INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le législateur a souhaité définir une nouvelle politique du handicap, trente ans après la loi fondatrice de 1975. Le contenu de cette loi n'était en effet plus adapté aux évolutions du handicap, aux attentes d'une nouvelle génération, et à la nécessité de changer le regard sur les personnes handicapées porté par la société.
La prise de conscience de la situation vécue par les familles d'enfants ou d'adultes handicapés, à l'occasion du débat suscité par l'arrêt « Perruche », a conduit le Parlement à affirmer, lors du vote de la loi n° 2002-273 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, le droit de chaque personne handicapée à la compensation des conséquences de son handicap. La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a ensuite précisé que la compensation du handicap relevait de la solidarité nationale.
Il est revenu à la loi du 11 février 2005 de préciser les contours de ce nouveau droit à compensation, de définir les modalités de sa prise en charge par la solidarité nationale et de redéfinir une nouvelle politique du handicap, reposant sur quatre piliers :
- une définition du handicap qui, pour la première fois intègre toutes les formes de déficience (physique, sensorielle, mentale, cognitive, psychique) et dépasse l'approche strictement médicale en soulignant le rôle de l'environnement dans la constitution du handicap :
« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. » (art. L. 114 du code de l'action sociale et des familles) ;
- l'instauration d ' un droit à la compensation des conséquences du handicap, reposant sur « le projet de vie » de la personne handicapée :
«La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie.
Cette compensation consiste à répondre à ses besoins, qu'il s'agisse de l'accueil de la petite enfance, de la scolarité, de l'enseignement, de l'éducation, de l'insertion professionnelle, des aménagements du domicile ou du cadre de travail nécessaires [...], du développement ou de l'aménagement de l'offre de service [...], des aides de toute nature à la personne ou aux institutions pour vivre en milieu ordinaire ou adapté [...].
Les besoins de compensation sont inscrits dans un plan élaboré en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée tels qu'ils sont exprimés dans son projet de vie, formulé par la personne elle - même ou, à défaut, avec ou pour elle par son représentant légal lorsqu'elle ne peut exprimer son avis. » (art. L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles)
- l'accès des personnes handicapées à tous les droits fondamentaux reconnus aux citoyens : à l'inadaptation de la cité, la loi répond par l'« accès de tous à tout » :
« Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. » (art. L. 114-1 du code de l'action sociale et des familles) ;
- la mise en place d'une nouvelle gouvernance , associant étroitement les personnes handicapées et leurs représentants.
Composée de 101 articles, la loi de 2005 constitue une réforme très ambitieuse de la politique du handicap car elle entend couvrir tous les aspects de la vie des personnes handicapées, quel que soit leur âge . Cette approche transversale constitue sa force, mais aussi sa faiblesse car elle exige un travail important de pilotage et de mise en application qui, sept ans après son adoption n'est pas encore achevé.
Au vu des immenses espoirs qu'elle a suscités chez les personnes handicapées et leurs familles, la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois a souhaité savoir dans quelle mesure l'énoncé de droits-créances s'est traduit ou non par la mise en oeuvre de droits effectifs . Que ce soit dans le domaine de la compensation, de l'éducation, de l'emploi ou de l'accessibilité, il apparaît en effet que les réalités de terrain sont parfois très éloignées de l'esprit de la loi.
Vos rapporteurs ont procédé, au cours des derniers mois, à vingt-huit auditions et effectué cinq déplacements : les deux premiers dans leurs départements respectifs, les Hauts-de-Seine et l'Essonne, les deux suivants dans des départements présidés par deux de leurs collègues de la commission des affaires sociales, l'Aisne et la Marne, et le dernier en Belgique sur le thème de la scolarisation des enfants handicapés, en particulier des enfants autistes.
Elles tiennent à remercier l'ensemble des personnes auditionnées pour leur disponibilité et leurs réponses, qui ont fourni une aide précieuse dans l'élaboration de ce rapport.
