B. INSTITUER UNE VÉRITABLE SURVEILLANCE DES DISPOSITIFS MÉDICAUX IMPLANTÉS

1. Une évidence : appliquer enfin le droit existant

Lorsqu'une faille du droit existant apparaît, en particulier dans le domaine de la sécurité sanitaire, le premier réflexe est souvent d'appeler à sa réforme et de critiquer son insuffisance. Les récents scandales relatifs à des dispositifs médicaux implantables ont bien mis en lumière des failles dans la réglementation actuelle, mais la première des choses consiste à s'assurer que toutes les dispositions en vigueur étaient bien appliquées. Or, au cours de ses travaux, la mission a pu constater des réponses contradictoires de la part de ses interlocuteurs, souvent peu au fait des modalités d'organisation de la surveillance des dispositifs médicaux après leur commercialisation.

Pourtant, conformément au droit communautaire, et en particulier à la directive du 5 septembre 2007 73 ( * ) qui est venue modifier celle de 1993 74 ( * ) , tous les dispositifs médicaux implantables doivent désormais faire l'objet d'investigations cliniques , sauf si le recours aux données cliniques existantes peut être dûment justifié 75 ( * ) . Les données recueillies sont ensuite tenues à la disposition de l'ANSM.

En matière de matériovigilance , c'est-à-dire la surveillance du bon fonctionnement des dispositifs médicaux et des incidents dont ils peuvent être la cause une fois sur le marché, des possibilités d'encadrement particulier existent depuis 2004 . La loi du 9 août 2004 76 ( * ) a confié au pouvoir réglementaire la possibilité de fixer « les règles particulières applicables en matière de vigilance » exercée sur des dispositifs médicaux désignés par arrêté du ministre de la santé (article L. 5212-3 du code de la santé publique). L'article R. 5212-36 du même code 77 ( * ) , qui en fait application, prévoit que ces produits sont soumis à des règles de traçabilité « depuis la réception des dispositifs médicaux dans la structure sanitaire ou de chirurgie esthétique où ils seront utilisés jusqu'à leur utilisation chez le patient » .

Le but est bien évidemment de pouvoir identifier le plus rapidement possible, si l'innocuité de dispositifs médicaux venait à être infirmée, les patients chez qui ceux-ci auraient été utilisés ainsi que leurs lots d'origine. Il est ensuite de la responsabilité des établissements de santé, des pharmaciens hospitaliers et des services utilisateurs de dispositifs médicaux, chacun dans leurs compétences respectives, de veiller à ce que l'enregistrement du dispositif médical utilisé soit correctement réalisé et que le dossier médical du patient soit également renseigné (articles R. 5212-37 à R. 5212-40 du code de la santé publique). Enfin, à l'issue des soins, le patient doit se voir remettre un document récapitulant l'identification du dispositif utilisé, le lieu et la date d'utilisation ainsi que le nom du médecin utilisateur (article R. 5212-42 du code de la santé publique) .

L'application de ces dispositions était conditionnée à la publication d'un arrêté listant les dispositifs médicaux qui devaient y être soumis. Un arrêté du 26 janvier 2007 78 ( * ) a notamment prévu leur application immédiate aux valves cardiaques et différée au 31 décembre 2008 pour les autres dispositifs médicaux implantables.

Le « passeport dispositif médical » , présenté par certains des interlocuteurs de la mission comme un pas en avant important à accomplir en matière de matériovigilance, fait donc partie du droit positif depuis près de six ans et constitue une obligation légale depuis plus de trois ans ! Il est à tout le moins curieux de constater que nombreux sont les professionnels de santé qui semblent l'ignorer et que les autorités sanitaires ne font pas de la sensibilisation sur ce sujet l'une des priorités de leur action .

De toute évidence, la bonne mise en oeuvre de ces mesures aurait permis d'éviter les difficultés rencontrées en 2010 et 2011 pour identifier toutes les porteuses d'implants PIP et la confusion qui s'en est suivie . Le fait que de nombreuses femmes ne connaissaient pas le fabricant de leurs prothèses mammaires a pu causer chez elles un sentiment de crainte et de méfiance, d'autant plus fort que les pouvoirs publics ont officiellement recommandé de réaliser, à titre de précaution, l'explantation de tous les implants PIP. A l'avenir, et sans qu'il y ait besoin de modifier le droit existant autrement qu'à la marge, il devrait être possible d'informer individuellement chaque personne concernée du rappel d'un dispositif médical implantable.


* 73 Directive 2007/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 précitée.

* 74 Directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 précitée.

* 75 Dispositions transposées en droit interne à l'article R. 5211-36-2 du code de la santé publique.

* 76 Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

* 77 Créé, comme les articles R. 5212-37 à R. 5212-41 du code de la santé publique, par le décret n° 2006-1497 du 29 novembre 2006.

* 78 Arrêté du 26 janvier 2007 relatif aux règles particulières de la matériovigilance exercée sur certains dispositifs médicaux, pris en application de l'article L. 5212-3 du code de la santé publique ; JO du 10 février 2007, page 2567.

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