur une redevabilité tacite (et hypothétique) sans contrepartie économique et politique explicite.

Enfin, sa politique d'influence est limitée par son faible investissement dans le « soft power » (influence culturelle, accueil d'étudiants subsahariens, politique migratoire et notamment d'asile...).

L'influence politique et diplomatique de l'Algérie repose en grande partie sur la présence active dans le Sahel qui constitue sa profondeur stratégique, en s'appuyant sur son expérience dans la lutte anti-terroriste . Elle agit dans le cadre de l'UA pour faire adopter une loi criminalisant le terrorisme et le paiement de rançons, elle héberge le Centre africain d'études et de recherche sur le terrorisme (CAERT) 213 ( * ) , financé par l'UA et les Etats-Unis, et le siège logistique de la North African Regional Capability (NARC), antenne locale de la Force africaine en attente (FAA).

Cette position préférentielle va connaître des limites à l'occasion de la crise malienne.

Traditionnellement, l'Algérie s'est affirmée comme la principale puissance médiatrice entre les groupes touaregs et le pouvoir à Bamako (accord de Tamanrasset en 1991) parfois en liaison avec les pays voisins comme la Mauritanie, la Libye et le Niger (accords d'Alger en 2006), même si certaines initiatives de Kadhafi ont pu à certaines périodes contrarier son influence.

Plus récemment, face à l'aggravation du terrorisme, elle a tenté d'assumer un rôle de leader en construisant la notion de « pays du champ » (Algérie, Mali, Niger, Mauritanie) comme cadre de la lutte anti-terroriste et participant à la mise en place en 2010 à Tamanrasset du CEMOC (Centre d'état-major opérationnel conjoint) sous le patronage des États-Unis, mais cette instance n'a pas jusqu'à maintenant prouvé son caractère opérationnel. Avec le lancement de la rébellion du MNLA en janvier 2012, elle s'est vue contester ce rôle par la CEDAO 214 ( * ) . L'Algérie s'est adaptée à la dimension multilatérale du conflit, tout en profitant de ses contacts avec l'ensemble des parties pour appeler à une solution politique.

Elle a accueilli l'intervention française avec réalisme , acceptant le survol de son territoire et bouclant sa frontière 215 ( * ) , tirant les conséquences de la situation, comme a pu l'expliquer M. Messahel, ministre algérien chargé des affaires maghrébines et africaines. Sans doute, cette décision a-t-elle été difficile à prendre au sein de l'appareil d'Etat 216 ( * ) .

Elle a exprimé son accord pour le déploiement d'une force de maintien de la paix de l'ONU, même si, pour le moment, elle ne souhaite pas y participer, ni permettre le transit des moyens qui lui sont destinés par ses ports et son territoire.

Alger a suivi la mise en oeuvre du processus électoral malien et le déploiement de MINUSMA pour assurer la sécurité. Elle reste cependant convaincue que seule une solution négociée permettra un apaisement durable dans le cadre régional.

Comme l'ont montré dans leur deuxième rapport sur le Sahel 217 ( * ) nos collègues Jean-Pierre Chevènement et Gérard Larcher, pour des raisons géographiques, par son expérience dans le domaine de la lutte antiterroriste, sa connaissance du terrain et sa contribution discrète mais concrète au déroulement de l'opération Serval, l'Algérie est un partenaire incontournable pour assurer la sécurité du Sahel.

La préoccupation de sa sécurité intérieure, surtout après l'opération d'In Amenas, domine dans la détermination de ces options . En témoigne l'insertion de l'Algérie dans les dispositifs sécuritaires sahélo-maghrébins 218 ( * ) .

b) Maroc : une diplomatie d'influence

Au lendemain de son indépendance, le Maroc s'est engagé en faveur de la décolonisation en Afrique, notamment dans le cadre du « groupe de Casablanca », puis de l'OUA, mais il s'est très vite trouvé en porte-à-faux sur la question des frontières avec sa revendication sur la Mauritanie et le conflit armé de 1963 avec l'Algérie (« guerre des sables »). Proche du camp occidental pendant la période de la guerre froide, il n'hésite pas à intervenir militairement (guerre du Shaba en 1977 et 1978) ou indirectement (soutien à l'UNITA de Jonas Savimbi) en Angola lors de l'intervention soviéto-cubaine.

Le Maroc a quitté l'OUA en 1984 en raison du soutien de cette organisation à la RASD (République arabe sahraouie démocratique) émanation du Front Polisario . Ce retrait n'a pas empêché la diplomatie marocaine de mener une politique africaine ouverte et dynamique, avec pour objectif la consolidation des liens unissant le Maroc à ses alliés traditionnels et le développement des relations avec certains pays d'Afrique orientale et australe. Depuis le début du règne de Mohamed VI, une nouvelle approche vise à inscrire dans les faits les principes de solidarité et met l'accent sur les nouveaux défis d'ordre socio-économique et sécuritaire en Afrique 219 ( * ) .

Cette politique repose au premier chef sur des relations bilatérales. Les rapports personnels entre les rois du Maroc et les chefs d'État africains continuent à jouer un rôle important, notamment en Afrique occidentale (Sénégal, notamment) et centrale (Gabon notamment). Elles sont consolidées par une approche sociale (financement d'infrastructures de santé, de logements, dons...), éducative (accueil de nombreux étudiants africains dans les universités publiques et privées marocaines 220 ( * ) ), par l'aide humanitaire, et l'aide au développement (à travers l'Agence marocaine de coopération internationale- AMCI - conçue sur le modèle français de l'AFD), ainsi que par l'influence religieuse à travers les confréries soufies de la Tidjanya 221 ( * ) .

Elle se construit aussi sur des liens économiques 222 ( * ) .

Le commerce extérieur du Maroc vers l'Afrique (hors Maghreb) reste faible : 1,7% des importations et 1,7% des exportations en 2011, tourné essentiellement vers l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale.

Plusieurs projets structurants ont été initiés : l'axe routier Tanger-Dakar, les investissements dans les infrastructures de télécommunications liant le Maroc à l'Afrique de l'Ouest, le port de Tanger-Med qui témoignent avec l'implantation des banques marocaines d'un intérêt marqué pour le développement des échanges avec ces pays.

La position du Maroc sur la façade atlantique et donc sur les voies maritimes reliant une grande partie de l'Afrique à l'Europe, lui donne un avantage comparatif évident par rapport à ses voisins.

C'est dans le secteur des télécoms, de la banque et de l'assurance que les résultats les plus importants ont été obtenus avec la perspective de faire de Casablanca l'une des places financières de l'Afrique.

« Conceptualisée formellement au début des années 2000 après une phase de gestation durant les années 1990, la stratégie dite des « champions nationaux » consiste à soutenir et accompagner au niveau politique les stratégies d'expansion de grands groupes marocains arrivés à maturité, c'est-à-dire ayant réussi leur transformation en opérateurs normés aux standards internationaux, en situation de porter leur développement en dehors des frontières » 223 ( * ) .

Les relations demeurent plus tendues avec l'Afrique du Sud en raison de sa position en 2004 sur le Sahara occidental.

Isolé au sein de l'Union africaine sur cette question , (mais on notera que 35 pays ont gelé ou retiré leur reconnaissance de la RASD), le Maroc a réinvesti le cadre multilatéral à travers les programmes des Nations unies et des institutions comme la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD). Il est également très présent dans le domaine sécuritaire 224 ( * ) . Il agit par voie diplomatique et coopère régulièrement aux opérations de maintien de la paix des Nations unies 225 ( * ) .

Il a soutenu l'intervention française au Mali , dans les enceintes internationales, notamment aux Nations unies et en ouvrant son espace aérien. Il est inquiet de la présence de Sahraouis parmi les combattants des groupes terroristes au Sahel, sans qu'aucun lien ne puisse être établi d'une collusion entre le Front Polisario et ces groupes et de la fragilité de certains Etats africains qui pourraient être touchés du fait de la dissémination des groupes terroristes dans la région.

Enfin, le Maroc, très impliqué comme pays de transit dans le développement de l'immigration illégale vers l'Europe en provenance d'Afrique subsaharienne, joue le jeu de la coopération bilatérale, notamment avec l'Espagne. Devenu un pays d'accueil, il promeut un dialogue entre les pays de départ, de transit et de destination pour mettre en place des solutions communes à travers des conférences interministérielles dont la première s'est tenue à Rabat en 2006. A l'occasion de la dernière conférence tenue à Dakar, il plaide pour un renforcement de la coopération Nord-Sud afin de promouvoir la migration légale et le développement local.

c) Tunisie : une présence modeste

Sans frontière directe avec l'Afrique subsaharienne et de puissance modeste, la Tunisie n'a pas développé de relations diplomatiques intenses avec les pays d'Afrique hormis les pays arabes.

Elle est cependant appréciée au sein de l'Union africaine comme en témoigne le choix de la Banque Africaine de Développement, en raison de l'instabilité politique en Côte d'Ivoire, d'établir provisoirement son siège à Tunis.

Ses relations économiques avec ces pays sont limitées 226 ( * ).

Le commerce extérieur de la Tunisie vers l'Afrique (hors Maghreb) reste faible : 1% des importations et 1,6% des exportations en 2011, tourné essentiellement vers l'Afrique de l'Ouest.

d) Libye : une source d'inquiétude

Sous la férule du colonel Khadafi, la Libye a développé une politique africaine et sahélienne aussi active qu'erratique, contribuant tout à la fois à aider financièrement certains Etats voisins grâce aux richesses pétrolières et à leur déstabilisation, notamment en appuyant des rebellions armées (parfois à partir des tribus cohabitant sur le sol libyen et sur celui de ses voisins). Elle s'est heurtée régulièrement à l'influence française dans ces États, et tout particulièrement au Tchad.

Aujourd'hui, c'est l'absence d'un Etat libyen susceptible de contrôler ses frontières qui est la principale source d'inquiétude de ses voisins , qui craignent que le sud du pays ne soit devenu un refuge et une base-arrière pour les groupes opérant dans la région. Les attaques d'In Amenas (Algérie) en janvier 2013 puis contre les sites d'Arlit et d'Agadès (Niger) en mai de la même année le laissent fortement supposer (voir supra p. 114).

La Libye a développé des échanges commerciaux avec les pays d'Afrique subsaharienne mais ils demeurent très modestes 227 ( * ) .

Le commerce extérieur de la Libye vers l'Afrique (hors Maghreb) reste faible : 6,2% des importations et 0,9% des exportations en 2010, tourné essentiellement vers l'Afrique de l'Est et l'Afrique du Sud. La Libye a investi par l`intermédiaire d'un fonds souverains en Afrique notamment dans la location de terres agricoles mais également dans le secteur des industries et des services.

e) Mauritanie : un détachement progressif de l'Afrique de l'Ouest

Compte tenu de l'orientation arabo-musulmane de sa diplomatie, la Mauritanie s'est détachée progressivement de la sphère ouest-africaine héritage de la période coloniale. Elle a quitté la CEDEAO en 1999.

Elle n'en conserve pas moins des relations fortes, ne serait-ce sur le plan économique avec ses voisins, notamment le Sénégal et plus au sud la Côte d'Ivoire.

Avec le Sénégal, après la reprise des relations diplomatiques en 1992, le règlement des contentieux subsistants a connu une évolution satisfaisante, notamment s'agissant du rapatriement des réfugiés négro-mauritaniens établis dans ce pays.

La Mauritanie participe à des instances régionales comme l'organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal et le comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel.

F. SOLIDITÉ DE LA NOTION D'ETAT, UN ATOUT POUR LA DÉMOCRATIE

L'analyse des transitions démocratiques, par pays, a montré que celles-ci étaient plus ou moins entamées et qu'elles obéissaient à leur rythme propre. Ces phases sont par nature des périodes à risque pour la stabilité et la solidité des États.

De ce point de vue, notons que l'existence des institutions publiques qui constituent l'ossature des États sont à prendre en considération, car elles ont assuré la continuité des services à la population et son encadrement.

Dans les pays du Maghreb, hors le cas de la Libye , qui n'était dotée que d'institutions embryonnaires sous l'ère Kadhafi, existe une charpente étatique solide, même si l'efficacité et la probité des agents sont parfois contestées. Il existe également une culture populaire de l'État -fondée sur la reconnaissance de son rôle, de son autorité, de sa légitimité, et de sa nécessité. Aussi le sentiment d'appartenir à une nation, et une certaine idée du bien commun prévalent-ils chez la grande majorité des habitants.

Cette charpente de l'État, fondée sur une organisation administrative et des règles de droit public, permet le fonctionnement des services publics même à travers des crises lourdes (comme celle vécue par l'Algérie au cours des années 1990) et leur donne la capacité à évoluer vers plus de démocratie sans fragiliser l'édifice.

Cette place du droit public est un élément de proximité avec l'Europe et notamment la France.

Il reste que les soubresauts politiques s'ils perdurent, la violence et le terrorisme s'ils agissent, et la crise économique et sociale si elle s'installe, peuvent ébranler ces fondations.

II. DES CONDITIONS À REMPLIR

1/ Assurer la sécurité régionale

2/ Apporter une solution au conflit du Sahara occidental

3/ Aller vers l'intégration : une obligation

4/ Préserver l'environnement

A. LA SÉCURITÉ RÉGIONALE À ASSURER

Les questions de sécurité concernent l'espace sahélo-saharien aux confins des pays du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne. Véritable océan minéral, cet espace peu peuplé et difficilement contrôlable est devenu un lieu de trafics illégaux et d'installation de groupes terroristes.

La Méditerranée constitue aussi bien un obstacle qu'une voie de communication. Compte-tenu de leur situation géographique sur ces rivages, les pays du Maghreb partagent avec l'Europe la responsabilité d'un certain nombre de flux dont ils doivent selon leur nature, assurer la liberté (trafic maritime international) ou le contrôle (trafics illégaux, immigration clandestine).

Pour lutter contre le terrorisme et les trafics illégaux, la question du contrôle des frontières dans des espaces peu peuplés est devenue cruciale.

Malgré un effort d'équipement considérable, les pays du Maghreb ne disposent pas d'un outil de défense suffisamment orienté vers ces menaces.

1. La menace terroriste dans les pays du Maghreb

Depuis le retour de combattants de la première guerre d'Afghanistan (1979-1989) et la guerre civile algérienne des années 1990, l'Afrique du nord est devenue une zone d'opération de groupes terroristes, qui se sont affiliés à la nébuleuse internationale d'Al Qaïda de façon visible à partir des années 2000, sous l'étiquette d'AQMI. Cette syndication dirigée par l'émir Droukdel depuis, semble-t-il, les forêts de Kabylie, a essaimé dans le Sahel, mais a également fait des émules en Tunisie et au Maroc où des attentats ont été commis dès les années 2000.

a) La menace

Carte n° 70 : Les zones d'insécurité Maghreb-Sahel-Proche-Orient

(1) Algérie

Si l'intensité du terrorisme a diminué sur le territoire algérien depuis les « années noires » de la guerre civile, les accrochages y sont sporadiques mais constants entre les forces de l'ordre et les terroristes dans le Sud, mais aussi dans l'Est du pays, occasionnant près de 300 victimes chaque année.

L'Algérie semble avoir pris la mesure du changement de nature qui s'est opérée depuis quelques années dans ses modes d'action et dans ses objectifs. Il s'agit notamment de l'internationalisation du phénomène. Le terrorisme n'a pas été poussé hors des frontières algériennes, mais utilise les pays voisins comme base arrière des opérations menées en Algérie avant de mener des opérations dans toutes les zones maghrébines et sahéliennes.

L'attaque d'In Amenas en janvier 2013 a en effet changé la donne.

L'opération préparée de longue date par Moktar Ben Moktar, a frappé au coeur des intérêts gaziers algériens. Elle a laissé entrevoir le potentiel de dangerosité des solidarités terroristes tissées le long d'une route partant du Nord Mali passant par le Nord Niger et le Sud libyen. Cette attaque, à laquelle l'armée algérienne a riposté, a naturellement été un tournant décisif. Comme nous l'ont indiqué les autorités algériennes, les 32 terroristes tués ou capturés lors de l'intervention de l'armée algérienne étaient de nationalité algérienne (7), canadienne (2), égyptienne, tunisienne (11), malienne, et mauritanienne. En outre, l'attaque a surpris par son envergure et sa préparation mais aussi par le matériel et l'armement déployé.

Au Mali, l'implication d'Ansar Dine dans l'attaque de Konna, aux côtés d'AQMI et MUJAO, a confirmé la porosité entre les différents groupes. Elle a conduit l'Algérie à mettre un terme à sa médiation initiale qui consistait à entraîner ce groupe dans la logique du dialogue pour le détacher des entités terroristes et criminelles, puis à répondre favorablement à la demande d'autorisation de survol de son territoire par les avions français engagés dans l'opération Serval en janvier 2013.

Réfractaire par principe, ce qui est compréhensible, à toute intervention armée à ses portes, Alger pourrait probablement être appelée à une coopération plus étroite, y compris sur le plan militaire, pour éradiquer ce fléau. Une des pistes pourrait être la création d'une architecture de sécurité régionale plus complète sur le plan opérationnel que les dispositifs existants (voir infra p. 203).

Sans doute la Constitution algérienne interdit-elle toute intervention des forces armées en dehors de ses frontières. Mais qu'en serait-il si les intérêts vitaux de l'Algérie étaient menacés ? On rappellera aussi que l'Algérie avait envoyé des troupes en Égypte lors de la guerre israélo-arabe de 1973 afin de concrétiser «le devoir de solidarité agissante envers les causes justes et plus particulièrement vis-à-vis de la cause arabe».

(2) Tunisie

La filière tunisienne s'est renforcée. Déjà identifiée lors des guerres d'Afghanistan, pourchassée à l'époque de Ben Ali, elle n'a cessé d'être active et s'est probablement renforcée avec la révolution de l'hiver 2011 (voir supra p. 99).

La multiplication des accrochages dans le Djebel Chaambi depuis mai 2013 puis à Goullebat et à Sidi Bouzid en octobre, au cours desquels la garde nationale et l'armée ont été engagées (et ont perdu plusieurs hommes), comme les incidents observés dans le Sud, confortent cette opinion. En outre, l'attaque de l'ambassade des États-Unis le 14 septembre 2012, la présence de combattants tunisiens dans l'attaque du complexe pétrolier algérien d'In Amenas en janvier 2013, les assassinats d'hommes politiques imputés à ces groupes (celui des dirigeants de l'extrême-gauche Chokri Belaïd en mars 2013 et Mohamed Brahmi en juillet), l'arrestation de terroristes fabriquant des bombes artisanales et l'existence d'une importante filière de recrutement de combattants tunisiens en Syrie, sont autant de signes inquiétants, dans une période où la Tunisie vit une situation politique conflictuelle.

(3) Maroc

Le Maroc paraît moins vulnérable . Aucun groupe ne semble y mener des actions de guérilla. Mais il n'est pas exempt de risques d'attentats : on rappellera l'attentat de Casablanca en 2003 et celui du café Argana au coeur de Marrakech le 28 avril 2011 qui a fait 17 morts et 20 blessés. Un réseau affilié semble-t-il à Al Quaïda a été démantelé au cours du mois d'août. AQMI a posté au mois de septembre dernier une vidéo dans laquelle l'émir Droukdel attaque les dirigeants marocains.

(4) Libye

De façon plus complexe, en raison de la présence de très nombreux groupes armés, la Libye reste la principale zone à risques en raison de l'étendue de son territoire, de la faible densité de sa population, de l'incapacité physique de contrôler cet espace et ses frontières, des attaques sporadiques dont ont été victimes les représentations diplomatiques, et de la situation de Benghazi comme un lieu de transit des engagés pour combattre en Syrie 228 ( * ) .

On estime que certains terroristes ayant opéré dans le Nord Mali ont pu s'installer dans le sud de la Libye (voire de la Tunisie).

Les récentes attaques au Niger (23 mai 2013), comme l'origine probable du commando d'In Amenas (janvier 2013), revendiquées par le groupe de Mokhtar Belmokhtar, semblent attester de la reconstitution d'un sanctuaire terroriste dans le sud-libyen. La situation instable au Fezzan, zone contigüe de l'Algérie, du Niger et du Tchad, favorise l'implantation des groupes radicaux du Sahel. Certains experts 229 ( * ) estiment que ce territoire pourrait servir de point de jonction entre les différents groupes opérant au nord Mali et au Nigéria et les djihadistes libyens liés à Al Qaïda.

Enfin, la dissémination des stocks d'armes de l'armée libyenne vers le Sahel, vers le Sinaï et probablement vers la Syrie, a renforcé la capacité des groupes terroristes , de même que le développement des trafics et de l'économie informelle qui sont une source de financement importante de ces réseaux.

(5) Mauritanie

La Mauritanie constitue une cible privilégiée d'AQMI après le Mali. Il est avéré que des Mauritaniens se sont engagés sous cette bannière du djihad global comme en témoigne la récente nomination de Aderrahmane, alias Talha à la tête de la katiba Al-Fourghan opérant dans le Sahel.

La Mauritanie a subi de multiples attaques

- assassinat de 4 touristes français à Aleg le 24 décembre 2007,

- attaque de Tourine en septembre 2008 faisant 12 morts parmi les militaires mauritaniens,

- assassinat d'un ressortissant américain le 23 juin 2009 à Nouakchott,

- attentat suicide contre l'ambassade de France à Nouakchott le 8 août 2009, enlèvement de 3 Espagnols le 29 novembre sur la route Nouakchott-Nouadhibou et de 2 touristes italiens le 19 décembre près de la frontière malienne,

- attentat déjoué contre une caserne militaire à Nema le 25 août 2010, attentats déjoués dans la nuit du 1 er au 2 février 2011 à proximité de Nouakchott contre l'ambassade de France, une caserne militaire et la présidence de la République islamique de Mauritanie.

Elle est hostile à AQMI et aux composantes du djihad global, mais reste proche du MNLA et des mouvements arabes du Nord Mali.

Un manque de confiance observé entre la Mauritanie et le Mali dans la crise malienne

Très critique à l'égard de la gestion de la crise par les autorités maliennes, notamment après l'embuscade d'AQMI dans la forêt de Wagadou où une quarantaine de soldats mauritaniens ont péri, mais aussi pour des raisons de politique intérieure, le président Aziz n'a pas souhaité engager ses forces armées au Mali.

Cela ne l'a pas empêché de soutenir l'opération Serval. En mars 2013, une rencontre entre les présidents malien et mauritanien a permis de dissiper une partie des malentendus.

La Mauritanie n'excluait pas l'engagement de troupes dans le cadre de la MINUSMA mais a souhaité un déploiement dans une zone de stationnement à proximité de sa frontière.

La Mauritanie a accueilli les représentants des différentes communautés touarègues et arabes pour présenter un front uni dans les négociations à venir sur le Nord Mali.

Elle est inquiète à la fois des incidents entre les différentes composantes ethniques du Nord Mali et entre celles-ci et l'armée malienne.

Carte n° 71 :

Source : (c) Idé / Libération / 23.09.2013

L'internationale terroriste apparaît comme un nouvel acteur politique dans le nord de l'Afrique jusqu'aux marges sahélo-sahariennes. La décision, annoncée au mois d'août, du groupe du terroriste algérien Mokhtar Belmokhtar de s'unir avec le MUJAO pour former une seule et même organisation djihadiste, baptisée Al Mourabitoune témoigne d'une recomposition de ces réseaux mais aussi d'une stratégie de concurrence entre leurs diverses composantes. Un nouveau rapport de force s'instaure entre des nationalismes ou des régionalismes émergents et des mouvements puissants et armés dont le projet politique semble inconciliable avec la démocratie et le droit positif.

Une coopération entre tous les pays de la zone apparaît donc nécessaire pour lutter contre ce fléau.

b) Des politiques de défense à conforter

À l'exception de la Libye -où l'établissement d'une armée nationale est compliqué (voir supra p. 113)-, les armées des pays du Maghreb se sont renforcées. Les répliques sahélo-sahariennes de la crise libyenne ne plaident pas pour un désarmement politique et militaire 230 ( * ) mais nécessitent toutefois une réorientation des efforts et des moyens.

Le rapport du SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) pour 2013, indique que « les dépenses militaires ont fortement augmenté en Afrique du Nord( 7,8% en termes réels), résultat à la fois de la modernisation militaire en cours et des préoccupations liées aux groupes terroristes au Sahel ».

(1) Maroc : un effort militaire soutenu

La persistance d'une « paix chaude » avec le voisin algérien dont l'effort de défense ne s'est pas relâché et la situation au Sahara occidental, mais aussi l'instabilité qui s'est installée dans la zone sahélienne, constituent les menaces principales pour le Maroc et justifient le maintien de son effort militaire. S'y ajoute le contrôle des façades maritimes 231 ( * ) . Enfin, l'armée marocaine participe assez régulièrement aux opérations de maintien de la paix des Nations unies. C'est le cas aujourd'hui en République démocratique du Congo (MONUSCO), en Côte d'Ivoire (ONUCI) avec des contingents importants, respectivement de 877 et de 724 militaires.

Le Royaume consacre 3,5% de son PIB aux dépenses militaires, soit 3,3 milliards de dollars en 2011. Il est devenu le 25 e importateur d'armement sur la période de 2007-2011 (51 e place pour la période 2002-2006) 232 ( * ) .

Selon une étude récente de l'IRIS 233 ( * )

,

les Forces armées royales (FAR) sont la seule armée professionnelle du Maghreb depuis la suppression de la conscription en 2006. Ses effectifs s'élèvent en 2010 à près de 200 000 hommes. 150 000 réservistes complètent ces effectifs.

Principales forces paramilitaires, les Forces auxiliaires, composées de 30 000 hommes et sous tutelle du ministère de l'Intérieur, ont pour tâche essentielle d'apporter leur soutien aux FAR. Environ 100 000 militaires stationnent au Sahara occidental.

Si l'Armée de Terre prédomine avec 175 000 hommes, le Maroc s'est engagé dans un vaste plan de développement de sa composante navale visant principalement à développer les moyens d'intervention en haute mer. Elle a acquis ainsi des bâtiments de guerre (frégate légère Tariq Ibn Zahid et frégate Makkah de type FREMM) fournie par la France.

(2) Algérie : un effort d'équipement militaire considérable

Selon le rapport annuel du SIPRI, les dépenses militaires de l'Algérie s'élèvent en 2011 à 8,6 milliards de dollars (9,3 milliards en 2012), soit un peu moins de 4% du PIB et placent en volume l'Algérie au premier rang sur le continent africain. L'Algérie a augmenté de façon continue ses dépenses militaires depuis une vingtaine d'années. Son budget a crû de 44% en 2011. Les revenus des hydrocarbures permettent de financer cette montée en puissance.

Elle poursuit également un programme d'équipement qui en fait le 7 e importateur de matériel conventionnel sur la période 2007-2011 (24 e rang au cours de la période 2002-2006), la plupart de ces équipements en particulier des systèmes de défense navale et aérienne n'ont pas de lien avec le contreterrorisme. Son principal fournisseur demeure la Russie (plus de 90% de part de marché sur la période 2007-2011). Selon l'étude du SIPRI, la volonté d'apparaître comme une puissance régionale, la rivalité avec le Maroc (qui a lui aussi accru ses dépenses militaires au cours des dernières années) et l'influence des militaires au sein de l'appareil d'Etat expliquent ces efforts.

En 2010, l'armée algérienne comptait près de 147 000 hommes dont près de 80 000 conscrits qui font un service militaire de 18 mois. Elle dispose également de 150 000 réservistes. L'armée de Terre est de loin la composante la plus importante avec près de 127 000 hommes contre 14 000 pour les forces aériennes et 6 000 pour les forces navales 234 ( * ) . Les forces paramilitaires, estimées à près de 187 000, sont composées de la Garde Républicaine, force d'élite de près de 1 200 hommes, de la Gendarmerie nationale comprenant 20 000 hommes et des Forces de sécurité nationale avec près de 16 000 hommes.

Les Groupes de Légitime défense, forces supplétives de l'armée régulière, et engagés à ses côtés lors de la guerre civile regrouperaient près de 150 000 personnes.

Les activités d'AQMI sur son territoire et dans la profondeur du Sahel constituent les défis majeurs en termes de sécurité.

(3) Tunisie : une armée de taille modeste

L'armée tunisienne est une armée de taille modeste avec ses 35 800 hommes. Les dépenses militaires représentent 1,4% du PIB , soit environ 600 millions de dollars.

Selon l'étude de l'IRIS 235 ( * ) , l'armée de terre comprend 27 000 hommes dont près de 23 000 conscrits, tandis que l'armée de l'Air et la Marine comptent chacune près de 700 conscrits pour des effectifs respectifs de 4 000 et 4 800 personnes. Les autres forces de sécurité sont la Garde nationale et la Police, chargées de la sécurité intérieure dont les effectifs s'élèvent à 12 000 hommes chacune.

Face à la montée des menaces terroristes, l'Armée tunisienne est probablement sous-équipée en moyens techniques performants notamment pour assurer la surveillance des frontières.

(4) Mauritanie : une armée adaptée au terrain

De faibles effectifs (d'un peu plus 20 000 hommes y compris la garde nationale et la gendarmerie), dont 15 000 dans l'armée de terre. L'armée mauritanienne a connu une restructuration récente qui a amélioré son efficacité notamment face à la menace terroriste. Elle est assez bien entraînée et adaptée au terrain. Elle a reçu récemment des avions d'attaque au sol de marque brésilienne.

Compte tenu des enjeux de sécurité dans la zone sahélo-saharienne, la Mauritanie bénéficie d'une aide de la France en matière de sécurité et de défense. Des actions visant à renforcer les capacités de souveraineté de l'Etat mauritanien dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée ont été engagées en 2009, dans le cadre d'une approche régionale sur la sécurité dans la zone sahélo-saharienne (projet FSP « justice et sécurité en zone sahélo-saharienne »). L'école militaire d'Atar bénéficie également du concours de formateurs français.

c) La lutte contre le terrorisme

Pour réduire ce fléau, il est indispensable que les pays du Maghreb se mobilisent et que l'Europe leur apporte le soutien nécessaire.

La France a montré en intervenant au Mali qu'elle était capable de se porter au secours d'un État menacé, mais cette opération exceptionnelle ne doit pas conduire à un désengagement de la vigilance de chacun des États concernés. C'est d'abord de ses propres actions et de la collaboration avec ses voisins que dépend la sécurité de chaque Etat.

(1) Une coopération militaire réduite entre les pays du Maghreb

Dans la prolongation de la réalité de leurs relations, la coopération militaire entre les pays du Maghreb reste faible et ponctuelle : échange de renseignements, coordination dans la lutte anti-terroriste (comme on a pu le voir lors des incidents du djebel Châambi à la frontière entre la Tunisie et l'Algérie en mai dernier), mission de conseil (de l'Algérie et de la Tunisie à la Libye pour reconstruire ses forces de sécurité). Elle ne contient pas de volet opérationnel.

Dans le cadre de la mise en place de la Force africaine en attente (FAA) de l'Union africaine, chacune des régions du continent devra constituer une capacité d'intervention.

L'objectif est de permettre aux Africains de ne plus dépendre de la communauté internationale pour la résolution des crises survenant sur leur continent . S'agissant du Maghreb, on observera qu'à la différence des autres régions d'Afrique, dans lesquelles cette force s'appuie sur les communautés économiques régionales, il n'a pas été possible de s'appuyer sur l'Union du Maghreb arabe. Le Maroc n'étant plus membre de l'UA depuis 1984 (en raison de la prise de position de l'UA sur le Sahara occidental), il ne participe pas à ce projet qui regroupe l'Algérie, la Tunisie, la Libye, la Mauritanie, l'Égypte, et la RASD. L'Algérie abritera le siège de la Capacité de la région Afrique du Nord (NARC).

La coopération des armées des pays du Maghreb et notamment des deux plus grandes armées dans la région (Algérie et Maroc) serait nécessaire . Sans doute, des échanges de renseignements et des actions de coordination pour réduire les implantations de groupes terroristes à la frontière entre la Tunisie et l'Algérie existent-ils, mais il s'agit d'une coopération ponctuelle qui mériterait d'être institutionnalisée et de comporter un volet opérationnel plus dense. En revanche, la coopération entre les armées marocaines et algériennes est quasi-inexistante, si ce n'est que par quelques échanges de renseignements et sous contrôle politique étroit. Le développement d'une certaine interopérabilité serait nécessaire.

Il faut trouver les modalités d'une coopération intelligente entre l'Europe et les États de la région en matière de sécurité (surveillance des frontières, échanges de renseignement, capacité d'intervention commune).

C'est dans les modalités de contrôle des frontières dans ces espaces peu peuplés que peut se manifester la coopération entre les Etats . Mais ce contrôle, compte tenu de la densité de la population et dans certains d'entre eux de l'absence de forces de sécurité opérationnelles, nécessite des moyens plus sophistiqués.

(2) La coopération des pays du Maghreb et de l'Europe est esquissée

Des instruments sont d'ores et déjà en place. Un Forum global contre le terrorisme présidé par l'Algérie et le Canada réunit tous les pays d'Afrique du nord et du Sahel ; il a tenu sa dernière réunion en juin à Oran. La stratégie Sahel de l'Union européenne permet d'avoir une approche globale et a vocation à être mise en oeuvre rapidement. La question est régulièrement abordée dans les réunions du Dialogue 5+5 , et récemment encore lors de la 15e Conférence des ministres de l'Intérieur qui s'est déroulée à Alger en avril dernier.

Au-delà de la formation, notre offre aux Etats menacés devrait comprendre également la fourniture de moyens de détection et d'action plus sophistiqués, et une aide dans le domaine du contre-terrorisme (images satellites, renseignement).

Nombre d'institutions et d'Etats ont présenté des offres de services à la Libye pour assurer la formation de ses forces de sécurité et notamment d'un corps de garde-frontières. Mais il semble que ce pays sollicite beaucoup de propositions sans les concrétiser. Une mission de conseil de l'Union européenne a commencé son déploiement en juin. Cette mobilisation paraît bien tardive et bien insuffisante si l'on veut éviter la reconstitution de place forte comme celle installée au Mali dans l'Adrar de Ifoghas. La Grande-Bretagne a semble-t-il décidé d'accueillir 2 000 militaires libyens en formation.

Compte tenu des enjeux de sécurité dans la zone sahélo-saharienne, la Mauritanie bénéficie d'une aide de la France en matière de sécurité et de défense . Des actions visant à renforcer les capacités de souveraineté de l'Etat dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée ont été engagées depuis 2009.

2. Les trafics illégaux

Le développement des trafics illégaux, qu'il s'agisse des êtres humains, de la drogue ou des substances narcotiques, ou encore des armes, mais aussi plus prosaïquement des produits de consommation courante comme les carburants, est important dans toute la région. Ils relèvent de circuits locaux, mais s'intègrent également dans des circuits plus vastes et deviennent des enjeux sécuritaires partagés avec l'Europe.

a) Les drogues

Le narcotrafic emprunte toutes les voies possibles en se reconfigurant en permanence.

(1) Le haschich et la résine de cannabis : principal produit stupéfiant

Selon le Centre de Coordination pour la Lutte Anti-Drogue en Méditerranée (CeCLAD-M), le trafic de résine de cannabis par voie de mer reste constant et élevé, ce qui est logique, le Maroc (et notamment la région du Rif) constituant l'un des principaux lieux de production 236 ( * ) . Les productions entrent principalement par l'Espagne qui est l'itinéraire le plus court. Il s'agit du principal produit stupéfiant transitant par voie de mer, en Méditerranée occidentale : 300 tonnes environ chaque année.

Il transite également par voie aérienne et par voie terrestre notamment en direction de l'est pour approvisionner les marchés du Moyen-Orient et du Golfe. Les saisies dans les pays du Maghreb sont importantes (plusieurs centaines de tonnes). Cette question semble devenue un irritant entre l'Algérie et le Maroc au point de figurer parmi les trois conditions posées par l'Algérie à la réouverture de ses frontières avec le Maroc . On observe également un développement des marchés domestiques au Maghreb.

Carte n° 72 : Les principales routes africaines du haschich marocain

Source : Julien Simon, « Le Sahel comme espace de transit des stupéfiants. Acteurs et conséquences politiques », avec l'aimable autorisation de la revue Hérodote, 2011/3 n° 142,

(2) La cocaïne

En outre, la rive sud de la Méditerranée est devenue un point de passage du trafic de cocaïne en direction de l'Europe au débouché de « la Route 10 » (10 e parallèle) 237 ( * ) venant des zones de production de l'Amérique du sud vers l'Afrique de l'Ouest et le Sahel, cette région devenant un espace de transit vers l'Afrique du nord et l'Europe, mais aussi vers le Golfe arabo-persique et le Moyen-Orient. Europol rapporte que l'Espagne est considérée comme le principal point d'entrée de la cocaïne en Europe, même si une large partie du trafic arrive également par conteneur dans les grands ports européens. Les Nations unies estiment qu'environ la moitié de la cocaïne qui n'est pas destinée au marché américain (18 tonnes pour une valeur de 1,25 Mds de dollars) traverse l'Afrique de l'Ouest chaque année.

Carte n° 73 : Le flux de cocaïne de l'Amérique du sud vers le marché européen via l'Afrique de l'ouest et l'Afrique du nord

Source : UNODC, février 2013

S'agissant des segments terrestres, il a établi une forte collusion entre les réseaux internationaux, les réseaux mafieux locaux et les groupes terroristes opérant dans le Sahel, qui trouvent là un moyen de financement considérable. Ces informations ont pu être confirmées par les dirigeants du Centre Africain de Recherche et d'Études sur le Terrorisme, organisme dépendant de l'UA.

b) Les armes

Le trafic des armes est important mais difficilement quantifiable . Il est très difficile à pister et à mettre en évidence un tel trafic par voie maritime.

La situation sécuritaire aggravée a maintenu, voire multiplié, les trafics. La dispersion des stocks d'armes de l'armée libyenne et certaines armes parachutées aux opposants a alimenté un vaste trafic d'armes et de munitions qui irrigue aujourd'hui directement le Sahel et, vers l'Égypte, le Sinaï et la Syrie. Ce trafic est probablement organisé par les mouvements terroristes qui opèrent dans la région qui disposent de l'expérience et des réseaux logistiques nécessaires.

c) Les véhicules volés

Le rapport de Frontex pour 2013 238 ( * ) estime qu'une destination fréquente du trafic de véhicules automobiles et de motocycles est l'Afrique du nord.

Un des points de sortie identifié est le port espagnol d'Algésiras dont le trafic vers Ceuta et Tanger est important : 1,2 million de véhicules transitent chaque année par ce port avec un trafic moyen de 100 navires, ce qui permet un franchissement discret pour les trafiquants.

d) Une amorce de coopération

La Marine participe au dispositif de patrouilles conjointes menées sous l'égide de l'Union européenne en mer Méditerranée et coordonnées par l'agence européenne pour la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l'Union (FRONTEX). Le champ d'action de l'Agence FRONTEX s'étend désormais à l'ensemble de la criminalité transfrontalière.

Le Maroc et l'Algérie sont également partie prenante dans ce type d'opération, par le biais d'accords bilatéraux passés avec l'Espagne. Les navires européens peuvent patrouiller dans les zones de recherche et sauvetage de ces pays, qui sont dans ce contexte responsables de la coordination des actions de secours, conformément aux conventions internationales.

Carte n° 74 : Zones d'opérations Frontex et zones d'opérations nationales

Il semble exister aujourd'hui une réelle volonté politique de la part des pays du Maghreb, et des pays du Sahel, de lutter contre les trafics de toute nature auxquels ils sont confrontés, sans pour autant que cela ne se traduise entre eux par une coordination formalisée. La déclaration d'Alger du 8 et 9 avril 2013, issue de la 15 e conférence des ministres de l'Intérieur de la Méditerranée occidentale consacre plusieurs pages à cette question et pourrait constituer l'amorce d'une coopération plus active. Elle est en tout cas très souhaitable.

Des manoeuvres multinationales de surveillance et de sécurité « ALMED 13 » se sont déroulées en octobre 2013 dans le cadre des activités annuelles des pays de l'initiative 5+5 239 ( * ) et traduisent une reprise de la dynamique de la coopération entre les forces navales de la Méditerranée occidentale. Ces exercices visent à promouvoir la sécurité face à toute forme de commerce illicite et au crime organisé.

3. Assurer la sécurité des espaces et des flux maritimes
a) Les flux commerciaux

L'importance de la Méditerranée comme artère du commerce international, et notamment pour l'approvisionnement de l'Europe, a été soulignée (voir supra p. 157).

La mer Méditerranée accueille 30% du commerce mondial et 25% du trafic mondial d'hydrocarbures transitant par la mer. Les flux intra-méditerranéens (60%) dominent désormais sur le transit (40%).

La déstabilisation de certains États pourrait s'avérer problématique pour le trafic maritime et les gazoducs dans le cas où des groupes terroristes viendraient à s'y implanter 240 ( * ) . De ce point de vue, le rail qui longe à faible distance les côtes des pays du Maghreb du détroit de Sicile au détroit de Gibraltar et qui concentre une part importante du trafic maritime est une zone extrêmement sensible.

Une des raisons de la présence de la VI e flotte américaine en Méditerranée (40 navires, 175 avions), comme des Marines françaises et britanniques, est d'assurer la sécurité du trafic maritime et des voies d'approvisionnement en cas de conflits.

Les pays du Maghreb sont d'autant plus attachés à cette liberté de circulation maritime qu'ils développent des infrastructures portuaires dont la prospérité est fortement dépendante du développement du trafic maritime.

b) La sécurité environnementale

Un autre risque important est celui des pollutions entraînées par ce trafic maritime, notamment les pollutions aux hydrocarbures 241 ( * ) . Alors que l'ensemble des pays riverains du bassin méditerranéen ont ratifié les accords MARPOL, il est difficilement acceptable que le niveau des rejets illicites soit évalué entre 100 000 et 200 000 tonnes d'hydrocarbures par an.

La coopération des Etats en ce domaine s'avère nécessaire.

Le protocole de la Convention de Barcelone concernant la coopération dans la lutte contre la pollution de la mer par les hydrocarbures et autres substances dangereuses (1976 - révisé en 2002) a été le premier accord de protection des mers régionales. Il prévoit la mise en place de plans d'urgence et d'accords sous-régionaux de coopération (accords généraux comme la convention de 1990 complétée en 2000 pour les produits chimiques) qui prévoient l'institution du plan commun de lutte (accord RAMOGE (Malte, France, Italie), accord de 1993 (Chypre, Israël, Egypte) accord technique France/Espagne qui a été « raccroché » à RAMOGE, accord des pays du Maghreb, pas encore en vigueur).

En outre, l'accroissement du trafic, l'existence de passages étroits et donc sensibles, la croissance de l'âge de certains bateaux, et la course au gigantisme des navires accroissent le risque d'accident. Il est donc nécessaire que les Etats, en coopération, prennent des mesures pour la sécurisation de ce trafic (mise en place de systèmes de gestion et de positionnement des navires) mais aussi pour parer au risque d'accidents graves.

c) La sécurité des activités économiques

La création progressive depuis une quinzaine d'années de zones économiques exclusives (ZEE) en Méditerranée renforce les obligations des Etats riverains. Des accords bi ou multilatéraux pour la pêche existent. Ces activités doivent être contrôlées pour assurer leur pérennité.

Mer quasi-fermée, la Méditerranée est un espace particulièrement fragile sur le plan écologique. L'exploitation des ressources halieutiques comme le tourisme dépendent directement de la préservation de cet environnement.

L'Union européenne est très active en matière de réglementation des pêches en Méditerranée (thon rouge). La coopération avec les pays du Sud de la Méditerranée est essentielle , les acteurs économiques pouvant chercher à contourner les réglementations de l'UE en exerçant leur activité sous pavillon des pays du Sud.

La capacité à sécuriser des activités off-shore est un pré-requis à l'exploitation des ressources des fonds marins.

d) La nécessaire coopération entre les pays riverains

La coopération internationale est indispensable au renforcement de la sécurité maritime, à travers l'échange d'information, des actions communes ou coordonnées (dont le développement de procédures communes) et de la formation.

En Méditerranée occidentale et centrale, le 5+5 a été lancé en 2004 dans ce but. Son volet Défense regroupe quatre domaines d'activité : surveillance maritime, sûreté aérienne, contribution des forces armées à la protection civile en cas de catastrophe majeure, formation et recherche).

La lutte contre les trafics repose quant à elle largement sur la coopération bi ou multilatérale et en particulier l'échange de renseignement.

Le modèle français de fonction garde-côte, sous l'égide unique d'un Préfet maritime également commandant militaire de la zone maritime permet une vision globale des problématiques de sécurité maritime. En la matière, les marines militaires occupent une place majeure dans les pays du Maghreb. Elles disposent elles aussi des moyens hauturiers que n'ont pas les administrations. C'est le cas en Algérie (la garde-côte est partie intégrante de la Marine Nationale). Maroc et Algérie s'équipent par ailleurs de moyens récents pour répondre aux obligations internationales (exemple des remorqueurs de haute mer algériens).

4. Le besoin d'institutions stables

Une des difficultés pour les nouveaux dirigeants dont l'expérience de l'action politique est faible, et dont l'engagement est basé sur un certain fondamentalisme religieux est d'arriver à accepter des compromis avec les autres forces politiques ou la société civile. Cela suppose une mise à distance de l'idéologie qui sous-tend leur engagement. En ont-ils la capacité, cela reste une interrogation ?

Force est de constater, qu'en Tunisie et au Maroc, les gouvernements conduits par des premiers ministres issus de partis islamistes, travaillent au sein de coalitions, ce qui les obligent au compromis, qu'il n'y a pas eu à ce stade d'entorses graves au fonctionnement constitutionnel, ce qui n'empêche pas des situations de blocage parfois périlleuses. On notera que, de droit ou de fait, des garde-fous existent au sein de ces sociétés. Au Maroc, la place du roi dans les institutions constitue une garantie et un recours. En Tunisie, la société civile est très réactive et la principale force syndicale, l'UGTT, reste un élément important de la cohésion sociale et une garantie du dialogue national.