Compte tenu du champ très vaste de la loi, celui-ci s'articule autour de quatre thèmes principaux :
- la compensation du handicap , plus précisément le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et le dispositif de la prestation de compensation du handicap (PCH) ;
- la scolarisation des enfants handicapés , la loi affirmant le droit de tout enfant handicapé à être scolarisé en milieu ordinaire ;
- la formation et l'emploi des personnes handicapées , l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés à hauteur de 6 % ayant été réaffirmée en 2005 ;
- l'accessibilité à la cité , le législateur ayant fixé un objectif d'accessibilité du cadre bâti, des transports et de la voirie en 2015.
Chacune de ces parties se compose d'une présentation des dispositions de la loi de 2005, d'un bilan de leur mise en oeuvre et de propositions de nature législative, réglementaire ou infra-réglementaire.
I. LA COMPENSATION DU HANDICAP
La loi du 11 février 2005 instaure un droit à la compensation des conséquences du handicap au nouvel article L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles : « La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l'origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie » . Une importante innovation réside dans l'universalité de ce droit qui a vocation à se substituer à des situations faisant jusque-là l'objet de traitements distincts (enfance handicapée, adultes handicapés, personnels vivant en établissement ou à leur domicile...).
La loi définit également les modalités de mise en oeuvre du droit à la compensation, à travers une approche nouvelle de la situation de la personne handicapée, caractérisée par une réponse individualisée , construite en association avec cette personne, dans une démarche globale et pluridisciplinaire dont les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont porteuses. La réalisation du droit à la compensation est assurée par la création de la prestation de compensation du handicap (PCH).
A. LES MAISONS DÉPARTEMENTALES DES PERSONNES HANDICAPÉES : UN PROJET AMBITIEUX, CONFRONTÉ AUX RÉALITÉS DU TERRAIN
1. Une structure inédite au service des personnes handicapées et de leurs familles
a) L'interlocuteur unique de proximité en matière de handicap
Aux termes de la loi « Handicap », les MDPH sont des guichets départementaux uniques qui doivent offrir aux usagers l'accès à l'ensemble des droits et prestations auxquels ils peuvent prétendre.
Réunissant les missions des anciennes commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (Cotorep), des commissions départementales d'éducation spéciale (CDES), et des sites pour la vie autonome, les MDPH sont le lieu unique d'accueil, d'information, d'orientation et d'évaluation , où est élaboré, avec la participation de la personne handicapée et dans le cadre d'une approche globale, son plan personnalisé de compensation. Leurs missions s'étendent à la conciliation et à la médiation, ainsi que le suivi de la mise en oeuvre des décisions.
Corollaire de la création des MDPH, les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ont été mises en place pour prendre les décisions relatives à l'ensemble des droits des personnes handicapées, dans une même perspective d'approche globale.
Les MDPH ont été constituées sous la forme d' un groupement d'intérêt public (Gip) placé sous la tutelle administrative et financière des départements, dont le rôle dans la mise en oeuvre de la politique du handicap depuis la première décentralisation est ainsi consacré. Ce Gip associe l'Etat, le conseil général, les organismes locaux d'assurance maladie et d'allocations familiales du régime général.
Malgré les difficultés qu'elles ont rencontrées lors de leur création (diversité des partenaires du Gip, organisation et regroupement des personnels d'origines et de statuts différents, recherche d'un local, transfert des applications informatiques, mise en place des nouvelles méthodes de travail prévues par la loi, construction des partenariats locaux, etc.), les MDPH ont été globalement opérationnelles dès l'année 2007 , en particulier grâce à la forte implication des conseils généraux et à l'appui logistique et financier de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
b) Une innovation majeure dans l'architecture institutionnelle de la politique du handicap
Un meilleur service au bénéfice des personnes handicapées et de leurs familles
Les MDPH ont été conçues pour mettre fin au parcours du combattant des personnes handicapées et de leurs familles, ainsi que pour pallier le déficit d'information auquel elles étaient, jusqu'alors, confrontées.
Les représentants associatifs auditionnés reconnaissent le bilan positif des MDPH en termes de simplification des démarches, d'accueil, d'écoute et d'accompagnement. L'un d'eux a même salué « l'humanisation de l'instruction des dossiers » grâce à l'approche pluridisciplinaire et individualisée. Leur caractère décentralisé permet, en outre, de coller au plus près des besoins des personnes handicapées et de leurs familles.
