C. UN NOUVEL ÉLAN NÉCESSAIRE

1. Un calendrier qui ne pourra vraisemblablement pas être respecté...

A trois ans de l'échéance fixée par la loi, force est de reconnaître que la mise en accessibilité de l'ensemble du cadre bâti, de la voirie et des transports ne sera très probablement pas réalisée . Les constats récurrents de retard pris dans l'élaboration des schémas directeurs d'accessibilité et des plans de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics, ainsi que dans la réalisation des diagnostics des ERP ne poussent pas à l'optimisme.

a) 2015 : une date ambitieuse

Si la date de 2015 peut sembler ambitieuse au regard de l'ampleur de la tâche à accomplir et des contraintes techniques, financières et administratives qui y sont associées , la fixation d'un délai à moyen terme était néanmoins indispensable pour tirer les leçons des résultats décevants de la loi de 1975, éveiller les consciences et engager une nouvelle dynamique en faveur de l'accessibilité .

A ce titre, il est surprenant de constater qu' aucune étude d'impact n'a été réalisée , en amont de l'examen de la loi par le Parlement, pour mesurer les enjeux techniques et financiers du chantier de l'accessibilité et évaluer précisément les délais nécessaires à sa mise en oeuvre 35 ( * ) .

b) Des mesures d'application, dont la publication a pris plusieurs années

L'application du volet « accessibilité » de loi de 2005 a nécessité pas moins de quarante textes réglementaires pour préciser et compléter les dispositions relatives à la mise en accessibilité du cadre bâti, de la voirie et des espaces publics.

Or, la publication de ces textes s'est échelonnée sur plusieurs années (2006-2008) , retardant d'autant la mise en oeuvre concrète des mesures.

Certaines dispositions réglementaires ne sont d'ailleurs toujours pas parues :

- le décret et l'arrêté relatifs à l'accessibilité des lieux de travail neufs ;

- l'arrêté modifiant l'arrêté du 13 juillet 2009 relatif à la mise en accessibilité des véhicules de transport public guidé urbain aux personnes handicapées et à mobilité réduite pour les lignes du réseau ferré régional d'Île-de-France, exploitées par la RATP ;

- l'arrêté relatif aux conditions d'accessibilité des véhicules de moins de neuf places aux personnes handicapées et à mobilité réduite ;

- l'arrêté relatif aux prisons existantes ;

- l'arrêté relatif aux centres de rétention administrative et aux locaux de garde à vue ;

- le décret permettant aux étudiants handicapés inscrits dans les écoles nationales d'enseignement supérieur « culture » de bénéficier de la prise en charge financière des transports.

c) Le manque de portage politique fort

De l'avis de tous les représentants associatifs, le chantier de l'accessibilité n'a pas été accompagné, dans sa mise en oeuvre, d'une volonté politique suffisamment forte. Il en résulte, sur le terrain, une appropriation insuffisante de l'objectif d'accessibilité, aussi bien chez les décideurs publics que chez les acteurs privés .

Autant la loi de 2005 a été voulue et soutenue au plus haut sommet de l'Etat, autant la mise en oeuvre de son volet « accessibilité » n'a pas mobilisé les pouvoirs publics autant qu'elle aurait dû.

L'absence de réel pilotage politique et technique des enjeux liés à l'accessibilité laisse ainsi les acteurs de terrain les plus volontaristes dans des difficultés inextricables (absence d'outils méthodologiques et de financements spécifiques, notamment pour les petites communes) et justifie l'inertie des plus récalcitrants.

d) De nombreuses tentatives de dérogations par voie législative et réglementaire

Au grand dam des associations, ces dernières années ont vu se multiplier, par voie réglementaire ou législative, les tentatives de dérogations aux règles d'accessibilité, en particulier pour les constructions neuves . Toutes ont été, jusqu'à présent, repoussées par le Conseil d'Etat ou le Conseil constitutionnel.

La première d'entre elles est venue du décret n° 2006-555 du 17 mai 2006, prévoyant la faculté, pour le préfet, d'accorder des dérogations aux règles d'accessibilité des bâtiments neufs. Rappelant que les dérogations ne peuvent concerner que les travaux sur les bâtiments existants, et en aucun cas les constructions neuves, le Conseil d'Etat a annulé ces dispositions en 2009.

Par sa décision n° 2009-600, le Conseil constitutionnel a censuré l'article 53 de la loi de finances rectificative pour 2009, qui instituait des possibilités d'octroi de dérogations comparables aux précédentes.

En 2011, le Conseil constitutionnel a censuré l'article 19 de la loi « Blanc » du 28 juillet 2011, qui contenait une nouvelle fois des possibilités de dérogations pour le bâti neuf, au motif que « le législateur n'avait pas précisément défini l'objet des règles qui doivent être prises par le pouvoir réglementaire pour assurer l'accessibilité aux bâtiments et parties de bâtiments nouveaux » .  En revanche, l'article 20, qui renvoie à un décret la définition des « exigences relatives à l'accessibilité » des logements destinés à l'occupation temporaire ou saisonnière, a été jugé conforme à la Constitution.


* 35 Une étude, menée en 2009 par l'Apajh, Dexia, Accèsmétrie et la Fédération française du bâtiment, a chiffré l'effort financier à fournir par les collectivités locales pour la mise en accessibilité à 15 milliards d'euros.

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