Le renforcement de la démocratie et le développement économique et social exigent des institutions stables, la mise en place d'un véritable Etat de droit, un dialogue avec les sociétés civiles et une place bien définie de l'armée dans le jeu politique.

a) Une situation contrastée selon les Etats

La période récente a été marquée par des changements de régimes (Tunisie, Libye), un changement de constitution (Maroc), des ajustements dans le régime des libertés publiques et une annonce de réforme constitutionnelle (Algérie).

Ces pays éprouvent néanmoins des grandes difficultés à conduire ces changements.

En Tunisie , après deux années de discussions et le dépôt d'un projet de loi devant l'Assemblée nationale constituante, le processus constitutionnel est toujours bloqué en raison de l'opposition frontale entre la coalition menée par Ennahdha et une coalition de partis laïques (Front du Salut public) (voir supra p. 102).

En Libye , le Congrès national général vient à peine d'ouvrir le processus de réforme constitutionnel qui passe par l'élection d'une assemblée constituante, dans un climat de violence et de contestation.

En Algérie , un groupe de travail composé de professeurs de droit constitutionnel a été nommé au printemps, mais aucun projet n'a été présenté à ce jour.

Au Maroc , le projet de constitution a été voté par le peuple en 2011, mais il reste un grand nombre de textes d'application à examiner et à voter pour que la réforme constitutionnelle entre en vigueur dans son intégralité.

En Mauritanie , après le coup d'Etat militaire de 2008, la situation semble se réguler progressivement avec des élections législatives et municipales annoncées pour le 23 novembre et 6 décembre 2013 et une élection présidentielle en avril 2014. Néanmoins un certain nombre de formations de l'opposition ont indiqué qu'elles boycotteraient les scrutins législatifs et municipaux.

Si le choix d'un mode d'organisation constitutionnelle est important, la place des garanties des droits humains et des libertés publiques fondamentales l'est bien plus.

Si la nouvelle constitution marocaine offre des ouvertures importantes en ce domaine, elle reste néanmoins soumise à l'interprétation qu'en donnera la Cour constitutionnelle.

En Algérie , des ouvertures timides ont été réalisées en 2011 avant les élections législatives en matière de libertés politiques (autorisation de partis) et de liberté d'association, mais on est encore loin d'un réel Etat de droit.

En Tunisie , après un débat très acharné sur la place de l'islam et sur le statut de la femme, qui a conduit à des manifestations importantes de la société civile, le projet de loi soumis à l'Assemblée nationale constituante apporte des garanties, mais il contient encore nombre d'ambiguïtés qui empêchent son adoption possible en l'état.

En Libye , la situation sécuritaire et l'incapacité dans laquelle se trouve le gouvernement de contrôler l'ensemble du pays, n'offrent aucune garantie au respect des droits.

Or c'est bien sur le fondement d'un Etat de droit que peut se construire l'ensemble des règles juridiques qui apportera une sécurité dans les relations entre personnes et une capacité pour le développement des activités économiques et des investissements étrangers.

b) Renforcer la coopération institutionnelle et juridique

Une coopération de longue date a été engagée avec les pays du Maghreb à travers les échanges universitaires et la formation, qui conforte leur proximité culturelle avec l'Europe et rend plus facile aujourd'hui l'harmonisation des normes. Il convient de la conforter.

Le développement de la coopération institutionnelle est souhaité par les pays du Maghreb afin de leur apporter une expertise dans le domaine de la gouvernance, de la modernisation de leurs administrations et de l'élaboration de politiques publiques. L'Union européenne est particulièrement active en ce domaine 242 ( * ) , tout comme le Conseil de l'Europe en matière de droits de l'Homme et de droit constitutionnel (à travers notamment la Commission de Venise).

La France oeuvre au niveau international, national et local pour la promotion de la bonne gouvernance et de l'Etat de droit par un soutien au secteur de la justice, l'appui aux politiques foncières, aux processus de décentralisation et de démocratisation et à la gouvernance financière des pays partenaires.

La capacité à promouvoir la liberté de la presse par la formation des journalistes est une action qui doit pouvoir être proposée.

Environ 500 journalistes tunisiens ont été formés en France et en Tunisie dans le cadre de partenariats faisant intervenir les grands médias tunisiens et français. En outre, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a effectué plusieurs missions d'expertise afin d'appuyer la mise en place d'une autorité indépendante en Tunisie.

Au-delà de la sphère institutionnelle et du droit public, l'effort engagé dans le cadre de la négociation d'accords de libre-échange complets et approfondis (ALECA), comme le rapprochement des cadres juridiques locaux de ces pays avec les règles communautaires, (notamment dans les domaines prioritaires pour la règle de droit et la transparence des régimes économiques) est important pour le développement des échanges et des investissements.

Il importe en conséquence de poursuivre le développement de la coopération institutionnelle et juridique, en l'ouvrant à de nouveaux domaines et à de nouveaux partenaires au sein des sociétés civiles.

5. Sociétés civiles
a) L'émergence des sociétés civiles

Les révolutions arabes dans leur développement ont révélé l'émergence de la société civile. C'est à travers des organisations associatives ou spontanées (sociabilité des réseaux), qu'est montée la colère du peuple contre des régimes autoritaires et qu'elle continue à s'exprimer à travers des évènements successifs.

C'est la conjonction de diverses formes de mécontentement et de revendications sous forme de manifestations de très grande ampleur qui a conduit à la chute de ces régimes. Les moyens modernes de communication ont joué un rôle de révélateur, d'accélérateur, de catalyseur et d'amplificateur de la mobilisation.

Ceci montre que, sous le voile opaque du fonctionnement des institutions, la société civile était vivante et mobilisable.

Ceci invite naturellement les dirigeants à être maintenant à l'écoute des attentes qui s'expriment et à formuler des réponses crédibles. Sûrement faut-il associer les organisations de la société civile à la vie politique et à son fonctionnement au quotidien.

La campagne de pétition demandant le départ du président égyptien élu au suffrage universel, Mohamed Morsi, à peine plus d'un an après son élection, et la manifestation gigantesque qui l'a accompagnée, illustre bien la nécessité d'un dialogue avec les forces politiques d'opposition et avec la société civile dans toutes ses composantes. Elle a donné à l'Armée l'occasion de revenir dans le jeu politique, ce qui constitue un échec pour la démocratie. Mais ce retour ne s'en appuie pas moins sur une crise politique, dont le gouvernement des Frères musulmans est sans doute en partie responsable par son incapacité à redresser la situation économique et sociale, son absence d'expérience et de compétence, son manque d'écoute et la certitude qu'il avait de détenir la vérité et la légitimité. On aurait souhaité une issue plus raisonnable, soit par une alternance politique organisée, soit par un retour aux urnes dans le cadre des institutions.

b) Le dialogue avec les sociétés civiles : objectif de coopération

Compte tenu de la place croissante des entités décentralisées, des associations et de la société civile, au fonctionnement démocratique des États, il est important de développer des programmes de coopération et de soutien à ces organismes. Les États sont souvent un peu démunis pour apporter un soutien direct en formation ou en expertise.

Les plans d'action conclus par l'Union européenne avec les différents Etats dans le cadre de la politique de voisinage comportent des volets de coopération pour le développement de la société civile et ont été confortés par la mise en oeuvre de dispositifs particuliers à la suite des révolutions du printemps 2011 (voir infra p. 258).

Pendant trop longtemps, la diplomatie française s'est concentrée sur les relations institutionnelles avec les organes gouvernementaux. Les révolutions arabes ont montré l'intérêt qu'il y avait à dialoguer avec les sociétés civiles pour mieux percevoir les évolutions , et la place qu'elles occupaient désormais dans le champ politique et social, par leurs capacités de mobilisation et d'action.

La France n'avait jusqu'à présent pas d'approche stratégique des acteurs de la société civile, et elle dédiait peu de ressources à leur renforcement.

Selon « L'examen par les pairs de l'OCDE sur la coopération au développement, France 2013 243 ( * ) »: « la division des responsabilités institutionnelles au siège et sur le terrain fait obstacle au dialogue avec ces organisations. Les ambassades (SCAC) gèrent le fonds social de développement qui s'adresse directement aux OSC du Sud mais disposent de moyens très limités. Par ailleurs, l'absence de personnel dédié de l'AFD sur le terrain ne favorise pas les relations entre les ONG et les institutions françaises qui pourraient être mutuellement bénéfiques. Plus généralement, la division des responsabilités institutionnelles entre l'AFD, qui est chargée des organisations françaises et des ambassades, qui sont responsables des OSC des pays partenaires, fait qu'il est difficile de mettre en oeuvre une approche coordonnée.

Pour mettre en oeuvre l'intention exprimée à l'issue des Assises de la coopération de mieux promouvoir la société civile, la France doit clarifier son approche et analyser les implications opérationnelles de celle-ci. Enfin, l'AFD, qui a un statut d'institution financière, est peu équipée pour appuyer les acteurs de faible capacité et les projets de moindre envergure, ainsi que pour intervenir dans les contextes fragiles. « L'AFD a certes simplifié et pris en charge certains processus, mais elle doit continuer à adapter ses outils selon la taille des financements octroyés et la nature des partenaires, afin que les contraintes bancaires n'entraînent pas l'éviction de certains acteurs et ne soient pas un obstacle dans les contextes de fragilité ».

Il serait souhaitable que la France clarifie ses politiques vis-à-vis des organisations de la société civile (OSC ). Le renforcement de la société civile dans les pays du sud devrait être présenté comme un objectif majeur de la coopération. Une structure formelle de dialogue avec les organisations françaises et de soutenir leur structuration, leur professionnalisation, leurs innovations et leurs actions est nécessaire. Mais il est non moins important, tout en préservant l'initiative des OSC, de donner une priorité aux actions en direction des zones géographiques prioritaires définies par notre diplomatie.

La coopération entre collectivités et entre associations est à favoriser. On ne soulignera jamais assez le rôle éminent que joue la Fondation Anna Lindh dans le dialogue associatif entre l'Europe et les pays de la rive sud et est de la Méditerranée.

La Fondation Anna Lndh

Présente dans 43 pays, cette fondation contribue au rapprochement des populations des deux côtés de la Méditerranée en vue d'améliorer le respect mutuel entre les cultures. Depuis sa création en 2005, la Fondation Anna Lindh a lancé et soutenu des actions à travers différents domaines ayant un impact significatif sur les perceptions mutuelles des populations issues de cultures et de religions différentes, et a mis en place un réseau d'envergure régionale comptant à ce jour plus de 3 000 organisations de la société civile. Elle est un interlocuteur majeur de l'Union européenne dans le processus euro-méditerranéen.

De même est-il important de mettre en place une coordination locale des actions en direction des OSC locales.

Sans doute la mise en oeuvre de cette nouvelle dimension est-elle délicate car des réticences peuvent s'exprimer au niveau des États. A l'inverse de l'Allemagne qui dispose d'instruments efficients pour aborder ces questions à travers de grandes fondations politiques ou des structures syndicales, la diplomatie française est souvent dépourvue de moyens et de compétences internes pour aller plus avant dans l'expertise et l'action. Une imbrication plus grande entre l'administration et les organisations de la société civile en France et les collectivités locales pour nouer des partenariats reposant sur l'expertise paraissent nécessaire pour avancer dans ce nouveau champ d'influence. Il est sans doute plus facile d'agir à travers une mise en réseau entre pairs que d'agir en direct avec des organisations qui peuvent se trouver en situation conflictuelle avec leurs gouvernements. Il peut être utile de recourir à des organismes existants correspondant aux entités à soutenir localement ainsi le principal syndicat tunisien l'UGTT reçoit-elle un appui en formation de la part de plusieurs centrales syndicales françaises.

En conséquence, la coopération avec les organisations de la société civile devient un nouvel objectif des politiques de coopération et il importe d'expérimenter de nouveaux outils pour permettre son développement.

6. La place de l'armée dans une démocratie

Les expériences militaires maghrébines sont diverses et doivent être lues à la lumière des histoires nationales, de l'organisation des armées (professionnelles, de conscription ou mixte) et de leur rapport au politique.

La tendance à la mise sous tutelle des institutions civiles des forces armées qui ont pu jouer un rôle important dans la décolonisation ou dans la modernisation des Etats est observable dans la plupart des Etats, à des degrés divers, y compris en Algérie.

Les modèles de transition démocratique mis en oeuvre vont dans ce sens et ne prévoient pas de réintroduction de l'Armée dans le jeu politique bien que les enjeux de sécurité obligent ces États à renforcer leurs outils de défense.

Le retour en force des militaires dans le jeu politique en cas de crise grave ne peut pour autant être exclu. L'histoire de l'Algérie des années 1990 a montré l'intervention de l'Armée pour éviter la prise du pouvoir par les islamistes du FIS. Celle de la Mauritanie avec le coup d'Etat d'août 2008, un peu plus d'un an après l'élection présidentielle et deux ans après les élections législatives et municipales, en fournit un second exemple. L'actualité récente montre qu'en Égypte, l'Armée n'a pas hésité à déposer un président élu, mais déconsidéré, créant une situation inédite et dont la gestion peut s'avérer complexe.

Ce faisant, les armées restent à l'image de la société. Les courants politiques ou religieux qui traversent les sociétés locales se retrouvent dans les forces armées nationales. Jean-François Daguzan 244 ( * ) estime que la montée d'un islam conservateur touche aussi l'ensemble des corps militaires dans cette région.

B. LE SAHARA OCCIDENTAL : UN CONFLIT NON RÉGLÉ DEPUIS PRÈS DE 40 ANS

La question du Sahara occidental reste non résolue depuis le départ de l'Espagne, ancienne puissance coloniale, en 1975. Depuis fin 2006, le Maroc propose la mise en place d'un statut de large autonomie alors que le Front Polisario continue depuis l'origine de réclamer un référendum sur trois options : indépendance, autonomie, intégration. Il a aussi proclamé, en 1976, la République arabe sahraouie démocratique (RASD).

Le Maroc administre de fait le territoire qui est inclus dans les trois provinces du sud 245 ( * ) . Mais une partie de la population sahraouie du territoire et des réfugiés des camps de Tindouf (en Algérie), liée au Front Polisario s'oppose à cette situation. C'est une pierre d'achoppement majeure avec l'Algérie. La situation fait régulièrement l'objet d'un examen des Nations unies dont une mission d'observation (MINURSO) est présente sur le territoire depuis 1991.

Carte n° 75 : Le Sahara Occidental, 2010

Source : CERI 246 ( * )

Photo n° 76 : Sahara Occidental : le mur de défense marocain

Ce territoire de 263 450 km² est bordé par l'océan Atlantique.

La population de ces provinces a été multipliée par 10 depuis 1975 et dépasse aujourd'hui le million d'habitants. On peut estimer approximativement en croisant les données du recensement de 2004 publiées par province 247 ( * ) et les estimations du Haut-commissariat au plan pour l'année 2010 publiées par région 248 ( * ) à plus de 500 000 habitants la population résidant 249 ( * ) sur le territoire du Sahara occidental.

Le maintien de cette zone de tension dans un espace sahélo-saharien en proie à l'agitation terroriste inquiète la communauté internationale, d'autant que des Sahraouis ont pu être identifiés parmi les terroristes engagés au Mali. Il s'agit probablement d'engagements individuels, sans lien avec le Front Polisario.

Pour situer les enjeux de ce différend, il convient d'en explorer à grands traits les fondements historiques et sociaux et d'en mesurer les enjeux actuels.

1. Les fondements historiques : 1884-1991 de la colonisation espagnole au cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario

À l'origine, ce territoire fait partie d'un espace non délimité qui englobe également le sud du Maroc et de l'Algérie, une large partie de la Mauritanie et du nord du Mali. Dans cette zone très étendue, des tribus nomades, dont une grande composante saharo-hassanie, d'origine arabe 250 ( * ) , mènent des activités pastorales Des liens d'allégeance de certaines de ces tribus aux souverains régnant sur le Maroc ont existé de façon plus ou moins affirmée selon les époques.

À partir de 1884, l'Espagne entreprend la colonisation du territoire.

Elle place le territoire de Rio de Oro (Dakhla) sous son protectorat 251 ( * ) , puis l'étend au territoire de Saguia el-Hamra (Laayoune) en 1887, établit des comptoirs commerciaux et y assure une présence militaire. Les frontières ne sont pas clairement définies, jusqu'au traité entre la France et l'Espagne au début du XX e siècle. Le 27 juin 1900, la France et l'Espagne signent le traité de Paris qui définit la frontière entre le Río de Oro (espagnol) et la Mauritanie (française). Le 4 octobre 1904, la convention de Paris fixe les frontières du Saguia el-Hamra et de Cap Juby. Les tribus locales luttent contre la puissance coloniale avec l'aide du sultan marocain. Cet appui cesse lorsque ce dernier est soumis à un protectorat franco-espagnol en 1912. Le 27 novembre 1912, après l'établissement du protectorat français sur le Maroc, la convention de Madrid confirme ces frontières et fixe celles de l'enclave d'Ifni.

Le Sahara espagnol est créé à partir des deux territoires en 1924 et administré séparément des territoires marocains sous protectorat espagnol puis rattaché, en 1947, à l'Afrique occidentale espagnole qui comprend également Ifni et la bande de Tarfaya.

L'engagement du processus de décolonisation suscite des tensions entre les parties concernées (Espagne, Maroc, Algérie, Mauritanie) et va conduire à la création du Front Polisario en 1973.

Après la fin du protectorat français en 1956, le Maroc, sous l'impulsion des nationalistes de l'Istiqlal, entend reconstituer l'intégrité territoriale d'un « Grand Maroc » rassemblant toutes les terres qui ont « appartenu historiquement » au royaume à une période ou à une autre. Il revendique tous les territoires contrôlés par les Espagnols et une partie des territoires contrôlés par la France (portion du Sahara autour de Tindouf et Bechar, ainsi que la Mauritanie 252 ( * ) ). Ce rappel est nécessaire si l'on veut décrypter certains discours politiques ou éditoriaux de presse au Maroc ou en Algérie aujourd'hui encore.

En 1957 et 1958 il favorise la formation d'une armée de libération constituée principalement de Sahraouis qui tente de libérer les colonies espagnoles par des opérations armées mais sans succès 253 ( * ) . Tarfaya sera néanmoins restitué au Maroc en 1958.

En octobre 1963 : la « guerre des sables » éclate entre l'Algérie, et le Maroc. Plusieurs facteurs contribuent à son déclenchement : l'absence d'un tracé précis de la frontière 254 ( * ) , l'irrédentisme marocain ainsi que le refus du gouvernement de l'Algérie indépendante depuis 1962 de reconsidérer les frontières héritées de l'ère coloniale 255 ( * ) . Le conflit trouvera une issue avec le traité d'Ifrane en 1969 par lequel les deux pays s'engagent à respecter les frontières résultant de la colonisation.

En 1965, la résolution 2072 de l`Assemblée générale des Nations unies (AGNU) invite l'Espagne à prendre immédiatement les mesures nécessaires pour la libération de la domination coloniale d'Ifni et du Sahara espagnol et à engager à cette fin des négociations sur les problèmes relatifs à la souveraineté que posent ces deux territoires . Depuis lors, la question est inscrite à l'ordre du jour de la commission de décolonisation et fait l'objet de résolutions qui enjoignent à l'Espagne de mettre en oeuvre le droit à l'autodétermination. En 1969, l'Espagne restitue Ifni au Maroc

De 1969 à 1973, les forces politiques se structurent sur le territoire avec notamment la constitution du Front populaire de libération de Saguia el Hamra et Rio de Oro (Front Polisario), le 10 mai 1973 .

Engagée en 1974, la décolonisation conduit à un conflit armé entre la Maroc et le Front Polisario jusqu'au cessez-le-feu de 1991.

Le 21 août 1974, l'Espagne annonce la tenue d'un referendum d'autodétermination pour le début de 1975 et effectue un rapide recensement de la population afin de déterminer la liste des participants au scrutin référendaire, lequel conclut à une population de 70 à 80 000 habitants, mais ne prend pas en compte les Sahraouis réfugiés dans les pays voisins, ni les nomades.

Le 13 décembre 1974, l'AGNU adopte la résolution 3392 qui réaffirme le droit à l'autodétermination , demande un avis consultatif à la Cour internationale de justice sur le statut et les liens juridiques du territoire 256 ( * ) et mandate une mission.

En octobre 1975, la Cour de justice reconnait que le territoire n'était pas terra nullius avant la colonisation, qu'il avait des liens d'allégeance avec le Maroc et l'ensemble mauritanien, mais ne constate aucun lien de souveraineté territoriale et conclut que ces liens ne sont pas de nature à entraver l'application du principe d'autodétermination. Le 10 décembre, l'AGNU approuve ses conclusions et le rapport de sa mission de visite, notamment la mise en place d'un referendum d'autodétermination, et prie les parties concernées de mettre fin à toute action unilatérale.

Le Maroc annonce l'organisation d'une « Marche verte ». Début novembre 1975, 350 000 civils Marocains franchissent pacifiquement la frontière.

Le 14 novembre 1975, le gouvernement espagnol signe les accords de Madrid avec le Maroc et la Mauritanie. Le territoire est divisé en deux parties : les 2/3 au nord reviennent au Maroc, le sud à la Mauritanie. Le Front Polisario s'y oppose. Les troupes marocaines 257 ( * ) et mauritaniennes se déploient.

Le 26 février 1976, le Polisario proclame la République arabe sahraouie démocratique (RASD) avec le soutien de l'Algérie et l'approbation d'une majorité des membres de l'OUA. La RASD sera admise en 1984 dans l'OUA, ce qui provoquera le départ du Maroc de cette organisation.

Le Polisario armé par l'Algérie 258 ( * ) et financé par le Libye remporte des premiers succès, notamment en Mauritanie 259 ( * ) , qui finalement va renoncer. Le Maroc annexe immédiatement la portion sud du territoire. Des raids sont menés par le Front Polisario y compris au Maroc.

A partir de 1980, avec la construction du « mur », la situation militaire va se stabiliser. Le Polisario rejeté à l'extérieur du mur ne sera plus en mesure de mener des incursions significatives à l'intérieur du territoire.

Le Maroc va entreprendre une série d'actions diplomatiques qui vont amener la Libye à cesser son soutien au Polisario et un nombre conséquent d'États africains à suspendre leur reconnaissance de la RASD.

Des réunions entre Hassan II et le Président algérien Chadli Benjedid en 1982 et 1987, l'intervention du secrétaire général de l'ONU, Javier Pérez de Cuellar, et une rencontre à Marrakech entre Hassan II et une délégation du Front Polisario en janvier 1989 vont préparer le terrain pour établir une dynamique de paix.

Le 19 avril 1991 (résolution 690), le Conseil de sécurité donne son accord à l'établissement de la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un referendum au Sahara occidental (MINURSO)et le cessez-le-feu entre en vigueur le 6 septembre, qui sera durable sous le contrôle d'observateurs .

2. L'intervention des Nations unies

La résolution 690 du 19 avril 1991 créant la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un referendum au Sahara occidental (MINURSO) est fondée sur le Chapitre VI de la Charte des Nations unies, ce qui suppose l'accord des parties pour sa mise en oeuvre. Elle est reconduite d'année en année.

Le cessez-le-feu de 1991 est respecté sous le contrôle des observateurs de la Mission.

a) Les missions diverses de la MINURSO

Outre sa mission d'observation de part et d'autre du mur, la MINURSO 260 ( * ) , à laquelle la délégation de votre groupe de travail a rendu visite, mène des actions de déminages à l'est de celui-ci, l'armée marocaine se chargeant de ces opérations à l'ouest.

Elle met en place depuis 2004 des mesures de rétablissement de la confiance avec l'appui du HCR. Des progrès ont été réalisés en ce qui concerne la libération des prisonniers de guerre et les visites familiales .

Source : Western Sahara / Family reunion programme / The new flight at Laayoune before departure for Tindouf. / UNHCR / April 2012

Un nouvel accord a été conclu à Genève le 3 juillet 2013 entre le HCR, le Maroc, le Front Polisario, la Mauritanie et l'Algérie afin que plus de familles séparées par le conflit, les unes vivant sur le territoire, les autres dans les camps de Tindouf, puissent se rencontrer. Près de 20 000 personnes ont bénéficié de ces visites, à raison désormais d'un rythme de 4 000 visites par an. Mais ceci ne représente qu'une petite moitié des demandes enregistrées par le HCR ; des séminaires thématiques sur la culture sahraouie sont organisés une ou deux fois par an, généralement au Portugal, avec des représentants de toutes les parties. Ils constituent le second volet de ce programme.

b) Les obstacles à l'organisation d'un referendum

Les Nations unies rencontrent rapidement des obstacles dont le plus important est l'identification des électeurs pouvant participer au referendum et par conséquent l'élaboration des listes électorales.

Le Polisario souhaite limiter l'inscription aux résidents identifiés lors du recensement espagnol de 1974 et à leurs descendants.

Le Maroc souhaite que les Sahraouis installés au Maroc ainsi que les Marocains installés au Sahara occidental puissent également se prononcer.

La mission Baker :

Les différentes esquisses de solutions tracées par l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies (SGNU) James Baker, qui parvient, en 1997, par les accords de Houston, à relancer le processus d'identification 261 ( * ) :

- Plan Baker 1 en 2000 : autonomie locale dans le cadre de l'État marocain dont les compétences seraient limitées à la défense et aux affaires étrangères, qui sera rejeté par le Polisario et l'Algérie,

- et plan Baker 2 en 2003 : autorité du Sahara occidental pour 5 ans, suivie d'un referendum, auquel les Marocains non originaires du territoire participeraient avec une option « autonomie permanente », qui sera rejeté par le Maroc,

- échouent, ce qui entraîne la démission de James Baker en 2004.

Malgré les efforts des envoyés spéciaux du SGNU Peter van Walsum (2005-2009) et Christopher Ross (depuis 2009), la situation est restée au point-mort, émaillée d'incidents et de manifestations sur le territoire.

Le 25 avril 2013, le Conseil de sécurité adopte par consensus la résolution 2099 262 ( * ) dans laquelle est réaffirmé l'impératif de progrès dans le processus politique et rappelé l'importance d'améliorer la situation des droits de l'Homme au Sahara occidental et dans les camps de Tindouf (Algérie). La résolution a demandé de nouveau que soit envisagé l'enregistrement des réfugiés dans les camps.

3. Les positions des différentes parties

Le roi Mohamed VI a décidé en 2006 la mise en place du Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes (CORCAS) afin de proposer une troisième voie entre l'annexion et l'indépendance, celle de l'autonomie élargie. Le Maroc conserverait alors la défense nationale, les affaires étrangères et la monnaie.

Le Front Polisario demeure attaché à la tenue d'un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui comportant l'option de l'indépendance . Il rejette le plan d'autonomie sous souveraineté marocaine en tant que seule alternative.

L'Algérie considère que son soutien est fondé sur des principes, mais qu'elle n'est pas un interlocuteur dans les négociations qui doivent se dérouler entre le Front Polisario et le Maroc. Ce n'est pas pour l'Algérie un casus belli, mais il est peu probable qu'elle transige sur le principe d'un referendum d'autodétermination et laisse s'imposer une situation de fait sans que la population ait été consultée. Elle estime que le Maroc ne fait pas évoluer sa position parce qu'il se sent soutenu sur la scène internationale. Cette position a été rappelée par le ministre des affaires maghrébines et africaines, M. Messahel.

D'ailleurs, en faisant récemment figurer au sein des conditions posées pour la réouverture des frontières entre l'Algérie et le Maroc, la question du Sahara, l'Algérie semble relever d'un cran son niveau d'implication ou de pression.

Depuis son retrait du conflit, la Mauritanie tente de respecter, à l'égard des protagonistes, un équilibre rigoureux (politique de « neutralité positive » vis-à-vis de la République arabe sahraouie démocratique).

4. La situation sur le territoire

Le Maroc administre de fait le territoire qui est inclus dans les trois régions du sud. Il a réalisé des investissements et des équipements importants en infrastructures et services publics.

Carte n° 77 : Sahara occidental : ressources économiques

Photo n° 78 : Laayoune, place du Méchouar

Source : www.skyscrapercity.com)

En 2012, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a été chargé d'élaborer un nouveau modèle de développement régional intégré et rigoureux pour les provinces du sud. Il a présenté en janvier 2013 une note de cadrage et en mars un rapport d'étape 263 ( * ) sur la situation des droits fondamentaux, économiques, sociaux, culturels et environnementaux.

Ces documents mettent en évidence que le territoire a été doté de nombreuses infrastructures nouvelles et que des investissements importants y ont été réalisés. Des progrès ont été enregistrés (PIB par habitant supérieur à celui des autres régions, taux de pauvreté plus faible 264 ( * ) , indicateurs d'espérance de vie et santé en phase avec les indicateurs nationaux, taux d'alphabétisation supérieur à la moyenne nationale 265 ( * ) ). Néanmoins, les documents soulignent que l'État reste le premier employeur, que l'investissement privé y est insuffisamment développé, que le taux de chômage y est plus élevé que la moyenne nationale (15,2% contre 8,9%), que le taux d'activité des femmes y a régressé de 10 points au cours des dix dernières années et reste largement inférieur au niveau national (15% contre 25% au plan national).

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s'est donné dix mois pour élaborer des politiques publiques avec des objectifs précis pour encourager l'émergence d'un secteur privé, développer les secteurs de la pêche (qui manque d'industrie de transformation sur place), de l'agriculture, du tourisme, des mines et des énergies renouvelables, valoriser le patrimoine culturel (la Constitution de 2011 reconnaît la culture hassanie), fonder la régionalisation sur le principe de subsidiarité, assurer la participation effective des populations et rendre le retour des réfugiés attractif.

Le rapport de mars 2013 porte une critique sans fard sur les insuffisances de la politique de l'emploi, sur les carences dans le système de distribution des aides sociales , source de tensions sociales, qui ont comme effet pervers de créer une logique d'assistance et de dépendance.

Le rapport aborde également l'utilisation des ressources de la région et l'action des entités parapubliques chargées du développement de la région, comme l'Agence du Sud 266 ( * ) . Ces régions bénéficient d'un programme de développement et d'aménagement très actif sous la direction de l'Agence du sud placée directement sous l'autorité du chef du gouvernement et qui bénéficie d'un budget de 30 M d'euros par an pour épauler les collectivités territoriales dans la conception et la réalisation de projets. Depuis 2009, l'Agence intervient également pour soutenir des projets culturels en veillant à mettre en valeur et respecter le patrimoine local dans toutes ses composantes. Elle intervient également dans le domaine de l'économie sociale afin de soutenir des projets de micro-entreprises coopératives.

Il pose la question des ressources naturelles et le caractère insuffisamment inclusif de leur exploitation.

Il estime que les difficultés de cohésion sociale et d'intégration, alimentées par le sentiment d'iniquité, demeurent.

Le rapport aborde également la question des droits de l'homme.

Le refus de délivrance des récépissés à des associations de défense de droits de l'homme, les allégations contre certaines administrations qui refusent de reconnaître des sections syndicales (alors que le droit de grève s'y exerce librement), la « prégnance de la logique sécuritaire » dans le comportement de l'administration locale, etc. sont relevés. Il va plus loin en indiquant que « la mise en place et la dévolution d'attributions renforcées à des instances indépendantes, telles que le Conseil national des droits de l'homme (CNDH) ou l'ICPC (Instance centrale de prévention de la corruption) ne garantissent pas en elles-mêmes la bonne effectivité des fonctions de régulation et de contrôle nécessaires à une société démocratique, régie par la règle de droit ».

La liberté de ton de ce rapport est la preuve que les autorités marocaines souhaitent attaquer de front la question des inégalités qui fait le lit des mouvements sociaux spontanés, comme à Gdeim Izik en 2010 ou à Dakhla en 2011, et sur lesquels se greffent les revendications indépendantistes.

Depuis quelques années, avec l'apaisement des tensions diplomatiques et l'assouplissement du processus de règlement du conflit, la question des droits de l'homme est devenue un point essentiel.

Les Droits de l'Homme

Cet intérêt est légitime, mais il doit être partagé et des efforts engagés par les deux parties.

Lors de son déplacement à Laayoune et à Rabat, la délégation a pu prendre en considération la question sur le territoire administré de fait par le Maroc, à travers des entretiens avec l'ensemble des parties prenantes, ce qui montre un certain degré de transparence. Elle n'a pas pu se rendre dans les camps de Tindouf et le regrette. Dès lors son analyse pourra manquer d'une approche comparative.

Bien que le nombre d'incidents sur le territoire ait diminué, la situation des droits de l'Homme au Sahara occidental est peu satisfaisante 267 ( * ) . Des entraves à la liberté d'expression, d'association et de manifestation, des arrestations et des détentions arbitraires, des cas de torture, ont été mis en évidence par le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture (rapport Mendès) et le Centre Robert F. Kennedy pour la justice et les droits de l'homme dans leurs récents rapports.

Le procès des détenus à la suite des incidents survenus lors du démantèlement du camp de Gdim Izk fin 2010 près de Lâayoune, qui se sont soldés par la mort de plusieurs membres des forces de l'ordre, devant un tribunal militaire marocain en février 2013, a donné lieu à controverse.

De même, des atteintes aux droits de l'homme sont relevées dans les camps de réfugiés de Tindouf , en Algérie, contrôlés par le Front Polisario. Il a été attesté que dans la suite des « printemps arabes », une manifestation a été organisée à Tindouf par le collectif « Jeunes révolutionnaires » qui exigeait des réformes gouvernementales, des changements au sein de l'administration et du pouvoir judicaire, la fin de la corruption, la lutte contre les spoliations des fonds publics, la réforme du code électoral, une plus grande participation de la jeunesse dans la vie politique. Elle a été appuyée par le mouvement « Khat Chahid », dissident du Front Polisario installé en Espagne. Par ailleurs, des plaintes ont été déposées auprès de la justice espagnole contre certains dirigeants du Polisario par des victimes de mauvais traitements dans les prisons du camp de Tindouf.

Dans sa Résolution 2099 268 ( * ) , du 25 avril 2013, le Conseil de sécurité des Nations unies s'est félicité des mesures prises par le Maroc pour renforcer les commissions du Conseil national des droits de l'homme (CNDH) à Dakhla et à Laâyoune et à interagir avec les Procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Il a appelé les parties à poursuivre leurs efforts en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'Homme au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés de Tindouf. Il les a encouragées à collaborer avec la communauté internationale pour mettre au point et appliquer des mesures crédibles pour en assurer le plein respect.

De son côté, le Maroc a initié d'importantes réformes en la matière.

La nouvelle Constitution reconnaît l'identité hassanie, consacre le principe de régionalisation et crée un Conseil national des droits de l'Homme dont deux commissions régionales sont situées au Sahara occidental depuis l'automne 2011.

Il a également autorisé l'accès aux procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations unies.

Enfin, en se rapprochant du Conseil de l'Europe , dans la perspective d'en accepter progressivement les normes et en devenant un « partenaire pour la démocratie » 269 ( * ) de son Assemblée parlementaire, il s'oblige à progresser dans ce domaine sur l'ensemble du territoire qu'il administre de fait.

Pour les autorités marocaines, la communauté internationale a tort de traiter de manière spécifique la situation en matière de droits de l'Homme au Sahara occidental : d'abord parce qu'on se focalise plus aujourd'hui sur la question des droits de l'homme que sur la recherche d'une solution au conflit, ensuite parce qu'il n'y a aucune différence de la part des autorités marocaines entre le traitement du Sahara et des autres provinces du pays 270 ( * ) . La réaction des forces de sécurité aux dernières manifestations d'avril 2013 a été pondérée et faisait suite à des provocations et des dégradations de biens publics de la part des manifestants.

Pour le CNDH, son Président, M. Driss El Yazami , et ses représentants locaux à Laayoune, les principaux problèmes sont les entraves portées à la création d'associations et la gestion de certaines manifestations sur la voie publique. Ils mettent l'accent sur la formation en organisant des séminaires de formations dont certains ont associé policiers et associations. Ils insistent sur la nécessité de développer la vie sociale et culturelle, en particulier pour les jeunes.

5. La position actuelle de la France

La France soutient les efforts des Nations unies pour trouver une solution politique juste, durable et mutuellement agréée, conformément aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations unies et aux résolutions du Conseil de sécurité.

Le règlement rapide de ce différend est une nécessité tant pour la population du Sahara occidental que pour la stabilité, la sécurité et l'intégration du Maghreb. Le statu quo n'est dans l'intérêt de personne et la permanence de ce conflit élève les risques dans le contexte d'instabilité régionale du Sahel.

La France accueillera toute solution qui pourra recueillir l'accord des parties. On constatera que le Maroc a fait des pas en ce sens au cours des dernières années, en avançant un projet de large autonomie.

Le processus politique constitue naturellement une priorité pour que les parties parviennent à un accord. La France soutient pleinement la médiation onusienne . Elle encourage également le rapprochement entre le Maroc et l'Algérie, qui est nécessaire pour le règlement du conflit.

La France considère le plan d'autonomie proposé en 2007 par le Maroc comme « une base sérieuse et crédible pour une solution négociée » .

Déclaration du Président de la République
devant le Parlement marocain le 4 avril 2013 :

« Alors je connais aussi le blocage. Il y a la question du Sahara occidental qui attend son règlement depuis plus de 30 ans. L'impasse actuelle est préjudiciable à tous, je dis bien à tous. Aux familles séparées, aux réfugiés des camps, aux tensions entre les pays du Maghreb. Et s'il y avait un argument de plus qu'il conviendrait d'ajouter, c'est que la crise au Sahel rend encore plus urgente la nécessité de mettre fin à cette situation.

La France soutient les démarches du secrétaire général des Nations unies pour parvenir à un règlement politique mutuellement acceptable sur la base des résolutions du conseil de sécurité. Le plan présenté en 2007 par le Maroc prévoit un statut de large autonomie pour la population du Sahara occidental. Je le redis ici, c'est une base sérieuse et crédible en vue d'une solution négociée. Mais d'ici là, tout doit être fait pour améliorer les conditions de vie de la population dans cette région 271 ( * ) . »

La France note avec satisfaction les progrès enregistrés en matière de respect des droits de l'homme et encourage les deux parties à progresser dans cette voie.

Cette position nous paraît équilibrée compte tenu de la difficulté à mesurer aujourd'hui le rapport des forces entre les partisans de l'autonomie élargie (proposée par le Maroc) et les partisans du referendum d'autodétermination (indépendance, autonomie, intégration) 272 ( * ) demandé par le Polisario, soutenu par l'Algérie. Du reste, compte tenu de la situation sécuritaire de la grande région, de la difficulté qu'éprouvent certains États, peu densément peuplés, à contrôler leur territoire et à ne pas y laisser se développer des activités de trafics ou de terrorisme, et de l'absence d'une force régionale de sécurité susceptible de les soutenir efficacement, la situation de « large autonomie » proposée par le Maroc, si elle était acceptée, offrirait probablement une voie raisonnable pour administrer ce territoire dans le respect de sa population et de sa diversité.

Il conviendrait aussi que la France maintienne son effort pour aider la MINURSO dans ses actions de déminage et, plus encore, le HCR dans la mise en oeuvre des mesures de confiance et de rétablissement des relations (notamment des visites familiales).

La question du Sahara occidental bloque depuis 40 ans l'intégration économique de la région du Maghreb. Une solution équitable s'impose maintenant pour le bénéfice de tous les habitants du Maghreb.

C. L'INTÉGRATION : UNE OBLIGATION

Chacun considère la fermeture des frontières, notamment celles entre l'Algérie et le Maroc 273 ( * ), et la faible intégration des économies comme une absurdité économique. On estime à deux points de croissance par an le coût du « non-Maghreb ».

Selon une note d'information de la BAfD 274 ( * ) , « les pays du Maghreb n'ont pas tiré pleinement parti des liens existant entre eux en tant que marchés et sources d'approvisionnement et n'ont donc pas réalisé les gains potentiels en termes de croissance économique et d'emploi » . L'impasse actuelle entrave fortement la mise en oeuvre de l'Union du Maghreb arabe (UMA). Le coût de la « non intégration » dépasse les 2% de croissance du PIB chaque année selon l'économiste marocain Fouad Abdelmoummi.

Alors que les économies sont complémentaires , chaque pays s'épuise à acheter à des fournisseurs éloignés. Certains investisseurs étrangers pour lesquels les perspectives de distribution sur un marché de 80 à 100 millions de consommateurs ont un sens, renoncent faute d'obtenir l'assurance que le produit fabriqué dans un pays pourra sans encombre être vendu dans les pays voisins...

Pourtant, cette situation demeure, sous-tendue et entretenue par ce différend du Sahara occidental. Elle est alimentée par des considérations de politique intérieure et des sursauts nationalistes. Il semble cependant que les opinions publiques évoluent et ont un désir réel de « Grand Maghreb arabe ».

La constitution d'un espace économique élargi, par l'ouverture des frontières, et la relance de l'Union du Maghreb arabe passent par la dissociation de la question du Sahara occidental de celle du Maghreb. Il serait d'ailleurs probablement plus facile d'intégrer un Sahara plus autonome dans un Maghreb plus uni.

Cependant, la réaffirmation par l'Algérie de la résolution de la question du Sahara occidental comme une des trois conditions pour l'ouverture de sa frontière avec le Maroc occulte une telle perspective au moins jusqu'aux prochaines élections en Algérie en 2014.

Outre les griefs portant sur le Sahara occidental, l'Algérie s'inquiète du développement du trafic de drogue à partir du Maroc, pays limitrophe et producteur .

Des saisies importantes sont réalisées chaque année, la presse algérienne s'en fait régulièrement l'écho. Le Maroc indique pour sa part que les trafics sur cette frontière sont multiples et que certains produits proviennent de l'Algérie voisine en contrebande : on pense naturellement aux carburants dont les prix sont plus bas en Algérie, mais aussi à certaines substances illicites comme les psychotropes. Bref chacun se rejette la responsabilité en ce domaine, alors que seule une coopération entre les deux Etats et entre leurs forces de sécurité serait en mesure de mettre fin à ces trafics ou d'en réduire significativement l'ampleur. C'est une question de volonté de part et d'autre.

1. Des perspectives d'avenir sacrifiées
a) Des frontières fermées et des échanges faibles

Le Maghreb est l'une des régions dans lesquelles le commerce entre pays voisins est le plus faible . La place des pays du Maghreb est faible dans les échanges internationaux (0,8% en 2011 contre 0,7% en 2003). En outre, es économies des pays d'Afrique du Nord sont encore largement tournées vers l'extérieur. Les pays commercent peu entre eux et investissent peu dans leurs économies respectives. Il n'existe pas aujourd'hui un marché commun, ce qui freine leur développement.

Si on observe un infléchissement positif du commerce interne à la zone, les échanges restent très limités au pays immédiatement limitrophes.

Tableau n° 79 : Part des exportations vers les autres pays du Maghreb

Part des exportations vers les autres pays du Maghreb

Part des exportations 2003

Part des exportations 2011

Algérie

1,0%

1,9%

Libye

7,4%

8,6%

Maroc

2,1%

3,8%

Tunisie

5,4%

6,4%

Dans le détail, la relation de voisinage est prédominante :

Algérie : 70% des exportations vers les pays du Maghreb est destiné à la Tunisie (80% en 2003), 30% au Maroc (20% en 2003)

Libye : 90% vers la Tunisie

Maroc : 75% vers l'Algérie, 22% vers la Tunisie, 3% vers la Libye

Tunisie : 70% vers l'Algérie (30% en 2003) et 20% vers la Libye (60% en 2003) : effet de la crise libyenne, 10% vers le Maroc

Mauritanie : en dehors du Maroc, l'économie mauritanienne est plutôt tournée vers ses voisins du sud (Sénégal, Côte d'Ivoire...).

S'agissant du tourisme , la Tunisie est une destination importante pour les Libyens (1,8 million d'entrées en 2012) et pour les Algériens (900 000 entrées). On compte également plus de 500 000 touristes tunisiens en Algérie et 90 000 touristes algériens au Maroc.

b) Les avantages d'une union économique

L'émergence d'une union économique à l'échelle du Maghreb permettant la libre circulation favoriserait la création d'emplois et la croissance dans la région. De même la compétitivité et le poids des pays du Maghreb sur le plan international seraient renforcés, comme l'ont montré des alliances régionales créées dans les autres parties du monde (MERCOSUR, ASEAN, Union européenne, ALENA, ...).

La coopération régionale confèrerait à ces pays non seulement un poids plus important dans les négociations commerciales et politiques avec les partenaires internationaux, mais aussi plus de possibilités en termes de développement global des économies.

Une étude 275 ( * ) a estimé d'abord que la libéralisation complète du commerce entre les pays du Maghreb pourrait entraîner un gain en termes de courants d'échanges régionaux de plus de 1 milliard de dollars qu'ensuite un accord de libre-échange entre soit l'Union européenne soit les États-Unis, d'une part, et les trois pays du Maghreb, d'autre part, rapporterait 4 à 5 milliards de dollars supplémentaires, soit 3 à 4,5% de croissance du PIB. Et qu'enfin, si l'Union européenne et les États-Unis devaient créer des zones de libre-échange au Maghreb, l'impact positif sur le PIB pourrait atteindre 8% en Tunisie, 6% en Algérie et 4% au Maroc.

En effet, les économies de la région sont complémentaires .

Si l'Algérie dispose de ressources en hydrocarbures et en industries lourdes dont le Maroc est dépourvu, celui-ci compte des savoir-faire absents chez son voisin dans la finance, l'agriculture, les TIC ou le logement social.

La production d'engrais et de phosphates pourrait se faire de façon plus efficiente si le Maroc pouvait avoir accès aux ressources en gaz de l'Algérie à travers une liaison fixe permanente entre les deux pays. La signature d'un accord entre le groupe public algérien Sonatrach et l'Office marocain de l'électricité (ONE) d'un accord portant sur la livraison de 640 millions de m 3 de gaz pendant 10 ans constitue à cet égard un signal positif.

Le rapprochement est éminemment souhaité par l'ensemble des chefs d'entreprises privées  qui ont établi des contacts réguliers. Les patronats de Tunisie, d'Algérie, de Libye, du Maroc et de Mauritanie ont signé le 1 er juillet à Tunis un plan d'action pour lutter contre l'économie informelle.

Comme l'a déclaré Mme Christine Lagarde, directrice générale du FMI 276 ( * ) : « Aucune des économies du Maghreb n'est suffisamment grande pour assurer à elle seule sa prospérité, ce n'est qu'ensemble qu'elles peuvent devenir prospères ».