Une part importante des MDPH a, par ailleurs, souhaité améliorer la qualité de service en déployant des lieux d'accueil secondaire sur le territoire départemental, parfois dans les centres communaux d'action sociale (CCAS) ou les centres locaux d'information et de coordination (Clic), plus souvent dans les caisses d'allocations familiales (Caf) ou dans les unités territoriales d'action sociale.
Même si de nombreuses difficultés de fonctionnement persistent, en particulier en matière de gestion des personnels, la création des MPDH constitue un réel progrès en termes de service public . Il faut ici rappeler que ces structures, constituées juridiquement le 1 er janvier 2006 et opérationnelles depuis 2007, sont encore jeunes.
Une participation active des associations
Reconnaissant le rôle historique majeur joué par le secteur associatif dans le domaine du handicap, et plus généralement dans le champ médico-social, la loi de 2005 a pleinement associé les représentants des personnes handicapées au fonctionnement des MDPH :
- celles-ci siègent au sein de leur instance de gouvernance que sont les commissions exécutives dont elles constituent un quart des membres. Elles y jouent un rôle participatif et contributif permanent ainsi qu'une fonction de veille et d'alerte ;
- elles sont également présentes au sein des CDAPH dont elles composent un tiers des membres.
Cette participation active des associations à la gouvernance de la politique du handicap constitue une avancée majeure de la loi « Handicap » ; elle permet non seulement un dialogue inédit avec les pouvoirs publics, mais contribue aussi à la qualité des décisions prises par les MDPH.
Un exemple inédit et précurseur de regroupement d'administrations, qui fait néanmoins débat
La création d'un guichet unique , issu du regroupement d'administrations aux histoires et cultures différentes, est sans précédent en France. Certes, cette opération ne s'est pas faite sans heurts, mais elle témoigne d'une réelle volonté de rationalisation des procédures administratives afin de rendre un meilleur service aux personnes handicapées et à leurs familles. L'enjeu, en termes de politique managériale, est désormais de parvenir au développement d'une véritable culture partagée au sein des MDPH.
Toutefois, le statut de Gip , résultat d'un compromis entre des objectifs peu aisément conciliables 1 ( * ) , ne fait pas l'unanimité parmi les acteurs de la politique du handicap. Directement confrontés aux difficultés de gestion des personnels, certains représentants des conseils généraux estiment en effet que les MDPH sont « des structures hybrides sans pilotage clair » et même « des usines à gaz » .
Paradoxalement, alors que les départements occupent aujourd'hui une place prépondérante au sein de ces structures - en particulier en tant que premier financeur - et que les usagers les ont désormais identifiées comme un service départemental de proximité, elles n'en sont juridiquement pas un. Aussi, compte tenu de leur montée en charge, la question de leur statut ne manquera pas d'être à nouveau posée dans les prochaines années.
2. Une inflation d'activité préjudiciable à la qualité du service rendu aux personnes handicapées
a) Le développement des missions des MDPH
Six ans après leur création, les MDPH font face à un afflux croissant de demandes, qui s'explique à la fois par le développement de leurs missions originelles et par l'attribution de nouvelles tâches .
A titre d'exemple, les agents instructeurs de la MDPH de l'Aisne traitaient en moyenne, en 2010, 270 dossiers en file active ; ils en géraient, en 2011, 360, soit une augmentation de 33 %.
La montée en charge de la prestation de compensation du handicap
Depuis 2006, la progression des demandes de PCH connaît un rythme soutenu. Selon la CNSA 2 ( * ) , les demandes de PCH ont ainsi augmenté de 43 % en 2009, de 30 % en 2010 et de 24 % au cours du premier semestre 2011. En moyenne, en 2010, 15 500 demandes de PCH ont été déposées dans les MDPH. Au cours du premier semestre 2011, elles étaient près de 19 000.
