3. Une industrie culturelle « territorialisée »

Il existe aujourd'hui en France environ deux-cent-cinquante studios de jeux vidéo, dont près du tiers ont moins de deux ans d'ancienneté. Les entreprises se créent et disparaissent au gré des succès et des échecs de leurs jeux, parfois autour d'une même équipe ou tout au moins d'un noyau dur de créatifs. À titre d'exemple, au début des années 90, les disparitions de Sega Lyon, de Kalisto et de Cryo et les plans sociaux d'Infogrames et Ubisoft ont donné naissance à une quinzaine de studios créés par d'anciens salariés.

Ces structures, de taille variable, s'installent le plus souvent près des écoles de formation (Paris, Angoulême, Valenciennes), auprès de collectivités territoriales ayant développé des mesures incitatives pour ce type d'entreprises ou disposant d'un réseau de studios déjà organisé (Bordeaux, Lyon, Montpellier, Annecy), voire dans les régions d'origine de leur créateur.

A la différence des autres industries culturelles (cinéma, audiovisuel, édition, musique, etc.), la production de jeux vidéo est donc réalisée de façon disséminée sur l'ensemble du territoire national, avec toutefois des pôles majeurs en Ile-de-France, à Lyon, dans le Nord-Pas-de-Calais, à Bordeaux ou encore à Montpellier.

Un pôle de studios de jeux vidéo : l'exemple bordelais

Lors de son déplacement à Bordeaux, le 14 juin 2013, le groupe de travail a rencontré plusieurs studios de taille et d'activité différentes, tous membres de l' association Bordeaux Games , qui soutient localement les studios de jeux vidéo, notamment les plus petits s'agissant du marketing et de la communication, et promeut le développement de cette industrie dans la région.

Historiquement, Bordeaux fut la ville du Studio Kalisto créé en 1996 et disparu en 2002. Kalisto a compté jusqu'à 800 salariés et produit des titres légendaires comme Dark Earth , Nightmare Creatures ou Le Cinquième Élément . Ce passé industriel explique en grande partie que Bordeaux soit aujourd'hui un pôle majeur du jeu vidéo en France.

Créé par d'anciens salariés de Kalisto il y a onze ans, Asobo Studio compte aujourd'hui une centaine d'emplois et développe des jeux pour consoles. Le studio a déjà produit treize jeux depuis sa création, dont la moitié sous licences Disney et Pixar (Ratatouille, Toy Story, Garfield, etc.), ce qui nécessite le suivi de procédures de développement hautement confidentielles. Son principal client est Microsoft. L'entreprise, détenue en totalité par ses salariés, a réalisé sept millions d'euros de chiffre d'affaires en 2012.

Autre démembrement de Kalisto, Be Tomorrow , créé en 2002, emploie trente-cinq personnes et réalise deux millions d'euros de chiffre d'affaires. Le studio est spécialisé en jeu sur mobiles et sur Internet, mais produit également des « serious games » et réutilise des technologies développées pour le jeu à destination d'autres usages (outil de comptage d'une foule à partir d'une borne, répondeur pour Orange, GPS en temps réel pour les courses de bateaux, etc.), ce qui permet à son modèle économique d'être moins dépendant du cycle de production des jeux vidéo. Ses clients sont donc plus variés que ceux d'un studio traditionnel : opérateurs, équipementiers, sponsors et organisateurs de manifestations sportives, éditeurs de jeux.

Le groupe de travail a enfin rencontré les deux créateurs d'un jeune studio : Nova Box (trois salariés et un stagiaire) créé en 2007. Si le projet initial de ses créateurs, diplômés de l'école d'ingénierie informatique de Bordeaux et titulaires d'un master en sciences cognitives, était de travailler sur des projets d'intelligence artificielle, l'activité du studio s'est progressivement orientée vers le jeu vidéo, avec le développement d'applications sur mobiles et Internet.

Toutefois, comme le soulignait Alain Le Diberder lors de son audition par le groupe de travail, la territorialisation de la production de jeux ne constitue en rien une spécificité française . Il en est de même au Japon (Nintendo est installé à Osaka), aux États-Unis (on trouve des studios à Austin, à Seattle ou encore à New York, tandis que l'industrie du cinéma, a contrario , a installé sa production sur la seule côte ouest), comme au Canada (Québec, Vancouver, Toronto).

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