2. L'Union du Maghreb arabe : un fonctionnement réduit

L'Union du Maghreb arabe a été créée en 1989, mais son fonctionnement est réduit.

Carte n° 80 : Etats membres de l'Union du Maghreb arabe

La déclaration de Tanger du 28 avril 1958 adoptée par les dirigeants des trois partis historiques des pays du Maghreb (l'Istiqlal au Maroc, le Parti constitutionnel tunisien, et le FLN pour l'Algérie, non encore indépendante) a posé les jalons pour la création d'une union maghrébine. Cette ambition s'est concrétisée avec la signature par les cinq chefs d'Etats du traité fondateur de l'Union du Maghreb arabe (UMA) de Marrakech le 17 février 1989.

La non-résolution de la question du Sahara occidental a donc « un effet de pesanteur » pour reprendre l'expression du secrétaire général de l'UMA, M. Habib Ben Yahia.

Les chefs d'Etat de l'UMA ne se sont pas réunis depuis 1994, à la fermeture de la frontière entre le Maroc et l'Algérie . Après sa visite en Libye le 2 janvier 2012, le président Marzouki a effectué une tournée régionale (Maroc, Mauritanie, Algérie) en février 2012 pour relancer le projet d'Union régionale (UMA), mais son initiative n'a pas été couronnée de succès.

Certains observateurs comme Luis Martinez, directeur de recherche au CERI, estimaient qu'il y aurait plus de chance de voir se concrétiser des projets entre l'Egypte, la Libye et la Tunisie qu'au sein de l'UMA. Un accord de libre-échange a été conclu en 2004 à Agadir entre le Maroc, l'Egypte, la Jordanie et la Tunisie. On notera également le processus d'association du Maroc au Conseil de coopération des Etats du Golfe -autant de tendances centrifuges qui traduisent le blocage de la coopération intermaghrébine.

On notera également que les pays membre de l'UMA sont associés à la mise en place, dans la mouvance de la Ligue arabe d'une « Grande zone arabe de libre échange ».

Cette organisation fonctionne au niveau technique à travers des comités d'experts, mais est restée peu active sur le terrain politique ou de la mise en oeuvre des projets.

L'UMA fonctionne néanmoins comme un forum de discussion entre les Etats avec des réunions au niveau ministériel.

Les 8 et 9 janvier 2013, la 5e conférence sur l'intégration économique maghrébine a réuni à Nouakchott en Mauritanie la directrice du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, et des délégations de l'Union du Maghreb arabe (UMA). Des Conseils des ministres de l'Intérieur se sont tenus également, la dernière en date, le 22 avril 2013 à Rabat, qui a consacré «la volonté de concertation et de coordination» des pays membres, en particulier dans les domaines sécuritaires, de lutte contre le terrorisme et la lutte contre le trafic de drogue.

Elle peut devenir un lieu de définition de projets communs comme l'interconnexion de réseau de communication. Un projet de banque maghrébine d'investissement et de commerce extérieur a été annoncé en 2010, mais il tarde à voir le jour.

3. Des relations bilatérales maintenues entre voisins

Malgré les changements de régime et en raison des risques sécuritaires, les Etats de la région n'ont donc pas rompu tous les ponts.

a) Algérie : maintenir le dialogue et maintenir les distances

Pour l'Algérie, l'arrivée à ses frontières de gouvernements dirigés par des partis islamistes constitue un bouleversement qui pourrait faire évoluer son positionnement géopolitique.

Elle recherche aujourd'hui un terrain d'entente avec les nouveaux dirigeants.

L'Algérie a pris acte de la reconnaissance du gouvernement libyen par les Nations unies, a officiellement reconnu le Conseil national de transition en septembre 2011 et a tourné la page du différend sur l'intervention militaire étrangère en Libye. Elle recentre ses relations avec Tripoli sur la sécurité 277 ( * ) .

Malgré des divergences sur l'UMA et la persistance d'inquiétudes sur l'évolution interne de son voisin tunisien (notamment le développement de l'activité de groupes terroristes, l'Algérie affiche sa volonté de coopérer étroitement avec la Tunisie 278 ( * ) . Une coopération étroite au niveau politique et militaire (échange de renseignement, bouclage de la frontière côté algérien) a été mise en place.

Conscients de leur isolement, les responsables algériens avaient semblé, fin 2011 279 ( * ) -début 2012, vouloir mettre entre parenthèses le différend bilatéral sur le Sahara occidental et établir avec le Maroc des relations plus apaisées. Ces bonnes dispositions ont fait long feu. L'Algérie a renoué avec sa politique traditionnelle à l'égard de Rabat, fondée sur le rapport de forces. Le ton est à nouveau monté à propos du Sahara, et diverses raisons sont avancées par Alger pour différer la réouverture, un temps envisagé, de la frontière commune (fermée depuis 1994).

b) Tunisie : coopérer avec le voisinage, une nécessité

À la suite des événements dans le Djbel Chaâmbi, de nombreux déplacements et contacts avec l'Algérie aux niveaux politique et militaire ont eu lieu, la région étant frontalière avec ce pays. Il est clair que la menace terroriste va amener les deux pays à coopérer davantage.

Au cours de la crise libyenne, les autorités tunisiennes ont soutenu l'action de la France au sein de la Ligue arabe. Les Tunisiens sont conscients que la reconstruction de la Libye est une opportunité pour leurs entreprises et leur main d'oeuvre ; le Président Marzouki y a effectué sa première visite officielle en janvier 2012. Ils s'inquiètent de la dégradation de la situation sécuritaire dans ce pays. Les autorités tunisiennes et, notamment les ministres de la défense et des affaires étrangères, ont indiqué l'existence de mission tunisienne de coopération et de formation de la police libyenne.

Une des premières initiatives diplomatiques du président Marzouki a été d'essayer sans succès de relancer l'UMA.

c) Libye : un besoin d'assistance pour le contrôle des frontières

Les enjeux de politique extérieure de la Libye se mesurent à l'aune de sa situation politique intérieure . Pour le moment, la principale préoccupation est le contrôle des frontières et la reconstruction de son appareil de sécurité. Des contacts sont semble-t-il engagés avec l'Algérie et la Tunisie pour un appui en matière de conseil et de formation.

d) Maroc : un intérêt fort pour l'ouverture des frontières

Le Maroc aurait tout à gagner à l'ouverture des frontières et à un apaisement des tensions avec l'Algérie . Il est dépourvu de ressources en hydrocarbures et obligé de se fournir auprès de producteurs éloignés alors que son voisin pourrait satisfaire une grande partie de ses besoins. Pour des raisons de sécurité, le Maroc reste toutefois attentif à ne pas se placer en situation de dépendance.

Il est celui des pays du Maghreb qui dispose de stratégies de rechange grâce aux liens développés avec l'Europe, l'Afrique occidentale et centrale, les États-Unis et les États du Golfe.

Il entretient des relations de bon voisinage avec la Mauritanie, mais toujours un peu empreintes de méfiance pour des raisons historiques, ainsi qu'avec la Tunisie et le Libye, mais l'ancrage relationnel concret est plus faible avec ces deux derniers pays.

e) Mauritanie : maintenir un équilibre entre ses voisins du Nord

La Mauritanie a manifesté de plus en plus clairement depuis 1999 et sa sortie de la CEDEAO sa vocation nord-africaine. Elle s'efforce de se tenir à l'équilibre dans ses relations avec l'Algérie et le Maroc, mais reste encore économiquement tournée avec l'Afrique de l'Ouest pour une partie de ces échanges économiques.

D. L'ENVIRONNEMENT, FACTEUR DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

La crise des printemps arabes a révélé que malgré une croissance certaine de leurs économies, les pays du Maghreb souffraient de déséquilibres structurels.

La question du caractère peu « inclusif » du développement économique dans les différents pays a été soulignée comme une condition de leur stabilité politique et sociale (voir supra p. 84).

En outre, les préoccupations environnementales ne doivent pas être ignorées dans des pays considérés comme particulièrement vulnérables.

D'ici 2025, le mouvement de croissance démographique enregistré depuis trente ans sur le rivage méditerranéen est appelé à se poursuivre sur la rive Sud, quoique de façon plus modérée du fait de la baisse du taux de fécondité. Ses principales caractéristiques (littoralisation et urbanisation plus ou moins spontanée) se confirmeront. En outre, les conséquences d'une évolution climatique pourraient être importantes s'agissant d'un espace particulièrement sensible 280 ( * ) .

Suivant le rapport du « Plan Bleu » mentionné en première partie, la population des régions côtières de la Méditerranée évoluerait ainsi entre 2000 et 2025 :

- sur la rive Nord, la population du littoral resterait stable (autour de 68 millions d'habitants) ;

- sur la rive Sud, la population du littoral croîtrait de 76,7 millions à 108 millions d'habitants, soit une augmentation de 41%.

À côté de cet accroissement de la population côtière sur la rive Sud, on doit prendre garde à l'accroissement total de la population des Etats riverains du Sud qui passerait de 235 millions d'habitants en 2020 à 327 millions d'habitants (+ 39%).

En gardant à l'esprit que beaucoup des effluents des populations non côtières vont à la mer.

Sur la même période, l'urbanisation est aussi appelée à progresser :

- sur la rive Nord, la population des villes de plus de 10 000 habitants passerait de 51,1 millions à 53,3 millions d'habitants (+ 4,3%) ;

- sur la rive Sud, cette population croîtrait de 48,5 millions à 77,8 millions d'habitants (+ 60%).

Sachant, qu'au Sud, une partie de cet accroissement urbain se fait sous la forme d'une urbanisation informelle peu propice à la mise en place de réseaux d'assainissement et de stations d'épuration. Cet habitat spontané représenterait, suivant les pays, 30 à 60% de la population urbaine en 2025.

Par ailleurs, la pression démographique saisonnière, représentée par le tourisme, n'est pas appelée à se ralentir.

Cette poussée démographique va créer une tension sur la demande en eau. De surcroît, elle n'incite guère à une modification des ordres de priorité des gouvernements et des municipalités de la rive Sud, confrontées à la nécessité du développement.

Plusieurs facteurs d'évolution pourraient tempérer cette anticipation pessimiste :

- le coût économique croissant de la pollution pour ces pays ;

- le constat que des aides internationales ciblées couplées avec une réglementation locale adéquate peuvent faire progresser le traitement de la question.

- une prise de conscience progressive de la société civile de l'importance des questions environnementale.

1. La sécurisation des approvisionnements en eau

Carte n° 81 : Ressources en eau naturelle renouvelables par habitant dans les différents bassins élémentaires méditerranéens (entre 1995-2005)

Source : Plan Bleu d'après sources nationales

Le premier risque pour les pays du Maghreb est la rareté de la ressource en eau douce, déjà faible et menacée par les modifications climatiques, la croissance de la population, l'urbanisation et le développement économique, notamment celui de la production agricole.

L'Afrique du Nord est en passe de réduire de moitié la proportion de la population n'ayant pas accès à l'eau potable (87 à 92% de 1990 à 2011) et elle a déjà réduit de moitié la proportion de personnes ne disposant pas de moyens d'assainissement améliorés (72 à 90%). Cette situation présente cependant des aléas en matière de ressources en eau. L'Afrique du Nord atteint le seuil de 92 % des ressources en eau utilisées, ce qui signifie que ses ressources en eau n'ont plus un caractère durable 281 ( * ) .

Carte n° 82 : Indice d'exploitation des ressources renouvelables au niveau des pays et bassins versants, 2005

Source : Plan Bleu

a) La rareté de l'eau : une situation de « stress hydrique »...

Le premier risque pour les pays du Maghreb est la rareté de la ressource en eau douce, déjà peu abondante et menacée par les modifications climatiques, la croissance de la population, l'urbanisation et le développement économique (notamment celui de la production agricole).

Selon une étude présentée par l'Institut méditerranéen de l'eau 282 ( * ) , la consommation d'eau dans les pays du sud et de l'est de la Méditerranée (PSEM) est estimé à 170 km 3 dont 123 km3 viennent des eaux de surface alimentées par les précipitations (pluie, fonte des neiges...) et 25 km3 des eaux souterraines.

L'utilisation dominante est l'irrigation (72%), tandis que l'alimentation des collectivités (9%) et les utilisations énergétiques, les utilisations industrielles (4 % chacune) sont mineures. 11% est consommée par l'évaporation des réservoirs 283 ( * ) .

Rapportés aux populations 2010, les prélèvements pour l'alimentation en eau potable des collectivités sont en moyenne par habitant de 57m3/an 284 ( * ) .

Les prélèvements actuels, qui constituent les sources d'approvisionnement essentielles, représentent 78% de la ressource exploitable évaluée (en moyenne annuelle) à 190 km3. Ces pressions sont plus élevées dans certains pays : supérieures à 100% en Algérie et Libye.

Les approvisionnements par prélèvements sur des ressources non renouvelables ou secondaires, et par des productions non conventionnelles (réutilisation, dessalement) atteignent près de 15% des demandes totales (sans compter l'évaporation des réservoirs), et davantage en quelques pays : 64% en Libye, 26% en Algérie, 25% en Tunisie. Dès à présent, une part significative des demandes en eau est tributaire de sources d'approvisionnement non durables (surexploitation, eaux fossiles) : 86% en Libye, 37% en Tunisie, 29% en Algérie.

De plus la maitrise des eaux de surface irrégulières par barrages-réservoirs, est fragilisée -outre par leurs pertes par évaporation irrémédiable- par l'envasement qui réduit les capacités utiles des retenues : perte moyenne annuelle actuelle de 137hm3 de l'ensemble des réservoirs actuels au Maghreb, par exemple.

Enfin la variété des sources d'approvisionnement entraine de grandes différences de coûts -coûts d'aménagement, de production, de transport- supportés par les économies.

b) Des risques d'aggravation de cette situation

Les projections à l'horizon 2025 montrent que la consommation passerait à 228 km 3 dont 151 km 3 des eaux de surface et 38 km 3 des eaux souterraines.

Les progressions de la demande les plus amples seraient observées en Libye (+88%) et au Maroc (+66%).

Les demandes de tous les secteurs (sauf l'énergie) seraient en croissance : alimentation des collectivités (+67%), irrigation (+27%), industries non desservies (+185%). L'utilisation dominante resterait l'irrigation (68%), tandis que l'alimentation des collectivités (12%) et les utilisations industrielles (9%) progressent, les utilisations énergétiques (1%) deviennent mineures. 10 % est consommée par l'évaporation des réservoirs.

Toutes les sources d'approvisionnement utilisées seraient davantage sollicitées : ressources renouvelables, y compris externes et eaux souterraines surexploitées, ressources non renouvelables et secondaires, et ressources non conventionnelles : réutilisation (doublement) et dessalement (qui pourrait sextupler et atteindre 2 km3 /an) 285 ( * ) .

Toutefois, les incidences du changement climatique, notamment sur les demandes de l'agriculture irriguée, qui pourraient croître davantage, affectent, s'agissant du Maghreb, ces projections d'un facteur d'incertitude.

Enfin la croissance des pressions sur les ressources sera notable du fait de l'augmentation des prélèvements sur les ressources renouvelables potentielles dont les indices d'exploitation approcheront ou dépasseront 100% notamment en Libye -et davantage par rapport aux ressources exploitables.

c) La maîtrise des ressources en eau : assainissement et traitement des eaux usées

Les politiques qui sont ou seront mises en oeuvre portent à la fois sur l'achèvement des aménagements afin de parvenir à une gestion plus efficiente des ressources, au recours aux sources d'approvisionnement non conventionnelles (réutilisation des eaux usées et de drainage, dessalement 286 ( * ) ) mais aussi à une gestion des demandes en eau plus adaptée.

Un objectif complémentaire est celui de l'assainissement et du traitement des eaux usées qui est aussi un enjeu environnemental puisque cela contribue à limiter la pollution du littoral.

Les pays de la rive sud sont beaucoup moins équipés que ceux de la rive nord. La littoralisation des populations et l'urbanisation rendent urgent leur équipement. Les démarches d'adduction d'eau et d'assainissement doivent être menées parallèlement.

Carte n° 83 : Les stations d'épuration sur le littoral méditerranéen

Source : MEDPOL, Plan Bleu

2. La lutte contre les pollutions

Pays riverains de la Méditerranée, les États du Maghreb comme ceux des rives européennes ont une responsabilité particulière de préservation de leur environnement. Ils font face au double phénomène de littoralisation et d'urbanisation des façades maritimes, ce qui engendre des pollutions, mais aussi au développement du trafic maritime et au développement d'activités économiques agricoles, industrielles et de services qui produisent des rejets. Alors qu'au Nord les dispositifs correctifs visant à réduire les atteintes à l'environnement se déploient, l'enjeu pour la rive sud est de mener une politique de développement économe et durable et d'intégrer les préoccupations environnementales à la construction des nouvelles infrastructures.

La gestion des déchets : la collecte, le stockage et le traitement des ordures ménagères est une priorité environnementale qui conditionne un développement maîtrisé au plan social, économique et touristique. Dans ces pays où la réglementation est insuffisante, il est important de franchir les étapes intermédiaires conduisant le plus directement possible du stockage contrôlé à l'élimination des déchets.

Cela a un coût mais c'est une condition essentielle du développement durable.

Le tourisme qui constitue un axe fort de développement des pays du Maghreb doit être développé dans le respect de l'environnement. En respectant les sites naturels et historiques, en évitant de polluer les paysages par une architecture inadaptée, en aménageant des parcs naturels et en respectant la biodiversité, ces pays disposeront d'atouts supplémentaires pour attirer une clientèle plus diversifiée, plus aisée et plus fidèle.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a publié en juin 2011, un rapport sur « La pollution de la Méditerranée : état et perspectives à l'horizon 2030 » 287 ( * ) . Il considère que « la Méditerranée est victime de l'héritage des pollutions passées, atteinte par les pollutions présentes et sera soumise à l'horizon d'une génération à une pression de pollution d'origine anthropique de plus en plus forte, dont les conséquences seront démultipliées par les effets attendus du changement climatique ». Le groupe de travail ne consacrera pas dans ce rapport de développement particulier à ces questions, mais reprendra dans ses conclusions et recommandations des éléments mis en avant par l'OPECST pour lutter contre la pollution dans le bassin méditerranéen et réduire l'écart de plus en plus marqué qui se dessine entre les rives de cet espace commun.

QUATRIÈME PARTIE : S'ENGAGER POUR LE DÉVELOPPEMENT DU MAGHREB : UN DÉFI ET UNE OBLIGATION

Les relations politiques et diplomatiques entre l'Europe et le Maghreb sont pour l'essentiel des relations bilatérales entre Etats. Elles ont été accompagnées par une politique de l'Union européenne, cadre commun d'actions développées avec chacun des Etats.

De fait, la polarisation nord-sud, résultat de l'histoire, mais aussi du différentiel de richesse économique, a longtemps donné un caractère asymétrique à ces relations qu'il convient de corriger en instaurant un partenariat réel.

Ce partenariat nécessaire doit apporter les solutions aux problèmes que doivent résoudre en commun l'Europe et les pays du Maghreb (sécurité maritime, lutte contre le terrorisme, lutte contre les trafics illégaux, immigration non régulée).

Pour accompagner les transitions économiques et sociales des pays du Maghreb, il est nécessaire de tenir compte des demandes des populations qui se sont exprimées lors des révolutions arabes et des problèmes structurels qui se posent dans ces pays.

Les tentatives d'institutionnaliser ces relations dans un cadre multilatéral rassemblant tous les États de la Méditerranée (Euromed, UpM) ont trouvé leurs limites.

Un cadre multilatéral reste cependant nécessaire pour permettre aux États de la rive sud, et notamment de la partie occidentale de travailler ensemble à la réalisation de projets communs.

Dans une zone de proximité plus réduite, le Dialogue 5+5 est probablement le cadre pertinent de cette relation.

I. LE CADRE DES RELATIONS POLITIQUES ET DIPLOMATIQUES

A. RELATIONS BILATÉRALES : UNE PRIORITÉ

Les relations diplomatiques ne sont pas exemptes d'une certaine concurrence entre les pays européens, chacun souhaitant privilégier les relations bilatérales du fait notamment de l'absence d'organisation commune dans les pays du Maghreb.

1. La France est un partenaire important

Depuis longtemps, la France est en pointe dans l'établissement de relations fortes avec les pays du Maghreb . Sa présence est source d'influence considérée parfois comme ingérence, lorsqu'elle ne va pas dans le sens souhaité par les dirigeants.

Les pays du Maghreb sont parmi les plus importants de son réseau diplomatique : 2 e rang pour le Maroc (avec 332 agents dont 156 expatriés), 4 e rang pour l'Algérie (avec 286 agents dont 128 expatriés) et 14 e rang pour la Tunisie (avec 83 expatriés). Les budgets de fonctionnement (titre 3) sont importants : 1,4 million d'euros pour l'Algérie, 1,3 million pour le Maroc et 0,5 pour la Tunisie.

Le réseau y est dense.

Algérie

Maroc

Tunisie

Consulats

3

6

1

Réseau institut français

6

10

3

Réseau alliance française

0

3

0

Réseau scolaire

2

37

9

Les relations s'appuient sur des rencontres fréquentes au plus haut niveau (visites ministérielles et parlementaires), sur un réseau d'institutions (écoles, instituts culturels, consulats) et d'outils de coopération importants, ainsi que sur la mise en oeuvre d'accords bilatéraux dans les domaines les plus divers.

a) Des relations fortes et à renforcer

Le positionnement de la France lors des « printemps arabes » a été compliqué et ses hésitations ou erreurs d'appréciation lui sont reprochées, en Tunisie notamment. L'intervention en Libye pour empêcher la prise de Benghazi par les troupes de Kadhafi a été saluée comme un soutien effectif et un signal fort. Mais la gestion de la crise, les difficultés de reconstruction de la Libye et la dispersion des armes tempèrent aujourd'hui les enthousiasmes.

Le fait que le Président de la République ait choisi de visiter les trois pays du Maghreb dès la première année de son mandat 288 ( * ) témoigne de la force de ces relations dont l'approfondissement est attendu de part et d'autre 289 ( * ) . Il reste à les inscrire dans un cadre durable. La mise en place de réunions de haut niveau coprésidées par les Premiers ministres avec le Maroc (depuis 1997) 290 ( * ) et l'Algérie tous les deux ans permettra d'orienter ce partenariat et d'en fixer le calendrier et les modalités. Le Président de la République a en outre rencontré le Président mauritanien à Paris en novembre 2012 et le Premier ministre libyen le 3 février 2013.

Ces instances doivent être les garants du dynamisme de ces relations et s'appuyer sur des « documents cadres » ou des feuilles de routes qui fixent des objectifs à atteindre et les différentes étapes des projets à conduire.

Les relations doivent être équilibrées pour pouvoir maintenir un dialogue avec chacun des pays et progresser selon un rythme qu'il convient de définir avec chacun. Cet équilibre est sans doute la meilleure contribution que la France et l'Europe, si les pays du Maghreb en acceptent le principe, puissent apporter pour inciter les gouvernements de ces pays à s'engager sur un chemin de coopération apaisé et durable.

Les pays du Maghreb attendent de la France et de l'Europe d'être traités comme des partenaires de confiance.

Les visites successives du Président de la République dans les trois pays ont permis de mettre en oeuvre ces orientations.

Algérie : un nouvel élan a été donné à la relation franco-algérienne qu'il faut maintenant entretenir. Ce n'est pas une chose facile en raison du manque d'ouverture de nombreux secteurs, mais il est nécessaire de normaliser ces relations, voire d'en faire des relations privilégiées à l'image de ce qui a pu être réalisé, poursuivi et conforté avec la Tunisie et le Maroc.

La France a pu mesurer de façon concrète le bénéfice de la normalisation de ces relations avec l'Algérie lors de son intervention au Mali par l'autorisation donnée de survol du territoire.

Maroc : la relation est de longue date de très grande qualité, elle doit être maintenue et confortée, sans devenir exclusive.

Tunisie : la relation a été altérée par le soutien accordé sans grande réserve au président Ben Ali. Les dirigeants tunisiens sont parfaitement conscients de la profondeur des relations économiques et humaines entre nos deux pays. La visite du Président de la République a permis de fixer la position de la France.

L'accent mis, lors de ces déplacements, sur les rencontres avec la jeunesse, la société civile et naturellement les entreprises est aussi le signe de la volonté d'étendre les relations au-delà du cercle des seuls dirigeants . La décision de confier à Michel Vauzelle, président de la région PACA, une mission sur « la Méditerranée des projets » est aussi le signe d'une volonté de renouveler les approches 291 ( * ) . Il faut insister davantage sur des relations impliquant largement les différentes composantes des sociétés sur les deux rives (collectivités locales, petites et moyennes entreprises, femmes entrepreneurs, associations et jeunesse).

Les relations diplomatiques aujourd'hui n'excluent en rien un dialogue avec les sociétés civiles dans toutes leurs composantes, au-delà des relations économiques et culturelles traditionnelles. Il est important d'être à l'écoute de ces différents acteurs qui participent à la vie démocratique et de conforter leurs actions, notamment en favorisant les approches comme la coopération décentralisée et la coopération entre organisations non gouvernementales.

Dans cette période de transition, le soutien de la France continue à être recherché par les différents acteurs, à titre de caution. Elle doit agir avec discernement sans ingérence dans les équilibres intérieurs et rappeler son soutien au processus de transition démocratique. Rappeler aussi le principe fondamental de notre attachement aux règles de droit et aux valeurs universelles.

Un dialogue constant avec les autorités sur cette question fondamentale n'est en rien incompatible avec le principe de non-ingérence que la France respecte.

Compte tenu de l'intérêt stratégique de la zone, il serait peu opportun de réduire de façon inconséquente les postes des pays du Maghreb. Si le ministère des affaires étrangères doit supprimer 600 ETP pour le triennum 2013/2015, il serait dommage que, par facilité, il taille dans les postes les mieux pourvus, sans prendre en considération les priorités stratégiques et les besoins.

Il est également important de veiller au renforcement de la sécurité des enceintes diplomatiques et de leurs annexes compte tenu de la montée de l'insécurité dans cette région.

b) Coopération prioritaire par l'aide publique au développement

Les pays du bassin méditerranéen sont l'une des priorités affichées par la France dans sa stratégie de coopération. L'État prévoit de consacrer 85% de l'effort financier en faveur du développement en Afrique subsaharienne et dans les pays voisins du Sud et de l'Est de la Méditerranée 292 ( * ) .

Les pays du Maghreb sont parmi les principaux bénéficiaires de l'APD bilatérale française.

Tableau n° 84 : Principaux bénéficiaires de l'APD bilatérale

Principaux bénéficiaires de l'APD bilatérale

2000-2004

2005-2009

2010-2011

Millions de dollars 2010

Rang*

%

Millions de dollars 2010

Rang*

%

Millions de dollars 2010

Rang*

%

Maroc

367

3

5

379

5

4

491

2

5

Tunisie

206

9

3

243

9

3

287

8

3

Algérie

160

11

2

219

11

2

138

16

2

Total

733

9,95

841

9,56

916

10,05

Total des versements bilatéraux bruts

7368

100

8788

100

9116

100

*sur 147 bénéficiaires

Source : Données établies à parti de l'Examen par les pairs de l'OCDE sur la coopération au développement France 2013

Enfin, les pays du Maghreb doivent rester prioritaires dans l'affectation des moyens de notre diplomatie culturelle et d'influence. Il est heureux, à cet égard, que la consolidation des antennes de France Média Monde (ex AEF) dans les pays du Maghreb, zone d'influence prioritaire, soit effectivement inscrite dans le contrat d'objectifs et de moyens de cet opérateur de l'audiovisuel extérieur de la France.

(1) Tunisie

La France reste également le premier pourvoyeur d'aide publique au développement (50% de l'APD totale à destination de la Tunisie) et d'assistance technique , marquée par une très forte remobilisation des différents opérateurs français. L'ensemble des instruments de coopération sont mobilisés.

L'aide publique française nette vers la Tunisie :

- L'AFD joue un rôle central par le volume de ses engagements : 1,8 Md€ d'engagements cumulés sur 10 ans et par l'accompagnement de réformes majeures sur le plan économique et social. L'AFD mobilise 425 M€ sur 2011-2013 en soutien à la transition tunisienne dans le cadre du partenariat de Deauville dont 185 ont déjà été décaissés.

- Réserve Pays Emergents (RPE) : encours de 300 M€; mobilisable jusqu'à l'été 2013.

- FASEP : 3 M€ octroyés depuis 2005, dont plus de 2 M€ depuis la Révolution, ciblés sur les ENR ; ligne de crédit de 40 M€, pour l'achat de biens d'équipement français par les PME locales ; fonds du développement solidaire, orientés notamment vers les régions défavorisées...

- En outre, la plupart des administrations françaises de la sphère économique et développement durable 293 ( * ) sont actives de longue date. La France est impliquée dans une vingtaine de jumelages de coopération européens (soit 2/3 du total) et l'ADETEF a inscrit la Tunisie dans ses pays d'action prioritaires pour 2013 (avec un accent mis notamment sur les PPP, l'e-gouvernance et le tourisme).

Lors de son déplacement à Tunis les 4 et 5 juillet, le Président de la République a annoncé la mobilisation de 500 millions d'euros d'aide directe par l'AFD sur la période 2013-2014, et la conversion en investissements de 60 millions d'euros de dette du gouvernement tunisien.

(2) Maroc

En 2011, la France a consolidé sa première place comme bailleur de fonds bilatéral , avec 524 millions de dollars de versements nets, soit plus de 42% de l'aide publique nette reçue de la part des pays du CAD/OCDE. En moyenne sur les 5 dernières années, la France est le premier donneur net (269 M USD), loin devant l'Espagne (100 M USD). Le montant d'aide nette, en valeur nominale, versée par la France, a plus que doublé entre 2010 et 2011.

L'aide publique française nette vers le Maroc :

- Le stock des engagements nets cumulés de l'AFD dépasse 2,2 Mds €, (premier rang de ses emprunteurs). Sur la période 2010-2012, les financements concessionnels se sont élevés à 720 M€, et les engagements globaux ont atteint 1 Md€. L'AFD accompagne les politiques publiques, en particulier les plans sectoriels de développement (plans sectoriels « Maroc Vert », « Halieutis », « Emergence industrielle », Plan Solaire marocain), et les projets structurants d'infrastructures (ligne à grande vitesse « LGV », tramways de Rabat et Casablanca, ports régionaux, minéroduc et programme eau de l'OCP, etc.).

- La Réserve Pays Emergents (RPE) a joué un rôle stratégique depuis 2007 : Tramway de Rabat (150 M€), LGV (625 M€) et tramway de Casablanca (225 M€). L'encours des prêts du Trésor s'est élevé fin 2012 à 1,13 Md€.

- Le FASEP-études, avec depuis 2007 14 études réalisées ou en cours pour un montant total de 81 M€ dont 75 M€ de don exceptionnel pour l'assistance technique de la LGV.

- La modernisation du cadre administratif et financier marocain est, en outre, appuyée par les coopérations ADETEF, AFD et Affaires Etrangères (30 M € par an en moyenne).

- Enfin, le Maroc représentait enfin un encours Coface en assurance-crédit de moyen et long terme de 1 463,3 M€ à fin 2012.

(3) Algérie

Depuis 2005, les activités des organismes bilatéraux sont contraintes du fait de la politique de désendettement de l'État algérien.

Les engagements nets du groupe AFD ont ainsi opéré avant fin 2004, date à laquelle le gouvernement a décidé de ne plus avoir recours au financement extérieur. L'encours des prêts s'élève à 158,7 M d'euros (au 30 novembre 2012). L'AFD intervient en subvention de manière très limitée et uniquement pour des opérations ciblées d'assistance, d'expertise, de formation ayant un effet de levier sur le développement.

(4) Libye

Compte tenu du contexte politique et de ses ressources pétrolières, la Libye n'entrait pas dans le champ de l'aide française au développement. Elle y est entrée depuis mars 2012 pour appuyer sa reconstruction par des missions de coopération administrative et technique dans les domaines de l'eau et environnement, de la santé, de la santé animale et de la formation professionnelle, sur fonds propres de l'agence ; à terme, il est souhaité que la Libye prenne en charge ces prestations.

La situation sécuritaire ne rend pas facile le déroulement de ces missions.

(5) Mauritanie

La Mauritanie est l'un des pays d'Afrique les plus aidés par habitant par la communauté des bailleurs internationaux (environ 100 $ d'aide publique au développement par habitant soit le quart du PIB).

La France est le premier bailleur bilatéral de la Mauritanie. En 2012, 85 M € ont été décaissés en sa faveur.

Depuis 2007, le volume total des autorisations de l'Agence française de développement en Mauritanie s'est élevé à 148,5 M€ auquel il convient d'ajouter 13,7 M€ au titre de l'aide budgétaire globale et du contrat de désendettement et de développement.

Le document cadre de partenariat (2013-2015) signé par les deux pays prévoit des montants indicatifs de 180,2 M€ autour de quatre axes principaux :

- développement durable : accès à l'eau et aux services de bases, appui aux ONG, protection de la biodiversité ;

- gouvernance : Etat de droit, justice, gouvernance économique, financière et locale ;

- développement humain : appui au secteur éducatif et à l'enseignement supérieur ;

- coopération scientifique et culturelle.

c) Maintenir le montant des engagements de l'AFD

La nécessité d'accompagner le processus démocratique dans ces pays, de conforter la stabilité de la région et la gestion des flux migratoires a conduit à faire de son développement harmonieux une priorité et à renforcer notre effort financier.

La coopération française intervient dans cette zone sous forme de prêts bonifiés et, plus rarement, sous forme de dons. Le document-cadre prévoit que l'État y consacre 20% de son effort financier. D'après les informations disponibles, cette zone représenterait 15,8% de notre effort financier.

La coopération bilatérale y mobilise une palette diversifiée d'instruments financiers : prêts plus ou moins concessionnels, garanties, fonds d'investissements, partenariats public-privé et, plus ponctuellement, des subventions destinées à lever des facteurs bloquants, amorcer des dynamiques d'investissement ou financer de façon ciblée des actions non rentables mais présentant un fort impact environnemental ou social.

Une des difficultés actuelles pour honorer ces engagements est la situation de l'AFD au regard du respect du ratio « grand risque ».

Comme le souligne le plan d'orientation stratégique de l'Agence pour 2012-2014, le niveau actuel des fonds propres réglementaires de l'Agence ne permet pas de maintenir en 2012 un montant d'engagements annuels en Tunisie et au Maroc de même niveau que celui des années récentes. L'entrée en vigueur des règles de calcul de Bâle III devrait permettre de desserrer cette contrainte en 2013, mais pas au-delà.

Effectivement, s'agissant du Maroc, l'AFD a atteint la limite réglementaire de 25% des fonds propres pour l'engagement de prêts souverains, c'est-à-dire contractés ou garantis par les Etats. Elle calibre désormais ses nouveaux concours en fonction du remboursement des échéances en capital, soit un montant de 50 à 60 millions d'euros par an, en fin d'année, après les remboursements de fin octobre 2013. Pour les engagements non souverains, ceux qui s'adressent à des entreprises publiques, collectivités locales, établissements publics ou ONG, la limite est en passe d'être atteinte et une pause devra être observée en 2014 pour reconstituer la capacité d'intervention, grâce au remboursement en 2015. Au total, le montant des engagements de l'AFD au Maroc risque de passer de 380 millions d'euros en 2012 et 290 millions en 2013 à 60 millions en 2014.

Il en va de même en Tunisie puisqu'en janvier 2013, le montant des engagements financiers de l'AFD atteignait 1,161 milliard d'euros pour un plafond de 1,169 milliard, ce qui limite sa capacité d'intervention au cours des prochaines années.

Sachant que l'Algérie ne recourt pas à l'emprunt et que son mandat pour la Libye est limité à de l'appui aux maîtrise d'ouvrage pour la définition et la mise en oeuvre des politiques publiques, l'AFD risque de devenir dans les prochaines années, un bailleur mineur dans les pays du Maghreb au moment où son intervention est nécessaire, appréciée et souhaitée.

Le rapport pour avis de notre commission sur les crédits de l'aide publique au développement 294 ( * ) a largement évoqué la question du maintien des fonds propres de l'AFD à un niveau adapté à ses mandats et à sa stratégie.

Une solution doit être rapidement trouvée pour permettre à l'AFD de poursuivre et accroître ses activités notamment au Maroc et en Tunisie . Lors de l'audition préalable à sa nomination, Mme Anne Paugam, nouvelle directrice générale a indiqué que « différentes pistes sont envisageables ; elles sont à explorer avec Bercy. En tout cas, ce sujet, que nous voyons venir collectivement depuis longtemps, doit être traité. La somme de 1,3 milliard prélevée à l'AFD ces dix dernières années fait défaut aujourd'hui. L'État a recapitalisé d'autres banques récemment ; s'il a la volonté de maintenir cet outil bilatéral, nous trouverons, j'en suis persuadée, une solution. »

d) Donner plus de lisibilité et d'efficacité à notre outil de coopération

Les pays du Maghreb pourraient être un terrain d'expérimentation et de développement important pour la coopération avec la société civile . Les premières expériences menées, notamment en Tunisie, dont nous avons pu prendre connaissance, constituent des exemples intéressants. Il serait utile dans ces pays de nommer auprès du COCAC un collaborateur spécialisé dans la mise en oeuvre de projets avec les organisations de la société civile.

Dans ce cadre, les actions en direction des femmes paraissent prioritaires. L'examen par les pairs de l'OCDE a montré la distance entre les intentions et la réalisation dans la mise en oeuvre de la politique d'aide publique au développement.

En matière de lutte contre les discriminations hommes/femmes

Les pays du Maghreb pourraient constituer là encore un terrain d'expérimentation et de développement utile. En effet la discrimination culturelle et sociale à l'encontre des femmes reste un problème dans ces pays et il est important que le processus de transition et les réformes constitutionnelles ne fassent pas obstacle aux progrès en matière d'égalité des femmes devant la loi et dans la société ou ne fragilisent pas les acquis. Le fait que le Président de la République ait souhaité en marge de ces différentes visites dans les pays du Maghreb ménager du temps pour rencontrer des associations intervenant dans la défense des droits et des libertés est un symbole de cette approche renouvelé de notre action diplomatique. Il reste à la traduire plus concrètement.

La multiplicité des acteurs concernés, dans un monde globalisé, par la diplomatie d'influence oblige à repenser nos outils. La diversité des domaines d'intervention et la concurrence internationale, qui rend aujourd'hui systématique les comparaisons, se permettent plus la médiocrité de nos interventions et exigent à la fois un grand professionnalisme et un travail en réseau, aussi bien pour les opérateurs locaux qui ont une mission d'identification des besoins que pour les opérateurs nationaux qui doivent pouvoir identifier les compétences susceptibles d'intervenir en appui de l'offre de coopération.

Cela rend nécessaire au sein du ministère des affaires étrangères, la mise en oeuvre d'une capacité d'animation, de coordination et d'expertise pour établir des synergies en direction des entreprises, des pôles de recherche et d'innovation, des collectivités territoriales, des ONG (syndicats, associations...). Il n'est pas certain que le ministère dispose dans ses cadres de l'ensemble des capacités d'ingénierie requises ce qui suppose des efforts de formation initiale et continue de ses diplomates, le recours à la mobilité ou à des compétences extérieures.

La nomination auprès du Premier ministre d'un délégué interministériel à la Méditerranée, qui s'appuiera sur l'ancien dispositif mis en place pour appuyer la présidence de l'UpM peut être ce pôle d'animation. Cependant, notre dispositif manque encore de lisibilité et il est parfois difficile de percevoir sa cohérence d'ensemble entre le réseau diplomatique sous ses différentes composantes, une délégation interministérielle, la direction générale du Trésor, des opérateurs comme l'AFD, la nomination de personnalités en charge d'appuyer les relations économiques avec tels ou tels pays, la nomination d'un haut responsable à la coopération industrielle et technologique franco-algérienne, la nomination d'ambassadeurs auprès des régions... sans compter le traitement de ces questions au sein des institutions européennes ou de l'UpM.

Par ailleurs, l'émergence des révolutions arabes comme leurs suites ont montré tant la grande difficulté pour nos diplomates comme pour nos dirigeants d'anticiper ces phénomènes et parfois même de les envisager que l'incapacité qui fut la nôtre de détecter et d'analyser les signaux qui émanaient de ces sociétés dans leurs différentes composantes. La fragilité des régimes en place, la capacité des partis islamistes d'apparaître comme les principales forces politiques à l'issue des élections, la capacité de résilience des sociétés civiles, nous apparaissent dès lors comme des « surprises ». Ceci conduit notre action diplomatique à étendre son réseau relationnel ; cela suppose également de faire un effort pour se redonner la capacité d'analyse politique et sociale de ces sociétés. Force est de constater avec l'ensemble des universitaires auditionnés que la France a réduit sensiblement sa voilure en diminuant depuis de nombreuses années les crédits des instituts français de recherche à l'étranger et en centrant davantage son effort de connaissance sur le Proche-Orient et le Golfe que sur les pays du Maghreb.

e) Pour un partenariat d'égal à égal fait d'obligations réciproques

« Le temps du surplomb du nord sur le sud est terminé 295 ( * )

Une leçon des printemps arabes est l'émergence du peuple dans le processus de déclenchement et le déroulement des évènements et donc la plus grande attention que l'Union européenne et les pays membres doivent donner à la réception de ses initiatives.

L'avenir doit être envisagé avec de véritables partenaires, certes plus exigeants, mais autonomes avec des dirigeants plus légitimes et plus proches des préoccupations de leur société.

Établir un rapport apaisé fait de respect et d'égalité constitue la base pour réduire les crispations identitaires qui se développent au nord comme au sud de la Méditerranée.

2. Les autres puissances européennes ont une action diplomatique

La Grande-Bretagne s'est engagée avec la France dans la crise libyenne. La visite de David Cameron, très peu de temps après la prise d'otages d'In Amenas (site exploité en partie par BP), a été l'occasion d'esquisser avec l'Algérie un partenariat plus large.

L'Allemagne est loin d'être absente de la scène méditerranéenne. Après avoir nié toute ambition méditerranéenne, elle mène aujourd'hui une politique régionale conforme à ses intérêts économiques. Elle les défend avec âpreté, notamment en matière de développement de l'énergie solaire. La présence de ses puissantes fondations politiques (Konrad Adenauer/CDU, Friedrich Ebert/SPD, Friedrich Naumann/FDP, Hanns Seidel (CSU), Heinrich Böll : Bündnis 90 / Grünen) très actives auprès des acteurs civils (associations, syndicats, partis politiques...), sur des sujets comme la démocratie et les droits de l'homme, renforce l'influence de sa diplomatie traditionnelle. Elle est très présente aujourd'hui en Tunisie.

Touchée par la crise économique, l'Espagne, qui s'était illustrée par une politique méditerranéenne active est moins présente sur cette scène diplomatique. Sa capacité d'initiative est également réduite par la crise budgétaire et financière, mais les entreprises espagnoles restent très présentes dans la conquête des marchés. Comme la France, elle cultive une relation privilégiée avec le Maroc.

L'Italie est dans une situation identique compte tenu de la crise économique, mais elle maintient ses positions traditionnelles notamment en Tunisie et en Libye 296 ( * ) .

B. LES RELATIONS MULTILATÉRALES

Les premières relations contractuelles de l'Union européenne avec les pays de la rive sud de la Méditerranée remontent aux années 1970 et se sont établies sur une base bilatérale (accords de coopération, puis d'association). Elles se sont inscrites progressivement dans un cadre général commun celui de la politique de voisinage.

Carte n° 85 : L'Union européenne et les pays bénéficiant de la politique européenne de voisinage

1. La politique de voisinage
a) Un cadre juridique : les accords d'association

1972 : une nouvelle politique européenne en direction de la Méditerranée, appelée « Approche globale méditerranéenne » est lancée. Dans ce cadre, à partir de 1976, des accords de coopération 297 ( * ) ont été conclus entre l'Union européenne et les pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie).

1995 : ils débouchent sur la déclaration de Barcelone qui a instauré le partenariat euro-méditerranéen (voir infra p. 274). Cependant, l'application se fera État par État dans des dialogues différenciés avec l'Union européenne prenant la forme d'accords d'association . Ces accords prévoient, selon des modalités variables, un renforcement du dialogue politique et un approfondissement de la relation économique, commerciale, culturelle et sociale. Ils établissent un cadre institutionnel (conseils et comités d'association) destiné à permettre leur mise en oeuvre.

À ce jour des accords d'association lient l'Union européenne avec la quasi-totalité des pays de la rive sud de la Méditerranée.

b) Les modalités d'action de la politique européenne de voisinage

2004 : la politique de voisinage est mise en place et vise à renforcer les relations de l'Union européenne avec les pays voisins à l'est et au sud afin de promouvoir la prospérité, la mobilité et la sécurité à ses frontières. À ce jour, elle compte 16 partenaires : Algérie , Arménie, Azerbaïdjan, Belarus, Égypte, Géorgie, Israël, Jordanie, Liban, Maroc , Moldavie, Territoires palestiniens occupés, Syrie, Tunisie et Ukraine.

Elle s`appuie sur un engagement mutuel en faveur de valeurs communes telles que la démocratie, les droits de l'homme, l'État de droit, la bonne gouvernance, les principes de l'économie de marché et le développement durable.

Les pays qui souhaitent renforcer leurs relations avec l'Union européenne concluent à cet effet des plans d'action bilatéraux communs .

Les plans d'actions prévoient un programme de réformes politiques et économiques pour une période de trois à cinq ans. Ils sont fondés sur une différenciation des ambitions et des exigences de l'Union européenne vis-à-vis de chacun de ses partenaires, une perspective de participation progressive au marché intérieur et l'utilisation du cadre institutionnel existant, notamment les accords d'association.

Les priorités définies dans ces « feuilles de route » portent notamment sur le renforcement du dialogue politique, les perspectives de participation progressive au marché intérieur et à des programmes communautaires, l'approfondissement des relations commerciales et économiques et les principes de différenciation et de conditionnalités.