Bien qu'elle ne représente que 6,8 % du total des demandes déposées, l'instruction de la PCH occupe généralement le quart des moyens de la MDPH et du temps des professionnels . En effet, son examen comporte parfois plusieurs demandes portant sur les différents éléments de la prestation et doit s'accompagner de l'élaboration d'un projet de vie et d'un plan personnalisé de compensation (PPC), sur le fondement desquels sera appréciée l'éligibilité aux droits et prestations demandés.
Parallèlement, les MDPH se sont vu confier en 2008 l'attribution de la PCH « enfant ». Cette nouvelle mission a entraîné le développement des activités de médiation et de conciliation en direction des familles.
L'orientation scolaire des enfants handicapés
Aux termes de la loi de 2005, il revient aux MDPH de proposer aux familles, dans le cadre du projet personnalisé de scolarisation (PPS), une orientation pour leur enfant.
L'élaboration du PPS et son évaluation annuelle demandent un temps considérable aux équipes des MDPH qui en ont la charge. Elles requièrent un dialogue fréquent avec les familles, la rédaction de rapports de suivi et la recherche de solutions adaptées dont il faut ensuite garantir la mise en oeuvre. L'activité des équipes en charge de l'orientation scolaire est particulièrement dense entre les mois de mars et de septembre, période qui précède la rentrée.
Les MPDH sont également nombreuses à observer qu'en matière de scolarisation en milieu ordinaire, ce sont surtout les demandes d'auxiliaires de vie scolaire (AVS) qui progressent , allant jusqu'à évoquer « une augmentation exponentielle » . Certains départements enregistrent une croissance annuelle des décisions d'accompagnement individuel comprise entre 10 % et 20 %.
Par ailleurs, les directeurs de MPDH auditionnés ont alerté sur l'augmentation, depuis la suppression des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased), du nombre de dossiers d'enfants en échec scolaire mais non handicapés, et qui ne relèvent donc pas de la compétence directe des MDPH.
L'orientation professionnelle
Les demandes liées à l'insertion professionnelle et à l'emploi représentent la moitié des demandes adressées aux MDPH s'agissant des adultes. La plus emblématique de ces demandes est la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Les MDPH doivent également répondre à des demandes d'orientation professionnelle, soit vers le marché du travail, soit vers le milieu protégé, ou encore vers la formation. En outre, au travers des demandes d'allocation aux adultes handicapés (AAH), les équipes pluridisciplinaires sont amenées à évaluer les possibilités d'insertion professionnelle de la personne handicapée.
Les rapports d'activité des MPDH font état d'une forte augmentation des décisions en matière d'insertion professionnelle, en particulier s'agissant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. En effet, depuis la première réforme de l'AAH, entrée en vigueur en 2009, la procédure de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est systématiquement engagée à l'occasion de l'examen de toute demande d'AAH.
La deuxième réforme de l'AAH, mise en oeuvre en 2011, représente une charge supplémentaire pour les MDPH puisqu'elle les oblige à réexaminer la situation des allocataires de l'AAH tous les deux ans, au lieu de cinq ans auparavant.
La carte européenne de stationnement
L'instruction des demandes de carte européenne de stationnement , laquelle permet à son titulaire d'utiliser dans les lieux de stationnement ouverts au public les places réservées aux personnes handicapées, représente 40 % de l'activité des MDPH . Avec le vieillissement de la population, on observe une augmentation régulière de la demande de cartes, notamment venant des personnes de plus de soixante ans.
Si la délivrance de la carte est du ressort du préfet, l'instruction de la demande, la notification de la décision par courrier à la personne handicapée et la fabrication - manuelle !- de la carte relèvent des MDPH. Comme l'a indiqué l'association des directeurs de MDPH (ADMDPH), ces tâches sont particulièrement chronophages, surtout depuis que les MDPH sont tenues de traiter les demandes de carte dans un délai de deux mois maximum.
Autant il semble normal que l'instruction du dossier relève du médecin de la MPDH - la carte de stationnement constitue en effet l'un des aspects du parcours de vie de la personne handicapée -, autant la notification de la décision à l'intéressé et la fabrication de la carte ne peuvent pas être considérées comme des missions prioritaires des MPDH.
