B. LA QUESTION DE LA RARÉFACTION DES TERRES AGRICOLES : LE CAS FRANÇAIS
La proportion du territoire métropolitain occupée par l'agriculture a connu une chute spectaculaire depuis 1950 qui s'est toutefois ralentie au cours du temps.
Elle s'élevait à 72 % du territoire en 1970, et n'est plus que de 54 % en 2009.
De 1960 à 2007, la France a perdu 5,1 millions d'hectares de terres agricoles, soit 14,8 % de la superficie initiale.
Ce phénomène n'est pas propre à la France puisqu'en Europe (à 22) 30 millions d'hectares ont été « perdus » entre 1961 et 2003 (770 000 hectares par an) seules l'Espagne et la Belgique ayant vu s'accroître leur surface agricole.
Le ralentissement de la déprise agricole entre 1970 et 2009 par rapport au rythme atteint entre 1950 et 1970 doit être nuancé. Dans la dernière décennie, la pression sur le foncier due à l'artificialisation des sols s'est accélérée. Entre 1992 et 2003 les sols artificialisés ont gagné 61 000 hectares par an, ce qui correspond à l'absorption d'un département tous les dix ans, mais depuis 2006, la progression atteint 86 000 hectares (soit un département tous les sept ans).
À ce rythme, en 2050, la surface agricole naturelle reculerait de 3,4 millions d'hectares, soit 12 % de la surface occupée actuellement par les exploitations (20 % des terres arables) et même un pourcentage supérieur en termes de potentiel agricole.
En effet, les surfaces concernées sont souvent les plus productives agronomiquement ; les sols de très bonne qualité agronomique représentent déjà un tiers des surfaces artificialisées.
Et par ailleurs, il devrait s'agir des terres les mieux dotées en réserves utiles en eau.
Pour mieux apprécier ces perspectives une première précision doit être apportée sur l'origine du recul de la surface agricole. Il faut distinguer ici l'abandon et l'artificialisation même si les deux processus peuvent résulter de facteurs partiellement communs.
L'abandon de terres agricoles se manifeste par la conversion de terres auparavant exploitées en friches ou en forêts.
Il peut correspondre à la marginalisation économique de l'activité agricole, qu'elle soit globale ou concerne plus directement les terres impliquées. Des phénomènes démographiques peuvent intervenir aussi de façon plus ou moins autonomes.
Ces motifs diffèrent de ceux qui déterminent l'artificialisation des sols agricoles même s'il existe des zones intermédiaires où l'abandon précède l'artificialisation.
Dans ces conditions, les politiques à entreprendre si l'on souhaite lutter contre les deux phénomènes peuvent différer malgré l'existence de traits communs.
La répartition des deux processus est discutée.
Pour ce qui est de l'artificialisation, le chiffre de 66 000 hectares par an semble assez robuste. Il correspond globalement aux flux de ventes observés dans les opérations qui motivent l'artificialisation des terres (42 000 hectares à quoi s'ajoutent 20 000 hectares pour l'espace résidentiel et de terres non bâties)29(*).
Pour les abandons de terres, les estimations varient entre 101 000 ha/an et 49 000 ha, si l'on défalque les abandons constatés en zones urbaines, supposés dictés par des projets d'artificialisation.
L'idée générale qui se dégage de ces phénomènes est qu'alors que la crainte portait essentiellement sur la perspective d'un retour à la friche de la surface agricole française, ce sont aujourd'hui les concurrences dans les usages économiques des terres qui jouent le plus sur leur destination.
Dans cette perspective, on souligne en particulier les effets de la diffusion du modèle de « maison individuelle sur 1 100 m2 ».
Dans l'avenir, la pression démographique pourrait s'accompagner d'une perte de 1 225 000 d'hectares (période 2000-2020) à la condition toutefois que le « coefficient de la ressource en sol » diminue de 40 % (pour l'Union européenne à 22, la perte serait alors de 5,7 millions d'hectares). Une stabilisation de ce coefficient augmenterait d'autant les pertes liées à l'artificialisation des sols qui pourraient atteindre de l'ordre de 84 000 hectares par an (soit les 3,4 millions d'hectares déjà mentionnés).
* 29 49 000 hectares en 2007 pour une valeur de 4,9 milliards d'euros.