3. Réaffirmer la place du système de santé, en particulier de l'hôpital, dans ses missions de service public, auprès des personnes prostituées
Les personnes prostituées sont confrontées à des problématiques de santé diverses, qui ne peuvent être limitées à celles du VIH. Sans nécessiter une prise en charge spécifique, elles doivent bénéficier d'un accompagnement adapté et personnalisé vers les dispositifs de droit commun.
a) Affirmer la place de l'hôpital, dans ses missions de service public, auprès des personnes prostituées
Le centre hospitalier Ambroise Paré a mis en place depuis le début des années 2000 une structure spécifique destinée à la prise en charge des personnes prostituées. Le projet est né du constat qu'il existait à proximité de l'hôpital, dans le bois de Boulogne, une population exclue de l'accès aux soins et de l'exercice des droits qu'elle pouvait faire valoir. L'objectif était donc, dans une logique de service public, de répondre aux besoins spécifiques de ce public.
L'hôpital a noué un partenariat avec l'association Prévention action santé travail pour les transgenres (Pastt), formalisé par la signature d'une convention le 17 mai 2004.
Les finalités attendues étaient, d'abord de faciliter l'accès aux soins , puis de renforcer la prévention , enfin d'assurer l'accès aux droits sociaux et plus largement la réintégration sociale des personnes concernées .
Pour atteindre ces objectifs, un médecin infectiologue originaire du Brésil puis une médiatrice sociale, sud-américaine et transsexuelle, ont été recrutées en 2005 et 2007.
Les personnels de l'hôpital ont été formés à l'accueil des personnes prostituées. L'équipe médico-sociale participe aux maraudes organisées par l'association Pastt dans le bois de Boulogne. La structure joue au final un rôle d'interface et de facilitateur entre l'hôpital et les personnes prostituées du bois de Boulogne.
Appuyée sur la permanence d'accès aux soins de santé (Pass), la structure est financée par le biais des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac).
Un bilan réalisé en 2011 montrait une augmentation continue de la fréquentation du centre de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (Ciddist). 100 personnes étaient prises en charge par le médecin infectiologue, et entre 60 et 80 étaient accompagnées chaque mois par la médiatrice sociale.
90 % des patients n'ayant aucune couverture maladie au moment de leur première rencontre avec la médiatrice avaient pu obtenir l'AME ou s'affilier à la sécurité sociale.
Environ 10 % des personnes accueillies étaient entrées dans une démarche de réinsertion, notamment grâce à l'obtention d'un travail ou d'un logement.
Quatre actions de prévention « hors les murs » avaient été réalisées dans l'année, permettant de rencontrer entre cent et cent cinquante personnes. Au cours des deux dernières, vingt-cinq Trod avaient été réalisés.
Ainsi que l'ont souligné les équipes rencontrées par vos rapporteurs, un tel projet n'est envisageable et reproductible qu'à la condition de nouer un partenariat fort avec le milieu associatif.
Elles ont également fait part de leurs inquiétudes quant à la pérennité d'un dispositif qui demeure isolé et dont le maintien dépend avant tout de l'engagement des personnes qui s'y sont fortement investies dès son origine.
Selon elles, le soutien des pouvoirs publics devrait se traduire par la réaffirmation de la mission de santé publique et d'assistance publique de l'hôpital pour répondre aux besoins de santé et d'accès aux droits des populations les plus précaires de leur territoire. La tâche assignée aux Pass, qui est d'assurer une prise en charge médico-sociale destinée à faciliter l'accès aux structures de soins de droit commun, s'inscrit pleinement dans cette perspective 69 ( * ) .
Proposition Faire des permanences d'accès aux soins de santé (Pass) de véritables passerelles vers l'accès aux services de soins de droit commun en assurant notamment la formation des personnels qui y travaillent aux problématiques de la prostitution et de la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle. |
b) Renforcer le rôle des ARS
Selon les informations fournies par la DGS et issues d'une enquête réalisées au moment de la rédaction du rapport « Geoffroy-Bousquet », aucune des ARS interrogées n'avait véritablement engagé de politique spécifique à destination des personnes prostituées . Leur soutien financier allait en premier lieu aux associations communautaires et/ou menant des actions en faveur de la réduction des risques.
Les questions relatives à la prostitution sont également prises en compte de façon variable dans les documents de programmation rédigés par les ARS.
Pourtant, les programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies (Praps) constituent des outils adaptés pour intégrer les personnes prostituées dans un dispositif plus large d'action auprès des personnes défavorisées. Selon la DGS, huit Praps sur vingt-six intègrent la question des personnes prostituées. Sur ces huit, quatre d'entre eux prévoient des actions spécifiques visant à mieux connaître les personnes en situation de prostitution, favoriser l'accès aux droits et aux soins ainsi que l'accès à la prévention et l'éducation à la santé.
Certaines ARS ont intégré les personnes prostituées dans les schémas régionaux de prévention (SRP) qui portent essentiellement sur les questions d'IST et de dépistage.
Ces documents de planification, relativement lourds à élaborer, sont déjà fortement encadrés au plan législatif et réglementaire. Prévoir d'intégrer dans les textes la prise en compte des personnes en situation de prostitution ne serait donc pas opportun. En revanche, l'évaluation de la première génération des projets régionaux de santé (PRS) et l'exercice de planification qui s'en suivra doivent constituer une opportunité pour encourager la prise en compte plus systématique de ce public dans les outils de programmation.
L'Igas insiste par ailleurs sur le rôle de coordination que peuvent jouer les ARS afin d'assurer le décloisonnement des pratiques . Elle suggère notamment la constitution de bases de travail communes qui pourraient résulter d'appels à projets lancés de façon conjointe par les différentes administrations amenées à intervenir auprès des personnes prostituées.
Ce travail de construction d'une base de références et de connaissances partagées pourrait être envisagé en partenariat avec les observatoires régionaux de la santé sur lesquels les ARS ont vocation à s'appuyer pour la mise en oeuvre de la politique de santé publique au niveau régional 70 ( * ) .
Propositions Profiter de l'évaluation prochaine des projets régionaux de santé pour encourager une intégration plus systématique des questions de prostitution dans les documents de planification. Conforter le rôle de coordination des agences régionales de santé (ARS) s'agissant des questions sanitaires et sociales relatives aux personnes prostituées, notamment par le lancement d'appels à projets conjoints. Renforcer, en lien avec les observatoires régionaux de santé, l'expertise des ARS au sujet de la situation sanitaire et sociale des personnes prostituées. |
* 69 L'article L. 6112-6 du code de la santé publique dispose en effet que : « Dans le cadre des programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins des personnes démunies mentionnés au 3° de l'article L. 1434-2, les établissements publics de santé et les établissements de santé privés assurant une ou plusieurs des missions de service public définies à l'article L. 6112-1 mettent en place des permanences d'accès aux soins de santé, qui comprennent notamment des permanences d'orthogénie, adaptées aux personnes en situation de précarité, visant à faciliter leur accès au système de santé, et à les accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits. Ils concluent avec l'Etat des conventions prévoyant, en cas de nécessité, la prise en charge des consultations externes, des actes diagnostiques et thérapeutiques ainsi que des traitements qui sont délivrés gratuitement à ces personnes. »
* 70 Aux termes de l'article L. 1431-2 du code de la santé publique, qui définit les missions des ARS, elles ont vocation, pour la mise en oeuvre de la politique de santé publique au niveau régional à organiser, « en s'appuyant en tant que de besoin sur les observatoires régionaux de la santé, la veille sanitaire, l'observation de la santé dans la région, le recueil et le traitement des signalements d'événements sanitaires ».