À ce jour, 12 plans d'action ont été convenus (dont certains de seconde génération), alors que la politique de voisinage n'a pas été activée pour 4 États dont l'Algérie et la Libye. Des plans d'action ont été formellement adoptés par le Conseil des ministres en février 2005 avec le Maroc et la Tunisie.

Depuis 2008, des pistes ont été ouvertes pour renforcer la politique de voisinage et la rendre plus attrayante :

• intégration économique sous la forme de zone de libre-échange ;

• développement au cas par cas des accords de facilitation de visas et de réadmission ;

• lancement d'une facilité d'investissement pour le voisinage venant en soutien des interventions des institutions financières internationales et d'une facilité de gouvernance récompensant les partenaires ayant accompli le plus d'efforts en matière de réformes.

2007-2013 : pour cette période budgétaire, le financement communautaire s'élève à 11,37 Mds d'euros , soit une augmentation de 75% en valeur réelle par rapport à la période précédente (2000-2006). Les fonds alloués aux programmes des différents pays dépendent de leurs besoins, de leur capacité d'absorption et de la progression des réformes convenues. Depuis le 1 er janvier 2007, l'aide européenne aux pays concernés par la politique de voisinage bénéficie d'un instrument financier unique, l'Instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP).

Depuis 2007, les pays du sud de la Méditerranée ont reçu près de 9 Mds d'euros 298 ( * ) au titre de l'IEVP . Pour la seule année 2012, les montants affectés aux pays du Maghreb représentaient des sommes importantes : 207 millions d'euros pour le Maroc, 145 millions d'euros pour la Tunisie, et 74 millions d'euros pour l'Algérie.

En 2011, les événements ont rendu encore plus nécessaire une évolution rapide de la politique de voisinage . Après s'être engagée bien tardivement dans le soutien aux mouvements démocratiques, notamment via des mesures restrictives à l'encontre des régimes autoritaires, l'Union européenne oeuvre maintenant au soutien à la reconstruction et l'accompagnement des processus de réforme.

Les récentes communications conjointes de la Commission et du SEAE

Celle du 25 mai 2011, et celle du 15 mai 2012 « Tenir les engagements de la nouvelle politique de voisinage » , avec les deux rapports de suivis régionaux pour l'Est et le Sud et les 17 rapports de suivi par pays (12 pour les partenaires méditerranéens), ce que l'on appelle le «paquet voisinage » confortent les orientations de la nouvelle politique de voisinage adoptées en 2011 et se concentrent sur leur mise en oeuvre : soutien à l'implantation de démocraties solides et durables, soutien à un développement économique inclusif, renforcement des partenariats avec la société civile, offre européenne basée sur les « 3M » (Marché, Mobilité, Moyens financiers).

Le dernier rapport sur la politique de voisinage « Politique européenne de voisinage: vers un renforcement du partenariat » a été adopté le 20 mars 2013.

http://ec.europa.eu/world/enp/docs/2013_enp_pack/2013_comm_conjoint_fr.pdf

Sur ces bases, les contours de la politique de voisinage pour la période 2011-2013 ont été redéfinis :

• principe de conditionnalité : le soutien européen sera d'autant plus important que les pays partenaires s'engageront dans des réformes visant à respecter État de droit, droits de l'homme et bonne gouvernance (principe dit « more for more »). L'aide sera conditionnée au niveau de coopération dans tous les domaines y compris en matière de lutte contre l'immigration illégale 299 ( * ) .

Il est parfaitement légitime, admis et souhaité par les dirigeants les plus ouverts des pays du Maghreb, que les relations de partenariat qui dépassent les relations diplomatiques traditionnelles, obligent davantage et constituent des leviers de transformation pour la modernisation des États qui se soumettent à des analyses extérieures du type de celles auxquelles les pays membres de l'Union européenne recourent eux-mêmes pour progresser de façon plus régulière et plus sûre . Il est d'ailleurs intéressant de voir la vitesse avec laquelle se sont acclimatés dans un pays comme le Maroc des organes de pilotage de politique publique, de contrôle et de concertation avec la société civile et la grande liberté avec laquelle ces organes travaillent. Il reste bien entendu un travail immense de formation et d'information à faire pour que leurs recommandations soient comprises et admises à tous les niveaux de la société.

Dès lors, « le principe «donner plus pour recevoir plus», selon lequel les pays allant plus loin et plus vite dans leurs réformes peuvent compter sur un soutien plus important de la part de l'Union européenne, est un élément important pour faire en sorte que la PEV tienne compte des efforts et des progrès réalisés en matière de réformes démocratiques. 300 ( * ) ».

Mais il faut conserver à l'esprit que chaque État bénéficiaire de la politique de voisinage part d'une situation différente, va à son propre rythme et que la progression souvent discontinue ou offrant des signaux contradictoires ne peut être mesurée que sur une assez longue période.

• budget complémentaire pour le voisinage sud de 350 M d'euros pour 2011-2012 301 ( * ) au titre du programme SPRING « Support for Partnership, Reforms and Inclusive Growth »

• quatre priorités d'action :

- soutien à la société civile avec la mise en place d'une Facilité société civile 302 ( * ) .

- soutien aux réformes démocratiques : missions d'observation électorale, Fonds européen pour la démocratie 303 ( * ) .

- intégration économique : négocier des accords de libre-échange complets et approfondis -ALECA- avec les pays engagés dans des processus de réformes démocratiques.

- question migratoire : ouverture de dialogues pour la migration, la mobilité et la sécurité en vue du développement des partenariats pour la mobilité.

• L'Union européenne souhaite aussi aider les pays méditerranéens à renforcer leur intégration régionale . Elle apporte son soutien à la refondation de l'Union pour la Méditerranée dont elle assure la coprésidence.

La Commission et le SEAE ont publié le 17 décembre 2012 une communication conjointe présentant des propositions de soutien aux cinq pays du Maghreb 304 ( * ) en ce sens.

c) État des relations de l'Union européenne avec les pays du Maghreb

Au cours de la période 2007-2013, l'Union européenne a engagé environ 9 milliards d'euros et décaissé 6,5 milliards d'euros au titre des politiques de voisinage avec les pays du sud et de l'est de la Méditerranée (y compris la Palestine). Hors Palestine, les engagements se montent à 6,5 milliards et les paiements à 4,2 milliards d'euros.

Politique européenne de voisinage (partenariat sud et Palestine) 2007-2013 (*) : engagements et paiements (en millions d'euros)

Engagements

Paiements

Coopération bilatérale

Algérie

366,1

261,7

Palestine

2 507,9

2 266,2

Egypte

1 007,0

723,2

Israël

13,5

21,7

Jordanie

633,0

434,1

Liban

393,0

193,4

Libye

83,0

21,3

Maroc

1 418,1

1 091,8

Syrie

277,0

134,2

Tunisie

760,0

570,1

Total Bilatéral

7 458,6

5 717,8

Coopération régionale et interrégionale

1 518,2

716,0

Crédits non affectés

40,0

Total

9 017,4

6 433,9

* Au 28

Source : Commission européenne

Le Maroc et la Tunisie ont su répondre au partenariat européen et sont (hors le cas spécifique de la Palestine) le premier et le troisième bénéficiaires des aides européennes au titre de la politique de voisinage (partenariat Sud).

(1) Tunisie

Dès 1976 , la Tunisie a noué des relations contractuelles avec la Commission européenne et bénéficie des politiques de voisinage. Elle est le premier pays à être intégré dans la zone de libre-échange pour les produits industriels avec l'UE, depuis le 1 er janvier 2008.

Le 19 novembre 2011, la tenue du premier conseil d'association Union européenne-Tunisie depuis la révolution tunisienne engage une nouvelle étape .

L'appui à la démocratisation et à la relance économique se base sur 4 volets :

- des relations politiques plus ambitieuses (partenariat privilégié concrétisé par le nouveau plan d'action) ;

- une coopération financière accrue ;

- plus de commerce pour une meilleure intégration au marché européen (ALECA) ;

- une approche rénovée de la mobilité, des migrations et du partenariat entre les peuples (dialogue préparatoire à un partenariat pour la mobilité-PPM).

Depuis 2011, la Tunisie a bénéficié, tous programmes confondus, d'une aide européenne de 530 millions d'euros et de la mise en place d'une Task force conjointe.

Un statut de partenariat privilégié a été signé en novembre 2012 et la Tunisie souhaite bénéficier le plus rapidement possible du statut avancé.

(2) Maroc

Le Maroc est le premier bénéficiaire de l'aide financière de l'Union européenne avec 695 millions d'euros sur la période 2011-2013.

Le dialogue Union européenne-Maroc est nourri comme en témoigne la finalisation du plan d'action 2014-2020 qui doit permettre la mise en oeuvre du statut avancé accordé en 2008 305 ( * ) .

La mise en oeuvre du statut avancé

Le statut précise de nouvelles ambitions dans plusieurs domaines : renforcement du partenariat politique, intégration au marché intérieur par un rapprochement règlementaire , coopération approfondie dans les politiques sectorielles . Un des principaux objectifs est de consolider le processus de réformes et de modernisation économique et sociale.

Le 1 er mars 2013, M. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a annoncé le lancement des négociations d'un accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA).

Un partenariat pour la mobilité 306 ( * ) a été signé le 7 juin 2013.

Sur le plan commercial, des négociations sont en cours sur les services. Un accord sur les échanges agricoles a été approuvé par la Parlement européen en février 2012. Des négociations ont repris depuis novembre sur la pêche après le refus du Parlement européen de ratifier le protocole prolongeant l'accord en vigueur. Le Maroc se prépare à ouvrir en 2013 des négociations en vue d'un accord sur l'évaluation de la conformité et de l'acceptation des produits industriels (ACAA).

Le Maroc a bénéficié, en raison de son processus de réforme démocratique, de toutes les politiques de soutien aux transitions démocratiques et notamment d'une enveloppe complémentaire de 80 millions d'euros pour 2011-2012 au titre du programme SPRING.

Le Maroc, « partenaire pour la démocratie » du Conseil de l'Europe .

Un Plan d'action intitulé « Priorités 2012-2014 pour le Maroc dans le cadre de la coopération avec le voisinage » , adopté le 24 avril 2012, est en cours de mise en oeuvre couvrant trois piliers majeurs tels la démocratie, l'Etat de droit et les droits de l'Homme 307 ( * ) . S'agissant de la dimension parlementaire, le Parlement marocain est le premier parlement à bénéficier du statut de « partenaire pour la démocratie », auprès de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe 308 ( * ) . Créé au profit d'Etats non membres des régions voisines qui souhaitent bénéficier de l'expérience de l'Assemblée en matière de consolidation de la pratique démocratique, ce statut de «partenaire pour la démocratie» permet aux parlementaires marocains de siéger à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, sans droit au vote, en participant aux travaux des plénières et réunions des commissions de l'Assemblée pour débattre d'enjeux communs.

(3) Algérie

L'accord d'association entre l'Union européenne et l'Algérie est mis en oeuvre depuis 2005 309 ( * ) . Toutefois, l'Algérie a été longtemps un partenaire peu actif.

Le printemps arabe a conduit le pays à renforcer ses relations avec l'Union européenne.

En mai 2013, les négociations, en vue d'un plan d'action s'inscrivant dans le cadre de la politique de voisinage que l'Algérie refusait jusqu'à présent, ont été relancées.

Après deux ans de négociations, une solution au différend né d'une remise en cause unilatérale par l'Algérie du démantèlement tarifaire prévu par l'accord d'association a été trouvée.

L'Union européenne et l'Algérie ont signé un accord de coopération sur la science et la technologie en mars 2012.

Un mémorandum d'entente « stratégique » dans le domaine de l'énergie en négociation depuis 2008 a été signé entre l'UE et l'Algérie le 6 juillet 2013 310 ( * ) .

L'Algérie se montre également plus active au sein de l'UpM.

L'Union européenne est le principal bailleur de fonds de l'Algérie. Après un programme indicatif national 2007-2010 de 220 M d'euros, elle vient de conclure un programme de 172 M d'euros pour la période de 2011-2013 couvrant six axes principaux de coopération liés au développement durable, à la culture, à la gouvernance, à la croissance économique et l'emploi. Pour encourager les premières mesures de réformes, l'Union européenne a réservé une enveloppe de 20 M d'euros au titre du programme SRING pour 2011-2012.

(4) Libye

Depuis la chute du gouvernement Kadhafi, les conclusions des conseils des ministres du 14 novembre 2011 et du 23 juillet 2012 ont ouvert la voie au déploiement d'une mission à dominante civile pour fournir formation et conseil à la Libye dans le domaine de la sécurité, en particulier la gestion et la surveillance des frontières. Cette mission devait monter en puissance progressivement afin d'être opérationnelle à l'automne 2013.

Aucun plan d'action au titre de la politique de voisinage n'a été conclu avec la Libye. Cependant, un protocole d'accord a été négocié pour permettre de diriger des crédits de l'instrument européen de voisinage et de partenariat pour la période 2011-2013 (60 millions d'euros) vers le soutien au processus de transition, la formation, la santé, l'économie et les migrations . Sur le plan économique, l'Union européenne procède au dégel progressif des fonds faisant l'objet de sanctions (40 personnes liées au régime Kadhafi et 20 entités).

(5) Mauritanie

Paradoxalement, alors qu'elle a rejoint en 2007 les instances euro-méditerranéennes (processus de Barcelone, UpM) auxquelles elle était associée depuis l'origine, et qu'elle est considérée comme un pays « méditerranéen » dans les relations multilatérales de l'Union européenne, la Mauritanie ne bénéficie pas de la politique de voisinage.

Les relations entre l'UE et la Mauritanie reposent sur l'accord de Cotonou 311 ( * ) , sur le document de stratégie et le programme indicatif national pour la période 2008-2013.

Ce document et ce programme prévoient une aide au développement :


• 156 millions d'euros jusqu'en 2013 pour la gouvernance, les infrastructures et l'intégration régionale, au titre du Fonds européen de développement 312 ( * ) (développement local, stratégie nationale de migration, modernisation de l'administration publique et du système judiciaire, société civile, réparation et construction de routes, aide budgétaire ;


• 25 millions d'euros au titre de la stratégie de l'UE pour la sécurité et le développement au Sahel, afin d'encourager le développement économique et la stabilité en Mauritanie, au Niger et au Mali ;


• transports: améliorer notamment les liaisons entre les villes et l'arrière-pays, et plus largement à l'intérieur de la région de l'Afrique occidentale ;


• lutte contre la pauvreté (aide budgétaire directe, en préparation).

En outre, des fonds ont été mobilisés pour aider les populations touchées par la crise alimentaire et par l'afflux de réfugiés fuyant les troubles du Mali.

Un accord de pêche euro-mauritanien a été conclu en 2012.

La Mauritanie est un important partenaire de l'UE dans le domaine de la pêche. Le 26 juillet 2012, la Commission européenne et la Mauritanie ont signé un protocole à l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche d'une durée de deux ans, qui succède à un accord similaire contracté pour six ans. Sous réserve de la ratification du protocole par le Conseil européen et par le Parlement européen, l'UE allouera 70 millions d'euros par an pour maintenir son droit de pêche dans les eaux mauritaniennes et aider à une meilleure gestion de la pêche, tout en diminuant les incidences environnementales des pratiques de pêche.

d) Les limites de la Politique européenne de voisinage avec les pays du Maghreb
(1) Quelques incohérences

La mise en oeuvre de la politique de voisinage en direction des pays du sud et de l'est de la Méditerranée souffre de quelques incohérences.

La plus criante est le non-respect en exécution de la clef de répartition établie en 2006 entre le partenariat est (1/3) et le partenariat sud (2/3).

Dans la période 2007-2011, la part des crédits de l'IEVP engagés à destination des pays du voisinage sud a ainsi reculé, passant de 66,9% à 61,6%, soit une baisse supérieure à 10%.

Cette tendance structurelle s'est aggravée en 2010 et 2011 alors même que l'évolution politique constatée au sud paraissait justifier un effort accru de la politique de voisinage de l'Union européenne. En outre, les fonds accordés au titre de l'IEVP rapportés à la population des pays destinataires sont supérieurs de 50% par habitant à l'est (6 euros) qu'au sud (4 euros) et ce en dépit d'un différentiel de richesse défavorable à la zone Méditerranée. Sur le plan de la consommation des crédits, le taux d'absorption est structurellement supérieur au sud (91%) par rapport à l'est au cours de la période 2007-2010, ce qui confirme à la fois la capacité institutionnelle et administrative des pays du sud à mobiliser les instruments financiers de l'Union.

De même, le programme SPRING destiné à apporter une réponse spécifique et exceptionnelle est loin d'avoir entraîné le rééquilibrage qui semble nécessaire eu égard aux besoins exceptionnels de la Tunisie, de l'Égypte, du Maroc et de la Jordanie. En effet, on observe que des montants équivalents ont été accordés à la périphérie est : 350 M d'euros au titre du Partenariat oriental en 2009 et 150 M d'euros au titre de EaPIC en 2011, sans que la prégnance des enjeux paraisse analogue. 313 ( * ) .

(2) L'Europe doit impérativement tenir ses engagements et s'en donner les moyens

Nous avons observé que l'Union européenne attache une importance certaine au développement des pays du sud et de l'est de la Méditerranée. Les nombreuses communications conjointes de la Commission et de la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité en témoignent.

Les moyens d'actions sont multiples :

• la politique européenne de voisinage ,

• les garanties données à la BEI (à travers la FEMIP) et l'extension du mandat de la BERD, qui sont ou seront des bailleurs de fonds importants pour soutenir le développement des pays concernés.

Au moment où les pays méditerranéens opèrent , d'une part une transition politique vers la démocratie et , d'autre part, affrontent une situation économique et financière délicate , l'Union européenne , à travers, l'IEVP, a , sur la période 2007-2013, diminué proportionnellement ses efforts par rapport au Partenariat oriental.

La période 2014-2020 ne s'annonce guère plus favorable et le paradoxe risque de s'accentuer. Il faut y remédier par un changement significatif des clefs de répartition. Le budget mis à disposition de la PEV sur la période 2014-2020 sera de 15,4 milliards d'euros en euros courants. En euros constants, le montant est identique à la période actuelle 2007-2013.

La stabilisation du budget de la PEV laisse donc un doute quant à la réalisation des priorités affichées.

Le budget pour la PEV proposé par la Commission (18 milliards d'euros) n'a pas été épargné par les décisions du Conseil européen de février et par l'accord trouvé entre le Parlement européen et le Conseil. Cette enveloppe permettrait de maintenir le soutien à la facilité « Société Civile » et au Fonds européen pour la démocratie. Ce dernier bénéficie déjà d'un financement qui doit lui permettre de fonctionner jusqu'en 2014 ou 2015.

Les discussions toujours en cours sur le nouveau règlement financier de l'instrument de voisinage prévoient que les programmes SPRING (sud) et EaPIC (Est) seront pérennisés avec une enveloppe distincte et clairement identifiés.

Revoir les critères de répartition :

Le règlement actuel ne fixe pas de clef de répartition entre les régions Sud et Est.

Il est donc important que les autorités européennes admettent de revoir les critères de répartition pour que le montant des crédits en direction du sud progressent compte tenu des besoins, de l'urgence de la situation et de la priorité affichée par la politique européenne de voisinage. La France, l'Espagne et l'Italie soutiennent cette position au sein de l'Union européenne et proposent que des critères objectifs président à la répartition des enveloppes, tenant à la richesse par habitant et à la capacité d'absorption de l'aide. Nos partenaires européens doivent être conscients des risques courus par l'Europe en cas d'échec du processus de transition démocratique et de déstabilisation de ces Etats.

Pour la composante fixe de l'IVE , la France souhaite la prise en considération de critères d'attribution objectifs, proportionnels à la population du pays bénéficiaire mais aussi inversement proportionnels à la richesse (PIB) par habitant du pays. Les simulations réalisées en prenant en compte cette méthodologie aboutissent à une allocation théorique des 3/4 de l'enveloppe vers le sud. C'est l'objectif à atteindre.

Pour la composante « variable » de l'IVE, la France est favorable à ce que le principe de « différenciation incitative » se fonde sur des critères clairs. Il serait souhaitable que l'enveloppe variable ne soit pas fongible entre l'est et le sud et que la clé de répartition soit identique à celle de la composante fixe.

Un montant de 12 milliards d'euros pour le partenariat sud serait le signe d'un véritable engagement de l'Europe.

En revanche, sans progression des crédits il devient difficile de mettre en place les dispositifs d'incitation pourtant nécessaires, notamment au titre de la conditionnalité (voir supra p. 258).

e) L'Europe doit utiliser tous les leviers

Il est également souhaitable d'adapter l'offre de collaboration qu'elle propose à ses partenaires , notamment sur les plans de l'accès aux marchés, de la participation à des politiques communes et de l'amélioration de la mobilité, en fonction de l'état d'avancement et de l'ambition de leurs réformes. « Dans le même temps, les partenaires doivent montrer qu'ils sont déterminés à atteindre les objectifs fixés d'un commun accord avec l'UE. Les priorités et les programmes de réformes convenus avec l'Union européenne doivent faire partie intégrante des stratégies nationales de réforme et de développement » 314 ( * ) .

(1) Proposer la conclusion d'accord de libre-échange complets et approfondis (ALECA)

L'Union européenne doit repenser ses relations économiques et commerciales avec les pays du Maghreb, en utilisant le levier commercial pour soutenir et accompagner les réformes engagées préalablement. Elle s'est engagée, lors du sommet du G8 de Deauville les 26 et 27 mai 2011, à lancer des négociations en vue d'accords de libre-échange complets et approfondis avec le Maroc, la Tunisie, l'Égypte et la Jordanie.

Un arrimage rapide à l'Union européenne permettra de consolider, dans ces pays, la règle de droit et le cadre d'un développement économique durable. A terme, ces négociations peuvent constituer un instrument puissant de consolidation des institutions.

Le Maroc et la Tunisie semblent les mieux préparés au lancement des négociations et témoignent d'une vraie volonté politique de se rapprocher du marché communautaire.

La Commission considère que le Maroc a réalisé des progrès considérables en termes d'alignement réglementaire et dans les domaines qui seront couverts par l'ALECA. Le 1 er mars 2013, M. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne a annoncé le lancement des négociations d'un accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA). Il s'agit là d'avancées décisives dans la mise en oeuvre du statut avancé.

En ce qui concerne la Tunisie, le processus préparatoire a pris du retard mais il devrait pouvoir être finalisé au cours de l'année 2013.

(2) Ouverture progressive des marchés

Ces pays constituent un marché important pour l'UE qui doit veiller à y maintenir ses positions commerciales et son modèle normatif. Elle dispose de positions commerciales particulièrement fortes dans la zone qu'il convient de préserver (voir supra p. 43). Les marchés des PSEM représentent un total de 6% des échanges de l'UE. Le Maghreb est un marché de 90 millions de personnes dont le potentiel est peu exploité.

L'appui aux réformes économiques structurelles et à l'amélioration du climat des affaires peut être obtenu par une orientation plus marquée de l'IEV vers ces objectifs.

La création d'un espace commercial et réglementaire euro-méditerranéen, source d'opportunités accrues, peut passer par la conclusion des ALECA en négociations.

L'enjeu est de parvenir à la création d'un espace économique commun appelé à constituer, à terme, l'un des moteurs des processus de réformes démocratiques en cours.

Il s'agit de viser un rapprochement des cadres juridiques locaux des pays de la rive sud avec les règles communautaires. L'un des objectifs de ces négociations sera la reprise de l'acquis communautaire dans les domaines prioritaires pour la règle de droit et la transparence des régimes économiques.

Par ailleurs les négociations devraient comporter un volet substantiel sur la promotion et la protection réciproque des investissements.

Ces discussions devraient acter un volet ambitieux sur l'industrie avec une accélération des négociations des accords sur l'évaluation de la conformité et de l'acceptation des produits industriels (ACAA) ainsi que l'approfondissement de la coopération sectorielle aidant à la création de filières industrielles euro-méditerranéennes fondées sur l'innovation et le partage des technologies.

Sur le plan agricole, des marges de manoeuvre existent pour approfondir les échanges entre les deux rives. Il est ainsi possible de revoir le contour des sensibilités au niveau des contingents et des calendriers d'importation en fonction des produits et des pays. Un traitement spécifique devra être trouvé pour le Maroc, puissance agricole exportatrice, afin de prendre pleinement en compte la mise en oeuvre de l'accord commercial agricole actuellement en cours d'examen par le Parlement européen. L'Union européenne devrait rechercher en contrepartie un large accès au marché agricole, notamment dans les secteurs dont les pays méditerranéens sont importateurs.

Ces orientations constituent le socle des partenariats avancés que l'Union européenne conclut avec certains États comme la Tunisie et le Maroc ou pourrait conclure.

f) L'action de la Banque européenne d'investissement (BEI)

En parallèle et en soutien de la politique de voisinage, la Banque européenne d'investissement (BEI) a développé depuis 2002 la Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP). En 10 ans, 13 milliards d'euros de financements sont allés à 168 projets dans les 9 pays partenaires méditerranéens, aboutissant à la mobilisation de près de 35 milliards d'euros de capitaux supplémentaires auprès d'institutions financières internationales, d'agences bilatérales et du secteur privé. Elle a soutenu 2 300 PME, qui ont créé 30 000 emplois dans la région.

L'Union européenne apporte une garantie aux engagements de la BEI, ce qui lui permet de prêter à un meilleur taux. Pour la période 2007-2013, le montant de cette garantie s'est élevé à 9,4 milliards d'euros.

Le montant du plafond des opérations de la BEI garanties par le budget communautaire pour la prochaine période 2014-2020 a été établi à 8,4 milliards d'euros soit une baisse sensible par rapport au volume actuel (9,4 milliards). Il est indispensable de revoir ce montant. Une baisse de 1 milliard d'euros de prêt a pour conséquence une incapacité de financement d'un montant nettement supérieur d'investissements et compte tenu du fait que la BEI intervient généralement en partenariat avec d'autres bailleurs et que son intervention génère environs 3 fois le montant de son engagement.

En réalité, et comme souvent, la réalité efface les discours, l'engagement de la BERD se substitue pour partie à celui de la BEI et la priorité affichée se transforme en maintien du niveau des dons. Là où l'on a promis beaucoup mieux, il n'y aura qu'à peine plus.

La réduction du montant de la garantie des engagements de la BEI est également un mauvais signal donné à nos partenaires.

Ces distorsions portent atteinte au crédit de l'Union européenne dans les pays du Maghreb , et laissent le champ libre à des bailleurs moins exigeants sur le plan de la transformation démocratique et sociale de ces pays et moins sensibles à leur stabilité , ne visant que des objectifs commerciaux ou poursuivant un autre agenda politique que le nôtre.

La politique européenne ne conservera son crédit que si elle est en mesure de soutenir efficacement le développement des pays de la rive sud de la Méditerranée à travers les instruments de la politique de voisinage et la garantie apportée à la Banque européenne d'investissement. Les perspectives 2014-2019 sont décevantes (voir supra p. 266). Une réorientation s'impose.

2. Dans le contexte des révolutions arabes, un élargissement à de nouveaux partenaires a été organisé

Devant la crise économique et financière qui a frappé l'Europe, d'aucuns s'interrogent encore sur sa capacité à maintenir son niveau d'implication dans les pays sud et de l'est de la Méditerranée ou sur l'intérêt de mobiliser d'autres bailleurs. Prenant acte des changements intervenus dans certains pays arabes, notamment la chute de régimes autoritaires et l'engagement de processus électoraux démocratiques, la communauté internationale a, lors du sommet du G8 qui s'est réuni à Deauville les 26 et 27 mai 2011, estimé judicieux d'accompagner ces transitions politiques d'un volet économique. Celui-ci vise à aider ces pays « à mettre en oeuvre les réformes économiques et sociales nécessaires, notamment pour créer des emplois et consacrer l'état de droit, tout en assurant la stabilité économique pour favoriser la transition vers des démocraties stables.»

a) L'extension du périmètre d'intervention de la BERD

Le modèle économique choisi par les acteurs du Partenariat de Deauville a mis un accent particulier sur le soutien à apporter au secteur privé et en conséquence a appelé une extension régionale appropriée du mandat géographique de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), seule institution financière internationale exclusivement dédiée à la transition 315 ( * ) . L'Égypte, le Maroc, la Jordanie et la Tunisie sont concernées par cette initiative. Son extension à la Libye a été envisagée.

Calendrier de mise en oeuvre

En premier lieu, le Partenariat de Deauville a prévu « la création d'un fonds de transition dédié qui permettra à la Banque de lancer ses opérations dès que possible, au profit des pays bénéficiaires prévus » . Son budget, d'un montant de 60 millions d'euros, a été financé pour un tiers par des accords de coopération alimentés par un transfert du revenu net de la BERD, par des subventions de l'Union européenne et des contributions volontaires de pays membres 316 ( * ) .

Une seconde phase, transitoire, permet de financer les premiers projets d'investissements sur Fonds spéciaux . En mai 2012, lors de l'Assemblée annuelle de la BERD, le Conseil d'administration a alloué 1 milliard d'euros provenant du revenu net de la Banque pour la mise en oeuvre rapide d'opérations d'investissement 317 ( * ) et a accordé aux quatre pays le statut de pays bénéficiaire potentiel. D'ici à 2015, elle s'attend à investir jusqu'à 2,5 milliards d'euros dans la région.

La troisième et dernière phase verra le lancement d'activités complètes, une fois que les amendements nécessaires à l'Accord portant création de la Banque auront été adoptés.

Les priorités de la BERD dans la région SEMED

- Développement de lignes de crédit et d'une assistance aux PME, dont le développement a un impact majeur sur la croissance et la création d'emplois.

- Amélioration de la chaîne de valeur dans l'industrie agro-alimentaire.

- Renforcement des capacités de prise de risque et d'innovation en matière de produits dans le secteur bancaire et développement de marchés financiers locaux.

- Appui aux investissements favorisant l'énergie renouvelable et l'efficacité énergétique.

- Mise au point de solutions non souveraines dans l'infrastructure. (décentralisation des services municipaux, participation du secteur privé et d'autres méthodes, associées à une solide régulation afin d'offrir le meilleur rapport qualité-prix pour les utilisateurs).

b) Une mobilisation tous azimuts

Le Partenariat de Deauville a ainsi appelé à une mobilisation tous azimuts en faveur des pays du printemps arabe, qu'il s'agisse des États-Unis, du Japon, mais aussi des pays arabes (Golfe) et du monde musulman (Turquie, Malaisie...).

Certains, à juste titre, ont pu penser que ces financements extérieurs, au risque d'un surcroît d'influence politique, auraient des retombées bénéfiques pour l'Europe, la mieux à même de répondre aux besoins d'équipement et de consommation des économies soutenues.

La « triangulation »

Cette analyse a été développée sous le vocable de la triangulation qui permet d'associer les projets des PSEM, la technologie de l'Europe et les ressources financières du Golfe.

L'idée reprise par l'IPEMED 318 ( * ) part de l'idée que les pays du Golfe fournissent plus du cinquième des IDE entrants dans les PSEM et jouent un rôle croissant dans le financement des pays arabes en transition, que leurs investissements restent souvent des opérations de rente (immobilière, touristique) ou ponctuelles (privatisations) et qu'ils se détournent de la région euro-méditerranéenne en raison du pivotement vers l'Asie du marché des hydrocarbures. Il s'agirait donc d'insérer les pays du Golfe, y compris de « manière institutionnelle et notamment à travers une banque de développement, dans des partenariats plus durables et plus productifs, qui seraient profitables à tous, y compris à ces pays qui pourraient desserrer leurs liens avec l'économie de rente ».

Cette analyse est intéressante mais elle doit être nuancée en tenant compte de la concurrence entre bailleurs et entre équipementiers au bénéfice des pays aidés.

Les bailleurs s'associent régulièrement pour financer les projets les plus lourds et les choix technologiques procèdent d'une expertise souvent indépendante et déliée du financement qui repose sur la qualité technique et le prix. Les pays du Maghreb ne sont plus une « chasse gardée » et l'effet concurrence peut très bien conduire à l'attribution de marché à des entreprises non européennes. L'exemple de la première tranche de la centrale d'énergie solaire de Ouarzazate au Maroc réalisée à partir d'études techniques financées largement par l'Agence française de développement a été attribuée à une entreprise saoudienne 319 ( * ) .

Sans doute, les effets de l'implication de l'Union européenne sont-ils plus limités en matière d'assistance lorsqu'elle intervient en complémentarité d'un effort international ou bilatéral important sur la zone : plus de 17,5 Mds $ déboursés sur la zone par la communauté internationale (FMI, G8, IFIs, GCC) depuis 2011 dont plus d'un tiers provient du Conseil de coopération du Golfe (7,1 Mds $) contre 3 Mds $ en bilatéral du G8. La banque islamique de développement (BID) et la BAfD sont également très impliquées.

A l'inverse, en l'absence de soutien de l'UE, le risque serait grand d'assister à une déstabilisation économique de la région, à un recul des positions commerciales européennes et, surtout, à un changement de paradigme politique des nouveaux gouvernements, qui pourraient être tentés de suivre d'autres modèles de développement économique et politique.

L'action de l'UE devra donc continuer à s'inscrire dans un cadre multilatéral de rapprochement de bailleurs multi et bilatéraux pour en démultiplier les effets.

3. A la recherche d'un cadre multilatéral efficace

Au-delà de cet ensemble de relations s'adressant à chacun des pays de la rive sud, l'idée d'associer les pays riverains de la Méditerranée dans une organisation internationale s'est faite jour dans les années 90 après la chute du mur de Berlin et le processus d'adhésion ouvert aux pays des pays de l'Europe de l'Est.

Des instances multilatérales ont été mises en place mais ont du mal à fonctionner sur le plan politique (Processus de Barcelone, UPM).

a) L'enlisement du processus de Barcelone

En novembre 1995, réunis à Barcelone, les ministres des affaires étrangères des États-membres de l'Union européenne et leurs homologues des pays du sud 320 ( * ) et de l'est de la Méditerranée ont signé une déclaration sur le Partenariat euro-méditerranéen visant à instaurer un véritable partenariat Nord-Sud.

Cette nouvelle approche dépasse les relations économiques et commerciales pour englober pour la première fois les dimensions politique, sociale, culturelle ainsi qu'une véritable coopération régionale et multilatérale.

L'objectif est de faire de la Méditerranée une zone de paix, de stabilité et de prospérité partagée, ainsi que de développer les échanges culturels et humains entre les peuples.

Mais en dehors du forum (Euromed) que constitueront les réunions du « processus de Barcelone », l'application se fera État à État prenant la forme d'accords d'association et de plans d'action dans le cadre de la politique de voisinage (voir supra p. 256).

Dix ans après, le bilan est mitigé et certains analystes constatent l'échec du processus. Certains insistaient sur la mise en oeuvre technique et financière du partenariat euro-méditerranéen. D'autres mettaient en avant l'enlisement du processus de paix israélo-palestinien qui le sous-tendait. D'autres encore renvoyaient à des facteurs plus structurels, touchant à la nature du rapport de l'Europe à son sud.

La mise en oeuvre depuis les années 2004 d'une politique d'immigration plus stricte par les pays membres de l'Union européenne, pour des raisons économiques et de politique intérieure, et son articulation avec la politique de coopération proposée sous l'appellation de politique de voisinage, si elle a été acceptée bon gré mal gré par les pays du Maghreb, l'Algérie n'ayant pas souscrit au deuxième volet, a créé un certain malaise dans les opinions publiques qui se sont senties mises à part. Le voisin n'est pas tout à fait membre de la famille. Comme le note Jean-Robert Henry : le rapport du projet européen à son voisinage méridional prend désormais la forme d'un processus d'inclusion-exclusion du Sud par le Nord : la Méditerranée constitue pour l'Europe à la fois une région périphérique, qu'elle considère comme son prolongement naturel, et une frontière identitaire, humaine et culturelle . Or, les sociétés du Maghreb « n'ont jamais été aussi proches de l'Europe, par les liens issus de l'immigration, par les pratiques culturelles et par la puissance du mirage européen ». « Face à cette imbrication des sociétés, le partenariat euro-méditerranéen organisait la libre circulation des biens tout en restreignant celle des personnes, c'est-à-dire qu'il consacrait durablement le divorce entre espace économique et espace humain en Méditerranée, tout en comptant sur le dialogue culturel et la coopération des sociétés civiles pour en réduire les effets 321 ( * ) »

Carte n° 86 : 2008, Union pour la Méditerranée : 44 Etats membres

b) L'accouchement douloureux de l'UpM

L'idée d'installer sur les marches méridionales de l'Europe une communauté associée au projet européen sans le concurrencer ni avoir l'étendue de ses compétences.

Elle a inspiré le projet d'Union de la Méditerranée lancé en février 2007 par Nicolas Sarkozy et réaffirmé, après son élection, comme un axe de la diplomatie française.

Après une année de tergiversations, l'Union pour la Méditerranée (UpM) a vu le jour le 13 juillet 2008, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.

Elle constitue un forum de dialogue élargi qui rassemble des États riverains de Méditerranée et l'ensemble des États membres de l'Union européenne . Elle compte ainsi 44 membres 322 ( * ) . Elle associe la Ligue arabe au processus, ce qui constitue une avancée intéressante. La Libye n'est pas membre de l'organisation qui a assisté au sommet fondateur comme observateur a exprimé depuis le changement de régime le souhait de la rejoindre.

Aux termes de la déclaration commune, la nouvelle institution doit prendre son essor sur six projets mobilisateurs : la dépollution de la Méditerranée, les autoroutes maritimes et terrestres, la protection civile pour répondre aux catastrophes naturelles, une université euro-méditerranéenne, l'énergie solaire et une « initiative méditerranéenne de développement des affaires ». À l'inverse, des sujets moins consensuels comme l'immigration, la nature des régimes politiques des États membres ou le conflit israélo-palestinien ont été écartés. L'omission de toute référence à la démocratie et aux droits de l'homme dans la déclaration a été critiquée comme une régression par rapport aux objectifs du Processus de Barcelone.

Son organisation prévoit la coprésidence d'un dirigeant de la rive nord , désigné selon les mécanismes de représentation en vigueur au sein de l'UE, et d'un dirigeant de la rive sud, désigné par consensus dans les États concernés. Le président égyptien et le président français en furent les deux premiers coprésidents. Elle est actuellement assurée par l'Union européenne et la Jordanie depuis la mi-2012. Ce retour à la logique communautaire a permis de lever un facteur du blocage institutionnel initial et d'accroître la marge d'action de la politique extérieure européenne.

En contrepartie de la présence du siège à Barcelone dans un pays du Nord, le secrétariat général revient à un pays du Sud (actuellement M. Fatallah Sijilmassi, diplomate marocain que votre groupe de travail a entendu).

En réunissant au sein de la même enceinte, Israël et les pays arabes, elle marque une volonté de dialogue, mais les négociations israélo-palestiniennes sont hors de son champ de compétence. L'offensive israélienne à Gaza (décembre 2008-janvier 2009) aura pour conséquence l'impossibilité de réunir un nouveau sommet de l'UpM qui voit son fonctionnement politique amoindri 323 ( * ) .

Elle comprend une dimension parlementaire grâce à l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée, forum au sein duquel les parlements de la région se réunissent en vue d'atteindre leurs objectifs communs. Cette enceinte reste un espace de dialogue et d'échanges d'autant plus utile en cette période.

Le « printemps arabe » n'a pas changé les données du problème. Il a mis en évidence les défaillances du système euro-méditerranéen qui n'a pas fonctionné comme espace de dialogue dans les crises libyenne et syrienne, qui n'a pas concrétisé rapidement les promesses d'aide économique et financière et s'est vu supplanté par des formes de partenariat plus large (Partenariat de Deauville). Le repli de l'Europe en crise sur elle-même et sa volonté politique insuffisante ne favorisent pas actuellement une initiative ambitieuse de relance du partenariat méditerranéen depuis Bruxelles bien que le Parlement européen milite cependant de façon forte pour une relance du l'organisation au niveau politique 324 ( * ) .

c) L'UpM : un opérateur de projets communs

Sous la direction de son secrétaire général, M. Fatallah Sijilmassi, et malgré son blocage politique, l'UpM est devenue un opérateur de projets en rassemblant un grand nombre de propositions sur les six grands secteurs stratégiques. Certains estimeraient nécessaire d'élargir le champ des coopérations au domaine de la culture, de l'agriculture ou encore des migrations.

Cette relance de l'UPM constitue une opportunité à saisir si son fonctionnement reste souple et si elle est en capacité de réunir les fonds nécessaires pour financer les projets. Aujourd'hui l'UpM ne dispose pas de fonds propres et sollicite divers bailleurs de fonds (UE, Etats, OCDE, BEI, Banque mondiale FMI, G8) et il faut agréger leurs capacités autour de projets. L'UpM se présente comme une plateforme de travail au sein de laquelle chaque institution peut travailler.

Son budget de fonctionnement en fait une institution de taille modeste : 6,1 millions d'euros dont 50% provenant des contributions des Etats-membres en 2011.

Les habitudes de travail commun sur des projets concrets permettront cependant de tempérer et de dépasser les rivalités étatiques. L'UpM constitue, en tout cas, pour le moment, en dehors des initiatives nationales, la seule agence opérationnelle commune , les autres forums internationaux (Dialogue 5+5, Partenariat de Deauville) sont dépourvus de bras opérationnels pour coordonner les projets de développement.

Les projets en cours

Onze projets ont d'ores et déjà été labellisés par l'UpM : création d'une usine de dessalement d'eau de mer à Gaza, achèvement de l'axe autoroutier transmaghrébin, plan solaire méditerranéen, développement de l'entreprenariat féminin, plateforme logistique LOGISMEDTA, programmes de développement des échanges au niveau master et doctorat, stratégie de développement urbain durable, centre de développement des entreprises, extension du réseau ferroviaire jordanien et amélioration de la formation en matière de sécurité alimentaire et développement rural.

Trois premiers projets devraient voir le jour dans le courant de l'année 2013 . Le premier est intitulé « jeunes femmes créatrices d'emploi » , un autre vise à améliorer la gestion et l'utilisation des ressources en eau, et le dernier est destiné à améliorer la logistique dans la circulation des marchandises (LOGISMEDTA). Deux chantiers « phares » doivent également démarrer cette année, le plan solaire méditerranéen et le plan d'initiative régionale pour l'emploi qui a pour objectif de faciliter l'entrée sur le marché du travail des jeunes diplômés, particulièrement touchés par le chômage dans les pays arabes. 14 projets relatifs au développement économique et social durable, et à l'enseignement supérieur et aux transports ont été approuvés par les 42 membres mais n'ont pas encore été lancés.

4. Le dialogue 5+5 : une initiative à développer

Le Dialogue 5+5 est le plus ancien cadre de rencontre entre pays du bassin méditerranéen. Il regroupe les pays de la Méditerranée occidentale.

5 Etats du Nord : Espagne, France, Italie, Malte, Portugal

5 Etats du Sud : Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie

Il a été instauré en 1990 à l'issue d'une réunion des ministres des Affaires étrangères tenue à Rome 325 ( * ) avec l'objectif d'engager un processus de coopération régionale en Méditerranée.

Interrompu par la crise politique à la suite de l'implication libyenne dans le crash d'un Boeing américain à Lockerbie, le Dialogue a été relancé en 2001.

Carte n° 87 : Etats membres du dialogue « 5+5 »

a) Un espace de dialogue

Recentré sur un espace plus réduit (la Méditerranée occidentale), le dialogue 5+5 favorise le dialogue entre des pays partageant des intérêts communs.

Il concerne aussi des pays du Sud non associés à l'UE. Il permet alors de contourner les impasses et les contradictions du Processus de Barcelone sans le concurrencer.

• 2003 : sommet des chefs d'Etat à Tunis

• 2003-2013 : neuf réunions des ministres des affaires étrangères

• octobre 2012 : sommet de chefs d'Etat à La Valette

• mars 2013 : réunion des ministres des affaires étrangères à Nouakchott.

Des réunions sectorielles se tiennent régulièrement, notamment entre ministres de l'Intérieur portant sur des actions concrètes en matière de lutte contre le terrorisme, contre le crime organisé et contre l'immigration illégale, comme en matière de coopération dans les domaines de la protection civile et des collectivités locales -la dernière s'est tenue à Alger en avril 2013- mais aussi dans les domaine de la défense 326 ( * ) (renforcement de la coopération militaire à travers les opérations de maintien de la paix, la gestion des crises, les opérations de sauvetage et la sécurité maritime) - la dernière s'est déroulée à Rabat en décembre 2012-, du transport, de l'éducation, de l'environnement, du tourisme et de la sécurité alimentaire.

Outre les réunions de ministres, le 5+5 comprend des réunions de parlementaires, de la société civile et des hommes d'affaires. L'Assemblée parlementaire de la Méditerranée assume la dimension parlementaire du Dialogue 5+5 et assure ainsi la coordination et la promotion des activités de ce forum parlementaire sous-régional clé. Elle est représentée lors des conférences ministérielles et des sommets des chefs d'Etat et de gouvernement du dialogue 5+5, ainsi qu'aux réunions spécifiques à cette initiative.

b) Le Dialogue 5+5 doit être conforté

• Le Dialogue 5+5 est un forum, ses déclarations finales ne constituent que des engagements de projet qu'il appartient à chaque Etat de mettre en oeuvre. Il ne dispose pas d'un « secrétariat » qui en assure le suivi, ni d'une administration susceptible de mettre en oeuvre des projets communs. Dès lors, les projets débattus au sein du Dialogue, s'ils aboutissent à un accord, doivent être portés par une organisation extérieure. Le secrétariat de l'UpM peut en tenir lieu à condition que sa participation aux réunions du Dialogue soit systématisée.

• Le Dialogue 5+5 concerne 5 pays membres de l'Union européenne, tandis que certaines des questions débattues (immigration, sécurité aux frontières, trafics illégaux, architecture de transports...) relèvent des compétences de l'Union et se décident à 28.

• Le Dialogue 5+5 a l'intérêt de permettre aux ministres des pays du Maghreb d'aborder ensemble des questions communes et de prolonger ce dialogue direct , pour ce qui les concerne, par des réunions entre eux. Ainsi s'amorcent des relations permanentes de travail en commun qui permettraient de tempérer leurs rivalités et les positionneraient en partenaires plus qu'en concurrents dans les relations avec les pays de la rive nord.