Dans l'Aisne, c'est la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) qui est chargée de notifier la décision au demandeur et de fabriquer la carte, déchargeant ainsi la MDPH. Un tel exemple mériterait d'être étendu à l'ensemble des MDPH.
Proposition n° 1 : Transférer aux directions départementales de la cohésion sociale les compétences de notification et de fabrication de la carte européenne de stationnement |
b) Des délais de traitement encore longs
L'augmentation des demandes et le développement des missions des MDPH ont des conséquences directes sur les délais de traitement qui restent encore très longs malgré les efforts de rationalisation des processus (mise en place d'un premier tri des demandes) et d'accélération de la prise de décision. Il faut ici rappeler que toute demande déposée à la MDPH, quelle qu'elle soit, fait l'objet d'une instruction de la part des équipes pluridisciplinaires, puis d'une décision de la CDAPH.
Si, de façon globale, les délais ne dépassent que de peu les quatre mois légaux, ils restent beaucoup plus importants s'agissant des demandes de PCH , tant pour les enfants que pour les adultes, ainsi que l'illustre l'histogramme ci-dessous.
La longueur des délais est d'ailleurs l'un des principaux sujets de mécontentement des usagers des MDPH . Preuve en est, les très nombreuses contributions portant sur ce sujet des internautes ayant répondu au questionnaire mis en ligne sur le blog de la mission (cf. annexe).
Sachant que les renouvellements de dossiers dépassent désormais le quart des demandes , il importe de mettre en place des mesures de simplification des démarches administratives .
Il est, par exemple, inutile que les formulaires de demande de renouvellement de place en établissement médico-social, surtout pour des personnes lourdement handicapées et dont la situation évolue peu, soient aussi étayés que ceux requis dans le cas d'une première demande.
Par ailleurs, pour éviter l'orientation vers la MDPH de personnes dont la situation ne relève pas du champ du handicap, un travail de communication et d'information auprès des partenaires sociaux et médico-sociaux doit être réalisé . Une telle démarche présente deux avantages : elle contribue, en amont, au désengorgement des MDPH et participe au développement d'une culture commune.
La MPDH de l'Aisne a ainsi lancé, en 2010, des sessions d'information à destination de ses partenaires locaux (travailleurs sociaux, conseillers Pôle emploi, représentants des professionnels de la caisse primaire d'assurance maladie, représentants des centres communaux d'action sociale, etc.) dans le but de présenter ses missions, sous une forme très pédagogique (diaporama expliquant le contenu de la loi de 2005, le rôle et le fonctionnement des MDPH, les modalités d'attribution de la prestation de compensation du handicap...).
Proposition n° 2 : Simplifier les démarches administratives pour les demandes de renouvellement Proposition n° 3 : Encourager les MDPH à effectuer un travail de communication et d'information auprès de leurs partenaires sociaux et médico-sociaux |
c) L'approche globale des situations individuelles mise à mal
Au-delà de la question des délais, on constate sur le terrain un certain dévoiement de l'approche globale des situations individuelles , principe phare du droit à la compensation.
Confrontée à des demandes toujours plus nombreuses, voire à des « injonctions contradictoires » selon l'expression des représentants de l'ADMDPH, les MDPH ne sont plus en mesure de garantir une démarche globale permettant d'appréhender les différentes dimensions de la situation de la personne handicapée (champs professionnel, scolaire, médical, environnemental...). Ainsi, on voit poindre des situations faisant l'objet de traitements administratifs distincts, comme c'était le cas avant 2005.
Ce risque de resegmentation des parcours individuels , contraire à l'esprit de la loi de 2005 et préjudiciable aux personnes handicapées, ne manque pas d'interpeller sur les moyens dont disposent les MDPH pour assumer pleinement leurs missions.
d) Le manque de suivi des décisions
Arrivant en bout de chaîne, le suivi de la mise en oeuvre des décisions n'est, aujourd'hui, que très peu assuré par les MDPH , submergées par leurs autres missions.
