B. DES ATOUTS À PRÉSERVER

1. Des formations de grande qualité

L'élite mondiale des programmeurs et des designers de jeux est en partie formée en France, assurent les professionnels du secteur. Mais les créateurs de studios et les salariés du secteur du jeu vidéo ne sont pas , et loin s'en faut, issus d'un type de formation unique . Certains sont autodidactes, d'autres diplômés d'une école d'ingénieurs, dont plusieurs ont créé des filières dédiés aux jeux vidéo, d'autres encore de formations en graphisme, en design 3D ou en cinéma d'animation créées dans les années 1980 parallèlement au développement des images de synthèse.

On observe toutefois depuis plusieurs années la création de formations spécialisées dans le jeu vidéo (environ une cinquantaine, de niveau divers), dont certaines bénéficient déjà d'une renommée internationale. Ces écoles participent depuis plusieurs années à des compétitions internationales de jeux vidéo, d'où elles reviennent le plus souvent médaillées.

En 2013, l' Imagine Cup de Microsoft qui se tient à Saint-Pétersbourg au mois de juillet ne fait pas exception à la règle puisque trois équipes françaises (Ingésup, Supinfogame et l'Université d'Orléans) ont été sélectionnées pour la finale. En 2011, la France avait obtenu les deux premiers prix de la catégorie « games » et, en 2012, elle s'était hissée à la deuxième place.

Afin de mesurer cette évolution, le groupe de travail sénatorial a auditionné Marie-France Zumofen, directrice-adjointe, et Nicolas Esposito, enseignant-chercheur à l'école des Gobelins et s'est rendue à Valenciennes dans les locaux de Supinfogame.

a) Les Gobelins : une diversification difficile dans le domaine du jeu vidéo

L'école des Gobelins a été fondée en 1963 par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris pour former les étudiants aux métiers de la photographie. En 1969, elle ouvre un département industries graphiques, puis une formation au cinéma d'animation en 1975. La diversification de l'école se poursuit en 1991 avec le multimédia et, enfin, en 2011 par le jeu vidéo.

L'école compte aujourd'hui 1 500 étudiants en formation continue et 700 en formation initiale, dont 400 en contrat d'apprentissage en alternance, notamment dans les filières industries graphiques et multimédia. Reconnue excellente dans ses différents domaines d'intervention - « Gobelins » est presque devenu une marque -, l'école place près de 100 % de ses diplômés au cours de l'année suivant leur sortie.

La formation dispensée en cinéma d'animation est particulièrement appréciée par les professionnels du jeu vidéo , qui engagent les étudiants des Gobelins pour travailler sur les décors de jeu.

Considérant que les besoins des studios en personnels formés sur la création de modèles de jeu (pour la 3D, le son, etc.), c'est-à-dire d'applications interactives en temps réel, et en « game design » n'étaient pas pleinement satisfaits par les formations existantes, et à la demande de Nathalie Kosciusko-Morizet, alors secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique auprès du Premier ministre François Fillon, l'école des Gobelins a décidé d'ouvrir un enseignement spécifique aux jeux vidéo.

En association avec le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), cette nouvelle formation rassemble à parité des graphistes et des développeurs pour les préparer, après un diplôme de master 1 ou 2 ou équivalent, à un master professionnel en « Interactive digital experience ». Après cinq mois de cours et cinq mois de stage, ces étudiants sont capables de travailler sur des jeux sur tous types de supports.

Si le projet est ambitieux et ne manque pas d'intérêt, la réalité est encore différente. De fait, les aides financières promises à l'école par la région Ile-de-France et par la Chambre de commerce et d'industrie ne se sont jamais concrétisées, ce qui a fait croître le coût de la formation à 9 000 euros par étudiant, somme dissuasive pour de nombreux candidats . En outre, l'école peine à faire connaître cette nouvelle spécialisation, où d'autres structures disposent déjà d'une renommée certaine.