• Le Dialogue 5+5 pourrait être un catalyseur de l'UMA . Une association régulière du secrétariat de cette organisation aux réunions du Dialogue 5+5 doit être envisagée si les partenaires de la rive sud en sont d'accord.

• Sur la base de ces orientations, le Dialogue 5+5 est en mesure de constituer le pivot politique de la coopération dans la Méditerranée occidentale. Il peut devenir une organisation active et efficace, réalisant et préfigurant à une échelle rapprochée et sans doute mieux intégrée, les ambitions du partenariat euro-méditerranéen.

Dans cette phase de transition délicate dans les pays du Maghreb, il est un outil à privilégier incontestablement. Il doit progressivement devenir le pivot politique de la coopération en Méditerranée occidentale.

c) Articuler les différents cercles de coopération à partir du dialogue 5+5

Des analyses précédentes, nous retiendrons que le Dialogue 5+5 fournit un cadre de travail qui fonctionne déjà entre les pays de la Méditerranée occidentale et qu'il convient de conforter. A cette fin, il convient de l'articuler avec les autres cercles d'intervention et sans en alourdir les structures.

Nous retiendrons également que le partenariat avec le Maghreb ne peut que s'enrichir d'une implication plus grande de l'ensemble des Etats-membres et de l'Union européenne. Il est à cet égard positif que l'Union assure en tant que telle la coprésidence « nord » de l'UpM et soit systématiquement associée aux réunions du Dialogue 5+5.

Nous retiendrons qu'il est éminemment important d'amener les pays du Maghreb à travailler ensemble à la définition et à la réalisation de projets communs. Le Maghreb est la région du monde où la coopération régionale est la plus faible, ceci est d'autant plus paradoxal qu'elle est homogène en termes géographique, démographique et culturel. La réalisation de projets qui exigent un travail en commun peut dissiper la défiance dans laquelle ils s'enferment.

Nous constaterons que le secrétariat général de l'UpM peut être l'outil d'animation et de conduite de ces projets à géométrie variable.

Les deux instances ne doivent pas être perçues comme concurrentes mais comme complémentaires.

Certaines décisions opérationnelles du Dialogue 5+5 peuvent être confiées pour mise en oeuvre au secrétariat général de l'UpM comme projets communs.

Substituer le 5+5 à l'UpM n'est pas d'actualité. L'UpM est aujourd'hui la seule agence opérationnelle commune et cela véhiculerait un message négatif vis-à-vis des pays exclus ou vis-à-vis de Bruxelles.

Il apparaît seulement souhaitable pour conforter cette pertinente institution et de l'amener à prendre une part croissante dans les processus de dialogue entre les pays du Maghreb et les pays de la rive nord. Le pilotage de projets communs contribuera à faire progresser le processus d'union des pays du Maghreb, si ces pays en sont d'accord.

II. DES PHÉNOMÈNES MIGRATOIRES À MAÎTRISER : RÉCIPROCITÉ ET MOBILITÉ

Depuis la fin des années 1980, l'Europe tend à fermer ses frontières aux immigrants clandestins : renforcement des contrôles aux frontières de l'espace Schengen, fermeture militarisée des enclaves espagnoles, patrouilles maritimes, création de l'agence Frontex en 2004, politique d'externalisation de l'asile (les pays méditerranéens devant jouer le rôle de pays de rétention pour les migrants), systèmes de radars d'alerte rapide à Gibraltar et aux Canaries, etc.

Les questions d'immigration revêtent un caractère sensible pour l'opinion publique européenne. Frappée par la crise économique et avec l'augmentation du chômage 327 ( * ) , l'Europe devient moins attractive mais la situation de pauvreté qui règne dans certains pays d'Afrique subsaharienne ou dans les zones touchées par des conflits continuent de susciter des candidats à l'immigration, au péril de leur vie, comme la récente tragédie de Lampedusa le 3 octobre 2013 le rappelle.

Si les pays du Maghreb restent des pays d'émigration illégale de certains de leurs ressortissants, ils sont, en outre, devenus des pays de transit. Des politiques de lutte contre les migrations illégales ont été mises en place avec l'Union européenne. Ces pays sont devenus les gardes-frontières de l'Europe et il faut leur reconnaître cette contribution.

L'approche globale en matière de migrations adoptée par l'Union européenne, fondée sur un véritable partenariat avec les pays d'origine et de transit, couvre l'ensemble des questions dont la lutte contre l'immigration illégale. Elle s'inspire des récents accords proposés par la France sur la gestion concertée des migrations et le développement solidaire et devrait déboucher à terme sur de véritables partenariats pour les migrations et la mobilité.

A. LA MISE EN oeUVRE DU CONTRÔLE PAR LES PAYS DU MAGHREB

Dans les accords conclus dans ce cadre et en bilatéral, les États tiers s'engagent à faciliter la réadmission des immigrés clandestins. Les statistiques françaises relatives aux mesures d'éloignements prononcées et exécutées, et à la délivrance dans les temps de laissez-passer consulaires constituent des indicateurs intéressants pour mesurer la capacité d'entraide entre les États.

Tableau n° 88 : Mesures d'éloignement et demandes de laissez-passer consulaires

Algérie

Maroc

Tunisie

Libye

Mesures d'éloignements prononcées

7429

6647

9901

480

Mesures d'éloignement exécutées

1989

2320

4506

53

Demandes de laissez-passer consulaires

774

765

2 137

67

Taux de délivrance dans le délai des laissez-passer consulaires

37,9%

29,7%

29,3%

1,5%

Source : Données 2012 (sources : SGII-DSED, DCPAF)

L'Algérie exerce un contrôle très strict de ses frontières et ne délivre que des visas de court séjour (tout en développant par tradition une politique d'asile politique assez généreuse). Depuis 2008, on observe une baisse tendancielle de mesures d'éloignements prononcées (11 007 en 2008 - 7 429 en 2012) et exécutées (3 078 en 2008, 1 989 en 2012) et une dégradation du taux de délivrance dans le délai des laissez-passer consulaires (48,4% en 2008 - 37,9% en 2012) alors que des demandes ont beaucoup baissé (2 151 en 2008, 774 en 2012). Toutefois la situation sociale dans le pays rend un nombre important de jeunes Algériens candidats à l'immigration.

Le Maroc a le souhait d'être exemplaire dans le contrôle des migrations clandestines. Il joue un rôle important dans le processus de Rabat en cohérence avec sa stratégie de coopération avec les pays d'Afrique de l'Ouest. Le Maroc accueille un grand nombre d'étudiants en provenance de ces pays. Son économie informelle emploie un nombre important de migrants d'Afrique subsaharienne. Il se sent cependant très responsable de l'étanchéité du passage vers l'Espagne, pays avec lequel il est lié par des accords permettant l'embauche de travailleurs saisonniers marocains dans les exploitations agricoles. En revanche, il semble moins vigilant, dans des sorties par voie aérienne vers la Turquie, qui constitue une étape dans les parcours de migration vers l'Europe. On observe une baisse tendancielle des mesures d'éloignement prononcées (9 511 en 2008 - 6 647 en 2012) et exécutées (2 743 en 2008 - 2 320 en 2012) comme des demandes de laissez-passer consulaires (1 801 en 2008 - 765 en 2012) et du taux de délivrance dans le délai (42% en 2008 - 29,7% en 2012).

Pour la Tunisie, les mesures d'éloignement s'étaient stabilisées autour de 6 000 (prononcées) et 1 600 (exécutées). La révolution et la guerre en Libye ont conduit à une recrudescence très significative de l'immigration clandestine vers le sud de l'Italie, qu'il s'agisse de Tunisiens qui se sont ensuite efforcés de rejoindre la France pour la plupart ou de salariés originaires d'Afrique subsaharienne employés en Libye 328 ( * ) , suscitant une crise entre la France et l'Italie. Ceci a eu pour conséquence un pic des mesures d'éloignements prononcées (15 034) et exécutées (5 246). Un retour progressif vers une situation normale est observé en 2012. Le nouveau gouvernement tunisien a développé un discours original malgré la crise sur la nécessité pour les jeunes Tunisiens de participer au développement de leur pays, et sur le retour nécessaire d'une partie des forces vives de la diaspora. La Tunisie applique l'accord de 2008 et serait favorable à une meilleure circulation de ses migrants, venant acquérir en France diplômes, qualifications et expériences professionnelles, pour les mettre au service du développement du pays.

Avec la Libye , la qualité des relations diplomatiques ne permettaient pas la délivrance de laissez-passer consulaires, cette situation évolue favorablement même si le taux de délivrance est très faible. Compte tenu de sa situation politique et sécuritaire, la Libye ne constitue plus le garde-fou qu'elle a été grâce aux accords de fermeture passés avec l'Italie qu'elle n'est plus en mesure d'exécuter . En début d'année 2012 , les flux s'étaient inversés avec la réouverture des sites d'exploitation des hydrocarbures. Le risque demeure avec la dégradation de la situation sécuritaire.

B. LES FLUX D'IMMIGRATION CLANDESTINE

Carte n° 89 : Routes méditerranéennes de l'immigration clandestine

Source : Frontex 12 février 2013

Les flux migratoires clandestins vers l'Europe, en provenance de toute l'Afrique subsaharienne 329 ( * ) , tendent à se renforcer. Les pays du Maghreb restent des portes d'entrée de cette migration clandestine :

• par la voie occidentale 330 ( * ) du Maroc vers l'Espagne (jadis par Gibraltar, hier par les enclaves espagnoles, aujourd'hui par les Canaries ou, via certains modes de transports à plus long rayon d'action, vers le Portugal ou la côte espagnole, jusque vers Valence ou les Baléares),

• par la voie centrale 331 ( * ) de la Tunisie ou de la Libye vers le sud de l'Italie (Sicile, Lampedusa) ou Malte .

Le nombre de franchissements illégaux des frontières détectés en Méditerranée centrale atteint en 2012 plus de 10 300. Le risque de franchissement en Méditerranée centrale reste élevé en raison de la situation volatile dans les pays de départ en Afrique du Nord et notamment en Libye. Les situations de crise aux frontières sud avec des milliers de personnes essayant de franchir illégalement les frontières en l'espace de quelques semaines ou de quelques mois montrent qu'elles sont les conséquences négatives des conditions de vie et qu'elles sont difficiles à prévoir et à réduire sans une réponse coordonnée (situation vécue en 2011 lors des révolutions arabes en Tunisie et en Libye).

La porosité de la frontière maritime libyenne, le désordre qui règne dans ce pays et qui permet le développement de tous types de trafic y compris celui des êtres humains par l'immigration illégale, est devenue, par sa dimension humanitaire- la tragédie de Lampedusa constituant un sinistre rappel, une préoccupation majeure pour les pays riverains mais aussi pour l'Union européenne dont ils constituent les frontières.

Ces deux secteurs ne représentent néanmoins qu'un peu plus de 20% des franchissements illégaux détectés aux frontières qui atteignent 73 000 en 2012.

La voie orientale est devenue la plus active via la Turquie , qui, pour développer son influence, n'a pas instauré de visas au départ des pays du Maghreb et qui devient une étape dans le cheminement des migrants.

Les chiffres divergent selon les sources, s'agissant des franchissements maritimes de clandestins de 58 000 selon le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) 332 ( * ) à 100 000 (Rapport du Parlement européen) 333 ( * ) dont 1 500 seraient morts noyés.

Par ailleurs, dans le cadre de la lutte contre l'immigration irrégulière, les autorités françaises sont amenées à coopérer très régulièrement avec les centres responsables espagnol, italien et maltais.

C. ACCOMPAGNER LES MOBILITÉS

1. L'évolution de l'approche européenne : vers une gestion concertée

L'approche globale de l'Union européenne en matière de migration

Adoptée en 2005, elle est fondée sur un partenariat avec les pays tiers et couvre l'ensemble des questions ayant trait aux migrations d'une manière exhaustive et équilibrée (migration légale, lutte contre l'immigration illégale, lien entre migration et développement et dimension extérieure de l'asile).

Dès sa création, cette approche a reçu le soutien de la France, pour qui elle constitue le pendant européen de sa propre politique bilatérale (accords de gestion concertée des flux migratoires). Le Pacte européen sur l'immigration et l'asile adopté par le Conseil européen le 16 octobre 2008 souligne l'importance de créer un partenariat global avec les pays d'origine et de transit favorisant les synergies entre les migrations et le développement.

Pour sa mise en oeuvre, l'Union européenne s'appuie sur des processus régionaux (processus dit de Rabat avec l'Afrique de l'ouest) et les partenariats pour la mobilité. En 2006, à l'occasion de la Conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement de Rabat, un processus de dialogue opérationnel entre les Etats de l'Union européenne dans leur ensemble et les pays d'Afrique de l'ouest a été engagé. Le Maroc, la Tunisie et la Libye participent à ce processus régional, l'Algérie n'est pas signataire des déclarations finales et a assisté en tant qu'observateur. Après cinq ans de mise en oeuvre de coopérations pratiques, la Conférence de Dakar (novembre 2011) a constaté une communauté d'analyses et de vues, notamment sur la question de la migration illégale.

Dans le contexte des mouvements de personnes induits par le « Printemps arabe », le Conseil et la Commission ont décidé de lancer des dialogues sur la migration, la mobilité et la sécurité avec les pays de la rive sud de la Méditerranée. Ces dialogues doivent aboutir à la conclusion de partenariats pour la mobilité pour assurer la mise en oeuvre concrète et concertée des 4 volets de l'approche globale . Le 7 juin 2013, un partenariat pour la mobilité a été signé avec le Maroc 334 ( * )

. Un deuxième est envisagé avec la Tunisie.

2. L'assouplissement de l'approche française

Des conditions particulières d'entrée et de séjour, en général plus souples que le droit commun, ont été décidées avec ces pays aux moyens d'accords bilatéraux au bénéfice de leurs ressortissants.

Entre la France et l'Algérie, la circulation des personnes reste une question sensible , régie par un statut spécifique prévu par l'accord du 27 décembre 1968 et ses trois avenants. La circulation, le séjour et le travail des Algériens en France qui relèvent d'un régime spécifique sont facilités par l'absence d'exigence de visa de long séjour pour la délivrance de titres de séjour aux conjoints et parents de Français. Les Algériens bénéficient de la liberté d'établissement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante. Les ressortissants algériens peuvent accéder plus rapidement que les ressortissants d'autres États à la délivrance d'un titre de séjour valable 10 ans. En revanche, certains titres de séjour prévus dans le cadre du droit commun en matière d'immigration professionnelle n'ont pas d'équivalent dans l'accord franco-algérien.

Le nombre de visas délivrés a atteint environ 200 000 en 2012 (contre 57 000 en 1997) avec un taux d'acceptation d'environ 70% . Les conditions d'instruction et de délivrance des visas se sont améliorées.

Les deux parties ont décidé de maintenir l'accord spécifique de 1968 tout en en améliorant la mise en oeuvre notamment pour favoriser encore davantage la mobilité de tous ceux (étudiants, artistes, entrepreneurs, chercheurs) qui animent la relation franco-algérienne.

La France et la Tunisie ont signé le 28 avril 2008 un accord sur la gestion concertée des migrations et le développement solidaire. Il s'agit de la première convention signée en la matière avec un pays du nord de l'Afrique. Le contenu de cet accord poursuit quatre grands objectifs : faciliter la circulation des personnes entre la France et la Tunisie, faciliter l'accès au marché français du travail pour les Tunisiens possédant des compétences de haut niveau ou recherchées par la France, appuyer les actions de développement solidaire entre les deux pays et enfin, lutter contre l'émigration irrégulière par la collaboration entre les préfectures françaises et les consulats tunisiens en France au cours des procédures de réadmission des personnes en situation irrégulière.

L'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 régit de manière exclusive la situation des Marocains souhaitant bénéficier d'une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié ». La délivrance des autres types de titre de séjour relève des dispositions de droit commun.

La politique de la France est en cours d'assouplissement avec l'abrogation de la circulaire Guéant et des mesures annoncées pour faciliter la mobilité de tous ceux (étudiants, artistes, entrepreneurs, chercheurs) qui animent les relations bilatérales. Le rapport de mission 335 ( * ) remis en juin 2013 par le député Matthias Fekl préconise de généraliser la délivrance de titres de séjour pluriannuels, ce qui suppose une modification du code de l'entrée, du séjour des étrangers et de l'asile par voie législative. Un projet de loi est en préparation.

3. Adapter la politique aux évolutions démographiques

À plus long terme, face à la démographie vieillissante du Nord, la main d'oeuvre du Sud apparaîtra peut-être comme une chance dont il faudra tirer des bénéfices mutuels 336 ( * ) .

Des solutions existent, qui vont de la colocalisation de la production des entreprises sur l'ensemble de la région, au nord comme au sud, à la mobilisation des compétences des migrants pour le développement de leurs pays d'origine. La colocalisation exige la mobilité des chefs d'entreprise, des cadres, des professeurs, avocats et experts , des étudiants, des chercheurs, des salariés et donc un assouplissement des règles d'entrée et de séjour.

En conséquence, le partenariat pour la mobilité devra s'appuyer sur :

• la collaboration pour lutter contre l'immigration clandestine : accords de réadmission, contrôle partagé de police aux frontières... ;

• l'assouplissement des formalités pour faciliter la délivrance des titres de séjour pour les mobilités, professionnelles et estudiantines ;

• le développement des partenariats Afrique subsaharienne-Maghreb-Europe pour limiter l'immigration de transit par les pays du Maghreb.

III. SOUTENIR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE LOCAL ET LE PROGRÈS SOCIAL

Comme nous avons essayé de le montrer, la stabilité politique des États du Maghreb et la réussite de leur transformation démocratique dépendent de leur capacité à rendre leur croissance économique plus « inclusive », c'est-à-dire créatrice d'emplois stables, et soucieuse de l'équilibre territorial et de la cohésion sociale. C'est là que se jouera la troisième phase de la transition démocratique.

C'est pourquoi la France, avec l'Union européenne et l'ensemble des institutions internationales compétentes, doivent s'engager dans l'accompagnement des gouvernements pour :

- promouvoir une croissance riche en emplois (appui au secteur privé et modernisation du secteur financier ; appui à la diversification des filières et à l'innovation ; souveraineté alimentaire et énergétique) ;

- favoriser la cohésion sociale, territoriale et familiale (développement des infrastructures de transport, appui aux activités rurales génératrices de revenus, développement durable des villes, et adaptation du dispositif d'enseignement et de formation professionnelle aux besoins du marché du travail) ;

- améliorer la qualité de vie des populations (notamment par l'adaptation à la raréfaction des ressources naturelles -stress hydrique, sécheresse), et l'amélioration des conditions de vie en ville (mobilité, habitat).

Cela suppose de traduire concrètement les priorités affichées dans les discours et les communications en se donnant les capacités d'accompagner pleinement ce développement et se placer avec les pays qui le souhaitent dans une logique d'intégration des marchés et des sociétés.

Cela conduit également à perfectionner et à diversifier les outils d'intervention pour les rendre plus efficaces en matières sociale, environnementale et territoriale.

A. SOUTENIR PLEINEMENT LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DU MAGHREB

Si l'amélioration de l'efficacité des outils d'intervention doit être une préoccupation constante, il reste que le niveau d'intervention est largement fonction du montant des crédits susceptibles d'être mobilisés. L'Europe et la France connaissent actuellement une crise économique et financière qui oblige une mobilisation des efforts au profit de certains États-membres, et limite les interventions extérieures. Cela doit conduire les autorités européennes et nationales à effectuer des arbitrages au sein de ces interventions. Compte tenu de l'intérêt majeur pour l'Europe de disposer dans son environnement immédiat de pays stables et des conditions nécessaires pour permettre aux pays du Maghreb de retrouver ou de maintenir cette stabilité tout en assurant une transition démocratique qui la garantisse à long terme, leur priorité dans les programmes d'assistance devrait être mieux assurée.

1. Mettre en place une stratégie commune de colocalisation

Les pays du Maghreb ont un secteur industriel sous-dimensionné , ne transformant qu'une partie de leurs matières premières et ne fabriquant que très peu des produits de consommation, ce qui explique la structure traditionnellement déséquilibrée de leur commerce extérieur.

La dimension économique de la construction régionale passe par le renforcement compétitif de la région par le déploiement des chaînes de valeur et de production à l'échelle de la grande région comprenant l'Europe et les riverains du Sud et de l'Est de la Méditerranée. Cette stratégie vise à faire de la région un tremplin vers le marché mondial. L'Allemagne l'a fait dans les années 2000 avec ses voisins d'Europe centrale et orientale. Ce déploiement devra dépasser les formules de sous-traitance pour envisager la création d'entreprises communes avec investissements croisés de cotraitance, les coproductions, mobilisant les ressources humaines par des migrations circulaires du Sud au Nord comme du Nord au Sud...

Coproductions, colocalisations

Ce concept signifie tout simplement que les investissements effectués par les entreprises françaises (ou européennes) sont bons pour les deux partenaires : pour le pays d'accueil, parce qu'on y crée de l'activité, qu'on y transfère un savoir-faire et qu'on contribue à y former de la main d'oeuvre ; pour le pays d'envoi parce que de tels investissements peuvent avoir des retombées positives pour son économie en termes d'emploi, de recherche et de balance des paiements.

Lors de son déplacement en Algérie en décembre 2012, le chef de l'État a plaidé pour un partenariat qui permette de créer ou de préserver les emplois en France tout en créant aussi des emplois en Algérie. Il a incité les entreprises françaises à intensifier leur présence en Algérie et leur appui à l'économie algérienne, en alliant "compétitivité, qualité et performance".

Les exemples à Casablanca d'EADS et de Safran illustrent ce partenariat gagnant-gagnant : la France contribue à faire du Maroc un pôle d'excellence dans l'aéronautique et en même temps ces investissements permettent de renforcer la compétitivité des maisons mères. S'agissant de la filière automobile, l'exemple des investissements de Renault à Tanger 337 ( * ) et demain à Oran 338 ( * ) sont également des exemples intéressants.

Dans les services, les pistes sont nombreuses à commencer par les services informatiques et les nouvelles technologies de la communication 339 ( * ) . D'ores et déjà l'Union européenne soutient la création d'un environnement favorable au développement de ces services par des travaux conjoints centrés sur l'établissement de marchés des télécommunications ouverts, régulés et équitablement.

Au-delà des politiques structurelles qui visent à favoriser des activités sur la base d'investissements internationaux qui concernent en règle générale des entreprises de taille importante. Il importe également de veiller au développement des petites et moyennes entreprises . Dans cette perspective, l'Union européenne a développé une politique de coopération qui met l'accent sur l'amélioration du climat des affaires et sur l'octroi d'un meilleur soutien financier aux PME . La mise en oeuvre du «Small Business Act», un cadre européen pour une politique d'entreprise favorable aux PME, reste un objectif essentiel. Le niveau d'avancement varie fortement entre les partenaires 340 ( * ) .

La mise en oeuvre d'une stratégie de colocalisations d'activités en intégrant les PME et en favorisant les partenariats entre les entreprises européennes et celles du Maghreb est riche de perspectives de développement au bénéficie des deux rives.

Ces initiatives doivent être confortées par la mise en oeuvre de formations à destination des créateurs d'entreprises et notamment en ciblant prioritairement les jeunes et les femmes.

2. Affirmer le principe du développement durable

L es défis environnementaux communs à toute la Méditerranée doivent être relevés ensemble : désertification, réchauffement climatique, sécurité alimentaire, surconsommation de ressources naturelles non renouvelables (eau, hydrocarbures, foncier), préservation de l'environnement maritime. Ils sont un terrain privilégié pour construire des équipements publics à l'échelle de la région.

Le secteur de l'environnement et des ressources naturelles est devenu en 2009 le premier secteur d'intervention de l'AFD en volume. Ce secteur qui ne représentait que 2% de l'activité de l'Agence en 2005 a en effet atteint 24% en 2009.

En ce domaine, le groupe de travail ne peut que reprendre les propositions que l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques a présentées dans son rapport sur la pollution de la Méditerranée 341 ( * ) .

Unifier la gouvernance politique de la lutte contre la pollution en Méditerranée qui passe par la création d'une Agence de protection de l'environnement et de promotion du développement durable ;

Activer les coopérations de recherche sur les milieux méditerranéens ;

Infléchir les conditions de délivrance des supports financiers (aides et prêts) aux investissements anti-pollution ;

Apurer le passé (éradication des relargages de produits interdits, traitement des stocks de pesticides, analyse de la vétusté des plateformes d'exploitation pétrolière) ;

Préparer la réponse au développement des pollutions générées par l'économie immatérielle ;

Mieux prendre en compte les conséquences futures du réchauffement climatique ;

Renforcer la lutte contre les rejets illicites d'hydrocarbures et la coopération en cas de rejets accidentels ;

Accroître la sécurité du trafic maritime en Méditerranée ;

Accorder une attention particulière à certains sujets de recherche ;

Réactiver la politique de création d'aires marines protégées.

Il convient également d'inciter dans tous les programmes de développement la prise en compte du développement durable et donc de diriger prioritairement les aides vers les projets qui respecteront ces objectifs, qu'il s'agisse d'infrastructures publiques ou de projets industriels. Chacun est conscient qu'il est plus facile et moins coûteux d'intégrer ces objectifs à la conception des projets.

3. Veiller à l'équilibre territorial, social et familial

Il est important pour assurer leur cohésion sociale que les pays des Maghreb équilibrent territorialement leur développement. Trop souvent les infrastructures et les nouvelles activités se concentrent sur les franges côtières au détriment de l'intérieur du pays. Il est souhaitable que dans leur assistance, l'Union européenne et la France veillent à équilibrer leur soutien pour favoriser les projets allant dans le sens du désenclavement de ces territoires et de leur développement.

Ainsi, la lutte contre la pauvreté et le chômage doit continuer de bénéficier d'une priorité élevée, en particulier dans les zones rurales 342 ( * ) .

Il est tout aussi important pour le développement équilibré de ces pays que des projets de nature sociale, en direction des populations en recherche d'emploi par exemple et tout particulièrement des diplômés chômeurs soient mis en oeuvre. Ils supposent préalablement un engagement dans le domaine de la formation professionnelle (voir infra p. 297).

Il est probable que des initiatives de développement de micro-projets dans le domaine de l'économie sociale et solidaire pourront apporter des solutions originales, adaptées et plus simples à entreprendre et à financer.

Enfin, on ne soulignera jamais assez le bénéfice que ces sociétés peuvent tirer du développement du travail des femmes et de l'engagement de celles-ci dans la création d'entreprises. De ce point de vue, le projet lancé par l'UpM « Jeunes femmes, créatrices d'emplois » est à promouvoir et à décliner.

Il importe de veiller à ce que les projets soutenus par l'Union européenne et par la France soient créateurs d'emplois, participent au développement des territoires et intègrent une dimension sociale et le développement durable.

Un espace franco-maghrébin de l'économie sociale et solidaire

Michel Vauzelle dans son rapport 343 ( * ) va plus loin avec une proposition originale : la création d'un espace franco-maghrébin de l'économie sociale et solidaire. Elle « constitue un cadre de référence pour reconstruire du lien social autour de l'économie, pour valoriser les potentialités, les ressources et les atouts des territoires et y ancrer le développement, pour mobiliser les compétences dans une dynamique entrepreneuriale ». Il envisage une démarche de mise en réseau d'acteurs autour de projet commun sur le modèle des pôles (cluster) et estime qu'en France, les régions - et notamment la région Provence Alpes-Côtes d'Azur qui dispose d'un « pôle Med » en préfiguration - ont acquis des compétences pour accompagner ou être à l'initiative de tels projets, qui pourrait associer les grands financeurs de l'économie sociale et solidaire des deux rives (Caisses des dépôts, banques et assurances coopératives ou mutuelles). Il envisage également un financement participatif (crowdfunding) pour les micro-projets.

4. Développer les services s'appuyant sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication

Le numérique est aujourd'hui au coeur du développement des services dans tous les domaines : e-santé, e-sécurité, e-éducation, e-formation, ... C'est l'outil d'avenir qui permet à moindre coût de développer des services efficaces en s'affranchissant des frontières. De part et d'autre de la Méditerranée, les jeunes générations se sont saisies des outils, des technologies et des nouveaux modes de communication en réseau. Par la formation, par les échanges, des opportunités de co-développement économique dans les domaines les plus divers et avec un investissement initial moindre se dégagent. En donnant un minimum de cohérence et de moyens à l'ensemble et en facilitant les échanges, la nouvelle économie peut être un accélérateur pour les pays des deux rives.

Une coopération dans le domaine du déploiement des infrastructures et des réseaux, mais aussi en matière de régulation, qui sont les conditions de mise en place d'un cadre cohérent, pourrait permettre de nombreuses initiatives associant à tous les niveaux les entreprises, les collectivités territoriales, mais aussi les jeunes entrepreneurs et les associations.

5. Accompagner des projets de services publics et d'infrastructures qui bénéficient directement à la population

L'une des leçons de cette période des révolutions arabes est que la région a besoin de projets compréhensibles par ses habitants. Les pays du Maghreb connaissent une grande transformation avec une croissance forte de leur population urbaine. Un des enjeux de ce développement est la fourniture à la population des services et infrastructures de base. La transition impose donc de faire des propositions originales sur le plan social, pour l'accès de tous au logement, aux déplacements urbains, à la santé, à l'éducation, à l'emploi et à la formation en favorisant parallèlement l'insertion citoyenne et sociale.

Dans cette perspective, pour renforcer l'expertise et développer des liens de proximité plus solides, la coopération décentralisée est un outil essentiel. Au-delà des seules actions de jumelages ou de coopération, il convient de la revivifier et de l'ancrer sur de véritables partenariats qui permettront d'apporter de l'expertise et des savoir-faire notamment dans la conduite de projets. Un dispositif 344 ( * ) existe qui doit être conforté et mieux coordonné.

Des partenariats se sont formés entre le ministère des affaires étrangères, l'AFD et quelque 250 collectivités territoriales françaises. Cette coopération décentralisée permet des approches différenciées pour des actions en appui aux collectivités des pays partenaires. L'AFD a décidé d'accompagner ces initiatives par la création de cellules d'appuis destinées à favoriser la construction d'une offre technique, financière et institutionnelle rassemblant des acteurs français aux compétences complémentaires. Les actions engagées en partenariat par les collectivités françaises s'inscrivent dans le cadre des orientations définies par la Commission nationale de la coopération décentralisée, qui rassemble à parité les trois associations nationales d'élus (communes, départements et régions) deux associations spécialisées dans l'international et l'AFD.

6. Investir ensemble l'éducation, la formation professionnelle et la recherche

Comme nous l'avons observé, le grand défi des pays du Maghreb est l'adaptation de l'outil de formation des jeunes pour en améliorer la qualité et mieux répondre aux besoins du développement économique. On notera qu'à l'occasion du discours du 20 août 2013, le roi Mohamed VI a particulièrement insisté sur cet enjeu et sur les progrès à réaliser en ce domaine par le système éducatif du Maroc, ce qui montre que la perception des enjeux est partagée sur les deux rives de la Méditerranée.

Comme le notent les auteurs de l'étude réalisée par la BAfD en 2011 345 ( * ) « bien que la couverture de l'éducation se soit améliorée(...) le secteur éducatif ne produit pas des personnes ayant les compétences et la formation requises par le marché de l'emploi. Il existe un nombre insuffisant d'ingénieurs, de scientifiques et de techniciens pour promouvoir l'innovation et stimuler la croissance économique (...).En outre, l'absence de bons débouchés d'emploi dans leurs pays d'origine conduit les plus qualifiés à émigrer. Cette situation a eu comme conséquence la diminution des investissements directs étrangers et entravé le développement d'industries faisant appel à un haut niveau de connaissances, créant ainsi une spirale qui s'autoperpétue. »

a) Participer au développement d'un secteur éducatif performant dans les pays du Maghreb

Il s'agit dès lors pour l'Union européenne et pour la France qui bénéficient d'une capacité particulière à raison de la place de la langue française dans le système éducatif de chacun des États :

• de contribuer au développement des filières scientifiques et d'accompagner cet effort, par la mise à disposition d'une expertise.

• de développer des programmes de formation des formateurs.

• de créer au sein des établissements universitaires ou des grandes écoles de ces pays des filières à double diplôme. La mise en place de filières de labellisation de formation d'excellence donnant lieu à co-diplomation est une voie intéressante. Elle suppose des partenariats entre établissements et également une nouvelle approche de la part des pays européens de leur politique d'accueil des étudiants maghrébins de ces filières dans leurs établissements et vice-versa.

• de créer des filiales des grandes écoles ou des universités européennes dans les domaines scientifiques et techniques dans les pays du Maghreb, ce qui là encore est susceptible de favoriser les échanges, les étudiants européens pouvant effectuer une partie de leur cursus dans ces pays.

Les accords récemment conclus avec l'Algérie pour le développement d'un réseau d'IEST (inspirés des IUT français) comme la signature avec le Maroc d'accords pour la création de grandes écoles françaises au Maroc en sont des exemples récents. Quatre chantiers de coopération doivent être lancés : la création de l'École Centrale Casablanca (ECC); la création de l'université de sciences et technologies de Tanger Med Tech, avec l'université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis (UVHC) et l'Ecole nationale des ponts et chaussées (ENPC) ; la création d'une école d'architecture et d'urbanisme en septembre 2013 à Rabat, fruit d'un partenariat entre le pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) de Paris Est et l'Université internationale de Rabat, ainsi la mise sur pied d'un « INSA Maroc », véritable établissement franco-marocain qui permettrait la reconnaissance directe des diplômes.

• De permettre l'accès aux cours numérisés de certaines universités ou grandes écoles françaises ou européennes aux étudiants de leurs homologues du Maghreb, en les aidant à développer en parallèle des modules de travaux dirigés, selon une formule de e-learning. Le projet France Université Numérique lancée par le ministère français de l'enseignement supérieur et de la recherche pourrait constituer une base pour cette coopération.

Enfin au-delà de cet appui pour conforter les outils de formation des pays du Maghreb, la France doit maintenir sa présence par des propositions spécifiques offertes à la jeunesse de ces pays dans les établissements d'enseignement secondaire de son réseau ou pour l'apprentissage de la langue française.

La demande d'enseignement du français est forte, y compris de la part des autorités, car la langue française est perçue comme une langue accessible, un moyen d'ouverture sur le monde et un atout pour une réussite professionnelle.

La France doit donc poursuivre ces efforts pour contribuer à la création de places dans ses réseaux d'enseignements 346 ( * ) ou favoriser en les labélisant et en y affectant des enseignants des parcours bilingues d'excellence.

Il n'y aurait aucun inconvénient à ce que les autres pays membres de l'Union européenne la suivent dans cette voie, mais leur implantation locale est aujourd'hui très faible.

b) Apporter un concours au développement des formations techniques et professionnelles

Il est tout aussi souhaitable d'apporter un concours au développement des formations techniques et professionnelles qui jusqu'à présent n'ont pas fait l'objet de projets d'envergure alors que les besoins sont importants.

Ainsi l'accompagnement des implantations de nos entreprises par la création ou le soutien de centres de formation destinés à pourvoir leurs besoins en main d'oeuvre qualifiée doit-il être favorisé : les exemples au Maroc des filières de la maintenance aéronautique, de l'automobile et des énergies renouvelables sont exemplaires.

Une expertise en matière de développement de programme de formation professionnelle est également souhaitable. En 2007 selon la Banque mondiale, seules 17% des entreprises en Algérie et 25% au Maroc offraient une formation formelle à leur personnel, ce qui est en dessous de la moyenne mondiale (35%) et des pays de l'Asie de l'Est (47%) et rend les entreprises du Maghreb peu compétitive.

Dans ce domaine, l'implication, s'agissant de la France, des régions qui disposent de la compétence et des acteurs économiques pourraient être sollicitée.

Dans son rapport 347 ( * ) , Michel Vauzelle appelle à la création d'un espace franco-maghrébin de la formation professionnelle dont il trace les missions et objectifs.

Missions et objectifs d'un espace franco-maghrébin de la formation professionnelle

Développer la formation des formateurs

Encourager la coopération des établissements de formation professionnelle

Faciliter les modalités et formalités pour des périodes d'études et de stages

Associer les entreprises et les acteurs économiques et sociaux

Mobiliser les ressources européennes existantes (Fondation européenne pour la formation, Agence communautaire de soutien et de promotion du développement des systèmes de formation professionnelle), faiblement sollicités jusqu'à présent.

Il serait également souhaitable de stimuler la création d'emplois à haute valeur ajoutée (ingénierie) en encourageant et en favorisant les migrations de retour ou les migrations circulaires . La Tunisie semble vouloir développer des programmes de ce type. Michel Vauzelle dans son rapport 348 ( * ) propose de soutenir par la formation les jeunes chefs de micros-entreprises et l'extension au Maghreb des dispositifs européens tels que le programme « Erasmus pour les jeunes entrepreneurs » et l'instrument européen de micro-financement. L'UpM a lancé cet été un programme « Jeunes femmes, créatrices d'emploi ».

Il serait souhaitable que la France y apporte une contribution positive.

c) Accueillir des jeunes en formation en France et dans les pays membres de l'Union européenne et développer les échanges

La France a une tradition d'accueil dans ses universités et grandes écoles d'étudiants des pays du Maghreb. Ils représentent un quart des étudiants étrangers accueillis en France et un quart des boursiers du gouvernement français. Cet effort sera poursuivi. Son attractivité est largement soutenue par la diffusion de la langue française dans le Maghreb.

Elle doit également veiller à ce que l'accès des étudiants du Maghreb à l'enseignement supérieur en France reste largement ouvert. La valeur ajoutée d'un jeune Maghrébin susceptible au terme de sa formation d'être un truchement pour le développement des entreprises françaises dans cette région et dans tout le monde arabe doit être mis en regard des efforts considérables que nous développons pour l'accueil des étudiants d'autres pays qui parfois leur permettent de se positionner en concurrence avec les entreprises françaises, en Afrique par exemple.

Elle doit enfin veiller à ce que l'enseignement et l'accès aux études en France ne soient pas uniquement réservés à la population la plus aisée.

- Nombre de nos interlocuteurs à Alger, à Tunis ou à Rabat, nous ont fait remarquer que le montant des scolarités était élevé, d'autant que les établissements sont concentrés dans quelques villes, ce qui oblige à l'internat.

- Nous avons pu constater également que nombre d'étudiants (18% pour le Maroc, 33% pour la Tunisie et 41% pour l'Algérie) pourtant bénéficiaires d'un avis favorable des services de coopération et d'action culturelle et admis par les établissements français de l'enseignement supérieur, ne parvenaient pas à obtenir de visa en raison du niveau insuffisant de leurs ressources. Un montant minimal de 620 euros par mois est considéré par les services d'immigration comme nécessaire.

Au moment où la diplomatie française s'engage dans un dialogue nourri avec les sociétés civiles, elle doit veiller à ce que la reproduction des élites ne soit pas un critère dominant. Le mérite et plus encore la recherche, une plus large ouverture sociale doivent être privilégiés, fut-ce en recherchant des modalités de discrimination positive dans le cadre des critères d'attribution des bourses du gouvernement français, voire dans des systèmes de péréquation des droits de scolarité en fonction des revenus.

Il serait utile que l'accueil de stagiaires en formation professionnelle puisse être mieux organisé également.

Enfin, le fait que l'attractivité de la France soit soutenue par la diffusion de sa langue ne doit pas dissuader les autres pays européens de faire des efforts pour accueillir des étudiants étrangers en provenance de ces pays. L'Allemagne est entrée dans le club des cinq pays qui accueillent le plus d'étudiants étrangers avec un résultat désormais comparable à la France. Son ouverture vers les pays du Maghreb serait un atout supplémentaire pour ces pays.

d) Multiplier les échanges : vers un Erasmus euro-méditerranéen

Afin de conforter cette politique, il serait opportun de mettre en oeuvre un système favorisant les échanges et la mobilité des jeunes, étudiants et professionnels.

L'Union européenne, qui va lancer un nouveau programme « Erasmus pour tous » sur la période 2014-2020, n'a pas tenu compte de la suggestion d'une organisation spécifique de ce nouveau programme sur une base régionale, ce qui est regrettable, même si les moyens dédiés aux coopérations seront maintenus. Un programme d'échanges reste nécessaire, il pourrait être monté en France sur la base du modèle de l'Office franco-québécois ou pourquoi pas dans le cadre du dialogue 5+5 et aurait pour objectif la mobilité étudiante et la mobilité des jeunes professionnels.

En 2009 a été mis en place l'Office Méditerranéen de la Jeunesse. Il pourrait en constituer la base, mais il faudrait le doter de moyens plus conséquents et convaincre davantage de partenaires de s'y associer. Un volontarisme est attendu de l'Union européenne et des Etats membres.

L'Office Méditerranéen de la Jeunesse (OMJ)

La création de l'Office Méditerranéen de la Jeunesse (OMJ) a pour finalité de développer les mobilités universitaires entre 16 pays membres de ce programme en cohérence avec les marchés du travail (filières d'intérêt méditerranéen) des pays partenaires à travers la labellisation de formations d'excellence donnant lieu à des co-diplomations. L'OMJ propose un dispositif de bourses de mobilité et veille à faciliter une première expérience professionnelle à l'étranger, avec la mise en place d'une plateforme de stages et d'emplois. Campus France assure le rôle d'opérateur national du programme pour la France et de Secrétariat Général de l'OMJ.

Après deux ans d'existence, il est devenu un important réseau universitaire méditerranéen avec 100 formations de près de 200 établissements d'enseignement supérieur d'excellence du pourtour méditerranéen labellisées OMJ ; des résultats en termes d'insertion professionnelle des étudiants (80% trouvent un travail après le stage) ; 250 étudiants ont bénéficié de bourses de mobilité pour un total de 400 semestres de bourses ; 70 entreprises et centres de recherche partenaires des formations OMJ ont accueilli les boursiers OMJ en stage.

Cet outil devra être évalué, promu et renforcé si nécessaire afin d'éviter la multiplication des organes travaillant sur des sujets connexes.

e) Adosser les coopérations dans l'enseignement supérieur sur le développement d'un espace commun de connaissance et d'innovation

Les efforts de l'Union européenne, des Etats-membres et de la France doivent veiller à ce que les coopérations en matière d'enseignements supérieurs soient adossées sur le développement d'un espace commun de connaissance et d'innovation .

Des progrès notables ont été accomplis en ce sens.

Des progrès notables ont été accomplis en vue de la mise en place de l'espace commun de la connaissance et de l'innovation. En 2012, les pays de la PEV ont participé davantage au septième programme-cadre (2007-2013). L'appel à propositions portant sur la coopération internationale publié en juillet 2012 comprenait des activités ciblant spécifiquement les pays de la PEV aux niveaux régional et bilatéral et visant à soutenir le dialogue politique, ainsi qu'une action spéciale destinée à combler le fossé entre la recherche et l'innovation. À la fin de l'année 2012, la contribution totale de l'UE à des projets associant les pays de la PEV atteignait 960 millions d'EUR. En mars 2012, l'UE et l'Algérie ont signé un accord de coopération scientifique et technologique. Des initiatives visant à renforcer la coopération birégionale euro-méditerranéenne sont en cours, à la suite de la conférence euro-méditerranéenne sur la recherche et l'innovation qui s'est tenue à Barcelone en avril 2012 349 ( * ) ».

Des dynamiques sont en oeuvre à travers les rencontres des recteurs et présidents d'universités des pays du Maghreb avec leurs homologues européens vers la construction d'un espace euromaghrébin de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les pays du Maghreb participeront à l'élaboration du programme commun de recherche et d'innovation de l'Union européenne et des pays partenaires de la Méditerranée pour 2014-2020.

Il s'agit aussi de soutenir des programmes de recherche communs et la mobilité des équipes scientifiques du Nord au Sud. Comme l'indique l'IPEMED dans son rapport au Président du Parlement européen 350 ( * ) : « un système d'échange est à inventer entre le Sud et le Nord, la mise à niveau des instituts de formation, leur jumelage et leur cogestion scientifique et normative pourrait être un axe prioritaire de facile mise en oeuvre, un investissement de faible coût pour d'importants effets à moyen et long terme ».

Il est nécessaire d'accélérer et de conforter ces initiatives qui sont et seront à la base non seulement du développement des pays du Maghreb mais aussi à la source d'initiatives de développement conjointes (colocalisation, partenariat) qui permettront de relever les défis communs.

B. SOUTENIR LES PROJETS QUI FAVORISENT L'INTÉGRATION DU MAGHREB

La contribution au développement économique et social doit favoriser les projets qui vont dans le sens d'une plus grande intégration du Maghreb. Dans le cadre du Dialogue 5+5, les projets qui associent l'ensemble des pays du Maghreb et contribuent à l'intégration de cette région doivent être encouragés et mis en oeuvre.

Ils doivent être appuyés par l'Union européenne et ses Etats-membres car l'intégration de la région est une source de prospérité économique et de paix.

Le secrétariat général de l'UpM peut contribuer à cette mise en oeuvre.

1. Développer les infrastructures régionales de transports

Carte n° 90 : Les réseaux autoroutiers

• L'autoroute transmaghrébine portée par l'UpM, doit être achevée. Il ne manque que 22 km entre l'Algérie et le Maroc et 80 km entre l'Algérie et la Tunisie pour la réaliser. Les pays ont donné leur accord, ce qui est un signal positif. Les études de faisabilité et la recherche du financement sont en cours. Il est important et symbolique que cette interconnexion existe afin de rendre effective la réouverture de la frontière entre l'Algérie et le Maroc. Nous attendons le jour où les autorités politiques le décideront.

À plus long terme, le développement de liaisons routières de qualité avec l'Afrique subsaharienne sera à l'ordre du jour qu'il s'agisse de la liaison côtière en direction de Nouakchott et Dakar, ou de la liaison transsaharienne d'Alger vers le Sud, qui est déjà un projet intérieur algérien. De la même façon, la prolongation de l'autoroute « transmaghrébine » vers l'Egypte par la Libye. Ces projets supposent l'instauration de la sécurité des déplacements.