Ainsi que l'ont déploré les responsables de l'AFM-Téléthon, ce manque de suivi va à l'encontre de la loi « Handicap », laquelle envisage l'accompagnement de la personne handicapée comme un élément à part entière du plan personnalisé de compensation.
Pourtant, certaines MDPH commencent à s'atteler à ce chantier du suivi. La MDPH de l'Aisne a ainsi expérimenté un outil informatique permettant de croiser les décisions de la CDAPH portant sur les enfants handicapés avec des informations émanant des différentes structures de prise en charge (écoles, établissements médico-sociaux).
3. D'importantes disparités territoriales
a) Le principe d'équité de traitement menacé
Tous les acteurs du handicap s'accordent sur un constat : l'existence de fortes disparités départementales dans la mise en oeuvre de la loi de 2005, en particulier au niveau des MDPH .
L'exemple le plus révélateur est celui du taux d'accord moyen de la PCH. Selon les départements, celui-ci varie de 33 % à 84 %.
Les disparités sont également très fortes s'agissant des dossiers de scolarisation des enfants handicapés : si certaines MDPH élaborent de véritables projets personnalisés de scolarisation, d'autres se contentent de simples notifications administratives.
Ce constat s'explique par plusieurs facteurs :
- un facteur historique : les MDPH ont hérité des disparités qui existaient entre les anciennes Cotorep. L'intervention financière de la CNSA et des conseils généraux a néanmoins permis de les aplanir en partie ;
- un facteur législatif : en instaurant un traitement individualisé des demandes et une gestion au plus près des personnes handicapées, la loi de 2005 porte en elle les germes de ces disparités territoriales ;
- un facteur local : les caractéristiques sociodémographiques et la prévalence des handicaps ne sont pas les mêmes d'un territoire à l'autre ;
- un facteur organisationnel : les pratiques des MDPH diffèrent en termes d'accueil et d'information, d'orientation des demandes, de travail de pré-tri, de qualité des évaluations, de politique des CDAPH, etc.
Ces disparités ne pourront évidemment pas être entièrement gommées. Mais à l'heure où les missions des MDPH se multiplient, garantir autant que possible l'équité de traitement sur l'ensemble du territoire constitue un véritable défi, en particulier pour la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
b) Intensifier les efforts d'harmonisation des pratiques
Créée en 2004, la CNSA a vu ses missions élargies par la loi du 11 février 2005. Elle combine un rôle de « caisse », chargée de participer au financement de la PCH, des établissements médico-sociaux et de l'aide à domicile dans un souci de péréquation, avec une mission d'« agence » d'appui technique.
En tant que tête de réseau des MPDH , la CNSA :
- encourage les échanges d'expériences et de bonnes pratiques ;
- développe des référentiels pour harmoniser les procédures ;
- organise régulièrement des rencontres nationales entre représentants des MDPH, tant au niveau des directeurs qu'au niveau opérationnel (coordinateurs d'équipes pluridisciplinaires) ;
- met en place des sessions de formation décentralisées à destination des équipes locales.
Cet appui méthodologique et ce travail partenarial sont très appréciés des directeurs, comme des équipes, ainsi qu'en témoignent les rapports d'activité des MDPH.
Toutefois, la persistance d'écarts très importants entre départements montre que les efforts déployés par la CNSA n'ont pas permis, jusqu'ici, de les résorber et qu'il est donc primordial d'aller beaucoup plus loin dans la recherche d'harmonisation des pratiques .
Proposition n° 4 : Intensifier les actions de la CNSA en matière d'harmonisation des pratiques des MDPH afin de garantir l'équité de traitement sur l'ensemble du territoire |
4. La loi du 28 juillet 2011, une nouvelle étape pour les MDPH
a) Un cadre juridique réformé
Tout en reconnaissant que les MPDH ont permis une réelle amélioration de l'accueil et du suivi des personnes handicapées, le rapport d'information de la commission des affaires sociales du Sénat publié en juin 2009 3 ( * ) a permis d'identifier trois types d'obstacles à leur bon fonctionnement :
- l'instabilité de leurs personnels et la diversité de leurs statuts ;
- l'insuffisance de garanties à court terme sur les moyens financiers dont elles disposent ;
- les lourdeurs administratives dans l'instruction des demandes.
