C. LE RÔLE POSITIF DES RÉSEAUX D'INITIATIVE PUBLIQUE NUMÉRIQUES CONFRONTÉS À UN NOUVEAU DÉFI

La contribution des collectivités territoriales à la modernisation de l'équipement du territoire et de ses infrastructures de télécommunication a été considérable .

Elle s'est exercée directement grâce à un apport financier des collectivités sans équivalent de la part de l'État 20 ( * ) ou indirectement par l'instauration d'un contexte favorable au dégroupage des opérateurs qui, modifiant l'état de la concurrence, a accéléré la diffusion de l'innovation.

En bref, les collectivités locales ont exercé un double rôle : celui de maître d'ouvrage et de financier de l'équipement numérique du territoire ; celui de régulateur du jeu de la concurrence entre les opérateurs privés.

Toutefois, face à la nouvelle donne technologique, l'élan des collectivités territoriales pourrait devoir se modérer au vu des risques, de sorte que la contribution implicite qui leur est assignée dans le programme du réseau de nouvelle génération est rien moins qu'assurée. Il faut en créer les conditions.

Lors de son premier bilan de l'intervention des collectivités territoriales dans le secteur des communications électroniques, l'ARCEP avait recensé au 1 er décembre 2008 119 projets de réseaux numériques d'initiative publique (RIP).

A l'occasion de la dernière réunion du groupe d'échange entre l'ARCEP, les collectivités territoriales et les opérateurs (le GRACO), en décembre 2012 , l'ARCEP a présenté un document faisant état de 368 déclarations de projets de RIP .

L'augmentation des projets de RIP a, par conséquent, été très significative et ce, en réalité, depuis l'adoption en 2004 de l'article 1425-1 du CGCT.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE RIP PAR TYPE DE PORTEUR
(ÉVOLUTION CUMULATIVE)

Source : ARCEP

On relèvera toutefois que le rythme de cette progression s'est quelque peu ralenti depuis 2009 alors même qu'étaient mis en place un soutien financier de l'État, plus ou moins effectif, il est vrai, à travers le FSN et le FANT.

En nombre, les porteurs de projets sont majoritairement situés à l'échelon communal (30 % au total) et intercommunal (42 % au total). Les structures de niveau départemental suivent avec 22 % des RIP (73 projets en tout) tandis que les structures régionales en totalisent 4 % (16 projets).

Près de la moitié des régions et des deux tiers des départements ont conçu des projets de RIP.

La carte des RIP au 15 octobre 2012 traduit l'ampleur de l'implication des collectivités territoriales dans l'équipement numérique du territoire .

PORTEURS DE PROJET DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Source : ARCEP

L'engagement financier correspondant a été conséquent. Il est évalué par l'ARCEP à plus de quatre milliards d'euros dont plus de 2,8 milliards d'euros de fonds publics (70 % du total).

De son côté, l'AVICCA, en retenant un champ plus restreint, fait état d'un investissement de 3,4 milliards d'euros dont 1,85 milliard de fonds publics.

Le contenu des RIP est cependant très variable et le FttH reste minoritaire à ce stade.

En un raccourci éclairant, l'ARCEP indique que « les RIP vont du dégroupage au FttH » . Autrement dit, leur contenu et leur portée sont très variables.

Trois principaux types de RIP ont été mis en oeuvre :

- des réseaux reliant les NRA aux utilisateurs jugés prioritaires tels que les bâtiments publics, les zones d'activité, les entreprises,... ;

- des réseaux destinés à couvrir les zones blanches de l'ADSL, à travers des technologies radio ou NRA - ZO21 ( * ) ;

- des réseaux mixtes comportant une dorsale de collecte et la desserte de zones blanches.

Les RIP comportant un volet FttH sont à ce jour encore très minoritaires puisque seuls 10,51 % des RIP comportent un recours au FttH .

PROPORTION DES RIP RECOURANT AUX DIFFÉRENTES TECHNOLOGIES EN 2012

Source : ARCEP

En réalité, à ce jour les RIP ont essentiellement pallié les lacunes des réseaux de collecte en place et procédé à des investissements indispensables à la montée en débit au service d'utilisateurs non couverts par les opérateurs, mais à partir du réseau cuivre de l'opérateur historique .

Dans ce dernier cas de figure, si de nombreux RIP ont recouru à des technologies non filaires, l'installation de NRA-ZO a également été largement utilisée.

Sur ce point, les deux graphiques ci-dessous apportent quelques précisions.

NOMBRE DE RIP PAR TYPE DE PORTEUR

Source : ARCEP

Ils montrent d'abord l'existence d'un lien , somme toute logique, entre le niveau de portage des projets de RIP et leur contenu technologique . Sans surprise, les solutions hertziennes sont particulièrement utilisées par les structures les moins dimensionnées (les communes notamment), qui sont également moins engagées dans les réseaux de collecte.

Par ailleurs, ils paraissent montrer qu'une évolution se produit .

La proportion des RIP incluant le FttH progresse entre les deux sous-périodes considérées. Si ce constat paraît peu contestable, il ne doit pas pour autant conduire à celui d'un basculement radical des RIP vers les réseaux en FttH.

S'il augmente, le nombre des RIP en FttH demeure encore modeste, comme en témoignent les différents bilans disponibles.

L'examen des RIP a ainsi pu conduire à juger qu'un assez grand nombre d'entre eux correspondaient moins à la vision d'un investisseur public désireux d'assurer un équipement numérique cohérent de son territoire, qu'à une intervention, en urgence, destinée à combler les trous numériques des réseaux des opérateurs, avec les inconvénients d'une telle situations :

- la domination technico-tarifaire des opérateurs dont l'offre serait « à prendre ou à laisser », comme dans le cas des NRA - ZO ;

- le défaut d'une vision prospective intégrant les données de l'avenir ;

- un manque de coordination entre les projets portés par les différents niveaux de collectivité qui peut entraîner des ruptures de logique technologique, comme, par exemple, dans le cas où des structures communales recourent à la montée en débit sur le fil de cuivre quand le département programme un équipement en fibre optique.

D'autres appréciations, beaucoup plus positives, sont néanmoins mentionnées.

Les réseaux d'initiative publique (RIP) ont exercé un fort effet d'entraînement. Sur la boucle locale cuivre, près de 40 % des NRA dégroupés (en décembre 2008) l'étaient du fait d'un RIP.

Ces appréciations sont pleinement justifiées mais les risques particuliers des nouveaux réseaux ne sont pas suffisamment « assurés » dans le modèle suivi pour que le rôle si essentiel des collectivités territoriales dans la modernisation numérique du pays puisse se poursuivre.


* 20 Qui en a largement profité à travers les recettes fiscales engendrées par les dépenses d'équipement des collectivités territoriales et les recettes non fiscales perçues après de l'opérateur historique aux résultats duquel les investissements des collectivités territoriales ont significativement contribué.

* 21 Noeud de raccordement d'abonnés en zone d'ombre ; offre de France Telecom commercialisée depuis juin 2007 consistant à créer un nouveau noeud de raccordement d'abonnés sur la boucle locale cuivre pour amener l'ADSL à des utilisateurs qui n'en disposaient pas du fait de leur éloignement du central téléphonique. C'est une solution filaire alternative aux solutions radio ou satellite qui coûte entre 50 000 et 100 000 euros. Il est aujourd'hui remplacé par le NRA - Med, noeud de raccordement d'abonnés, montée en débit - qui poursuit les mêmes objectifs.

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