Au total, les deux dernières promotions n'ont compté que neuf diplômés chacune , contre une vingtaine espérée. À titre de comparaison, la filière en cinéma d'animation reçoit chaque année 600 candidatures pour vingt-cinq places et la filière multimédia, 400 candidatures pour quarante places.

b) Supinfogame : un succès français qui s'exporte

L'histoire de Supinfogame, créée en 2001 à Valenciennes par la chambre de commerce et d'industrie locale, est bien différente. Supinfogame, spécialisée dans le jeu vidéo, est l'une des trois écoles du groupe Rubika , qui comprend également Supinfocom, créée en 1988 pour l'animation en 3D et IDS Design, qui forme depuis 1988 également les étudiants au design en 3D.

Le groupe compte environ 1 400 étudiants repartis sur trois sites : Valenciennes, la maison mère (780 étudiants), Arles (200 étudiants en animation exclusivement) et Pune en Inde (450 étudiants). Les frais de scolarité s'élèvent à 6 700 euros par étudiant et par an, mais de nombreuses bourses sont attribuées.

L'aventure indienne du groupe Rubika à Pune, ville étudiante du centre de l'Inde, débute en 2006 à l'initiative de la société DSK et de son créateur Deepak Sakharam Kulkarni, qui souhaitait doter son pays d'une école de création numérique de niveau mondial et a sélectionné Rubika à cet effet. Désormais, des étudiants de tous horizons y bénéficient d'un enseignement dans l'une des trois écoles du groupe, dans un campus équipé des technologies les plus modernes.

Supinfogame rassemble pour sa part 200 étudiants, répartis entre les trois filières de formation : game design (création en 2001 avec vingt étudiants par an), game art (création en 2008 avec vingt-cinq étudiants par an) et programmation (création en 2012 avec seize étudiants). L'école recrute les bacheliers sur concours (dossier, épreuves écrites et entretien), recherchant des profils créatifs (le suivi d'une option en arts plastiques au lycée est apprécié) et passionnés. Cependant, la renommée de l'école attirant de plus en plus de candidats avec un niveau scolaire élevé, il s'avère que la passion du jeu ne suffit plus à être sélectionné, ce d'autant que des qualités rédactionnelles et des connaissances en culture générale sont recherchées, notamment pour la filière de game design . Au total, seul un candidat sur six entre à l'école , contre un sur quatre dans les deux autres écoles de Rubika.

Alors que le profil des candidats était il y a dix ans essentiellement masculin, du nord de la France et passionné d'informatique et de jeu vidéo, Supinfogame reçoit aujourd'hui des dossiers de toute la France et de l'étranger (dix nationalités en 2012), essentiellement de bacheliers généralistes et l'école compte 15 % de filles . Celles-ci choisissent majoritairement la filière de game art , où elles représentent 35 % des effectifs.

L'école dispense très peu de cours magistraux ; la pédagogie est organisée autour d'enseignements en classe par des professionnels en activité, de projets collectifs et individuels et de partenariats avec d'autres formations, notamment l'école des Beaux-Arts de Valenciennes, au conseil d'administration de laquelle siège d'ailleurs le groupe Rubika.

Au cours de leur formation, outre la maîtrise des outils techniques, les étudiants doivent développer un sens de la créativité et de l'innovation , qui deviendra leur signature artistique, lorsqu'ils exerceront des métiers aussi variés que design manager , réalisateur vidéoludique ou réalisateur numérique.

L'objectif de Supinfogame est de poursuivre le développement de nouvelles filières adaptées aux besoins mouvants du marché du jeu vidéo. L'école a également comme projet d'établir, au-delà des formations artistiques, des partenariats avec des écoles de commerce et d'ingénieurs, afin de renforcer la formation de ses étudiants en management et en conduite de projets . Dans ce cadre, la création d'une année supplémentaire optionnelle pour les futurs créateurs d'entreprises est envisagée.

À la rentrée 2014, les trois écoles s'installeront dans un faste espace de 17 000 m 2 , la « Serre numérique », réunissant des espaces de formation, mais également des laboratoires de recherche et de jeunes entreprises.

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