A la suite de ces travaux, une proposition de loi a été déposée par l'un des deux co-rapporteurs. Celle-ci, définitivement adoptée, a été promulguée le 28 juillet 2011.
La loi « Blanc » , dont les textes d'application ne sont pas encore parus, poursuit deux principaux objectifs :
- stabiliser la gestion des personnels et apporter des garanties financières pérennes aux MPDH ;
- améliorer la gouvernance de la politique en faveur de l'emploi des personnes handicapées.
Tous les acteurs auditionnés saluent les avancées contenues dans cette loi en termes de gestion des personnels et de visibilité financière. Elle constitue, selon l'association des directeurs (ADMDPH), « une réelle opportunité » pour les MDPH d'améliorer leur fonctionnement.
Toutefois, la réussite de sa mise en oeuvre dépendra fortement du contenu des textes réglementaires actuellement en cours d'élaboration.
1) Le fonctionnement général des MDPH - la MDPH devient officiellement un Gip à durée indéterminée ; - le directeur de l'agence régionale de santé (ARS) ou son représentant devient membre de la commission exécutive ; - une convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens (Cpom) conclue entre la MDPH et les différents membres du Gip est annexée à la convention constitutive . Elle fixe notamment le montant de la subvention de fonctionnement versée par l'Etat. Elle est accompagnée d'un avenant financier annuel précisant, en cohérence avec les missions et objectifs, les moyens alloués chaque année par les différents contributeurs. Ces conventions devront être signées au plus tard le 1 er janvier 2013 ; - la Cpom précise la manière dont la MDPH organise son activité, et notamment, fixe ses horaires d'ouverture et d'accès à la permanence téléphonique. 2) Le statut des personnels - de nouvelles règles encadrent les mises à disposition d'agents de la fonction publique d'Etat : mise à disposition de cinq ans renouvelable et préavis de six mois. Un décret viendra préciser les conditions dans lesquelles les agents concernés pourront mettre fin à leur mise à disposition ; - les contractuels de droit public pourront être recrutés en CDI ; - tous les personnels, quel que soit leur statut, sont placés sous l'autorité du directeur de la MDPH et sont soumis à ses règles d'organisation et de fonctionnement ; - le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) devient l'organisme compétent pour la formation des personnels des MDPH quel que soit leur statut. Les formations à destination de ces personnels sont définies en partenariat avec la CNSA. 3) La compétence territoriale des MDPH - la MDPH compétente pour évaluer les demandes et attribuer les prestations est la MDPH du département constituant le domicile de secours du demandeur. Lorsqu'il y a disjonction entre le lieu de résidence et le domicile de secours, notamment pour les personnes en établissement, la MDPH du domicile de secours peut déléguer, par convention, l'évaluation à la MDPH du lieu de résidence ; - les Français de l'étranger doivent déposer leur demande auprès de la MDPH qui leur a antérieurement attribué des droits ou prestations. Pour les premières demandes, ils peuvent s'adresser à la MDPH de leur choix. 4) La commission départementale des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) - les formations restreintes chargées de la procédure simplifiée doivent comporter au moins un tiers de représentants associatifs ; - les sections locales ou spécialisées de la CDAPH disposent d'un pouvoir de décision ; - le code de la sécurité sociale est mis à jour pour expliciter la compétence des tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI) pour certaines décisions de la CDAPH ;
- le médecin de la MDPH doit transmettre au
médecin expert du TCI ou de la cour nationale de l'incapacité et
de la tarification (Cnitaat) le rapport médical ayant contribué
à la fixation du taux d'incapacité ou à la décision
contestée.
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b) Garantir aux MDPH des moyens pérennes leur permettant d'assumer pleinement leurs missions
Aujourd'hui, le principal défi pour les MDPH est d'ordre financier : comment trouver les moyens nécessaires pour faire face à l'accroissement de leur activité ?