Carte n° 91 : Localisation des infrastructures ferroviaires, portuaires et fluviales 2008

Source : http://planbleu.org/sites/default/files/publications/cahier7_transport_fr.pdf

• Les liaisons ferroviaires 351 ( * )

L'Algérie, le Maroc et la Tunisie ont engagé des programmes de réformes du secteur ferroviaire et des investissements considérables pour l'électrification et la modernisation de leurs réseaux, qu'il s'agisse du transport de voyageurs - avec la création de lignes à grande vitesse au Maroc et le développement de réseau urbain rapide - ou du fret. Des programmes ambitieux de renouvellement et d'extension du parc roulant ont été finalisés afin d'améliorer la qualité de service et de réduire le temps de parcours.

Ces plans d'investissement sont financés par le budget de l'Etat, les bailleurs de fonds (BEI, BM, BAD...) et par les crédits publics de certains pays notamment européens mais aussi japonais et autres. La Facilité d'Investissement pour le Voisinage (FIV) de la Commission Européenne finance en partie certains de ces projets sous forme de dons (exemple : le réseau ferroviaire rapide de la ville de Tunis).

Les pays maghrébins ont travaillé sur l'identification d'un corridor de fret (le « transmaghrébin » Casablanca/Tunis à écartement standard) et sa connexion avec le réseau européen.

Toutefois, les efforts d'investissement des trois pays nécessitent le maximum de coordination pour assurer et garantir l'interopérabilité des réseaux des trois pays. Les instances de l'Union du Maghreb Arabe "UMA" et notamment le Comité des Transports Ferroviaires Maghrébins (CTFM) ont mis en place un groupe de travail qui, en 2007, a préconisé l'élaboration d'un schéma directeur maghrébin reprenant tous les projets ayant trait à l'interopérabilité.

Il reste à mettre en oeuvre effectivement ces orientations. La relance de ces dossiers dans les instances multilatérales est nécessaire. Le Dialogue 5+5 pourrait en être le cadre.

À long terme, l'interconnexion avec le réseau européen rendra sans doute nécessaire l'établissement d'une liaison physique ferroviaire et le projet d'un tunnel sous le détroit de Gibraltar reviendra à un moment ou à un autre d'actualité. Cette perspective doit être incluse dans la réflexion sur les développements des grandes liaisons ferroviaires en Afrique du nord.

DÉTROIT DE GIBRALTAR...DES PROJETS SANS SUITE

Le passage du détroit de Gibraltar enflamme les imaginations depuis longtemps

A la fin du XIX e siècle :

1869 : Le plus ancien projet de tunnel , celui de l'ingénieur Laurent de Villedemil

1895 : Un des projets les plus aboutis : le tunnel Tarifa-Tanger de 41 km proposé par Jean Baptiste Berlier

Au XX e siècle :

1905 : La ligne ferroviaire Algérie-France via Gibraltar d'Emile Pichon

1906 : Les tubes d'acier submergés de Garcia Fara

1906 : Le chemin de fer ibéro-afro-américain du marquis de Camarasa

1908 : le projet de double tunnel de Carlos Ibanez de Ibero

Tentatives de percement :

1918 : Alphonse XIII d'Espagne engage des démarches auprès des gouvernements français et britanniques (la crise 1919 le fait renoncer).

1926 : Relance du projet par le lieutenant Pedro Jenevois, deux puits d'exploration de 400 m de profondeur sont forés à Tarifa et à la Pointe Altares de Tanger (gel du projet : proclamation de la seconde République et crise financière)

Reprise des démarches :

Années 1950 : Proposition de construction d'un pont par l'ingénieur Alfonso Peña Boeuf

1979 : Accords bilatéraux signés par le roi du Maroc Hassan II et le roi d'Espagne Juan Carlos pour les premières études de faisabilité .

1980 et 1989 : Création d'un « Comité mixte hispano-marocain chargé de l'étude de faisabilité d'une liaison fixe Europe-Afrique à travers le détroit de Gibraltar »

Les projets :

1990 : Projet de ponts suspendus (avec des portées de plus de 5 000 mètres, une hauteur de piles centrales de plus de 300 mètres et une longueur d'environ 14 kilomètres), imaginé par un cabinet d'ingénierie californien (OPAC) et par le professeur Lin. Le coût, estimé alors à 15 milliards de dollars et le doute sur la faisabilité firent que le projet ne fut pas retenu.

Un tunnel et une île flottante par l'ingénieur américain Eugène Tsui.

Un tunnel routier , idée abandonnée à cause des difficultés techniques pour la ventilation et l'extraction des gaz d'échappement.

1996 : Le comité mixte retient l'idée d'un tunnel ferroviaire avec un fonctionnement similaire au tunnel sous la Manche

Actuellement :

2003 : Signature d'un accord entre l'Espagne et le Maroc pour les études de faisabilité d'un tunnel ferroviaire avec une réalisation prévue vers 2025.

2007 : 30 millions de dollars ont été dépensés pour les études géologiques et techniques. La Banque mondiale, la Banque européenne d'investissement, des fonds arabes de financement et le Fonds africain de développement souhaitent contribuer au financement de la construction de ce tunnel.

2008 : Demande de financement soumise à l'Union Européenne qui ne donne pas de suite à cette requête.

2009 : le Conseil économique et social des Nations unies remet un rapport qui pointe la difficulté technique du projet et les incertitudes sur sa viabilité économique. Il recommande d'engager des études complémentaires.

Carte n° 92 : Traversée centrale des Pyrénées

Le projet de liaison ferroviaire sous le détroit de Gibraltar pourrait redonner vie au projet ferroviaire de « Traversée centrale des Pyrénées »(TCP) 352 ( * ) trop vite abandonné.

• Les projets de développement des infrastructures maritimes doivent être menés à leur terme (voir supra p. 159).

L'Europe soutient le développement portuaire au Maghreb : l'UpM a mis en place le projet Meda Mos d'autoroutes de la mer, censé arrimer les deux rives de la Méditerranée et donc servir l'intégration euro-méditerranéenne. Trois ports maghrébins ont été retenus dans ce cadre: Tanger Med, Tunis-Rades et Bejaia. Ils bénéficient d'une assistance technique et financière.

En 2012, la Commission européenne, la BEI et l'Organisation maritime internationale ont collaboré au sujet de plusieurs propositions conjointes d'action, pour donner suite à une étude de faisabilité relative à la coopération au développement maritime de la mer Méditerranée. Le projet LOGISMED a pour objectif de créer un réseau de plateformes logistiques euro-méditerranéennes qui se fonderont sur des critères communs de qualité conformes aux meilleures pratiques internationales et utiliseront des protocoles communs, notamment pour l'échange de données électroniques et le partage de savoir-faire. LOGISMEDTA (assistance technique) entend améliorer le niveau des qualifications dans le secteur logistique en renforçant les structures de formation dans les pays membres du Sud de la Méditerranée et de de créer un réseau d'experts et de formateurs à tous les niveaux.

2. Mettre en oeuvre une communauté euro-méditerranéenne de l'énergie

L'interdépendance qui lie les pays de la rive sud et de la rive nord de la Méditerranée dans le domaine énergétique, n'est encadrée par aucune stratégie régionale. L'Union européenne s'efforce péniblement de définir une stratégie commune, ce qui est difficile entre pays dépendants énergétiquement. De même, les pays du Maghreb ont contracté bilatéralement avec les pays de l'Union européenne sans tenir compte des politiques énergétiques adoptées par leurs voisins.

La nouvelle géopolitique mondiale du pétrole et du gaz, la volonté de développer des énergies renouvelables et décarbonées et l'opportunité de développer un secteur de l'énergie qui dégage de la valeur ajoutée sur les deux rives et créé de l'emploi, invitent les pays de la région méditerranéenne à élaborer une coopération plus étroite, et à définir un partenariat énergétique régional .

Tous les pays se trouvent d'ores et déjà concernés par la question de la transition énergétique. Les pays européens se sont engagés à augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie finale, à accroître l'efficacité énergétique et à réduire leurs émissions de CO² d'ici 2020. Ils cherchent en outre à sécuriser leurs approvisionnements en énergie : le taux d'indépendance énergétique de l'Europe va passer de 66% (2000) à 53% (2020). Au Sud de la Méditerranée, les politiques mises en oeuvre dans les pays producteurs d'hydrocarbures pourraient entraîner une réduction de la part exportée vers les pays européens. De même, la croissance de la demande d'énergie, qui pourrait tripler dans les Psem d'ici 2030, appelle à la mise en place d'importantes nouvelles capacités de production d'électricité.

Selon une étude réalisée par l'IPEMED, « Quelles que soient les politiques énergétiques mises en place, il faudrait entre 310 et 350 milliards de dollars d'investissement, selon nos estimations, pour réaliser de nouvelles capacités de production d'énergie dans les Psem d'ici 2030 » IPEMED « Vers une communauté euro-méditerranéenne de l'énergie » mai 2013.

La région euro-méditerranéenne dispose dans le domaine de l'énergie d'atouts non seulement pour faire face à la sécurité des approvisionnements sur le long terme, mais aussi pour mener la transition énergétique et en faire une des bases de la nouvelle croissance. Les pays du Maghreb, consommateurs comme producteurs, veulent être acteurs de la transition énergétique. L'Europe dispose du savoir-faire dans les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique dans les transports, le bâtiment et l'industrie, au Sud il existe les réserves d'hydrocarbures, un très important potentiel solaire à valoriser, et de centrales solaires-gaz à développer. Il y a donc entre les deux rives une opportunité historique à pour bâtir une communauté d'intérêt entre pays complémentaires (producteurs et consommateurs) et non pas concurrents.

En parlant de « Communauté Euro-Méditerranéenne de l'Energie » (CEME) dans sa communication du 8 mars 2011, le Service Européen d'Action Extérieure a reconnu cette opportunité historique.

Des projets d'intégration

Plusieurs projets témoignent qu'une intégration régionale profonde a commencé : construction de la boucle électrique méditerranéenne, coopération en matière de régulation avec Med-reg, alliance pour l'efficacité énergétique avec Medener, lancement du Plan Solaire Méditerranéen avec l'UpM.

Plusieurs actions structurantes pourraient conduire à la mise en oeuvre d'une Communauté euro-méditerranéenne de l'énergie :


• l'association du Nord et du Sud de la Méditerranée au pilotage d'une stratégie énergétique commune ;


• la convergence normative (normes réglementaires et techniques) ;


• la promotion de politiques d'efficacité énergétique ;


• le renforcement des interconnexions électriques transméditerranéennes ;


• la constitution de filières et de partenariats énergétiques euro-méditerranéens ;


• la mise en oeuvre de partenariats entre production, formation et recherche à l'échelle méditerranéenne.

Il est urgent de poursuivre et développer les projets de mise en place d'une communauté euro-méditerranéenne de l'énergie en soutenant les projets de création d'électricité à partir d'énergie renouvelables et l'interconnexion des réseaux.

Les pays du Maghreb (voir supra p. 168) se sont particulièrement investis dans le développement des énergies renouvelables. La réalisation de cette communauté de l'énergie devrait trouver en Méditerranée occidentale, une première concrétisation.

IV. ETABLIR UNE RELATION DE CONFIANCE ET DE RESPECT ENTRE LES POPULATIONS

Au-delà de l'amélioration de nos outils diplomatiques, et compte tenu de la globalisation des relations et de l'instantanéité des échanges d'information, notre capacité d'influence et donc de convaincre des sociétés et leurs dirigeants de se rapprocher de notre système ou du moins de nouer une relation de confiance suppose que nous sachions collectivement faire les efforts nécessaires, à la mesure de ceux que nous demandons à ces sociétés d'assumer.

Plusieurs directions mériteraient d'être explorées.

L'apprentissage des langues arabes et amazigh devraient pouvoir être proposé dans l'enseignement secondaire afin de former des locuteurs susceptibles de s'exprimer correctement dans ces langues. Il s'agit de constituer un vivier de compétences qui sera en mesure après une formation universitaire dans différents domaines de travailler en relation ou dans les pays du Maghreb en disposant d'un outil de communication. Certains d'entre eux intégreront peut-être l'INALCO et viendront peut-être nourrir la filière « orient » du ministère des affaires étrangères ou les instituts de recherche ou think tanks, d'autres seront utiles aux entreprises qui voudront développer leurs activités dans ces pays ou encore à participer à la formation. L'offre est actuellement très faible. Les réticences posées à son développement comme le renforcement du communautarisme ne nous paraissent pas fondées. L'enseignement encadré par l'éducation nationale et professé par des formateurs qualifiés sera, au contraire, un moyen de développer dans cette langue un enseignement fondé sur des valeurs communes essentielles.

Il importe également de réduire les signaux négatifs envoyés en direction des populations des pays du Maghreb par le développement du racisme anti-maghrébin ou anti-musulman. Il est trop souvent banalisé ou relayé sur fond de populisme . Il ne s'agit pas de minimiser certains faits condamnables, mais leur mise en relation trop avec l'origine ou la religion est durement ressentie sur l'autre rive de la Méditerranée. Il en va de même des actes délictuels ou criminels anti-maghrébins ou anti-musulmans qui sont relayés par la presse locale et les réseaux sociaux. Ils constituent autant de prétextes au dénigrement de l'Europe et de la France. Ils sont regrettables. Ils doivent être condamnés.

Enfin, un des meilleurs véhicules de notre influence est notre capacité à accueillir dans des conditions claires les ressortissants des pays du Maghreb qui séjournent sur notre territoire. Notamment en facilitant l'entrée de ceux qui viennent se former dans le cadre professionnel . L'assouplissement du régime des titres de séjour est donc accueilli favorablement comme le signe d'une relation plus confiante, même s'il est bien perçu que les pays européens ne sont plus une terre d'émigration compte tenu de leur situation économique actuelle.

PROPOSITIONS

S'engager pour le développement du Maghreb : un défi et une obligation

I. LE CADRE

Il existe donc entre le Maghreb et l'Europe une proximité absolue qui suppose l'engagement déterminé d'une politique de « voisinage méditerranéen du Sud ».

Reprenant à notre compte la formule du Président Hollande à Malte « il faut dire l'engagement des pays du Nord », nous sommes convaincus que la France et l'Europe ont plus qu'un intérêt et une simple obligation de moyens. Ils ont une obligation de résultats dans l'établissement d'un partenariat constructif avec les pays de la rive sud de la Méditerranée.

L' UPM a été un projet flamboyant, lancé en 2008, qui regroupait 43 participants. L'objectif était censé redonner vie au processus de Barcelone.

Mais ce grand chantier a été mis à mal par les divisions de l'Europe, le conflit israélo/palestinien et les révolutions arabes...

Dans le cadre de la mondialisation , considérons que l'espace méditerranéen qui a été pendant des siècles le centre économique et culturel du monde est relativement marginalisé.

La Méditerranée fait figure « d'espace fermé et hétérogène » (La Tribune) avec seulement trois passages stratégiques : le détroit de Gibraltar, le canal de Suez, les détroits du Bosphore et des Dardanelles.

Cependant, deux vastes ensembles géopolitiques, aux situations et aux évolutions divergentes, s'identifient. Et la Méditerranée occidentale est pour l'Europe et pour la France un espace de proximité adapté.

II. UNE « SOUS RÉGION » : LE 5+5 QUI REGROUPE 10 ETATS

« Le dialogue 5+5 est en mesure de constituer le pivot politique de la coopération en Méditerranée occidentale. »

- 5 au Nord : Portugal, Espagne, France, Italie, Malte

- 5 au Sud : Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Lybie

Carte n° 93 : Etats membres du dialogue « 5+5 »

Cette sous-région semble être l'espace pertinent qui s'est déjà et naturellement constitué depuis 1990 et qui a été relancé en 2004.

Cette identification suppose une offensive politique solide pour mettre en route les projets pertinents qui émergent et assurer leur financement. L'intégration de ces pays se fera par l'économie.

Ce périmètre peut donner l'unité qui manquait à des ensembles trop vastes pour permettre une « coopération organisée à l'échelle régionale ».

Des accords bilatéraux et multilatéraux existent déjà. Il faut les élargir et les adapter.

III. LES PARTENARIATS

Cette démarche suppose une volonté politique d' intégration , mais aussi de « décloisonnement Sud-Sud », notamment par le règlement du conflit du Sahara Occidental dont le statu quo est préjudiciable au Maghreb.

Et la priorité est donc à l'intégration des économies des pays de la rive Sud entre eux.

Cette dynamique d'intégration est difficile, mais c'est le rôle de l'Europe et de la France que de l'impulser, de créer une nouvelle stratégie de voisinage et un nouveau modèle de relations dépassant les vieux systèmes.

L'Europe ne peut pas se désintéresser de ce grand projet méditerranéen, mobilisateur.

• Les principes et la méthode de ce partenariat :

- Partenariat d'égal à égal sur la base du dialogue et de la concertation.

- Réciprocité et co-localisation des activités économiques, notamment industrielles.

- Coopération économique et projets communs , il faudrait aussi pouvoir créer les conditions de rapprochement des normes

- Lien avec les sociétés « on ne fera pas la Méditerranée sans les Méditerranéens ». L'implication des peuples et des sociétés civiles est essentielle. La mobilisation autour de projets pour la jeunesse comme le propose Michel Vauzelle est une vision d'avenir. L'avenir s'écrit au présent.

- Mobilité et circulation des professionnels, des chercheurs et des étudiants . Le desserrement des contraintes est indispensable à la mise en oeuvre des projets communs de co-développement. Des partenariats pour la mobilité doivent réorienter les politiques migratoires.

- Identité et modernité : les nouvelles technologies de l'information et de la communication permettent les échanges par-delà les frontières. Le co-développement peut s'appuyer, à moindre coût, sur ces technologies.

• Les outils de ce partenariat doivent être définis et articulés :

Aujourd'hui, dans une Europe où les niveaux de compétence sont multiples, il est vain de faire cavalier seul ou de récréer des institutions nouvelles. Pour autant, les pays de la Méditerranée occidentale plus impliqués par leur proximité doivent être actifs, non seulement dans leurs relations avec les pays du Maghreb, mais aussi au sein de l'Union européenne pour sensibiliser, informer et convaincre leurs partenaires que l'avenir de l'Europe se joue en Méditerranée.

• Le partenariat 5+5 s'inclut dans le grand projet UpM qui a une relative flexibilité. Il a l'avantage de la proximité et d'un cadre sous régional pertinent.

Il s'appuie sur :

le secrétariat de l'UpM dont les efforts sont grands. Il oeuvre pour la promotion des réseaux, des structures et des coopérations au niveau régional ou sous régional. Son rôle est d'identifier les projets et de les labelliser.

• Les réseaux intermédiaires .

Un partenariat viable à l'heure de la mondialisation n'implique pas que les Etats. Il doit impliquer les sociétés elles-mêmes à travers tous les réseaux intermédiaires :

• les collectivités territoriales (Régions, Départements, Métropoles et Villes), et la coopération décentralisée,

• la diplomatie économique,

• les entreprises avec intégration des PME , c'est l'enjeu de la diplomatie économique,

• les associations, la société civile, la jeunesse,

• et les femmes dont « l'entreprenariat » est une force, c'est l'enjeu des nouvelles formes de la diplomatie à expérimenter et à développer dans les pays du Maghreb,

• l'Europe et ses structures à mieux orienter.

La France a une vocation européenne et méditerranéenne. Ces deux approches, comme aime à le rappeler avec conviction le professeur Henry Laurens, sont indissociables. Elle se doit de les exprimer aussi à Bruxelles en éveillant ses partenaires au sein de l'Union aux enjeux du Maghreb et en pesant de tout son poids dans les processus de décisions engageant la politique de voisinage.

• La France : sa place et son action. La France connait la Méditerranée. Son rôle doit être majeur avec une « vision  lucide et pragmatique » (Sijilmassi) au service d'un Grand Dessein qui devrait fédérer les pays du Maghreb.

IV. UNE MÉDITERRANÉE, DES PROJETS...

Tout est à faire.

Il faudra partir des dynamiques concrètes engagées sur le terrain et les privilégier par rapport aux « projets préétablis »

4 GRANDS AXES DE PROJETS :

A. PAIX ET SÉCURITÉ

Il faut « faire de la sécurité générale le socle du pacte de confiance ».

« Faire du droit à l'état de droit », un principe et un objectif partagé, comme l'indique Martin Schulz et favoriser la convergence normative.

• La paix au Sahara occidental, après le cessez le feu de 1991 :

Il faut arriver à une solution pour régler le conflit du Sahara occidental. Il ne peut pas continuer à servir de prétexte pour retarder les progrès auxquels aspirent les peuples. Un règlement juste et définitif permettra l'instauration de la sécurité et d'une stabilité durables dans la région sahélo-saharienne. Le cadre des Nations unies reste le cadre le plus approprié pour permettre le règlement de ce conflit.

• La sécurité :

Il faut combattre ensemble le terrorisme, la piraterie et les trafics de tous ordres : drogues, armes ... et les pays du Maghreb doivent s'impliquer complètement dans cette lutte. La déstabilisation des pays du Maghreb, l'effondrement des Etats, mettraient et le Maghreb et l'Europe dans une situation périlleuse. On mesure d'ores et déjà les risques de l'affaiblissement de l'Etat en Libye. « Les groupes armés menacent la Mauritanie, le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, la Libye, c'est-à-dire 5 membres de l'UMA, membres également du processus 5+5 relancé à Malte ». Des modalités de coopération de défense, préservant un équilibre entre les Etats de la région, doivent être recherchées, soit en bilatéral, soit à travers des instances multilérales (Dialogue 5+5, Stratégie Sahel de l'Union européenne, Dialogue méditerranéen de l'OTAN) dans les domaines de la surveillance maritime, de la surveillance des frontières terrestres, de la formation et du renseignement. Le Maghreb est au centre du système Europe-Maghreb-Sahel.

Il faut aussi sécuriser les investissements et les échanges notamment énergétiques, les accès à l'eau potable et à l'assainissement, la protection contre les risques naturels et technologiques et tout ce qui touche à la santé.

B. LA JEUNESSE ET LES FEMMES :

• La jeunesse (population de moins de 25 ans) représentait au Maghreb 65% de la population il y a encore 30 ans et toujours entre 40 et 50% aujourd'hui.

Un nouveau modèle de relations et d'échanges doit s'instaurer avec cette jeunesse pour une meilleure coopération et une meilleure intégration dans les projets communs.

Education Formation et Culture seront au coeur de la démarche et sont prioritaires, de même que la création d'un « espace de connaissance ». Pour cela, il faut soutenir activement le développement d'un système éducatif et de formation professionnelle performant dans les pays du Maghreb, accueillir des jeunes en formation et développer les échanges réciproques par la mise en place d'un Erasmus Méditerranée.

- Les femmes dont le rôle économique dans la société et dans la famille et la force de leur « entreprenariat » sont à reconnaître comme essentiels et à promouvoir.

- Les Droits de l'Homme et les Droits des femmes particulièrement menacés par les intégristes sont à affirmer ou à réaffirmer dans ces pays et à faire progresser partout.

Considérons que la dignité humaine, le respect des droits fondamentaux et l'égalité homme/femme doivent guider la coopération entre les deux rives de la Méditerranée dans l'intérêt du dialogue, facteur clé de la lutte contre l'exclusion et du lien social.

C. LES MIGRATIONS, DISONS PLUTÔT «MOBILITÉ» OU «CIRCULATION» DES PERSONNES DOIVENT ÊTRE CONTRÔLÉES ET ACCEPTÉES

La question actuelle de la migration des populations maghrébines vers le Nord est vouée à perdre de son ampleur à moyen terme du fait de la transition démographique et du vieillissement annoncé.

La coopération économique et le développement conduiront à la stabilisation des populations concernées dans leurs pays d'origine.

L'enjeu des politiques migratoires est aujourd'hui un travail commun. Travail sur la régulation des migrations extérieures en provenance d'Afrique subsaharienne ou d'Asie (Afghanistan, Pakistan) ou de zone de conflits et la facilitation des échanges au sein d'espaces de confiance. La régulation progressive et intelligente de la mobilité des personnes est indispensable au développement de liens économiques, professionnels et universitaires comme au partenariat à établir avec les pays du Maghreb.

D. COOPÉRATION ÉCONOMIQUE ET PROJETS COMMUNS

• Infrastructures : chacun des Etats doit faire des efforts pour moderniser ses infrastructures routières, ferroviaires et portuaires parce que les besoins restent importants. L'enjeu est aussi celui d'équipements dans le déploiement des réseaux de transports urbains. Les besoins des populations se concentrent dans les villes et sur les côtes.

Au-delà des infrastructures et des équipements, c'est la question de l'interopérabilité, des normes, de la régulation, de la gestion des systèmes et de l'interconnexion des réseaux qui est l'enjeu essentiel. L'intégration du Maghreb et sa relation avec l'Europe ne pourra pas s'établir sans cette interconnexion. À moyen terme, la création d'une liaison physique entre l'Espagne et le Maroc, sous le détroit de Gibraltar est moins que jamais une perspective utopique.

• Energie : certains pays du Maghreb sont des pays producteurs d'hydrocarbures et de gaz. Tous disposent des espaces et de l'ensoleillement nécessaire pour développer les énergies renouvelables solaire mais aussi éolienne.

Un « plan énergie » ou une « union énergétique » doit être établi pour que se créent de nouveaux partenariats entre les pays producteurs et les pays consommateurs afin de réduire la dépendance de l'Europe notamment vis-à-vis de la Russie.

« L'énergie peut devenir une grande filière « transméditerranéenne ».

Il y a donc entre les deux rives une opportunité historique à saisir et une communauté d'intérêts complémentaires entre les pays » (rapport de l'Ipemed au Président du Parlement européen).

• Le numérique est aujourd'hui au coeur du développement de tous les usages : e-santé, e-sécurité, e-éducation, e-formation, ... C'est l'outil d'avenir qui permet de développer des services efficaces en s'affranchissant des frontières. De part et d'autre de la Méditerranée, les jeunes générations se sont saisies des outils, des technologies et des nouveaux modes de communication mis en réseau. Par la formation et les échanges, des opportunités de co-développement économique diverses se dégagent. Avec cohérence, des moyens et des échanges, la nouvelle économie peut être un accélérateur pour les pays des deux rives. Il faut s'en saisir au moment présent.

• L'environnement : La gestion de l'eau, la pollution massive de la Méditerranée et sa dépollution nécessaire de même que l'assainissement dans les espaces urbains, notamment, sont des défis environnementaux immenses à relever ensemble. Ce champ de coopération est en pleine expansion et doit mobiliser des moyens plus importants. Il faut en faire une priorité politique.

• L'agriculture : Le potentiel est grand et divers. Il passe par le développement des « filières productives » communes et « territorialisées » (fruits, légumes, lait, céréales...).

• Le tourisme est déjà développé mais les potentialités dans ces pays de culture ancienne et diverse, à l'ensoleillement majeur (+ de 3 000 heures/an ou 250 jours/an) sont immenses. Cependant les projets doivent anticiper sur les développements mal maitrisés et destructeurs (urbanisme).

Pour financer ces projets, il y a les outils traditionnels de l'Union européenne et dans les Etats membres. Mais la Méditerranée n'était pas un espace prioritaire. Il faut cependant les mobiliser et surtout les conforter. L'idée d'une « banque de développement régional » a été formulée par les Présidents des parlements de l'UpM au sommet du 7 avril 2013 à Marseille.

A l'évidence, les instruments actuels ne suffisent plus. Cette banque contribuerait sûrement à restaurer la confiance notamment des investisseurs industriels et il faut aussi pouvoir assurer le financement des projets en matière d'infrastructures et de soutien aux PME.

Cette redéfinition de la politique européenne devra prendre en compte la Méditerranée, non pas comme un « espace périphérique », mais comme un « cercle à intégrer » avec des objectifs et des politiques communes. L'approfondissement des accords dans le domaine du commerce (ALECA), dans le domaine de la mobilité (partenariat pour la mobilité) devra s'accompagner progressivement et en fonction des besoins de l'ouverture de certaines politiques communes aux pays du Maghreb.

L'Europe s'est construite par affinité, mais c'est aussi la construction et la réalisation de projets communs dans la durée qui fondent la solidité et la pérennité d'une relation de confiance.

CONCLUSION GÉNÉRALE UN ENJEU DÉCISIF DANS L'ÉQUILIBRE DU MONDE POUR LES 20 ANS À VENIR

« La Méditerranée, pivot de la grande région Europe-Méditerranée-Afrique. » ( Jean-Louis Guigou)

Carte n° 94 : la dynamique des grandes régions

Source : IPEMED

« Les rêves du Maghreb ouvrent le champ des possibles »...

L'Europe et la France sont face à des défis stratégiques. Après l'ouverture à l'Est depuis 20 ans, ... « Cap au Sud » !

Le XXI e siècle sera le siècle de l'Afrique, 2 milliards d'Africains et ¼ de francophones, soit 500 millions d'ici 2050 !

« Un boulevard s'ouvre pour la France ».

Et on aperçoit se dessiner les limites d'une « grande région Nord-Sud » constituée de l'Europe, de la Méditerranée, du Maghreb et de l'Afrique. Et elle pèserait dans la mondialisation.

Car elle permettrait de « combiner les forces des Pays du Nord (brevets scientifiques, expérience industrielle, taille du marché) et les forces des Pays du Sud (matières premières et énergie, main d'oeuvre abondante et qualifiée) » 353 ( * ) pour le développement de tous.

Les grandes entreprises mondiales s'organisent déjà autour de ces perspectives et le capital, comme souvent, anticipe.

Après les révoltes arabes et les désordres qui s'en suivent, souhaitons que les forces démocratiques reprennent le pouvoir et fassent triompher les valeurs de justice et de dignité de l'homme.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa séance du 30 octobre 2013, sous la présidence M. Daniel Reiner , vice-président.

Après l'exposé des rapporteurs, un débat s'est engagé.

M. Jacques Gautier . - Ce rapport complète les travaux exposés hier par le groupe de travail sur l'Afrique.

Vous avez abordé le cas de la Mauritanie, comment se situe ce pays, est-il dans la sphère méditerranéenne ou se rattache-t-il plutôt aux problématiques sahéliennes ?

Vous présentez le Maghreb comme pivot entre l'Europe et l'Afrique, mais la zone saharo-sahélienne ne constitue-elle pas une fracture ? Le lien entre l'Europe et une Afrique en développement ne risque-t-il pas de se faire par-dessus le Maghreb ?

Mme Leila Aïchi . - Je partage globalement votre analyse. Je voudrais simplement poser un bémol s'agissant du Sahara occidental pour rappeler que les forces de sécurité marocaine maintiennent 100 000 hommes sur place, que le référendum n'est pas qu'une demande du Front Polisario mais aussi une disposition des résolutions des Nations unies et que cette demande conforme au droit international est soutenue par le Parlement européen et par des pays comme la Suède, enfin que l'exploitation des ressources naturelles de ce territoire ne peut se faire sans l'accord des populations locales. Or le Maroc exploite notamment les gisements de phosphates et les ressources halieutiques en violation des résolutions des Nations unies sur le sujet. Je voudrais aussi rappeler que, pour les experts de l'Union africaine en matière de prévention des conflits que nous avons rencontrés à l'occasion d'un récent déplacement en Éthiopie avec le groupe de travail sur l'Afrique, ce territoire demeure une zone de tension et une zone à risques. La France est la patrie des droits de l'homme, sa position est-elle soutenable ? Ce n'est pas celle des Nations unies, des États-Unis, ni de la Grande-Bretagne, ni du Parlement européen.

Mme Josette Durrieu . - La Mauritanie occupe une place singulière. Elle est membre du Dialogue 5+5 et nous ne souhaitons pas l'en exclure, mais au titre des politiques européennes, elle relève des accords de Cotonou passés par l'Union européenne avec 79 pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) en 2000 et non de la politique de voisinage.

La crainte d'une éviction du Maghreb est un risque, mais la dynamique d'un Maghreb unifié devrait lui permettre de le surmonter, car ces pays ont des atouts.

S'agissant du Sahara occidental, je vous remercie de votre appréciation. La situation est complexe. Nous avons voulu dans le rapport être les plus objectifs possible dans la relation des faits et reprendre la position de la France telle qu'elle a été formulée par le Président de la République. Nous nous sommes rendus sur place et avons pu constater que la population est divisée sur la question de l'avenir du territoire et que le Maroc investit de façon importante pour son développement.

M. Rachel Mazuir . - Je reste perplexe sur les conditions de développement de la démocratie dans ces pays. La coopération décentralisée me paraît une voie de coopération intéressante, comment les collectivités territoriales peuvent-elles procéder si elles souhaitent développer des projets ?

M. Christian Cambon . - De nombreuses collectivités développent une coopération avec des collectivités du Maghreb. Au-delà de l'expertise technique, il me paraît également nécessaire, à travers des jumelages, de favoriser une meilleure connaissance entre les sociétés civiles, à travers les associations locales, et de développer des liens entre les populations.

Mme Michelle Demessine . - Il est dommage de ne pouvoir disposer que de peu de temps pour s'exprimer sur ce travail auquel j'ai participé notamment en me déplaçant en Tunisie et en suivant l'évolution de la situation dans ce pays. La situation dans les pays du Maghreb est évolutive. Elle est loin d'être stabilisée. Il est important que notre commission puisse suivre ces évolutions et qu'elle assure une permanence de ses travaux. Nous avons perçu beaucoup d'interdépendances dans la situation de ces pays malgré leur diversité et dans leurs relations avec la France et avec l'Europe. Il est donc particulièrement important de maintenir une veille permanente. Il y a un préalable, c'est la stabilité et la sécurité de ces pays, notamment en Libye et en Tunisie. Je reste optimiste mais la situation peut devenir très rapidement conflictuelle et la France ne pourra rester à l'écart de ces évolutions.

M. Jean-Claude Peyronnet . - Je crois effectivement que nous devons être attentifs à ces développements, compte tenu de la proximité de ces pays.

M. Christian Cambon . - Le rapport dresse un état des lieux mais la situation est très évolutive sur tous les sujets et il faudra que nous puissions en débattre plus longuement et plus régulièrement. Tous méritent d'être abordés car il s'agit de sujets complexes. Nous avons essayé de nous placer dans des perspectives de long terme.

La commission a ensuite approuvé les conclusions du groupe de travail et autorisé leur publication sous forme de rapport d'information.

ANNEXES

I. AUDITIONS DE LA COMMISSION

6 février

M. Henry LAURENS, professeur au Collège de France

13 février

M. Mathieu GUIDÈRE , professeur d'islamologie à l'Université de Toulouse

20 février

M. le vice-amiral d'escadre Yann TAINGUY , commandant la zone maritime Méditerranée, commandant la région maritime Méditerranée, préfet maritime de la Méditerranée

M. Jean-François DAGUZAN , Fondation pour la Recherche stratégique, directeur de la revue Maghreb-Machreck

27 février

M. Nassif HITTI , directeur de la Mission de la Ligue Arabe à Paris

6 mars

M. Luis MARTINEZ , directeur de recherche au CERI-Sciences Po Paris

M. Olivier ROY , directeur de recherche au CNRS et directeur d'études à l'EHESS professeur à l'Institut Universitaire Européen de Florence

20 mars

M. Serge TELLE , délégué interministériel à la Méditerranée

27 mars

Mme Khadija MOHSEN-FINAN , chercheure à l'IRIS, enseignante à Sciences Po Paris et à l'université Paris I

25 avril

M. Bruno JOUBERT , ancien ambassadeur de France à Rabat, actuel ambassadeur au Saint-Siège

15 mai

M. Dov ZERAH , directeur général de l'Agence française de développement (AFD)

21 mai

M. Raphaël BELLO, chef du service des affaires bilatérales et de l'internationalisation des entreprises à la Direction générale du Trésor

28 mai

Mme Malika BERAK , ambassadrice pour la coopération méditerranéenne et la coordination interministérielle pour la Libye,

29 mai

M. Jean-Louis GUIGOU , délégué général de l'Institut de Prospective Economique du Monde Méditerranéen (IPEMED)

5 juin

M. Luc DEREPAS , secrétaire Général à l'immigration et à l'intégration (Ministère de l'Intérieur) et M. François LUCAS , préfet, directeur de l'immigration

Mme Bénédicte de MONTLAUR , sous- directrice d'Afrique du Nord (Ministère des affaires étrangères)

19 juin

M. Fathallah SIJILMASSI , secrétaire général de l'Union pour la Méditerranée

II. DÉPLACEMENT À ALGER

Participants : Mme Josette DURRIEU et M. Christian CAMBON , co-présidents

Lundi 15 avril 2013

08h45

Réunion de travail avec M. André PARANT , ambassadeur de France à Alger et les services de l'Ambassade

10h00

Entretien avec M. Brahim BOULAHYA , Président de la commission des Affaires Étrangères au Conseil de la Nation (chambre haute)

11h15

Entretien avec M. Abdelkader OUALI , Secrétaire général - Ministère de l'intérieur

13h00

Déjeuner de travail avec l'ambassadeur du Maroc et l'ancien ministre algérien de la communication M. Abdelaziz RAHABI

16h00

Rencontre avec Mme Louisa DRIS-AIT HAMADOUCH , universitaire

18h00

Rencontre avec M. BERKOUK , directeur de l'école nationale supérieure des sciences politiques

19h30

Dîner de travail avec le général MEKRI , Directeur des relations extérieures et de la coopération au ministère algérien de la défense

Mardi 16 avril 2013

09h00

Rencontre avec M. Reda HAMIANI , ancien ministre de l'industrie, Président du Forum des chefs d'entreprises (organisation patronale) et des membres du bureau de cette organisation

14h30

Entretien avec M. Abdelkader MESSAHEL , Ministre délégué chargé des affaires maghrébines et africaines

18h00

Rencontre avec M. Baba SAYED , universitaire sahraoui

20h00

Dîner de travail avec des représentants de la presse algérienne

Mercredi 17 avril 2013

07h45

Petit déjeuner de travail avec M. André PARANT, Ambassadeur de France à Alger

09h00

Rencontre avec M. Abdelrazzak MOKRI , vice-président du MSP (islamiste)

10h30

Rencontre avec M. Abdelhamid SIAFIF , directeur des relations internationales du FLN

15h00

Visite du CAERT (Centre Africain d'Études et de Recherches sur le Terrorisme) : entretien avec le directeur par intérim M. Idris LALLALI

III. PROGRAMME DU DÉPLACEMENT À TUNIS

Participants : Mmes Michèle DEMESSINE et Joëlle GARRIAUD-MAYLAM , sénatrices

Lundi 6 mai

08h30

Petit-déjeuner de travail avec M. François GOUYETTE , ambassadeur de France à Tunis et les chefs de service de l'Ambassade de France

11h00

Entretien avec M. Rachid SABBAGH , ministre de la Défense et Général Rached AMMAR , chef d'état-major des armées

12h00

Entretien avec M. Mustapha ben JAFAAR , président de l'Assemblée nationale constituante, dirigeant du parti Ettakatol

13h00

Déjeuner avec MM. Yadh BEN ACHOUR , professeur de droit constitutionnel, ancien président de l'Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution (ISROR), M. Samir MARZOUKI , professeur de littérature française à l'Université de la Manouba, et M. Abdelwahab HANI , président du parti El Majd

16h00

Entretien avec M. Ali LARAYEDH , Chef du gouvernement

18h00

Entretien avec M. Hamma HAMMAMI , secrétaire général du Front Populaire

20h00

Participation à la Soirée « Pour la Tunisie qu'on aime » au Théâtre municipal de Tunis

Mardi 7 mai

08h30

Petit-déjeuner avec M. Nejib CHEBBI , Parti républicain

09h30

Entretien avec M. Rached GHANNOUCHI , président du parti Ennahdha

13h00

Déjeuner de travail avec Mme Maherzia LABIDI , 1 re vice-présidente de de l'Assemblée nationale constituante, et des représentantes des groupes parlementaires.

14h30

Entretien avec M. Taëb BAKKOUCHE , secrétaire général de Nida Tounès

16h00

Entretien avec M. Othman JARANDI , Ministre des Affaires étrangères

18h00

Rencontre avec des acteurs de la société civile : M. Ramy SAHLI , représentant à Tunis du REMDH (Réseau euroméditerranéen des droits de l'Homme, Mme Yamina THABET, Présidente de l'Association tunisienne de soutien aux minorités et Maître Mohamed BEN KHALED , Président de l'Association Initiatives Développement (AID).

20h00

Dîner avec des acteurs économiques : Mme Ouided BOUCHAMAOUI , présidente d'UTICA (« MEDEF » tunisien), M. Abderahman BELGAT , représentant du groupe Accor, M . Nicolas DELAPORTE , représentant Air France, M. Bassem LOUKDIL , président directeur-général du groupe Loukil, M. Abderrazak ZOUARI , président directeur général de l'UBCI, M. Radhi MEDDEB , président de l'IPEMED, M. Habib BEN SAAD , président directeur général de la Banque de Tunisie, Mme Naïla HORCHANI , directrice générale du groupe Horchani, M. Patrick LUCAS , représentant du MEDEF.

Mercredi 8 mai

09h30

Entretien avec M. Mouldi JENDOUBI , Kacem AFAYA et M. Nouredine TABBOUBI , Secrétaires généraux adjoints de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT)

10h30

Entretien avec Mme Bochra BELHAJ HMIDA , avocate, ancienne Présidente de l'Association des femmes démocrates et des membres de l'association

IV. DÉPLACEMENT À BRUXELLES (UNION EUROPÉENNE)

4 juin 2013

Participants : Mme Josette DURRIEU , M. Christian CAMBON , co-présidents,
Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM , et M. Jean-Claude PEYRONNET , sénateurs

10h00

Entretien avec M. Hugues MINGARELLI , directeur pour le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord, la péninsule Arabique, l'Iran et l'Irak, Service Européen pour l'Action Extérieure.

11h30

Entretien avec M. Léon BERNARDINO , Représentant spécial de l'Union européenne pour le Sud de la Méditerranée, Service Européen pour l'Action Extérieure.

13h00

Déjeuner de travail avec MM. Philippe ETIENNE , ambassadeur, Représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne et Jean-Louis FALCONI, ambassadeur, Représentant de la France auprès du comité politique et de sécurité de l'Union européenne et de l'Europe occidentale

15h00

Entretien avec M. Bernard BRUNET , membre du cabinet du Commissaire Stefan FÜLE, Élargissement et politique européenne de voisinage.

16h30

Entretien avec M. Vasco CAL , conseiller du bureau des conseillers de politique européenne (BEPA) à la Commission européenne

V. DÉPLACEMENT À RABAT ET LAAYOUNE

Participants : Mme Josette DURRIEU , M. Christian CAMBON , co-présidents.

VOLET RABAT

Lundi 1 er juillet

08h30

Petit-déjeuner de travail avec M. Mustapha El KHALFI , ministre de la Communication et Porte-parole du gouvernement

10h00

Entretien avec M. Habib BEN YAHIA , Secrétaire Général de l'UMA

11h00

Présentation de l'activité de l'AFD au Maroc par M. Joël DALIGAUT , directeur de l'Agence

13h00

Déjeuner de travail

Thème : Les défis économiques et sociaux du Maroc

Participants :

- M. Ahmed FASSI-FIHRI, Directeur de l'Agence marocaine de développement des investissements

- M. Driss GUERRAOUI, Secrétaire Général du Conseil économique social et environnemental

- M. Mohamed CHAFIKI, Directeur des Etudes et des Prévisions, MINEFI

16h30

Entretien avec M. Karim GHELLAB , Président de la Chambre des Représentants

18h00

Entretien avec M. Mohand LAENSER, Ministre de l'Intérieur

20h45

Diner de travail avec Dr. Mohamed CHEIKH BIADILLAH, Président de la Chambre des Conseillers

Mardi 2 juillet

08h45

Petit déjeuner avec M. Ahmed HAJJI , Directeur de l'Agence pour la Promotion et le Développement économique et social des Provinces du Sud du Royaume

10h00

Entretien avec M. Rupert JOY, Chef de la délégation de l'Union Européenne et Mme Véronique JANSSEN, conseiller politique

11h30

Entretien avec M. André AZOULAY, Conseiller royal et Président de la Fondation Anna Lindh

13h00

Déjeuner avec la société civile

- Mme Nadia LAMLILI, Secrétaire générale du réseau des femmes journalistes

- M. Ahmed EL HAIJ, Président de l'AMDH

- M. Mourad ERRAHIB, membre du bureau de l'association le médiateur pour la démocratie et les droits de l'homme

- M. Abdelaziz NOUAYDI, Président fondateur d'ADALA

- M. Abdessamad SADDOUQ, Secrétaire Général de Transparency Maroc

15h00

Entretien avec M. Youssef AMRANI, Ministre délégué aux Affaires étrangères et à la Coopération

16h30

Présentation de l'activité de CAMPUS France au Maroc, par M. Bernard RUBI, Attaché de coopération pour l'enseignement supérieur et la mobilité étudiante

17h30

Rencontre informelle avec des jeunes

20h30

Dîner de travail avec des analystes politiques

Participants :

M. François BURGAT, Directeur de l'Institut Français du Proche Orient

M. Mohamed TOZY, Politologue

M. Abdallah SAAF, Politologue

M. Mohamed CHERKAOUI, Chercheur

M. Baudouin DUPRET, Directeur Centre Jacques Berque

M. Jean-Noël FERRIE, Directeur-adjoint Centre Jacques Berque

Mercredi 3 juillet

08h30

Petit déjeuner avec M. Driss El-YAZAMI, Président du CNDH et
M. Mohammed Khalid LARAICHI , Secrétaire Général , Président, l'Instance Centrale de Prévention de la Corruption

10h00

Entretien avec M. Omar KABBAJ, Conseiller royal

11h00

Entretien avec M. Saïd MOULINE, Directeur général l'Agence marocaine pour le développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique (ADEREE)

VOLET LAAYOUNE

Mercredi 3 juillet

20h00

Diner avec la communauté française :

- Lieutenant-Colonel Jean RUET, Chef du détachement français de la MINURSO

- Dr. Abdelaziz MOUFADDAL, Ophtalmologue du Croissant Rouge, Chef d'îlot

- M. Vincent BIENAIME, Directeur de l'Ecole Paul Pascon

- Mme Pauline GOURDON, Volontaire internationale FLE

Jeudi 4 juillet

10h30

Rencontre avec M. Enaam MAYARA, Rapporteur général du budget du Conseil de la Région de Laâyoune-Boujdour-Sakia El Hamra

11h30

Rencontre et déjeuner de travail avec M. le Gouverneur de la région de Laâyoune, le directeur du centre régional d'investissement, M. Hassana MAOULAININE , et les représentants de tribus sahraouies

15h30

Rencontre avec des associations de Sahraouis favorables à l'autonomie élargie

16h30

Visite de l'école OSUI Paul Pascon par M. Vincent BIENAIME , Directeur de l'école

17h00

Entretien avec M. Mohamed SALEM CHERKAOUI , Président de la Commission régionale des Droits de l'homme de Laâyoune-Smara

18h00

Entretien avec l'Association Sahraouie des Victime des violations graves des Droits Humains commises par l'Etat du Maroc (ASVDH)

19h00

Entretien avec CODAPSO (Comité pour la défense du droit à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental)

20h00

Dîner offert par M. Mohamed Laghdaf EDDAH , Directeur de la chaîne régionale de Laâyoune

Vendredi 5 juillet

09h30

Entretien M. Alex IVANKO, Chef du bureau politique, MINURSO

11h00

Présentation la situation sécuritaire sur le terrain par le Lieutenant-Colonel Jean RUET et M. Enrico MAGNANI, responsable de l'information

12h00

Présentation des opérations de déminage de la MINURSO par M. Borys POKALYUK

13h00

Déjeuner avec Mme Joséphine NDONKEYE , Directeur ad intérim du HCR Laâyoune et Mlle Serena TABARIA , chef de projet

15h00

Visite de projets et d'infrastructures :

- Projets d'économie sociale et solidaire concernant des coopératives féminines pilotés par l'Agence du Sud

- Station de désalinisation d'El Marsa

- Installations portuaires d'El Marsa


* 1 En réalité la Libye est occupée par les alliés dès 1943.

