2. Une offre de capital risque quasi inexistante

La deuxième des grandes « malédictions » du secteur du jeu vidéo mises en avant par Nicolas Gaume, après l'instabilité de son environnement, tient à « une absence d'outils de financement de fonds propres adaptés ». S'il peut offrir des retours sur investissement très élevés, le secteur est en effet très exigeant en capitaux sur fonds propres : la fabrication d'un jeu pour Facebook , pour le Web ou les smartphones coûte entre 50 000 et 300 000 euros, et celle d'un jeu pour console de 5 à 20 millions d'euros.

Dans les années 90, les entreprises qui avaient la capacité d'investir massivement - portées notamment par le développement des marchés boursiers - sur les nouveaux environnements de jeux ont pu devenir des acteurs importants de la production mondiale de jeux vidéo. Mais la part de risque ayant augmenté avec la multiplication des plateformes, les financements se sont taris et les entreprises ne sont aujourd'hui plus en capacité de produire leurs titres, faute de financement .

Ainsi, les capital-risqueurs n'investissent pas suffisamment dans le secteur, et tendent même à réduire leurs apports. La différence de culture de ce point de vue entre notre pays et les États-Unis parle d'elle-même. En 2008, dont datent les derniers chiffres connus, le capital-risque pour le jeu vidéo représentait 30 milliards d'euros outre-Atlantique. En France, les sommes allouées n'étaient que 45 millions d'euros la même année, contre 570 millions d'euros au début des années 2000, le capital d'amorçage passant pour sa part de 74 à 26 millions d'euros.

Pour simplifier, souligne le président du SNJV, « on pourrait dire que le jeu vidéo exige les montants généralement traités par les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) avec le niveau de risque des Fonds communs de placement à risque (FCPR) ». Il ne convient donc ni à l'un, ni à l'autre de ces instruments, qui constituent la base de notre système de financement pour la création d'entreprises.

Le document adressé par le SNJV aux candidats à la dernière élection présidentielle 36 ( * ) , faisait de la réponse à la question du financement la première des dix mesures qu'il préconisait de prendre.

Les entreprises du secteur du jeu vidéo, comme plus généralement celles du numérique, souffrent d'une sous-capitalisation chronique, y était-il indiqué. Dans un contexte de très forte concurrence internationale, leur capacité d'investissement, déterminante pour leur capacité à exister sur les marchés en croissance, se trouve extrêmement fragilisée. Elles se développent donc avec des fonds propres réduits, quand leurs concurrentes étrangères mobilisent des millions d'euros et prennent le leadership .

Le manque de visibilité du secteur en est un facteur explicatif . Paradoxalement, alors qu'il dépense des sommes extravagantes dans le marketing , le secteur souffre d'une insuffisante médiatisation auprès des décideurs financiers. « Rares sont les investisseurs institutionnels ou entrepreneuriaux à s'intéresser au jeu vidéo, souvent par méconnaissance et peur d'un secteur empreint de préjugés », observe Nicolas Gaume.

Ce manque de reconnaissance incite les développeurs à se tourner vers des modèles alternatifs de financement, qui évitent les canaux incertains du capital-risque. C'est ainsi que les plateformes de financement participatif soutenant la production de certains artistes trouvent une utilité dans le secteur des jeux vidéo.


* 36 10 mesures clés pour relever les défis industriels du jeu vidéo. Une industrie stratégique pour la France , document édité à l'attention des candidats à l'élection présidentielle par le SNJV, mars 2012.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page