Lors de leur création, les conseils généraux sont massivement intervenus pour les doter de moyens de fonctionnement à la hauteur des enjeux de la loi de 2005, ce qu'ils ne peuvent plus faire dans les mêmes conditions aujourd'hui, compte tenu de leurs finances exsangues. La contribution de la CNSA, quant à elle, n'augmente plus depuis trois ans (60 millions d'euros annuels depuis 2009).
La participation financière des principaux contributeurs au Gip se répartit comme suit : 39 % pour les conseils généraux, 35 % pour l'Etat, 21 % pour la CNSA.
A défaut de moyens supplémentaires, ce sont les principes mêmes de la loi de 2005 et les nouvelles missions confiées aux MDPH qui seront, à l'avenir, très difficiles à honorer .
La signature de conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens (Cpom) entre chaque MDPH, la CNSA, le conseil général et l'Etat, prévue à l'article 4 de la loi « Blanc », devrait permettre de fixer clairement la participation de chaque financeur et offrir une certaine stabilité financière au-delà de l'annualité budgétaire.
Cependant, une extrême vigilance devra être portée sur le texte d'application de cet article . La dernière rédaction proposée par les services ministériels, en supprimant la référence au montant des concours des membres du Gip, laisse en effet craindre une non-avancée, voire un recul par rapport à la situation actuelle.
Proposition n° 5 : Veiller au contenu des textes réglementaires de la loi « Blanc » du 28 juillet 2011 relatifs aux conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens |
c) Une nouvelle perspective stratégique pour les MDPH : l'observation et l'analyse des besoins territoriaux
Au-delà de leur avenir financier, les MDPH s'interrogent sur le sens même de leur mission : resteront-elles cantonnées à des tâches purement opérationnelles (traitement et suivi des dossiers déposés) ou pourront-elles mettre à profit leur connaissance des publics et de leurs besoins à des fins plus stratégiques ?
Il existe en effet de réelles perspectives d'évolution dans ce nouveau service public, en particulier l'émergence d'une fonction d'observation et d'analyse des besoins territoriaux .
Alors qu'on déplore aujourd'hui, en tout point du territoire, un manque cruel de données fiables sur les besoins des personnes handicapées , les MDPH sont, de par leur rôle de guichet unique de proximité, en mesure de collecter des informations, de les analyser et de les diffuser à leurs partenaires, en particulier à l'agence régionale de santé (ARS), acteur désormais incontournable de la politique médico-sociale à l'échelon local.
Le développement d'une telle fonction d'observation est essentiel pour permettre une meilleure adéquation des réponses aux besoins .
Véritable précurseur sur ce sujet, la MDPH de l'Aisne a créé en interne, avec l'appui du conseil général, un observatoire du handicap chargé d'analyser les besoins territoriaux. Cette structure fait l'objet d'un double financement conseil général/CNSA et d'un copilotage conseil général/MDPH.
Comme le note la CNSA dans son dernier rapport 4 ( * ) , la place et le rôle des MDPH dans le paysage institutionnel dépendront, à l'avenir, de leur capacité à produire une telle expertise et à nouer des liens permanents avec les institutions partenaires.
Proposition n° 6 : Développer, au sein des MDPH, une fonction d'observation et d'analyse des besoins territoriaux |
* 1 La présence de l'Etat pour garantir l'équité territoriale entre les départements ; le choix du département comme chef de file pour permettre une gestion de proximité ; la participation des associations représentatives des personnes handicapées à la commission exécutive et à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ; la possibilité de développer des partenariats avec les autres acteurs des politiques en faveur du handicap (Cap emploi, établissements médico-sociaux, etc.).
* 2 « MDPH, cinq ans déjà ! Synthèse des rapports d'activité 2010 des MDPH », CNSA, décembre 2011.
* 3 Rapport d'information Sénat n° 485 (2008-2009) de Paul Blanc et Annie Jarraud-Vergnolle, fait au nom de la commission des affaires sociales, « Les maisons départementales des personnes handicapées sur la bonne voie : premier bilan, quatre ans après la loi du 11 février 2005 ».
* 4 « MDPH, cinq ans déjà ! Synthèse des rapports d'activité 2010 des MDPH », CNSA, décembre 2011.