* 2 La France maintiendra des troupes au Fezzan jusqu'en 1956.

* 3 L'Espagne conserve en Afrique du Nord les deux villes de Ceuta et Melilla sur la côte méditerranéenne du Maroc. Elles continuent à être revendiquées par le Maroc et constituent un point de tension régulier en les deux pays.

* 4 http://www.elysee.fr/declarations/article/allocution-devant-les-deux-chambres-reunies-du-parlement-algerien/

* 5 Henry Laurens « Français et Arabes depuis deux siècles - la chose franco-arabe » Texto 2012

* 6 World Port Ranking 2011 http://aapa.files.cms-plus.com/PDFs/WORLD%20PORT%20
RANKINGS%202011.pdf

* 7 La Tribune n°56 juillet-août 2013.

* 8 Ce dernier Etat est, géographiquement, démographiquement et historiquement, un espace intermédiaire entre le Maghreb et l'Afrique noire. Il n'entre pas dans le champ d'étude de ce rapport, toutefois des informations seront incluses le concernant dans la mesure où il s'intègre d'ores et déjà avec ses voisins du nord dans les organes de coopérations euro-méditerranéens.

* 9 En mai 2011 les utilisateurs tunisiens de Facebook montraient une préférence sans appel pour l'interface en français avec 94,60%, suivit de l'anglais avec 2,72% et un très faible choix de l'arabe avec 1,56%. Les utilisateurs marocains de Facebook montraient une préférence pour l'interface en français avec 77%.

* 10 Bruno Levallois (Inspecteur général de l'Éducation nationale) - L'enseignement de l'arabe dans l'institution scolaire française -Langue et cité - bulletin de l'observatoire des pratiques linguistiques - octobre 2009.

* 11 Luc Deheuwels (Inalco) Les études arabes dans l'enseignement supérieur-Langue et cité - bulletin de l'observatoire des pratiques linguistiques - octobre 2009

* 12 La Mauritanie a découvert du pétrole au milieu de la première décennie 2000, mais les gisements sont décevants, la production pétrolière a fortement baissé : elle est tombée de 22% du PIB en 2006 à moins de 4% en 2012. La part du pétrole dans les exportations totales décroît rapidement depuis 2006 en raison de la baisse de la production.

* 13 CIA The World Factbook.

* 14 Chercheur auprès du Centre d'Études et de Documentation de Barcelone : «le défi énergétique en Méditerranée », Ipemed 2010.

* 15 M. Francis Ghilès souligne que « le gazoduc Enrico Mattei, qui relie l'Algérie à l'Italie via la Tunisie, dont la capacité va bientôt augmenter pour atteindre 32 milliards de mètres cubes, le gazoduc Pedro Duran Farrell, qui relie l'Algérie à l'Espagne et au Portugal via le Maroc et dont la capacité est de 8 milliards de mètres cubes, le Green Stream, qui transporte 8 milliards de mètres cubes de gaz de la Libye vers l'Italie, n'ont jamais connu de problèmes de transit dans la mesure où les relations contractuelles entre les divers acteurs sont bonnes ». L'achèvement récent du gazoduc Medgaz, qui relie directement l'Algérie à l'Espagne avec une capacité de 8 milliards de mètres cube de gaz par an, et prochainement celui du gazoduc Galsi, qui reliera directement l'Algérie à l'Italie avec une capacité similaire, « permet de penser qu'à l'avenir la préférence de l'Algérie sera d'éviter le transit par un pays tiers pour ses exportations de gaz naturel» .

* 16 Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei, Vietnam, Laos, Birmanie, Cambodge

* 17 Ces pays sont : le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, la Libye, l'Égypte, la Jordanie, le Liban, les Territoires palestiniens et la Syrie

* 18 OMC Statistiques du commerce international 2012 http://www.wto.org/french/res_f/statis_f/its2012_f/its2012_f.pdf

* 19 Cette part de marché s'est réduite à 12,8% (contre 15,1% en 2011) et connaît une érosion constante depuis 2000 (25%) en raison d'une concurrence accrue (Italie, Espagne mais surtout Chine et plus récemment Turquie). En 10 ans, la part de marché de la France a été divisée par deux malgré une hausse régulière de nos exportations (multipliées par 2,6) ; sur la même période la Chine a multiplié ses exportations vers l'Algérie par 30 pour atteindre 12,5 % de parts de marché (moins de 2% en 2003), l'Italie par 4,1, l'Espagne par 7,8, la Turquie par 4,7 et l'Allemagne par 3,2.

* 20 Près de 75 % des échanges bilatéraux proviennent des relations commerciales avec les succursales ou filiales françaises « off-shore » du secteur industriel, dont les flux d'approvisionnements et de réexportation en France se traduisent par une balance structurellement déficitaire. De ce fait la structure des importations et des exportations sont assez semblables : les équipements mécaniques et électriques représentent la moitié du total.

* 21 Ce recul s'explique en grande partie par la chute des 46% des exportations de blé.

* 22 Qui ont atteint 45,4 Mds d'euros, sous l'impulsion notamment des exportations de produits pétroliers

* 23 Cette augmentation est en grande partie imputable à la hausse des importations de véhicules de tourisme avec l'ouverture de l'usine Renault à Tanger.

* 24 http://stat.wto.org/CountryProfile/WSDBCountryPFView.aspx?Language=E&Country=MR

* 25 Au bénéfice du Qatar, en raison du rachat de 15% des parts confisquées dans l'opérateur de télécoms Tunisiana et d'un investissement touristique.

* 26 Au bénéfice du Qatar, en raison du rachat de 15% des parts confisquées dans l'opérateur de télécoms Tunisiana et d'un investissement touristique.

* 27 En favorisant notamment des actions de micro-crédit à l'égard de leurs fournisseurs (agro-alimentaire) ou des initiatives pour promouvoir l'emploi des jeunes (TIC).

* 28 Tout particulièrement dans les domaines des TIC -pôle Systém@tic d'Ile de France- et des ENR-Rhône-Alpes.

* 29 Notre stock d'IDE en Algérie ne représente que 12% de nos IDE en Afrique du Nord en 2011 contre la moitié au Maroc et le quart en Egypte.

* 30 183 Mds en 2011.

* 31 Selon une étude récente réalisée pour le compte de l'Organisation internationale pour les migrations, le stock d'émigrés mauritaniens est estimé à 105 315 personnes, dont 20,6% installés en Europe. Cette même source fait état de 17 623 migrants nés en Mauritanie et enregistrés dans les principaux pays européens de destination dont la France (8 237 personnes en 1999) et l'Espagne (8 410 personnes en 2006). Comparé à l'ensemble des migrants ouest-africains vivant dans les pays de l'OCDE, la communauté des migrants nés en Mauritanie et vivant dans ces pays ne représente que 1,4%.

* 32 Les étrangers ne sont pas tous nés à l'étranger et les personnes nées à l'étranger ne sont pas toutes étrangères.

* 33 L'effectif des résidents étrangers était de 539 000 en 1952. Après l'indépendance, le départ des étrangers s'est accéléré, notamment celui des Français et des Espagnols. Depuis cette date, la baisse s'est poursuivie mais à un rythme de plus en plus faible. On peut estimer que les effectifs se sont stabilisés ou sont en voie de reprendre une certaine croissance.

* 34 Ce chiffre ne comprend pas les réfugiés (principalement sahraouis, vivant dans les camps de la région de Tindouf, dans l'extrême Sud-ouest) ni, naturellement, les immigrants irréguliers, des ressortissants d'Etats d'Afrique subsaharienne pour la plupart. Si l'on tient compte de ces deux catégories, le nombre d'étrangers résidant sur le territoire algérien s'élèvera à 325 000 personnes.

* 35 Statistiques extraites de Hocine Abdelaloui « les étrangers en Algérie : vers la constitution de communauté d'immigrés » CARIM notes d'analyse et de synthèse 2009 Robert Schuman Center for Advanced Studies.

* 36 En 1999, l'Agence nationale de la main-d'oeuvre (ANEM) a recensé 1 000 travailleurs étrangers. Ils sont actuellement 32 000, dont 40% de Chinois employés par les sociétés chinoises actives dans les travaux publics, les hydrocarbures et le bâtiment.

* 37 Dont 46% de binationaux et plus de 40 000 résidents une partie de l'année.

* 38 Des améliorations ont été demandées aux autorités algériennes pour favoriser l'entrée et le séjour en Algérie des ressortissants français. Les autorités algériennes ont également prodigué d'importants efforts pour l'amélioration de la délivrance dans les délais impartis de laissez-passer consulaires (LPC), le taux de délivrance de LPC s'élevant à 44% pour en 2010 contre 39% en 2003.

* 39 Circulaire du 18 octobre 2012, décrets n° 2013-794 et n°2013-795 du 30 août 2013

* 40 Toutefois, 2011 a également vu l'émergence des Tunisiens (9 % des ARH), qui, après être entrés irrégulièrement sur le territoire à la suite du « printemps arabe », ont bénéficié largement de ce dispositif après le retour à la normale.

* 41 Ministère du Tourisme du Maroc Hors Marocains résidents à l'étranger : http://www.tourisme.gov.ma/francais/5-Tourisme-chiffres/ArriveeTouristes.htm

Les Français constituent le premier contingent : 3,33 millions.

* 42 Aux premiers rangs la France 1,78M (37%), l'Espagne (0,69 M) et le Royaume-Uni (0,35 M).

* 43 Aux premiers rangs la France (17%), suivie de l'Allemagne (7%) et du Royaume-Uni (5%). Il faut noter la domination des Libyens (32%) et d'un fort contingent d'Algériens (15%) La France demeure le 1 er pourvoyeur de touristes hors Maghreb en dépit d'une moindre attraction du marché, les touristes français représentent encore 1/9 des touristes accueillis par la Tunisie (1 M de personnes, contre 1,3 M avant la Révolution). L'année 2012 a été une année de reprise (+22%) après la forte baisse de 2011.

* 44 Ministère algérien du tourisme et de l'artisanat : statistiques 2012 http://www.mta.gov.dz/

* 45 EuroMed2030 - «  Défis à long terme pour la région méditerranéenne » (exercice de prospective demandé par la Commission européenne - Bruxelles décembre 2010

* 46 Sa bonne santé financière a valu à l'Algérie d'être sollicitée pour participer- à hauteur de 5 Mds USD à l'emprunt lancé par le FMI en vue d'augmenter ses ressources, devenant ainsi en 2012, un créancier net du Fonds

* 47 Lahcen Achy « The price of stability in Algeria » The Carnegie papers- avril 2013 p. 4 et 17 http://carnegieendowment.org/2013/04/25/price-of-stability-in-algeria/g1ct#

* 48 http://www.bank-of-algeria.dz/notes402013.htm

* 49 Lahcen Achy « The price of stability in Algeria » The Carnegie papers- avril 2013 p.14 http://carnegieendowment.org/2013/04/25/price-of-stability-in-algeria/g1ct#

* 50 Le taux de couverture des dépenses de fonctionnement par la fiscalité ordinaire peine à atteindre 50%, le sentier de croissance de la dépense publique apparait de moins en moins soutenable en cas de baisse prolongée des cours du pétrole. Les autorités algériennes ont perçu ce risque mis en évidence par le FMI. Ainsi, le projet de loi de finances 2013 prévoit la poursuite de la réduction des dépenses d'investissement mais également une contraction sensible des dépenses de fonctionnement. Une meilleure mobilisation et un accroissement des recettes fiscales hors hydrocarbures apparaissent incontournables à moyen terme.

* 51 http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/378897

* 52 Ainsi Le report de 130 Mds USD du PIP 2005-2009 vers le PIP 2010-2014 laisse supposer que le taux d'engagement de ce programme, en termes de dépenses, s'élève à 16 % seulement des 155 Mds USD annoncés.

* 53 L'environnement des affaires demeure difficile en Algérie (bureaucratie pesante, réglementation complexe et volatile, contrôle des changes pointilleux, pénalisation de l'acte de gestion), comme en témoigne son classement dans le rapport « Doing Business » de la Banque mondiale en 2013 avec la 152 e place sur 183 pays (148 e place en 2012). Un certain nombre d'entreprises font aussi face à des retards de paiements, des contentieux douaniers (évaluation en douane), des difficultés de transferts de recettes ou de dividendes. Voir également Lahcen Achy « The price of stability in Algeria » The Carnegie papers- avril 2013 p. 19 et suiv. http://carnegieendowment.org/2013/04/25/price-of-stability-in-algeria/g1ct#

* 54 En 2011 (source CNUCED), les flux entrants d'IDE en Algérie ont progressé de 14% par rapport à l'année précédente passant de 2,26 Mds USD à 2,57 Mds USD, alors qu'ils ont reculé de 58% dans l'ensemble la région en raison de contextes politiques difficiles. En 2011, ils ont représenté respectivement 1,3% du PIB, 3,5% de la Formation Brute de Capital Fixe (FBCF) et 0,17% des IDE mondiaux.

Le stock d'IDE en Algérie s'élevait à 21,8 Mds USD en 2011. En progression de 12% par rapport à 2010, il représente désormais 11% du PIB (contre 47% au Maroc et 68% en Tunisie). La part de l'Algérie dans le total régional (Afrique du Nord- Égypte) s'élève maintenant à 11,6%. En l'absence de statistiques disponibles, la composition exacte du stock d'IDE en Algérie n'est pas connue de façon précise mais il est généralement composé pour 50% d'investissements dans le secteur des hydrocarbures.

* 55 Mais son taux de croissance (5,3% en 2012) est plus élevé que celui du PIB (3,1%).

* 56 Les estimations de la Banque Africaine de Développement sont un peu différentes : elle estime que l'économie avait subi une contraction de 41,8% en 2011, avant une reprise de la croissance à hauteur de 20,1% en 2012, puis de 9,5% en 2013.

* 57 1,6 Mb/j en juillet 2012.

* 58 Le délistage de la Banque Centrale et de la Libyan Foreign Bank a rendu le contrôle d'environ 100 Mds USD d'actifs liquides. La levée de la plupart des sanctions financières a permis d'accélérer le retour à la normale du fonctionnement du système bancaire libyen.

* 59 La NOC estime les besoins d'investissements pour maintenir la production à 10 Md USD sur dix ans, et à 20 Md USD sur dix ans pour l'exploration de nouvelles ressources. La décision de plusieurs « majors » de reprendre leurs campagnes d'exploration montre que le potentiel minier libyen conserve toute son attractivité. Elle reste toutefois à concrétiser dans un contexte sécuritaire incertain. L'adoption de nouveaux accords de partage de production, attendue après l'adoption de la constitution, sera déterminante pour l'avenir de la Libye comme acteur pétrolier africain majeur de la prochaine décennie

* 60 Réduction des droits de douane, signature d'accords de libre-échange (p.ex. avec l'UE en 1996 ou les Etats-Unis en 2006), accords sur la protection des investissements, mise en place de plans sectoriels afin de développer l'offre exportable du pays.

* 61 Bien qu'en léger ralentissement, la croissance des secteurs non agricoles a néanmoins continué à soutenir l'activité économique, au rythme de 4,8% (5,3% en 2011). Le secteur secondaire a ainsi cru de 3,2% grâce aux activités énergétiques, au BTP et à la construction automobile, compensant les faibles performances des activités du phosphate et des industries électriques et électroniques. Les activités tertiaires ont connu une croissance de 5,7%, grâce aux secteurs des télécommunications, des services aux entreprises et ceux fournis par les administrations publiques.

* 62 Le tourisme est sensible à la crise économique internationale mais aussi à la situation politique et sécuritaire en 2011 dans le contexte des révolutions arabes et après l'attentat de Marrakech, le nombre de nuitées enregistrées dans des établissements classés a chuté de 6%.

* 63 Les transferts des Marocains non-résidents apportent environ 1/3 des devises du royaume.

* 64 Toutefois, en matière d'IDE la situation est en voie d'amélioration sensible. En 2012, le Maroc a drainé 2,84 milliards de dollars d'investissements directs étrangers et retrouve son niveau d'avant la crise mondiale (1,3 mds en 2010). Il est le second pays d'Afrique le plus attractif pour les investisseurs selon l'étude «African Countries of the Future 2013/2014», qui reprend les résultats constatés par la CNUCED

* 65 Le FMI avait préalablement appuyé le Maroc en lui accordant une « ligne de précaution et de crédit » (LPL) d'un montant de 6,2 Mds USD, qui vient d'être confirmée pour une seconde année en ce début d'année 2013, ligne accordée aux pays dont les fondamentaux sont jugés solides. Cette facilité n'a pas donné lieu à décaissement en raison de l'amélioration en 2012 de la situation économique

* 66 Le Monde 19 juillet 2013

* 67 Y compris de développement de flux commerciaux parallèles avec la Libye : commerce de produits pétroliers.

* 68 Ce dispositif cherche à améliorer leurs chances de trouver un emploi en leur offrant une couverture social et une allocation mensuelle.

* 69 Emploi limité et temporaire de chômeurs dans les régions les plus pauvres.

* 70 Une échéance majeure de 330 millions d'euros a été honorée en février.

* 71 (2 e programme d'appui budgétaire, pour plus d'1,4 Mds USD, de la Banque mondiale, de la BAfD et de l'UE; lancement en fin d'année d'obligations samouraï à hauteur de 250 MUSD garanties sur le marché japonais par JBIC).

* 72 0,79 Md dollars devrait provenir de l'appui budgétaire fourni par la Banque Africaine de développement (BAfD) et la Banque mondiale dans le cadre du 3ème Programme d'appui à la relance (PAR) (respectivement 300 M$ et 486 M$). Les marchés financiers internationaux devraient apporter environ 1,2 Mds dollars dont 490 M grâce une nouvelle garantie de l'agence US AID et deux emprunts sur le marché Samouraï avec une garantie JBIC à hauteur de 240 M dollars environ chacun, dont le premier a déjà été réalisé. L'émission de sukuks devrait rapporter 600 millions de $ alors que 425 millions pourraient provenir de tirage sur des prêts projets, incluant notamment des aides AFD et des aides régionales.

* 73 La situation des banques reste très contrainte, et leurs vulnérabilités accrues : le ratio de créances douteuses a été réévalué récemment par la BCT à 19%, en raison notamment des prêts à un secteur touristique dont près de 50% des entités seraient au bord de la faillite. Malgré une amélioration en fin d'année de la liquidité bancaire, la nécessaire recapitalisation des banques est estimée entre 3 et 7% du PIB selon le FMI (rapport « FSAP » 2012). Des restructurations dans le secteur public seront également nécessaires (la compagnie aérienne Tunisair notamment).

Le Fonds a également insisté sur la nécessaire maîtrise des salaires publics et la baisse des subventions, notamment à court terme pour les carburants.

* 74 La signature, le 27 février 2013, après 4 ans d'attente, du contrat du premier grand projet emblématique depuis la Révolution (lot « systèmes du Réseau Ferré Régional du Grand Tunis) marque une prise de conscience des autorités mais appelle une relance rapide des autres grands chantiers annoncés (modernisation du port de Rades, création d'une filière dédiée aux énergies renouvelables, etc...). A ce stade, le bilan de mise en oeuvre des 78 Mds USD de projets prioritaires annoncés début 2012 reste très mince.

* 75 Rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord de l'International Crisis Group n°124 « Tunisie : relever les défis économiques et sociaux » , 6 juin 2012

* 76 La Facilité élargie de crédit (FEC), qui a remplacé la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) comme principal outil dont dispose le FMI pour apporter un soutien financier à moyen terme aux pays à faible revenu, est caractérisée par des niveaux d'accès plus élevés aux financements, des modalités de concours plus concessionnelles, une plus grande souplesse dans la conception des programmes, et une conditionnalité à la fois plus simple et mieux ciblée .

* 77 l'Indice de développement humain (IDH) représente une volonté de définition plus large du bien-être et fournit une mesure composite de trois dimensions de base du développement humain : la santé, l'éducation et le revenu. Entre 1980 et 2012 l'IDH de Mauritanie a augmenté de 0.5% par an, passant de 0.340 à 0.467 aujourd'hui, ce qui place aujourd'hui ce pays 155 de 187 pays disposant de données comparables. L'IDH de l'Afrique subsaharienne en tant que région est passé de 0.366 en 1980 à 0.475 aujourd'hui, plaçant Mauritanie en-dessous de la moyenne régionale.

* 78 La Mauritanie a perdu 8 places et figure désormais au 167ème rang du classement Doing Business 2013. Quelques améliorations méritent cependant d'être notées : Le nouveau code des investissements, élaboré avec l'appui du PNUD et approuvé avec retard en juin 2012, et l'opérationnalisation du guichet unique, souhaitée par le FMI pour fin 2012, permettront de simplifier les procédures et de raccourcir les délais administratifs pour les nouveaux investissements.

* 79 Communication conjointe de la Commission européenne et de la Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité « Politique européenne de voisinage : vers un renforcement du partenariat » 20 mars 2013

http://ec.europa.eu/world/enp/docs/2013_enp_pack/2013_comm_conjoint_fr.pdf

* 80 . La Tunisie par exemple se trouve confrontée à la situation paradoxale où les diplômés de l'enseignement supérieur connaissent des taux de chômage nettement plus élevés que les non qualifiés. Cette stratégie de sous-traitance permettant d'employer une main d'oeuvre non-qualifiée ne correspond plus aux attentes sociales. Alors qu'en 2010, environ 55 % de la population avait moins de 30 ans, le taux de chômage des jeunes âgés de 18 à 29 ans avait atteint les 30 %, celui des jeunes diplômés du supérieur les 50.

* 81 Des progrès considérables ont été faits au fil du temps en matière d'enseignement primaire, mais la scolarisation des filles dans les écoles primaires continue de se heurter à des obstacles en Afrique du nord. Pour 100 garçons, il y a 94 filles scolarisées.

* 82 Plan d'urgence pour l'éducation en 2009 au Maroc, Initiative nationale pour le développement humain lancé en 2005 par le Roi ciblée sur les communes rurales et les quartiers urbains défavorisés afin d'apporter une réponse globale à l'ensemble de leur difficultés, Agence de développement du sud créée en 2004 pour accompagner les politiques d'aménagement globale des territoires...

* 83 « Un jeune, notamment diplômé, qui ne trouve pas de travail, c'est un citoyen qui perdra le sens des valeurs, qui ne s'intègrera pas dans la société, qui n'aura plus confiance en l'avenir et qui cherchera des échappatoires. La violence, la délinquance, l'extrémisme ou la harga (immigration clandestine) en sont quelques-unes ». Louisa Dris-Aït-Hamadouche « L'Algérie face au printemps arabe : pressions diffuses et résilience entretenue » -Observatoire des politiques euro-méditerranéenne - avril 2012 http://www.iemed.org/observatori-fr/arees-danalisi/arxius-adjunts/anuari/med.2012/hamadouche_fr.pdf/view?set_language=fr

* 84 En 2009, le Parlement algérien a voté une loi qui punit les résidents, nationaux ou étrangers, quittant le pays de manière clandestine ou frauduleuse. Des peines d'emprisonnement, de 2 à 6 mois et des amendes de 250 à 750 dollars, peuvent être prononcées.

* 85 Rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord de l'International Crisis Group n°124 « Tunisie : relever les défis économiques et sociaux » , 6 juin 2012

* 86 Michel Peraldi « Le Maghreb, laboratoire des nouvelles migrations » in « Le Maghreb et son sud : vers des liens renouvelés » sous la direction de Mansouria Mokhefi et Alain Antil IFRI - CNRS éditions 2012

* 87 http://cpi.transparency.org/cpi2012/results/

* 88 http://www.doingbusiness.org/~/media/GIAWB/Doing%20Business/Documents/Annual-Reports/
English/DB14-Full-Report.pdf

* 89 ICPC Rapport 2010-2011

http://www.icpc.ma/wps/wcm/connect/48f467804d4dfb528987af3f624bc886/+R%C3%A9sum%C3%A9+fr.pdf?MOD=AJPERES&CACHEID=48f467804d4dfb528987af3f624bc886

* 90 Les rapports de la Cour des comptes font état de cas de corruption ou de détournement de fonds publics http://www.courdescomptes.ma/index.php?id=52&no_cache=1

* 91 « La corruption gangrène notre pays et l'impunité aidant elle risque d'altérer toute démarche tendant à assurer un essor économique et social », Rapport 2011 de la Commission Nationale consultative de Promotion et de Protection des Droits de l'Homme (CNCPPDH), http://www.cncppdh-algerie.org/php_VF/images/pdf/RAPPORT-2011.pdf

* 92 On soulignera le rôle de coordination qu'ont pu jouer l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) dont les locaux ont servi de points de ralliement à des émeutiers, des avocats et des diplômés-chômeurs, ce qui a permis au-delà de la seule utilisation des réseaux sociaux de structurer le mouvement.

Cette structuration du mouvement a également été mise en avant par Luis Martinez, directeur de recherche au CERI lors de son audition, soulignant l'hétérogénéité des mouvances au sein de la coalition révolutionnaire (association de défense des droits humains, islamistes militants de partis interdits ou dissous, partenaires institutionnels déçus par le pouvoir en place... On a mis en avant les jeunes, mais en réalité cela correspond à la démographie de la région et cela ne doit pas nous faire oublier que derrière, il y a des mouvements qui vont construire la contestation et structurer le mouvement. Les jeunes ont fourni la masse et l'image mais sans les organisations, le mouvement n'eût été qu'une nouvelle émeute sans lendemain.

* 93 La révolution tunisienne a fait environ 300 morts.

* 94 Le coup d'Etat de 1987 qui a amené au pouvoir le général Ben Ali, alors Premier ministre, n'est pas de nature militaire, d'ailleurs il s'appuiera surtout sur les forces de sécurité intérieure pour assurer la pérennité du régime, le renfort de l'Armée n'étant sollicité que pour rétablir l'ordre en cas d'émeutes (1978, 1984, 2008).

* 95 Dissoute peu avant les élections de 23 octobre 2011, elle regroupe 155 représentants des partis politiques, de la société civile, des régions et des personnalités indépendantes.

* 96 Avec le maintien de l'état d'urgence, l'Armée semble plus présente et elle a assuré le bon déroulement des élections.

* 97 Les deux partis de la coalition (Ettakatol et le CPR) connaissent de nombreuses défections, y compris au sein de l'ANC (effondrement dans les sondages, défections de plus de la moitié de leurs députés à l'ANC, dont certains rejoignent le parti Wafa)

* 98 La délégation de votre groupe de travail a rencontré M. Taëb Bakkouche, secrétaire général de Nida Tounès.

* 99 La délégation de votre groupe de travail a rencontré M. Hamma Hammani, secrétaire général du Front Populaire

* 100 Rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord de l'International Crisis Group n°124 « Tunisie : relever les défis économiques et sociaux » , 6 juin 2012 p. 8 à 14.

* 101 Les groupes salafis djihadistes sont selon Aaron Y.Zelon prédominent en termes de soutiens et de capacités. http://mideast.foreignpolicy.com/posts/2013/03/08/meeting_tunisias_ansar_al_sharia?wp_login_redirect=0

* 102 International Crisis Group « Tunisie, violence et défi salafiste » février 2013 http://www.crisisgroup.org/fr/regions/moyen-orient-afrique-du-nord/afrique-du-nord/Tunisia/137-tunisia-violence-and-the-salafi-challenge.aspx

* 103 Mathieu Guidère - « Les Printemps islamistes : démocratie et charia ». Ellipses. Avril 2012

http://www.lemonde.fr/tunisie/article/2013/05/17/ansar-al-charia-le-djihadisme-au-defi-de-la-tunisie_3261898_1466522.html

* 104 Outre l'attaque spectaculaire contre l'ambassade des Etats-Unis le 14 septembre 2011, c'est dans les actes quotidiens que ce manifestent les dérives de certains groupes salafis : occupation de mosquées et substitution d'imams, appels à la violence au cours de prêches, pressions morales et physiques, menaces à l'encontre de personnes : femmes ne portant pas le voile, consommateurs d'alcool, sur la voie publique (notamment dans les transports) et jusqu'à leur domicile...Ce « vigilantisme » est également mis en exergue par l'ICG dans le rapport précité. On note également la destruction de mausolées soufis.

* 105 L'évaluation est difficile On estime entre 800 et 2 000 le nombre de Tunisiens qui se seraient engagés pour combattre en Syrie dans l'opposition à Bachar Al-Assad sans que l'on puisse distinguer clairement ceux qui ont rallié les brigades de l'Armée syrienne libre et ceux qui ont rallié le front Al Nosra qui a affiché ouvertement sa proximité avec Al Qaïda. Il est probable que le mouvement ait organisé des filières de recrutement de jeunes Tunisiens et d'exfiltration via la Libye.

* 106 Le général Ammar a fait valoir ses droits à la retraite le 24 juin dernier, au cours d'une interview télévisée dans laquelle il s'inquiétait pour la situation de la Tunisie.

* 107 Souvent en fonction de leur capacité à accéder plus facilement au pouvoir : Ennahdha bien implanté localement pousse en faveur du régime parlementaire, Nida Tounès fort de la popularité de Béji Caïd Essebsi et les autres partis, en faveur d'un régime présidentiel.

* 108 Des élus d'Ennahdha avaient tenté d'introduire la notion de complémentarité plutôt que celle d'égalité.

* 109 Les acquis du code du statut personnel adopté en 1956 sont préservés et même renforcés.

* 110 http://directinfo.webmanagercenter.com/2013/06/19/yadh-ben-achour-le-projet-de-constitution-ne-balise-pas-la-voie-a-un-etat-religieux/

* 111 Ancien ambassadeur, consultant auprès de l'IFRI) «  L'an III de la révolution en Tunisie » posté le 25 mars 2013 sur le blog de Georges Malbrunot Le Figaro.fr

* 112 Cette délégation était composée de MM. Jean-Louis Carrère, président de la commission, Joël Guerriau, Alain Gournac et Jean-Claude Requier.

* 113 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20130225/etr.html#toc10

* 114 On rappellera que les soulèvements ont très vite tourné à l'insurrection et ont débouché sur une guerre civile de 8 mois qui s'achève avec la chute de Tripoli le 23 août 2011 Ce dénouement a été rendu possible par l'intervention d'une coalition occidentale, menée par l'OTAN et autorisée par la résolution 1973 (2011) du Conseil de sécurité de l'ONU, et dont le mandat a pris fin le 31 octobre.

* 115 Ce parti qui appartient à la coalition dans une position minoritaire, doit affronter la concurrence de deux leaders islamistes issus du GICL qui dirigent chacun une formation politique, Abdelhakim Belhaj et Sami Saadi, qui contestent la légitimité du gouvernement en s'appuyant sur la légitimité révolutionnaire. Le rapport de force entre ces deux courants du mouvement islamiste conditionnera l'évolution à venir du système politique libyen.

* 116 Jean-François Daguzan - « L'hiver après le printemps ? La transformation arabe entre radicalisme et modernité » Fondation pour la recherche stratégique note n°7/12- 30 juillet 2012

* 117 Par 164 voix contre 4

* 118 Président du Congrès général national, et plus haute autorité de la Libye, M. Mohamed al-Megaryef a démissionné le 28 mai 2013 après l'adoption d'une loi bannissant de la politique les anciens collaborateurs du régime déchu. Il a été remplacé le 25 juin par M. Nouri Abou Sahmin.

* 119 Certains observateurs mettent en cause les islamistes qui étaient les initiateurs de la loi controversée et qui cherchaient notamment à exclure leur rival, Mahmoud Jibril, le chef de l'Alliance des forces nationales (AFN, libérale), qui a remporté les dernières législatives du 7 juillet.

* 120 Dans les villes, où le tribalisme s'est affaibli, certains élus représentent d'autres intérêts, par exemple les commerçants de Tripoli ou de Benghazi.

* 121 Jean-Yves Moisseron et Nadia Belalimat « L'après-Kadhafi : nouveaux défis en Libye et au Sahel » in « Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés » sous la direction de Mansouria Mokhefi et Alain Antil -IFRI - Editions du CNRS décembre 2012, Moncef Djaziri « Tribalisme, guerre civile et transition démocratique en Libye » Maghreb-Machrek, n°212 Été 2012

* 122 Ce n'est qu'en 1956 que la France a quitté le Fezzan.

* 123 Un attentat a visé l'ambassade des Emirats arabes unis le 25 juillet.

* 124 Avec l'aide de l'OTAN pendant le conflit contre les troupes de Khadafi.

* 125 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20130211/etr.html .

* 126 Selon Samuel Laurent ( Consultant risque-pays et auteur de « Sahelsistan » Seuil, 2013 cité par le Monde article précité ): « Les tentatives du gouvernement d'unifier les brigades se sont souvent soldées par un échec, à l'instar des Comités suprêmes de sécurité (CSS), un organe hybride entre les ministères de l'intérieur et de la défense, auxquels ont été incorporés beaucoup de révolutionnaires. La seule chose qui ait changé est qu'ils sont désormais payés par le gouvernement mais, ayant été intégrés par brigades entières, leur loyauté reste acquise à leur commandant de terrain" .

* 127 Frappée par des attentats et assassinats ayant conduit les Occidentaux à évacuer la ville fin janvier. En 2012, 22 responsables de la sécurité nommés par l'État ont été tués dans la ville. Au mois de mai 2013, un attentat à la voiture piégée a fait 15 victimes dans la population civile, suscitant d'ailleurs des manifestations contre l'insécurité.

* 128 Certaines katibas nées dans le sillage de la révolution ont cette fibre islamo-djihadiste. Elles se trouvent dans l'est du pays, en Cyrénaïque, entre Benghazi et Derna, dans la région de la Montagne verte 129 , bastion historique de la rébellion islamiste contre Kadhafi. Depuis la chute du régime, la ville de Derna est devenue une sorte de capitale autonome de la mouvance salafie djihadiste.

* 130 Jean-Yves Moisseron et Nadia Belalimat « L'après-Kadhafi : nouveaux défis en Libye et au Sahel » in « Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés » sous la direction de Mansouria Mokhefi et Alain Antil -IFRI - Editions du CNRS décembre 2012.

* 131 Jean-Yves Moisseron et Nadia Belalimat « L'après-Kadhafi : nouveaux défis en Libye et au Sahel » in « Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés » sous la direction de Mansouria Mokhefi et Alain Antil -IFRI - Editions du CNRS décembre 2012

* 132 Sur cette période : Salim Chena (Institut d'Études Politiques de Bordeaux) et Antonin Tisseron (Institut Thomas More) « Violence politique et lutte antiterroriste en Algérie » Dynamique internationale n°7 octobre 2012

* 133 Rassemblement national pour la démocratie, fondé en 1997.

* 134 Parti islamiste modéré, le MSP, « Mouvement pour une société de paix » a été associé à la coalition gouvernementale depuis 1996. Il était un rouage important de l'Alliance présidentielle (avec le Front de libération nationale, FLN, et le Rassemblement national démocratique, RND) depuis 2004, mais s'en est retiré en mai 2012. Il représente la mouvance des Frères musulmans. Il a obtenu 66 sièges sur 462 aux dernières élections législatives. Il devrait présenter un candidat ou soutenir un candidat de sa mouvance à l'élection présidentielle de 2014.

* 135 Une opposition islamiste armée, héritière du GIA et des GSPC des années 1990 demeure en Algérie conduite depuis 2004 par Abdelmalek Droukdel, devenu émir d'AQMI en septembre 2006. Avec un bilan de 371 victimes en 2011 et de 296 victimes en 2012, le terrorisme a considérablement baissé par rapport aux niveaux atteints de 1993 à 1998, mais il continue de frapper : le 26 août 2011 l'attentat contre l'académie militaire de Cherchell a fait 18 morts, l'attaque du site gazier d'in Amenas, 37 morts du 16 au 20 janvier 2013.

* 136 Une mission d'observation électorale de l'Union européenne a été déployée dès le 30 mars pour les élections législatives du 10 mai.

* 137 Ces affrontements ont fait 5 morts.

* 138 30 wilayas touchées sur les 48 que compte le pays en 2011. En 2010, la gendarmerie a reconnu 10 000 mouvements sociaux dans tout le pays. Le bilan de 2012 sera certainement plus impressionnant.

* 139 Louisa Dris-Aït-Hamadouche « L'Algérie face au printemps arabe : pressions diffuses et résilience entretenue » -Observatoire des politiques euro-méditerranéenne - avril 2012 http://www.iemed.org/observatori-fr/arees-danalisi/arxius-adjunts/anuari/med.2012/hamadouche_fr.pdf/view?set_language=fr

* 140 Rapport 2011 de la Commission Nationale consultative de Promotion et de Protection des Droits de l'Homme (CNCPPDH), http://www.cncppdh-algerie.org/php_VF/images/pdf/RAPPORT-2011.pdf

* 141 Sous réserve de compter un minimum d'adhérents (1600) et une représentation dans au moins 1/3 des régions et une proportion de femmes.

* 142 Les élections de mai 2012 ont permis l'élection de 144 femmes, soit un peu plus de 30 % contre 7 % dans l'assemblée sortante.

* 143 Modification du délit de presse et ouverture de l'audiovisuel au secteur privé.

* 144 Khadija Mohsen-Finan « L'exception marocaine dans le contexte des soulèvements arabes » Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe. IRIS 2 décembre 2011.

* 145 On observera le même phénomène avec les manifestations de protestation qui ont suivi l'octroi de la grâce royale à un ressortissant espagnol condamné pour pédophilie à l'occasion de la visite de Juan Carlos Ier d'Espagne en juillet 2013, à la nuance près qu'une mesure d'exécution d'une prérogative du Roi était en cause.

* 146 Ce n'est pas le cabinet du Roi, comme lors des précédentes réformes, qui est chargé de préparer le texte, mais une commission consultative composée de juristes, de politologues, d'hommes et de femmes qui représentent la société civile.

* 147 98,5% des voix lors du referendum du 1 er juillet 2011 avec un taux de participation de 73%.

* 148 Les langues officielles sont l'arabe et l'amazigh, 72% des Marocains parlent la « darija », arabe dialectale et 28% une des langues berbères (tarifit, tachelhit, tamazight...)

* 149 La chambre des représentants est composée de 395 députés (élus pour 5 ans au suffrage universel direct, au scrutin proportionnel de liste au plus fort reste ; dont 90 sur une liste nationale, réservée à 60 femmes et 30 jeunes de moins de 40 ans.

* 150 La Chambre des conseillers, créée par la Constitution de 1996, comprend 270 membres élus pour 9 ans au scrutin indirect, renouvelable par tiers tous les 3 ans. 3/5 (162) des conseillers sont élus dans les régions par les représentants des collectivités locales et 2/5 (108) sont élus dans chaque région par des représentants des chambres professionnelles et, à l'échelon national, par des représentants des salariés (syndicats).

* 151 David Melloni « La Constitution marocaine de 2011 : une mutation des ordres politique et juridique marocain » Pouvoirs n°145 2013.

* 152 L'attitude du Roi dans la crise gouvernemental de l'été 2013 opposant les deux principales forces de la coalition gouvernementale, le PJD et l'Itiqlal et conduisant à son éclatement, est exemplaire de cette retenue « vigilante ».

* 153 3 projets de loi organique ont été adoptés par le conseil des ministres le 16 octobre 2013. Ils devront être soumis au Parlement.

* 154 La Constitution leur reconnaît un statut plus protecteur, et crée de nouvelles instances. En animant le débat public par la publication de rapports, en disposant de prérogatives d'enquête et de contrôle, ces instances sont des leviers puissants pour permettre une application effective des droits et libertés inscrits dans la Constitution.

* 155 Droit à la vie, droit à la protection de la vie privée, droit à la sûreté, liberté de la presse, liberté de rassemblement et de manifestation, bannissement de toute discrimination « en raison du sexe, des croyances, de la culture, de l'origine sociale ou régionale, de la langue, du handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit ».

* 156 Sujette à interprétation, cette avancée vers l'approche moniste internationaliste peut être analysée comme une rupture avec les principes traditionnels. Reste qu'effectivement, « en précisant que la primauté du droit international conventionnel est accordée au Maroc « dans le respect de son identité nationale immuable, au sein de laquelle prédomine la religion musulmane, laquelle se voit accordée dans le préambule « une prééminence » dans le référentiel national, le préambule a introduit une réserve majeure à l'effectivité de cette nouvelle hiérarchie normative » David Melloni « La Constitution marocaine de 2011 : une mutation des ordres politique et juridique marocains » Pouvoirs n°145 2013

* 157 En particulier la convention contre les disparitions forcées et le protocole facultatif de la convention contre la torture permettant l'examen des plaintes individuelles par le comité contre la torture après épuisement des voies de recours internes.

* 158 Un Plan d'action intitulé « Priorités 2012-2014 pour le Maroc dans le cadre de la coopération avec le voisinage » a été adopté conjointement par le Maroc et le Conseil de l'Europe (24 avril 2012, Strasbourg).

* 159 Mathieu Guidère : Islam et démocratie - Ellipses 2012

* 160 L'Istiqlal est le plus vieux parti du Maroc. Son chef de file était alors Abassi El-Fassi, premier ministre sortant et désormais Abdelhamid Chabat son secrétaire général.

* 161 Conduit par le ministre des finances Salaheddine Mezouar.

* 162 L'Istiqlal a annoncé le 11 mai son retrait de la coalition et cinq de ses ministres sur six ont remis leur démission le 8 juillet. Les divergences portent davantage sur des questions de méthode, de gouvernance, de concurrence sur des segments voisins de l'électorat et d'équilibre au sein des formations que sur les questions de fond.

* 163 La majorité des 11 partis composant la COD a décidé de boycotter ces élections, cependant deux partis de cette coordination ont décidé qu'ils y participeraient Tewassoul (islamiste) et l'Union des forces du progrès (gauche).

* 164 Le camp de M'Bera installé par le HCR début 2012 pour faire face à l'afflux de réfugiés maliens accueille environ 55-60 000 personnes

* 165 Beligh Nabli - directeur de recherche à l'IRIS - Actuelles de l'IFRI 2012.

* 166 Abderrahmane Hadj Nacer et Carmen Romero « L'Europe et la Méditerranée - Propositions pour construire une grande région d'influence mondiale » Rapport au président du parlement européen. IPEMED avril 2013.

* 167 Pew Research Center « The World's Muslims: Religion, Politics and Society» avril 2013: http://www.pewforum.org/uploadedFiles/Topics/Religious_Affiliation/Muslim/worlds-muslims-religion-politics-society-full-report.pdf

* 168 Ainsi en Algérie, le ministère des affaires religieuses qui nomme les imams veille-t-il à préserver le courant malékite comme unique référentiel religieux national face au développement du courant salafi. En Tunisie, les différents courants de l'islam se disputent parfois avec violence le contrôle des mosquées. Au Maroc, la récente décision de fermeture de certaines écoles coraniques de la mouvance salafie à Marrakech montre l'inquiétude des autorités quant à leur développement incontrôlé. Le débat suscité par cette décision du ministre des affaires religieuses et des Habous au sein du PJD, montre aussi une certaine porosité au sein des courants islamistes.

* 169 Zidane Meriboute, « « Printemps arabe » : le poids des Frères musulmans - leur vision de l'Etat et de la finance islamiques », Revue internationale de politique de développement   2013, http://poldev.revues.org/1322

* 170 Qui a participé au gouvernement avec le FLN et le RND jusqu'en mars 2013.

* 171 Youssef Belal « L'islam politique au Maroc » Pouvoirs n°145 2013

* 172 Mathieu Guidère - « Les Printemps islamistes : démocratie et charia ». Ellipses. Avril 2012

http://www.lemonde.fr/tunisie/article/2013/05/17/ansar-al-charia-le-djihadisme-au-defi-de-la-tunisie_3261898_1466522.html

* 173 Il est d'ailleurs la cible de mouvements salafis violents qui en Tunisie ont détruit nombre de mausolées de « saints » soufis.

* 174 Voir notamment sur le rôle de la principale d'entre-elles la « Zâwiya Qâdiriyya Boudchichiyya » Mathieu Guidère Islam et démocratie Ellipses.

* 175 Décédé le 13 décembre 2012, le mouvement est dirigé par son héritier spirituel Mohammed Abbadi. Cheikh Yassine était un dissident de la« Zâwiya Qâdiriyya Boudchichiyya ».

* 176 Olivier Roy « En Egypte, le champ religieux s'est individualisé » Le Monde 12 juillet 2013

* 177 Abderrahmane Hadj Nacer et Carmen Romero « L'Europe et la Méditerranée - Propositions pour construire une grande région d'influence mondiale » Rapport au président du Parlement européen. IPEMED avril 2013.

