C. LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

Une démarche dynamique de reconquête du secteur des jeux vidéo suppose, outre d'éviter les obstacles et de préserver les atouts de la France, d'innover en mettant en place de nouveaux instruments d'accompagnement pour l'ensemble de la filière.

1. La création d'une plateforme de valorisation et de distribution de la production française
a) Un outil qui s'inscrit dans une évolution générale vers une dématérialisation des supports

D'abord considérée comme risquée pour les intérêts des concepteurs et des éditeurs de jeux vidéo, la distribution digitale de jeux s'est installée progressivement dans le paysage vidéoludique avec la plateforme Steam, il y a une dizaine d'années. Cette dernière a été suivie par des concurrentes, telles que Impulse, Desura, DLGamer, Origin, GamersGate, Direct2Drive ou encore Games for Windows pour Microsoft.

Début juin, le géant américain Amazon a ouvert sa propre plateforme entièrement dédiée aux jeux vidéo indépendants téléchargeables, appelée Indie Games Store. Il s'agit en réalité d'une catégorie de la section de son Digital Video Games Stores, dans laquelle seront proposés des titres prestigieux et d'autres moins connus. L'initiative a été présentée comme « conçue pour aider les développeurs à promouvoir leurs jeux en aidant les joueurs à les découvrir ».

Promouvoir et faire découvrir leurs productions : telle est bien la difficulté pour de nombreux petits développeurs et éditeurs, pour lesquels les plateformes actuelles ne sont pas adaptées. « On ne compte plus le nombre de petits jeux indés perdus dans les limbes de la distribution, soit rushés sur un malheureux site officiel sans promotion (et donc immédiatement oubliés), soit simplement pas sortis » souligne fort justement un internaute participant à un forum sur le sujet 45 ( * ) .

b) Un instrument de soutien à la diversité de la production française

Afin de rendre l'offre de produits français plus visible, il pourrait être opportun de mettre en place une plateforme nationale , appuyée par les pouvoirs publics et ouverte à tous les jeux produits sur le territoire pour tous les types de publics. Cette plateforme, véritable outil de soutien au développement de la production française, aurait pour objectif à la fois de faire connaître et de distribuer les jeux mais surtout d'assurer aux consommateurs la qualité de la production proposée grâce à une sélection exigeante et originale.

Plutôt que de ne « pousser » que des « hits AAA », dont les éditeurs n'ont généralement pas de difficultés à assurer la visibilité, seraient mis en avant des jeux originaux, diversifiés et innovants, donnant ainsi une véritable chance à leurs concepteurs et diffuseurs.

La plateforme accueillerait les jeux fabriqués sur notre territoire, ce qui impliquerait d'ailleurs une réflexion sur le « made in France » que l'on souhaiterait soutenir en la matière. Les jeux devraient être accessibles aux joueurs de tous pays, dans leurs langues d'origine, afin de promouvoir le savoir-faire français.

La plateforme serait aussi ouverte que possible : aux studios indépendants et aux concepteurs de jeux dépourvus d'éditeurs, en priorité, même si les jeux d'éditeurs -y compris des plus importants- seraient également accueillis. Elle s'apparenterait donc à un système hybride tel que Steam aux États-Unis, mais sans obstacles à l'entrée. L'avantage de proposer un tel système de vente directement accessible consisterait à disposer d'un contenu original et de qualité et de mettre en avant « l'exception culturelle » française.

La commission prélevée sur les jeux vendus serait faible, de l'ordre de 5 à 10 %. En effet, l'une des grandes difficultés actuelles pour les studios indépendants qui utilisent des plateformes de ventes directes est leur soumission à la fois à un prélèvement pour commission et au titre de la TVA.

Le commissionnement par les plateformes s'élève en moyenne aujourd'hui à 30 % du prix de vente final. Un tel taux est manifestement excessif au regard du coût dérisoire de la bande passante et des charges que nécessite la mise en place d'une plateforme, très rapidement amorties si celle-ci est assurée par des entreprises de taille importante.

Une politique de commissionnement constructive pourrait être envisagée, de façon à s'adapter aux besoins des studios. Seraient proposés de façon optionnelle des services à forte valeur ajoutée qui feraient augmenter la commission : + 5 % si l'on propose une autre langue, + 5 % pour un relai presse en France, + 5 % pour un relai presse international... Un commissionnement moins élevé pourrait par ailleurs être envisagé en cas d'exclusivité sur la vente du jeu.

Le choix de protéger les contenus vendus, avec des codes DRM, serait laissé au choix des studios. Si les plus grands le prévoient quasi systématiquement, la tendance est inverse chez les plus petits. La décision sur ce point devrait donc être le fait des principaux intéressés. Les jeux seraient proposés sur tous les supports « ouverts » : Windows, Mac, Linux, Android...

La politique de prix devrait rester responsable, en interdisant la vente de jeux à moins d'un euro. Les moyens de paiement devraient être modernes et accessibles : virements bancaires et cartes de paiement pour l'ensemble des consommateurs, audiotel et SMS en sus pour les Français, sans compter les moyens intégrés tels que Paypal , Google wallet ou Amazon payments et les nouveaux instruments tels que le bitcoin .

Cette plateforme s'apparenterait à un centre national virtuel des jeux vidéo. Elle constituerait une sorte de fonds de ressources et d'orientation pour les publics concernés, à qui elle délivrerait des informations institutionnelles sur les moyens publics (État, collectivités territoriales et programmes européens) mis en place en soutien à cette industrie créative et culturelle.


* 45 http://fr.vox.ulule.com/-quelles-plates-formes-distribution-numerique-publier-jeu-426/

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