3. Une optimisation des mécanismes d'aide et de financement

Cette optimisation passe par une simplification des procédures, qui pourrait prendre la forme d'un guichet unique de demande d'octroi, ainsi que par une révision des enveloppes et conditions d'éligibilité des différents dispositifs.

a) La mise en place d'un « guichet unique » pour les demandes de soutien

D'une façon générale, la palette d'instruments de soutien au financement des entreprises du secteur a été jugé non négligeable. En revanche, elle s'avère mal exploitée par des entreprises qui, pour les plus petites tout du moins, n'en n'ont pas connaissance ou ne s'estiment pas en mesure d'en bénéficier.

Comme l'ont reconnu des responsables de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), les administrations doivent faire preuve d'une grande pédagogie pour en expliquer la teneur aux PME du secteur et les conseiller sur l'opportunité d'y recourir.

Celles-ci étant fréquemment « perdues » dans le maquis des aides et des structures existantes, la mise en place d'un « guichet unique » serait de nature à faciliter les démarches des professionnels. Ce guichet examinerait leur demande et les réorienterait vers le type de soutien et l'administration la plus compétente pour traiter leur demande. La localisation de ce guichet et son articulation avec les différentes structures en charge de chaque dispositif resterait toutefois à préciser.

Le CNC, compte de sa compétence reconnue en matière d'instruction de dossiers d'aide aux entreprises du secteur du cinéma et de l'audiovisuel, constituerait, selon vos rapporteurs, l'institution idoine pour exercer cette fonction de guichet unique.

b) Un ciblage plus efficace des dispositifs de soutien existants

Le FAJV fonctionne relativement bien et a le mérite de soutenir des entreprises de petite taille qui ne sont pas éligibles au CIJV.

Cependant, l'aide octroyée à ce titre est plafonnée à 50 % du coût du projet et ne peut dépasser 200 000 euros, ce qui est jugé comme étant trop bas par les acteurs du secteur. Ce plafond gagnerait à être doublé afin d'être plus en rapport avec des budgets de pré-production atteignant couramment plusieurs centaines de milliers d'euros, et ceci pas nécessairement pour les seuls « hits » des plus grandes entreprises du secteur.

Par ailleurs, une ambiguïté devrait être levée sur le sort des jeux violents qui prétendent à une aide au titre du FAJV. L'élément de violence, qui ne fait pas officiellement partie des critères pris en compte dans le traitement des dossiers, contrairement à ce qui est le cas pour le CIJV, le serait parfois et rendrait le sort de la demande incertain. Il conviendrait donc de préciser ce point en rappelant aux structures gestionnaires qu'il ne peut s'agir en soi d'un élément discriminant pour l'octroi de la subvention.

S'agissant du CIJV , il conviendrait, dans une prochaine loi de finances, d' assouplir ses critères d'octroi , de sorte qu'il bénéficie à un nombre étendu d'entreprises, à tout le moins pas uniquement aux plus importantes. Le fait que les projets doivent avoir un coût de développement supérieur ou égal à 150 000 euros pour être éligibles en évince en effet naturellement un bon nombre. Ce seuil pourrait donc utilement être divisé par deux.

Il serait également opportun de revoir les critères culturels du CIJV à l'aune de la grande diversité des productions issues de nos studios. S'il est appréciable de vouloir faire vivre l'exception culturelle à la française, il convient tout autant de ne pas « passer à côté » du soutien de productions de qualité, dont l'aspect culturel - dont la définition reste, soit dit en passant, extrêmement délicate et sujette à discussion - n'est peut-être pas privilégié, mais qui présentent bien d'autres qualités (originalité, « jouabilité », graphisme, etc.) et sont susceptible d'être bien accueillies par le marché.

À cet égard, certains critères, qui ne sont pas considérés aujourd'hui, tels que la jouabilité pourtant essentielle pour juger de la qualité d'un jeu, gagneraient à être intégrés parmi ceux pris en compte dans l'octroi du CIJV. Et à l'inverse, des critères tels que celui de la narrativité, qui impliquent de présenter un scénario riche et détaillé, se prêtent mal à certains types de jeu, et ne devraient plus, en conséquence, constituer un critère majeur de sélection.

D'une façon plus générale, ce système de crédit d'impôt mériterait d'être considérablement simplifié . Le calcul par points, suivant un barème complexe, ne plaide pas en effet pour la transparence du dispositif et son assimilation aisée par les entreprises du secteur potentiellement intéressées.