* 178 En date du 17 décembre 2012

http://eeas.europa.eu/mideast/docs/2012_joint_communication_maghreb_fr.pdf

* 179 Malgré les limites du transport terrestre, le cabotage à l'échelle du Maghreb reste peu développé à cause du faible volume des échanges entre pays du Maghreb.

* 180 La plupart des ports de cette façade sont des ports moyens. Ils ont une fonction régionale ou nationale et restent très spécialisés au niveau de leurs avant-pays maritimes, à part certains grands ports comme Casablanca et Tanger au Maroc, Arzew et Skikda en Algérie.

* 181 http://aapa.files.cms-plus.com/PDFs/WORLD%20PORT%20RANKINGS%202011.pdf

* 182 L'existence de situations de monopole des sociétés nationales de transport, spécialisées chacune dans l'exportation d'une matière première spécifique (gaz et pétrole en Algérie, phosphates au Maroc et en Tunisie), a empêché l'émergence d'armateurs privés de taille critique.

* 183 La part du trafic en conteneurs dans le trafic total reste encore faible 25% pour l'Algérie, 30% pour la Tunisie, et 45% pour le Maroc.

* 184 Fatima Zohra Mohamed-Chérif et César Ducruet : « Les ports et la façade maritime du Maghreb, entre intégration régionale et mondiale » - M@ppemonde n°101 - 2011 http://mappemonde.mgm.fr/num29/articles/art11103.html

* 185 Ce n'est pas un hasard si Renault a choisi de s'y implanter pour fabriquer un modèle bon marché, profitant à la fois de coûts de main d' oeuvre inférieurs mais aussi de capacités à approvisionner ces chaînes de montage et à exporter les véhicules construits.

* 186 BAFD - Note économique - Comment lutter contre le chômage des jeunes au Maghreb - 2011 http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/North%20Africa%20ch%C3%B4mage%20Fran%C3%A7ais%20ok_North%20Africa%20Quaterly%20Analytical.pdf

* 187 Les pourcentages d'enfants scolarisés sont représentés par le taux brut de scolarisation (TBS) et le taux net de scolarisation (TNS). Pour un niveau d'éducation donné, le TBS représente le nombre d'enfants scolarisés, quel que soit leur âge, exprimé en pourcentage du groupe d'âge pour ce niveau. Le TBS peut être supérieur à 100% lorsque des élèves plus jeunes ou plus vieux que l'âge officiel pour un niveau d'enseignement donné y sont inscrits. Le TNS est le nombre d'élèves du groupe correspondant officiellement à un niveau d'enseignement donné exprimé comme un pourcentage de cette même population.

* 188 Indice de parité entre les sexes (IPS) est le rapport entre la valeur correspondant au sexe féminin et celle correspondant au sexe masculin pour un indicateur donné. Il permet de mesurer les progrès accomplis sur la voie de la parité entre les sexes en matière de scolarisation et/ou d'opportunités d'apprentissage disponibles aux individus de sexe féminin par comparaison avec les individus de sexe masculin. Il est également révélateur du degré du renforcement du statut de la femme dans la société. Il est calculé en divisant la valeur d'un indicateur donné chez les individus de sexe féminin par la valeur du même indicateur chez les individus de sexe masculin.

* 189 Selon le Comité professionnel du pétrole, le montant des réserves prouvées au 1 er janvier 2012 était évalué à 1 664 millions de tonnes (soit 0,8% des réserves mondiales) et 6 426 millions de tonnes pour la Libye (3,1%)

* 190 Le rapport du groupe interparlementaire France-Maroc publié en juin 2013 présente une synthèse du plan solaire du Maroc : http://www.senat.fr/ga/ga107/ga1077.html#toc90

* 191 le Programme des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique mars 2011 http://cemagas.org/wp-content/uploads/2012/12/Programme_ENR_et_efficacite_energetique_fr.pdf

* 192 Abdenour Keramane « la boucle électrique et le marché euro-méditerranéen de l'électricité » Cahiers de l'IPEMED - septembre 2010.

http://www.ipemed.coop/adminIpemed/media/fich_article/1315774972_LesNotesIPEMED_11_BoucleElectrique_sept2010.pdf

* 193 OMT, Faits saillants du tourisme, édition 2013

* 194 France : 1,769 million, Espagne : 0,731, Allemagne : 0,199, Royaume-Uni : 0,357, Belgique : 0,255, Italie 0,196

* 195 Le Maroc a réceptionné en 2012, 6 nouvelles zones touristiques balnéaires sur 3000 ha et continue de déployer son programme d'équipement de ses côtes en stations balnéaires par des investissements soutenus en particuliers des pays du Golfe.

* 196 Huit territoires ont été identifiés pour développer des projets : http://www.smit.gov.ma/le-maroc/cadre-de-l-action-strategique

* 197 Rabat était une étape de la tournée du Premier ministre turc Erdogan dans les pays du Maghreb en juin 2013.

* 198 Mizoub Mezouaghi, économiste à l'AFD « Algérie : une trajectoire de puissance régionale incertaine » Actuelles de l'IFRI - décembre 2012

* 199 En devenant l'un des marchés africains les plus convoités par les multinationales, l'Algérie a rétabli progressivement un dialogue politique avec ses principaux partenaires internationaux.

* 200 On notera toutefois le précédent de l'engagement effectif et bien plus que symbolique de forces terrestres et aériennes aux côtés de l'Égypte lors de la guerre israélo-arabe d'octobre 1973.

* 201 À l'exception de la Sonatrach et certaines de ses filiales dans le secteur énergétique (présentes en Afrique, notamment en Libye et en Mauritanie), les entreprises publiques algériennes sont orientées exclusivement vers le marché domestique. Les contraintes administratives et financières (notamment en matière de contrôle de change), l'absence d'une culture d'exportation ou d'investissement international et la faible densité du secteur privé renforcent le caractère faiblement internationalisé des forces économiques et leur difficulté à exister sur les marchés régionaux et africains

* 202 Louisa Aït-Hammadouche propose une réflexion plus approfondie de cette perte de crédit sur la scène internationale liée à la faiblesse de son fonctionnement démocratique à l'aune des suites la révolution libyenne et de la guerre civile en Syrie : « Aussi ce qui ressemble à une reconnaissance a postériori des arguments défendus depuis le début des révoltes tend à conforter l'hypothèse selon laquelle ce n'est pas tant le fond de la position algérienne qui aurait dû être mis en cause, que sa forme. Ainsi la centralisation de la prise de décision, les lacunes en termes de communication, le caractère illisible, réactif et défensif de la politique algérienne sont clairement problématiques. Il est donc légitime de supposer que si l'Algérie avait achevé sa transition démocratique, ses positions sur la situation libyenne (et syrienne) auraient été discutées et jugées en fonction de l'évolution du terrain et des risques sur sa sécurité nationale, au lieu d'être simplement rejetées, comme alibis d'un régime sur la défensive. » in « L'Algérie face au printemps arabe : pressions diffuses et résilience entretenue » -Observatoire des politiques euro-méditerranéenne - avril 2012 http://www.iemed.org/observatori-fr/arees-danalisi/arxius-adjunts/anuari/med.2012/hamadouche_fr.pdf/view?set_language=fr

* 203 Parfois justifiée par la mission conduite au nom du secrétaire général des Nations unies par l'un de ses ressortissants M. Lakhdar Brahimi.

* 204 Les importations en provenance d'Arabie Saoudite représentent 6,2% (4 ème rang) des importations marocaines.

* 205 Un mémorandum d'entente a été signé mardi à Rabat entre le Maroc et le Fonds d'Abou Dhabi pour le développement en vue de débloquer un don de 1,25Md$ pour le financement de projets de développement au Maroc. Ce don s'inscrit dans le cadre des 5Mds$ de promesses de dons du CCEAG pour le Maroc.

* 206 Rachid El Houdaigui « Le Maroc et la proposition d'adhésion au Conseil de coopération du Golfe » Revue Défense Nationale mars 2012 n°748 p117 et suiv.

* 207 L'invitation du chef du gouvernement Hamas de Gaza par le premier ministre en janvier 2012 a tendu les relations de la diplomatie tunisienne avec l'autorité palestinienne.

* 208 On trouvera une analyse détaillée et pertinente des forces et faiblesses de la diplomatie algérienne en Afrique dans Salim Chena « L'Algérie : de la puissance idéologique à l'hégémonie sécuritaire » in « Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés sous la direction de Mansouria Mokhefi et Alain Antil IFRI-CNRD Editions décembre 2012.

* 209 Burundi 2003-2004, Somalie 2007 : mission de transports de troupes engagées dans des missions de l'Union africaine et des Nations unies.

* 210 Le Président sud-africain Zuma a effectué une visite officielle à Alger en avril 2013.

* 211 Avec l'Afrique du Sud, le Sénégal, le Nigéria et l'Égypte.

* 212 Mansouria Mokhefi « Les échanges Maghreb-Afrique subsaharienne : des opportunités commerciales inexploitées » in « Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés sous la direction de Mansouria Mokhefi et Alain Antil IFRI-CNRD Editions décembre 2012.

* 213 Visité par la délégation de votre groupe de travail lors de son déplacement à Alger.

* 214 La CEDAO a mandaté le Burkina Faso pour restaurer l'état de droit au Mali suite au coup d'état du 22 mars 2012.

* 215 Après le retournement d'Ansar Eddine avec lequel elle continuait de négocier et la participation de ce mouvement avec AQMI et le MUJAO à l'offensive en direction de Bamako.

* 216 Il est probable que l'apaisement des tensions récurrentes entre la France et l'Algérie depuis la visite d'État du président Hollande en décembre 2012 a facilité cette prise de décision.

* 217 « Sahel : Pour une approche globale » Rapport d'information de MM. Jean-Pierre Chevènement et Gérard Larcher, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n° 720 (2012-2013) - 3 juillet 2013 p. 158 et suivantes. http://www.senat.fr/rap/r12-720/r12-720.html

* 218 L'Algérie adhère également au Forum mondial de lutte anti-terroriste (Global Counter-Terrorism Forum) lancé à New York en septembre 2011. Les 16 et 17 novembre 2011, Alger a organisé un groupe de travail régional sur le renforcement des capacités au Sahel. Les 18 et 19 avril 2012 s'est d'ailleurs tenue à Alger une réunion consacrée à la problématique du paiement des rançons aux groupes terroristes contre libération d'otages, et en juin 2012, à Istanbul, l'Algérie a co-présidé avec le Canada la réunion du Groupe de Travail sur le Sahel au niveau ministériel. Elle accueille également à Alger le Centre Africain d'Études et de Recherche sur le Terrorisme (CAERT), organisme mis en place par l'OUA, visité par la délégation de votre groupe de travail.

* 219 Abdelaziz Barre « Les nouveaux axes de la diplomatie marocaine » in « Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés » sous la direction de Mansouria Mokhefi et Alain Antil IFRI-CNRD Éditions décembre 2012.

* 220 Selon Campus France, le Maroc se positionne de plus en plus comme un pays d'accueil pour les étudiants originaires d'Afrique subsaharienne. Il est à présent considéré comme un « hub » vers une poursuite d'études en France ou en Europe. Voir Johara Berriane « La formation des élites subsahariennes au Maroc » in « Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés » sous la direction de Mansouria Mokhefi et Alain Antil IFRI-CNRD Éditions décembre 2012.

* 221 Bakary Sambe « Le Maroc au sud du Sahara : une stratégie d'influence à l'épreuve des mutations géopolitiques » in « Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés » sous la direction de Mansouria Mokhefi et Alain Antil IFRI-CNRD Éditions décembre 2012. Ismaïl Regragui, doctorant à Science Po développe, dans un travail d'étude publié en 2013 (L'Harmattan ed.) à propos de la diplomatie publique marocaine, le concept de « stratégie de marque religieuse ».

* 222 « Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés » sous la direction de Mansouria Mokhefi et Alain Antil IFRI-CNRD Editions décembre 2012.

* 223 Abdelmalek Alaoui « La projection africaine du Maroc entre enjeux économiques, stratégies politiques et périls verts » in « L'exception marocaine » sous la direction de Charles Saint-Prot et Frédéric Rouvilllois Ellipses mars 2013.

* 224 Il estime nécessaire de consolider la sécurité régionale dans le cadre des coopérations engagées avec les pays du Sahel et du Sahara et les États d'Afrique atlantique (création en 2004 du Conseil de concertation des pays africains du Nord atlantique). Dans la lutte contre le terrorisme, il participe aux différentes initiatives américaines dans la région (Pan Sahel initiative en 2001, Trans-sahara Counterterrorism Initiative en 2005, Forum global contre le terrorisme en 2011).

* 225 Congo 1960, Somalie 1993  République démocratique du Congo depuis 2001 avec un contingent d'environ 800 éléments et Côte d'ivoire en 2004 avec 700 éléments stationnés à Bouaké.

* 226 Mansouria Mokhefi « Les échanges Maghreb-Afrique subsaharienne : des opportunités commerciales inexploitées » in « Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés sous la direction » de Mansouria Mokhefi et Alain Antil IFRI-CNRD Editions décembre 2012.

* 227 Mansouria Mokhefi « Les échanges Maghreb-Afrique subsaharienne : des opportunités commerciales inexploitées » in « Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés sous la direction de Mansouria Mokhefi et Alain Antil IFRI-CNRD Editions décembre 2012.

* 228 L'existence de cette filière très organisée dont on sait qu'elle aboutit en grande partie dans les rangs du front Al Nosra, proche d'Al Qaïda, confirme le lien entre les différentes composantes terroristes.

* 229 Jean-Yves Moisseron et Nadia Belalimat « L'après-Kadhafi : nouveaux défis en Libye et au Sahel » in « Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés » sous la direction de Mansouria Mokhefi et Alain Antil -IFRI - Editions du CNRS décembre 2012

* 230 Saïd Hadad « Des armées maghrébines appeler à se renforcer » IRIS février 2013

* 231 En raison de l'immensité des espaces maritimes dont elle a la charge, la marine marocaine inscrit son action depuis longtemps dans le cadre de l'action de l'AEM : surveillance et sauvegarde des espaces maritimes, lutte contre les trafics illicites (narcotrafic, immigration clandestine) et police des pêches. La surveillance des frontières maritimes marocaines bénéficie d'un maillage complet composé de stations de veilles côtières et d'une chaine radar de veille sémaphorique sous la responsabilité de la marine royale.

* 232 Source SIPRI Yearbook 2012

* 233 Saïd Haddad « Des armées maghrébines appelées à se renforcer » Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe - IRIS février 2013

* 234 Considérée comme la première marine du Maghreb, la marine algérienne se distingue par des capacités de bon niveau dans tous les domaines aéromaritimes, en particulier dans le domaine de la composante sous-marine opérationnelle où elle maintient un bon savoir-faire et améliore ses capacités (tir en mars 2013 d'un missile à capacité terrestre). La garde côtière fait partie intégrante de la marine algérienne.

Les missions des forces navales algériennes relèvent essentiellement du domaine des opérations littorales. Mais l'Algérie s'est engagée dans un processus de modernisation et de renforcement capacitaire qui, accompagné d'une révision de la doctrine d'emploi de la force maritime, pourrait lui permettre d'agir non plus seulement en zone littorale mais aussi en haute mer.

Assurant une couverture radar de l'ensemble du littoral, le système de surveillance maritime algérien est d'une grande complexité. Il repose sur les moyens de la marine, et de sa composante « garde-côtes », de la gendarmerie et des ministères de l'intérieur et des transports.

* 235 Saïd Haddad « Des armées maghrébines appelées à se renforcer » Observatoire des mutations politiques dans le monde arabe - IRIS février 2013

* 236 Selon de rapport de l'Office contre la drogue et le Crime de l'ONU pour 2012 « L'Europe constitue le plus grand marché de résine de cannabis au monde, l'Afrique du Nord étant depuis longtemps son principal fournisseur. La plus grande partie de la résine de cannabis d'Afrique du Nord consommée en Europe provient traditionnellement du Maroc, mais des données récentes montrent que l'importance relative de ce pays en tant que fournisseur pourrait décliner; en effet, l'Afghanistan semble être désormais l'un des principaux producteurs mondiaux de résine de cannabis. » En outre, le rapport de la communauté du renseignement Frontex-Afrique pour 2012 qu'une partie croissante du cannabis d'Afrique de l'Ouest emprunte les mêmes circuits.

* 237 Le trajet le plus court entre les continents le long du 10e parallèle de latitude. La majeure partie provient de Colombie, le Pérou et la Bolivie, et se rend en Afrique à l'ouest sur des jets privés, bateaux de pêche et des cargos.

* 238 Frontex « Annual Risk analysis 2013 » p .52-53 : http://www.frontex.europa.eu/assets/Publications/Risk_Analysis/Annual_Risk_Analysis_2013.pdf

* 239 La dernière édition s'était déroulée en 2008. L'Algérie, la France la Libye, la Mauritanie, le Maroc, l'Espagne, le Portugal, la Tunisie (membres du 5+5) mais aussi la Turquie et l'OTAN participent à cet exercice.

* 240 Parlement européen - Direction générale pour les politiques extérieures de l'Union - « The maritime dimension of CSDP : Geostrategic maritime challenges and their implications for the European Union Corporate » 2013 http://bookshop.europa.eu/en/the-maritime-dimension-of-csdp-pbBB3213048/

* 241 « La pollution de la Méditerranée : état et perspectives à l'horizon 2030 » Rapport de M. Roland Courteau, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques n° 652 (2010-2011) - 21 juin 2011 http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-652-notice.html pages 115 à 132.

* 242 Le représentant spécial de l'UE pour le Sud de la Méditerranée a joué un rôle de premier plan dans le renforcement du dialogue politique de l'UE avec les pays en transition de cette région, contribuant aux efforts de l'UE visant la consolidation de la démocratie et des institutions et accroissant l'efficacité, la présence et la visibilité de celle-ci dans la région. Des groupes de travail ont été créés pour la Tunisie (les 28 et 29 septembre 2011), la Jordanie (le 22 février 2012) et l'Égypte (les 13 et 14 novembre 2012). Ces groupes ont contribué à approfondir les relations de l'UE avec ces trois pays, selon une approche axée sur les résultats, adaptée et différenciée, associant l'ensemble des institutions de l'UE et le secteur privé.

* 243 http://www.oecd.org/fr/cad/examens-pairs/OECD%20France%20proof8.pdf

* 244 Jean-François Daguzan « Armées et sociétés dans le monde arabe : entre révolte et conservatisme. » Maghreb-Machrek n°214 Hiver 2012.

* 245 Dans l'acception marocaine, les Provinces du Sud désignent les provinces ou préfectures de Guelmim, Assa Zag, Tan-Tan et Tata(Tarfaya) qui sont sur le territoire du Maroc depuis 1958 et celle d'Es-Smara et Laâyoune, Boujdour, Oued-ed-Dahab et Aousserd qui sont sur le territoire du Sahara occidental.

* 246 D'après Luis Martinez « Frontières et nationalisme autour du Sahara occidental » CERISCOPE Frontières, 2011, [en ligne], URL : http://ceriscope.sciences-po.fr/node/62

* 247 Le recensement général de la population du Maroc en 2004 - Haut-Commissariat du plan http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&frm=1&source=web&cd=1&ved=0CC8QFjAA&url=http%3A%2F%2Fwww.hcp.ma%2Ffile%2F103036%2F&ei=FDrgUY2oOZCO7AbQjICgDQ&usg=AFQjCNHfIvC_ENcQ1NHdBWKaNlAPyQ5dnQ&sig2=t54Ea0DFIiE5V1PRPjQ2Ig

* 248 Les indicateurs économiques et sociaux du Maroc 2010 - Haut-Commissariat du plan http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&frm=1&source=web&cd=4&ved=0CD8QFjAD&url=http%3A%2F%2Fwww.hcp.ma%2Ffile%2F124220%2F&ei=byrgUYX2GqvG7Ab-34GoBQ&usg=AFQjCNFWFRkPTrM0IQk840-oR1qUeyKRoQ&sig2=dsN8KzI116hMyu4PxvI9Yg

* 249 Des populations diverses peuplent cette région (Sahraouis habitant la région sous l'occupation espagnole, Sahraouis du sud du Maroc ayant migré après 1975, Marocains du Maroc, Sahraouis des camps de Tindouf venus après 1975).

* 250 Certaines de ces tribus arabes seraient présentes dans la région depuis le XI e siècle.

* 251 La prise de contrôle est confirmée par la conférence de Berlin 1884-1885.

* 252 Le Maroc va s'opposer à l'indépendance de la Mauritanie en 1960 et à son admission à l'ONU et ne la reconnaîtra qu'en 1969.

* 253 La France interviendra au côté de l'Espagne dans ces opérations militaires (opération « Ecouvillon »).

* 254 Ce n'est qu'en 1952 que la France a officiellement rattaché Tindouf et Bechar aux départements français d'Algérie, jusqu'alors les délimitations étaient inexistantes, imprécises voire contradictoires.

* 255 Alors qu'une convention signée par Ferhat Abbas, président du GPRA et Hassan II, le 6 juillet 1961, le prévoyait.

* 256 Comme le proposait le Maroc.

* 257 L'Armée royale marocaine maintient environ 100 000 hommes sur le territoire aujourd'hui.

* 258 L'Algérie intervient militairement dans le conflit en janvier et février 1976, mais s'en abstiendra depuis.

* 259 Ce qui entraînera l'intervention de la France pour soutenir militairement ce pays menacé en novembre 1977, opération « Lamentin » (attaques du Polisario sur le site minier de Zouerate, prise d'otages français, raid sur Nouakchott).

* 260 http://www.un.org/fr/peacekeeping/missions/minurso/

* 261 http://www.un.org/fr/peacekeeping/missions/minurso/background.shtml

* 262 http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N13/314/42/PDF/N1331442.pdf?OpenElement

* 263 http://www.ces.ma/Pages/Accueil.aspx Le rapport final est attendu en octobre 2013.

* 264 L'Initiative nationale pour le développement humain (INDH) a consacré 10% des projets nationaux au territoire en direction de près de 500 000 personnes, soit presque la moitié de la population de ce territoire. Si les bidonvilles ont été largement résorbés, des poches d'habitat insalubre persistent.

* 265 Mais la qualité de l'enseignement est dénoncée tout comme l'absence d'un enseignement de l'histoire de la culture hassanie.

* 266 Ces régions bénéficient d'un programme de développement et d'aménagement très actif sous la direction de l'Agence du sud placé directement sous l'autorité du chef du gouvernement et qui bénéficie d'un budget de 30 M d'euros par an pour épauler les collectivités territoriales dans la conception et la réalisation de projets. Depuis 2009, l'Agence intervient également pour soutenir des projets culturels en veillant à mettre en valeur et respecter le patrimoine local dans toutes ses composantes. Elle intervient également dans le domaine de l'économie sociale afin de soutenir des projets de micro-entreprises coopératives.

* 267 Lors de son déplacement au Sahara, votre délégation a recueilli les témoignages de l'association sahraouie des victimes des violations graves des droits humains (ASVDH) par l'Etat marocain, qui n'a été autorisée qu'à l'issue d'une longue procédure devant le tribunal administratif, et de l'association CODAPSO qui n'est pas autorisée.

* 268 Au cours de la phase préparatoire, les États-Unis ont envisagé un temps de modifier le mandat de la MINURSO pour y inclure la surveillance du respect des droits de l'homme, mais ont retiré leur proposition.

* 269 Voir infra p. 263

* 270 Ce point de vue est partagé par certaines associations marocaines de la société civile pour ce qui concerne les brutalités policières. Elles considèrent que les points les plus sensibles sont les restrictions portées à la création d'associations (non-délivrance des récépissés aux associations indépendantistes) et l'iniquité de certains procès.

* 271 http://www.elysee.fr/declarations/article/intervention-du-president-de-la-republique-devant-le-parlement-marocain/

* 272 La délégation de votre groupe de travail a pu rencontrer à Laayoune des représentants des différentes entités locales (conseillers régionaux, représentants des tribus, associations favorables à l'autonomie, associations favorable à l'autodétermination, voire à l'indépendance).

* 273 Les 1 600 km de frontières communes sont fermées depuis 1994 à la suite de l'attentat meurtrier à Marrakech.

* 274 Comment lutter contre le chômage des jeunes au Maghreb Bafd 2011 http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/North%20Africa%20ch%C3%B4mage%20Fran%C3%A7ais%20ok_North%20Africa%20Quaterly%20Analytical.pdf

* 275 Citée dans la note de la BAfD : Eizenstat, S. et Hufbauer, G.C. (2008) 'Executive Summary', in Hufbauer, G.C. et Brunel, C. (eds) Maghreb Regional and Global Integration: A Dream to be Fulfilled (Washington :Peterson Institute for International International Economics).

* 276 Nouakchott 9 janvier 2013.

* 277 Plusieurs réunions ministérielles ont été tenues en mars 2012 à Tripoli et en janvier 2013 à Ghadamès incluant également la Tunisie. La dimension sécuritaire est conditionnante des autres volets d'une possible coopération.

* 278 L'accueil du président du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi, par le président Bouteflika dès sa victoire électorale d'octobre 2011 indiquait une neutralité de l'Algérie, conforme à sa doctrine de non-ingérence et n'était pas hostile aux islamistes. La visite du président Marzouki a été plus controversée en raison de la position qu'il a affichée sur la question du Sahara et de sa proposition de relance de l'UMA.

* 279 Une attitude courtoise a été observée lors de la victoire du PJD au Maroc en novembre.

* 280 « La pollution de la Méditerranée : état et perspectives à l'horizon 2030 » Rapport de M. Roland Courteau, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques n° 652 (2010-2011) - 21 juin 2011 http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-652-notice.html

* 281 Le pourcentage des ressources en eau utilisées par un pays est un indicateur complexe qui reflète le développement, les politiques nationales de l'eau et la rareté tant physique qu'économique de cette denrée. Lorsque les niveaux de développement sont bas, il est généralement avantageux d'augmenter le prélèvement d'eau total. Mais au-delà d'un certain « point d'inflexion », les écosystèmes souffrent et des intérêts divergents empêchent tous les usagers de recevoir une part équitable. Les années de sécheresse risquent d'exacerber le problème.

* 282 Jean Margat (Institut méditerranéen de l'eau (IME) « Quels sont les demandes en eau et les sources d'approvisionnement en eau actuelles et futures dans les pays méditerranéens ? » Contribution au Premier Forum Méditerranéen de l'Eau de Marrakech 19-20 décembre 2011.

http://www.ime-eau.org/images/publicationsweb/Contribution%20au%20forum%20
de%20Marrakech%20%20version%20finale.pdf

* 283 Pour une large part des réservoirs d'Assouan.

* 284 Exactement la moitié de la consommation des pays de la rive nord (114m 3 /an).

* 285 Lors de son déplacement à Laayoune, la délégation de votre groupe de travail a pu visiter l'usine de dessalement de El Marsa utilisant la technologie de l'osmose inverse qui approvisionne cette agglomération. Le rapport du groupe interparlementaire France-Maroc publié en juin 2013 présente une synthèse sur la politique de gestion de la ressource en eau au Maroc : http://www.senat.fr/ga/ga107/ga1077.html#toc90

* 286 L'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE) du Maroc a lancé un vaste plan de constructions d'unités de traitement de l'eau de mer afin de porter sa production à 200 000 m3/jour d'ici à 2016.

* 287 « La pollution de la Méditerranée : état et perspectives à l'horizon 2030 » Rapport de M. Roland Courteau, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques n° 652 (2010-2011) - 21 juin 2011 http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-652-notice.html

* 288 Visite en Algérie 19 et 20 décembre 2012, au Maroc les 3 et 4 avril 2013 et en Tunisie les 4 et 5 juillet.

* 289 Le roi Mohammed VI du Maroc avait choisi la France pour effectuer sa première visite d'État à l'étranger en mars 2000 et il fut le premier chef d'Etat reçu par l'actuel Président de la République après son élection

* 290 La XI e rencontre de haut niveau franco-marocaine s'est tenue en décembre 2012 dans le cadre d'un séminaire gouvernemental présidé par les Premiers ministres et rassemblant 18 ministres.

* 291 Michel Vauzelle « Avec la jeunesse méditerranéenne, maîtriser et construire notre communauté de destin » -Rapport au président de la République et au Premier ministre octobre 2013

http://www.elysee.fr/assets/pdf/Mediterranee.pdf

* 292 Décision n° 2 du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 31 juillet 2013

* 293 Douanes, INSEE, DGFIP, Banque de France, GIP emploi et formation professionnelle, Atout France, etc...

* 294 Avis n° 150 (2012-2013) de MM. Jean-Claude Peyronnet et Christian Cambon fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées
http://www.senat.fr/rap/a12-150-4/a12-150-4.html

* 295 Abderrahmane Hadj Nacer et Carmen Romero « L'Europe et la Méditerranée - Propositions pour construire une grande région d'influence mondiale » Rapport au président du parlement européen. IPEMED avril 2013.

* 296 Ainsi lors de la visite du Premier ministre libyen à Rome le 4 juillet, un accord de principe a été donné pour la formation de 5 000 gardes-frontières, militaires et policiers pour le désarmement des milices et le recueil des rames en circulation.

* 297 L'accord de coopération avait une durée illimitée et se fixait pour objectif d'appuyer le développement économique et social. Il était composé de trois volets : au niveau commercial des concessions sont octroyées aux exportations sur le marché européen à l'exception des produits agricoles qui sont soumis à un contingentement, au niveau de la coopération économique et financière - les différents programmes et projets sont financés par des protocoles quinquennaux, au niveau social, mais l'accord vient souvent en contradiction avec les dispositions plus favorables accordés par certains États-membres aux travailleurs originaires de certains États du Maghreb.

* 298 Toutefois avec 2,5 Mds d'euros les territoires palestiniens représentent une part importante de cette aide.

* 299 La France est attachée à ce que l'aide européenne soit conditionnée, non seulement à la démocratisation et à l'engagement de réformes politiques, mais aussi aux efforts de coopération des pays du voisinage sud en matière de lutte contre les migrations illégales. Elle souhaite que l'Union européenne progresse sur la négociation des accords de réadmission.

* 300 Communication conjointe de la Commission européenne et de la Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité « Politique européenne de voisinage : vers un renforcement du partenariat » 20 mars 2013.

http://ec.europa.eu/world/enp/docs/2013_enp_pack/2013_comm_conjoint_fr.pdf

* 301 La Commission européenne a annoncé, courant 2011, le décaissement d'une enveloppe additionnelle de 500M d'euros à ce titre (350 M d'euros pour 2011-2012 et 150 M d'euros pour 2013). La majeure partie de ces fonds supplémentaires sont fournis sur la base du principe «donner plus pour recevoir plus», c'est-à-dire des progrès accomplis dans l'établissement d'une démocratie solide et durable et dans la réalisation des objectifs de réforme y afférents. Ils sont acheminés au moyen de deux programmes de coordination: 540 millions d'euros pour SPRING dans les pays du sud de la Méditerranée et 130 millions d'euros pour EaPIC dans les pays du voisinage oriental. Ces deux programmes sont centrés sur la promotion de la transformation démocratique et du renforcement des institutions et sur le soutien d'une croissance durable et solidaire. Le reliquat des fonds supplémentaires a été essentiellement consacré aux programmes de mobilité (Tempus, Erasmus Mundus, etc.) et à l'appui aux organisations de la société civile et aux acteurs non étatiques.

Le relèvement du plafond des opérations de la BEI (de 1 Mds d'euros), l'extension du mandat de la BERD et le réemploi des fonds provenant du remboursement d'intérêt d'emprunts passés par la BEI sont également prévus.

* 302 Initiative conjointe de la Commission et de la Fondation Anna Lindh lancée début 2012 à destination de la Tunisie, de l'Égypte et de la Libye, dotée d'un budget initial de 26,4 millions d'EUR, son objet est de renforcer les organisations de la société civile, y compris les partenaires sociaux, de manière à ce qu'elles puissent contribuer aux changements et jouer un véritable rôle dans le processus de démocratisation.

* 303 Fondation européenne indépendante à but non lucratif, avec la participation de représentants des États membres, du Parlement européen, de la Commission européenne, de la haute représentante et d'organisations de la société civile. La Commission et plusieurs États membres ont déjà engagé des fonds à hauteur de 15 millions d'euros ce qui devrait lui permettre de devenir pleinement opérationnel en 2013.

* 304 http://eeas.europa.eu/mideast/docs/2012_joint_communication_maghreb_fr.pdf

* 305 Le Maroc a obtenu un « statut avancé » en 2008. Ce projet figurait parmi les priorités de la présidence française de l'Union européenne. A ce titre, a été organisé le premier sommet ad hoc, le 7 mars 2010 à Grenade sous présidence espagnole de l'Union européenne.

* 306 Ce partenariat conclu avec l'Union européenne et 9 États-membres participants couvre l'ensemble des domaines : migrations régulières (facilitation d'octroi de visas) migrations irrégulières (ouverture de négociation d'un accord de réadmission), asile, mobilité http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-is-new/news/news/2013/docs/20130607_declaration_conjointe-maroc_eu_version_3_6_13_fr.pdf

* 307 Dans ce cadre, l'Union européenne a mobilisé une enveloppe budgétaire « facilité triennale pour le Sud » relevant du Programme Sud « renforcer la réforme démocratique dans les pays du voisinage méridional » en vue d'appuyer la mise en oeuvre du plan d'action susmentionné au niveau de quatre composantes à savoir : la réforme du système judiciaire, la lutte contre la corruption, la protection des droits de l'homme et la promotion des valeurs démocratiques.

* 308 Josette Durrieu, Relations avec le parlement marocain AS/POL(2003)07, Rapport APCE.

Josette Durrieu, Renforcer la coopération avec les pays du Maghreb, Rapport APCe, doc.11474 (2008).

* 309 Il se substitue à l'accord de coopération de 1976.

* 310 Il encadre les négociations ultérieures de quotas d'exportation de gaz. Il établit un cadre de coopération dans les domaines des hydrocarbures, des énergies renouvelables, de l'efficacité énergétique, la réglementation et le transfert de technologie. Il devrait ouvrir la possibilité pour l'Algérie de participer au Plan solaire méditerranéen et permettre une augmentation des investissements européens dans l'énergie réclamée par l'Algérie, un transfert de technologie et le lancement de projets dans les énergies fossiles et renouvelables.

* 311 L'Accord de Cotonou est l'accord de partenariat le plus complet entre les pays en développement et l'UE. Depuis 2000, il constitue le cadre des relations de l'UE avec 79 pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). En mars 2010, la Commission Européenne et les pays ACP ont conclu une révision de cet Accord pour adapter le partenariat aux nouveaux enjeux tels que le changement climatique, la sécurité alimentaire, l'intégration régionale, la fragilité et l'efficacité de l'aide.

* 312 Créé en 1957 par le traité de Rome et utilisé pour la première fois en 1959, le Fonds européen de développement (FED) est l'instrument principal de l'aide communautaire au développement accordée aux États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ainsi qu'aux pays et territoires d'outre-mer (PTOM).

* 313 L'ensemble de ces annonces concernant la période 2009-2013 traduit une « parité » accordée aux zones sud et est, qui participe de la dégradation du ratio mentionné

* 314 Idem

* 315 Mise en place pour accompagner le développement des pays de l'ex-bloc soviétique en 1991. A l'instar des autres banques internationales de développement, le capital de la banque est réparti entre de nombreux États (61 pays auxquels s'ajoutent la Commission européenne et la Banque européenne d'investissement), certains non régionaux, tels les États-Unis, le Canada, le Japon, pour ne prendre que quelques exemples. De même, certains des pays riverains de la Méditerranée sont d'ores et déjà membres de la BERD, parfois depuis sa fondation : c'est le cas de l'Égypte et du Maroc. La Tunisie et la Jordanie ont, pour leur part, été admises en 2011

* 316 http://www.ebrd.com/downloads/research/factsheets/semedf.pdf. On notera les pays de l'Europe du nord contribuent de façon importante au fonds de transition de la BERD : Suède (5 millions d'euros), Finlande (3,5), France (3) Norvège (2) Pays-Bas (2) Grande-Bretagne (1), Allemagne (1) Italie (0,5).

* 317 Jusqu'à 100 millions d'euros, provenant en partie du budget de l'UE, ont été affectés à l'appui d'actions d'assistance technique visant à définir et à élaborer des projets.

* 318 Abderrahmane Hadj Nacer et Carmen Romero « L'Europe et la Méditerranée - Propositions pour construire une grande région d'influence mondiale » Rapport au président du parlement européen. IPEMED avril 2013.

http://www.ipemed.coop/adminIpemed/media/fich_article/1365589634_Rapport_IPEMED_M-Schulz_Avril-2013.pdf

* 319 L'impact de cet exemple symbolique doit cependant être mesuré objectivement : le maître d'oeuvre est accompagné en l'espèce par un partenaire espagnol et rien n'indique in fine que les systèmes et matériels utilisés ne seront pas acquis auprès d'entreprises européennes.

* 320 Albanie, Algérie, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Mauritanie, Territoires palestiniens, Syrie, Tunisie, Turquie. La Libye est observatrice.

* 321 Henry Jean-Robert « Vers de nouveaux scénarios euro-méditerranéens ? » Carnets de l'IRENAM octobre 2012

* 322 Aux 28 membres de l'UE s'ajoutent l'Albanie, l'Algérie, la Bosnie-Herzégovine, l'Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Mauritanie, Monaco, le Monténégro, l'autorité palestinienne, la Syrie, la Tunisie, la Turquie et la Ligue arabe.

* 323 Le blocage institutionnel affectant l'UpM a infecté tout le système européen. L'un et l'autre sont maintenant paralysés par l'impossibilité de réunir la conférence des ministres des affaires étrangères, instance-clé du processus de Barcelone comme de l'UpM : les Etats arabes ne veulent pas siéger à côté d'Israël.

* 324 Le 28 avril 2010, la commission des affaires étrangères du Parlement européen s'est prononcée pour une relance de l'UPM à travers le vote du rapport du député socialiste Vincent Peillon. Le Président du Parlement européen Martin Schulz l'a exprimé à Marseille en avril 2013 lors de la réunion d'une réunion des présidents des parlements des pays membres de l'UPM

* 325 Le groupe s'appela initialement «Dialogue 4+5». Il devint 5+5 quand Malte rejoignit le groupement lors de la deuxième conférence en 1991 à Alger.

* 326 Elles ont abouti à une coopération assez étroite en matière de sécurité civile et de lutte contre les conséquences des catastrophes naturelles.

* 327 Selon le dernier rapport de l'OCDE « Perspectives des migrations internationales 2012 » : les faits semblent indiquer que, globalement, l'impact de la crise économique sur le chômage a été plus prononcé pour les immigrés que pour les personnes nées dans le pays. Dans l'ensemble de la zone OCDE, le taux de chômage des personnes nées à l'étranger a augmenté de quatre points de pourcentage entre 2008 et 2011, contre 2.5 points pour les autochtones. L'aggravation du chômage de longue durée des immigrés est un facteur encore plus préoccupant. Dans la majorité des pays, les immigrés contribuent pour une part allant de 14% à 30% à la hausse du chômage de longue durée, un chiffre qui, le plus souvent, est bien supérieur à la part qu'ils représentent dans l'emploi total ». http://www.oecdepublishing.org/multilingual-summaries/migr_outlook-2012-sum/html/migr_outlook-2012-sum-fr.html

* 328 On estime entre 200.000 et 400.000 le nombre de réfugiés en provenance de Libye que la Tunisie a du accueillir sur son territoire pendant la guerre.

* 329 Office des Nations unies contre la drogue et le crime « Criminalité transnationale organisée en Afrique de l'Ouest : une évaluation des menaces » février 2013 http://www.unodc.org/documents/data-and-analysis/tocta/West_Africa_TOCTA_2013_FR.pdf

* 330 Selon le rapport de Frontex (Annual Risk Analysis 2013), en Méditerranée occidentale, entre l'Afrique du nord et l'Espagne, les détections sont en baisse de 24% en 2012 (6 400) et restent en-dessous des niveaux enregistrés au cours des années passées.

http://www.frontex.europa.eu/assets/Publications/Risk_Analysis/Annual_Risk_Analysis_2013.pdf)

* 331 Frontex -Annual Risk Analysis 2013

http://www.frontex.europa.eu/assets/Publications/Risk_Analysis/Annual_Risk_Analysis_2013.pdf

* 332 Jean-Loup Velut - « Méditerranée : la nouvelle donne » Marine et Océans n°239 avril-mai-juin 2013

* 333 Parlement européen - Direction générale pour les politiques extérieures de l'Union - « The maritime dimension of CSDP : Geostrategic maritime challenges and their implications for the European Union Corporate » 2013 http://bookshop.europa.eu/en/the-maritime-dimension-of-csdp-pbBB3213048/

* 334 Le texte de la déclaration établissant le partenariat pour la mobilité entre l'Union européenne et le Maroc  est consultable à l'adresse suivante : http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-is-new/news/news/2013/docs/20130607_declaration_conjointe-maroc_eu_version_3_6_13_fr.pdf

* 335 Matthias Fekl « Sécuriser les parcours des ressortissants étrangers en France » http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/fichiers_joints/rapport_matthias_fekl.pdf

* 336 EuroMed2030 - «  Défis à long terme pour la région méditerranéenne » (exercice de prospective demandé par la Commission européenne - Bruxelles décembre 2010

* 337 Implantée dans la zone franche de Chrafate dédiée aux métiers de l'automobile, l'usine Renault a déjà généré à elle seule 6 000 emplois directs et quelque 30 000 emplois indirects selon les autorités marocaines.

* 338 La signature de l'accord conclu entre Renault et ses partenaires algériens (SNVI et FNI) pour la construction d'une usine de montage de véhicules près d'Oran (capacité : 25 000 véhicules dans une première phase, 75 000 à terme, est emblématique du nouveau partenariat « gagnant-gagnant » souhaité par les deux pays, et devrait permettre le développement par étapes d'une véritable filière automobile en Algérie.

* 339 Même s'ils demeurent assez mal classé dans le Global Innovation Index pour 2013 : Tunisie : 70 e , Maroc, 92 e et Algérie : 138 e (Classement établi par l'Insead, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et l'université Cornell, http://strat-staging.com/content.aspx?page=data-analysis) les pays du Maghreb recèlent un potentiel important de développement dans le domaine de l'innovation et des nouvelles technologies. Le technoparc d'Elgazala en Tunisie (le premier dans le Maghreb) est devenu un écosystème diversifié qui héberge une centaine d'entreprises dont 13 multinationales.

* 340 Un mécanisme de consultation visant à permettre aux PME de s'exprimer sur des sujets qui les préoccupent améliorerait l'élaboration de politiques dans l'ensemble de la région. Le renforcement de l'État de droit et l'octroi d'un accès simple et équitable aux marchés publics grâce à une amélioration des systèmes de passation des marchés, à la simplification administrative, à de meilleures compétences, à un accès plus facile au financement et à une innovation accrue permettraient de dynamiser le développement des entreprises. Le soutien financier de l'UE aide des PME à développer leurs capacités dans de nombreux cas

* 341 « La pollution de la Méditerranée : état et perspectives à l'horizon 2030 » Rapport de M. Roland Courteau, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques n° 652 (2010-2011) - 21 juin 2011 http://www.senat.fr/notice-rapport/2010/r10-652-notice.html

* 342 En mai 2013, l'UE a organisé un séminaire de haut niveau afin de présenter et d'examiner le programme de la politique européenne de voisinage pour l'agriculture et le développement rural (ENPARD). Dans les pays partenaires du voisinage méridional, des activités pilotes sont en cours d'élaboration. Des comités techniques, avec des membres issus de la société civile et du secteur privé, ont été mis sur pied. Des actions au titre de l'ENPARD ont été lancées en Égypte, en Algérie, en Tunisie et au Maroc.

* 343 Michel Vauzelle « Avec la jeunesse méditerranéenne, maîtriser et construire notre communauté de destin » -Rapport au président de la République et au premier ministre octobre 2013

* 344 Des partenariats se sont formés entre le ministère des affaires étrangères, l'AFD et quelque 250 collectivités territoriales françaises. Cette coopération décentralisée permet des approches différenciées pour des actions en appui aux collectivités des pays partenaires. L'AFD a décidé d'accompagner ces initiatives par la création de cellule d'appui destinée à favoriser la construction d'une offre technique, financière et institutionnelle rassemblant des acteurs français aux compétences complémentaires. Les actions engagées en partenariat par les collectivités françaises d'inscrivent dans le cadre des orientations définies par la Commission nationale de la coopération décentralisée, qui rassemble à parité les trois associations nationales d'élus (Communes, départements et régions) deux associations spécialisées dans l'international et l'AFD.

* 345 BAFD - Note économique - Comment lutter contre le chômage des jeunes au Maghreb - 2011 http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Publications/North%20Africa%20ch%C3%B4mage%20Fran%C3%A7ais%20ok_North%20Africa%20Quaterly%20Analytical.pdf

* 346 L'une des difficultés actuelles au Maroc avec la croissance des expatriés et la réduction du nombre de places susceptibles d'être offertes aux élèves marocains dans nos établissements.

* 347 Michel Vauzelle « Avec la jeunesse méditerranéenne, maîtriser et construire notre communauté de destin » -Rapport au président de la République et au premier ministre octobre 2013

http://www.elysee.fr/assets/pdf/Mediterranee.pdf

* 348 idem

* 349 Communication conjointe de la Commission européenne et de la Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité « Politique européenne de voisinage : vers un renforcement du partenariat » 20 mars 2013.

http://ec.europa.eu/world/enp/docs/2013_enp_pack/2013_comm_conjoint_fr.pdf

* 350 Abderrahmane Hadj Nacer et Carmen Romero « L'Europe et la Méditerranée - Propositions pour construire une grande région d'influence mondiale » Rapport au président du parlement européen. IPEMED avril 2013.

http://www.ipemed.coop/adminIpemed/media/fich_article/1365589634_Rapport_IPEMED_M-Schulz_Avril-2013.pdf

* 351 Rapport sur l'état des lieux de la mise en oeuvre des actions du PART relatives au transport ferroviaire dans les pays MEDA du Maghreb

http://www.euromedtransport.eu/Fr/image.php?id=1748

* 352 http://www.eurosud-transport.com/les-principaux-projets/1-traversee-centrale-des-pyrenees-tcp-%E2%80%93-euro-21.html

* 353 IPEMED, avril 2013

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