Enfin, il a été souligné que le CIJV était limité dans le temps à une période de production qui va bien au-delà de celle admise par le dispositif. Ainsi, les responsables d'Ankama, rencontrés à leur siège de Roubaix, ont expliqué en avoir bénéficié pour une de leurs productions majeures pendant une période de 36 mois, alors que la production proprement dite se poursuit parfois au-delà, par exemple pour l'activité de maintenance. Aussi l'éligibilité dans le temps du CIJV devrait être révisée, et pouvoir être prolongée.

Le CIR , quant à lui, pourrait opportunément voir son assiette précisée et élargie . D'une part, il reste délicat de déterminer, pour une entreprise, quels travaux peuvent être considérés comme en relevant. Un manuel, dit de Frascati, constitue certes une référence internationale pour la définition des activités de R&D, mais le secteur des jeux vidéo présente des spécificités qui n'y sont pas prises en compte. Il conviendrait donc que l'administration détaille, de façon actualisée, les types de dépenses ouvrant droit au CIR pour l'industrie du jeu vidéo.

En outre, le CIR se limite à la R&D, ce qui exclue toute une série d'activités qui participent pourtant directement à l'amélioration du produit. L'innovation peut, par exemple, porter sur la narration interactive. Or, celle-ci ne rentre pas dans l'assiette du CIR, car ce n'est pas de la programmation pure ou de la recherche fondamentale. Il conviendrait donc d'élargir en ce sens les travaux pris en compte au titre du CIR.

Une telle extension d'un dispositif transversal à l'innovation vaudrait également pour le dispositif de la « jeune entreprise innovante » ( JEI) . Il semble que le gouvernement souhaite y inclure les activités innovantes en matière de marketing ou de design , voire les dépenses en personnel destinées aux activités d'innovation. Une telle évolution serait profitable au secteur des jeux vidéo, et ne peut être qu'encouragée par vos rapporteurs.

Elle serait d'autant plus fructueuse qu'elle s'accompagnerait d'un déplafonnement du statut de la JEI. Celui-ci comprend en effet un double plafond - l'un de 200 000 euros par période de 36 mois pour les allègements fiscaux, l'autre plus complexe pour ce qui est des exonérations de charges sociales. Ce plafond a été jugé comme contraignant par certains bénéficiaires de la mesure ; l'examen de son augmentation paraîtrait opportun, afin d'encourager les jeunes entreprises du secteur à innover et à embaucher.

c) À la recherche de nouvelles ressources pour le financement du secteur

Un plus grand soutien du secteur des jeux vidéo passera par un accroissement des moyens publics mobilisables, ce qui impliquera, dans un contexte de pénurie budgétaire, de trouver de nouvelles ressources. Celles-ci devront être en lien avec le secteur, reposer sur une assiette aussi large que possible et être fixées à un taux suffisamment bas.

Dans cet objectif, vos rapporteurs préconisent la taxation de l'ensemble des jeux vendus neufs sur le marché physique . Cette taxe serait d' un montant de quelques centimes ou dizaines de centimes par jeu . Sur des produits commercialisés entre cinquante et soixante-dix euros en moyenne lors de leur lancement, elle représenterait donc une charge supportable pour l'acheteur, surtout au regard de son utilité finale.

Comme c'est le cas par exemple pour les contributions au service public du gaz ou de l'électricité, ou pour la taxe éco-participation, ce prélèvement serait identifié sur le prix d'achat et son objet précisé. Le consommateur serait donc informé que ce modique supplément de prix sert à financer l'industrie française du secteur vidéo ; il contribuerait à son soutien, en connaissance de cause, en s'acquittant d'une telle « contribution ».

Avec une cinquantaine de millions de produits (consoles et jeux) vendus dans notre pays en 2011 sur le marché physique, cette taxe pourrait rapporter plusieurs millions d'euros. Elle pourrait aisément venir doubler les financements publics alloués au secteur, si l'on a en tête que le FAJV représente trois millions d'euros d'aides et le CIJV deux millions de dépense fiscale.

Une telle contribution viendrait alimenter un fonds géré par le CNC , ainsi pleinement en charge du secteur du jeu vidéo. Ce fonds aurait pour objet d' accorder des financements à la création française dans le secteur du jeu vidéo . Cette nouvelle ressource, et ce fonds de financement qu'elle impliquerait, pourraient d'ailleurs être connectés avec le dispositif du fonds participatif évoqué précédemment, auquel elle pourrait être affectée.

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