Audition de Mme Annie Podeur, directrice générale de l'offre de soins au ministère du travail, de l'emploi et de la santé, et Mme Christine Bronnec, chef du bureau des prises en charge post aiguës, des pathologies chroniques et de la santé mentale
M. Serge Blisko, coprésident pour l'Assemblée nationale . - Madame Annie Podeur, je vous souhaite la bienvenue.
Nous avons pu constater, au fil de nos auditions, que l'offre de soins aux toxicomanes était très diverse et son organisation complexe. Les intervenants sont nombreux : médecine de ville, secteur médico-social et hôpital, réseaux ville-hôpital. Il n'en reste pas moins que certains départements ne possèdent pas encore de dispositif d'addictologie.
Votre direction générale est compétente sur les questions de médecine de ville, d'hôpital et de traitement des toxicomanes en milieu pénitentiaire.
Pourriez-vous nous exposer les orientations de la politique d'offre de soins dans les secteurs qui relèvent de votre compétence ? Des évolutions sont-elles envisagées en vue du prochain plan gouvernemental de lutte contre les addictions ?
Mme Annie Podeur, directrice générale de l'offre de soins au ministère du travail, de l'emploi et de la santé. - Quel est le rôle de la direction générale de l'offre de soins dans la mise en oeuvre des plans de prise en charge et de prévention des addictions ?
Il faut être conscient qu'en ce domaine, le chef de file est la direction générale de la santé. J'avais d'ailleurs suggéré une audition commune avec son directeur général, M. Jean-Yves Grall. La direction générale de la santé est en effet chargée de faire le lien, dans la mise en oeuvre du plan de santé publique, entre la direction générale de l'offre de soins qui s'occupe de l'organisation des soins - y compris, maintenant, dans le champ ambulatoire - et les structures médico-sociales.
Dans ces conditions, la vision de la direction générale de l'offre de soins est nécessairement un peu tronquée, d'autant que les premiers plans relatifs aux addictions concernaient plutôt le secteur médico-social. Ce n'est qu'à la faveur du dernier plan 2007-2011 que le secteur sanitaire est devenu un acteur à part entière du dispositif. Ma direction générale a ainsi été conduite à mettre en place une organisation hospitalière graduée - parce qu'on ne peut pas tout faire partout - en trois niveaux.
Il n'y a pas de structures d'addictologie dans tous les établissements. Le secteur hospitalier public - où se sont développées la plupart de ces structures - compte environ 1 000 établissements, dont 350 hôpitaux locaux. Chaque hôpital local possède en moyenne cinq à dix lits de médecine et, dans le meilleur des cas, une trentaine de lits de soins de suite et de réadaptation. Il ne serait pas sérieux de leur adjoindre des structures d'addictologie.
Le maillage territorial repose d'abord sur les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie, qui constituent le premier élément - médico-social - du dispositif et sont essentiellement financés par la direction générale de la santé ; ensuite, sur des structures hospitalières qui assurent des soins requérant des compétences médicales et paramédicales spécialisées. Aujourd'hui, nous avons fait le pari d'assurer un niveau I dans toutes les structures d'urgence - plus de 600 sites à l'échelon national.
Plus précisément, selon la circulaire du 16 mai, puis celle du 26 septembre 2007, les établissements de niveau 1 d'offre de soins doivent avoir une consultation d'addictologie, une équipe de liaison et de soins en addictologie et des lits dédiés à l'addictologie, pour des sevrages simples. Ainsi, dans un centre hospitalier de proximité, qui n'est pas forcément un hôpital pivot, la prise en charge de niveau 1 est assurée. C'est déjà considérable, d'autant que le décret relatif aux structures d'urgence oblige chacune d'elles à avoir, à côté, une équipe d'addictologie. En effet, c'est souvent via les urgences qu'arrivent les patients en prise avec de fortes addictions.
Le niveau 2, qui est le niveau de recours, suppose les mêmes structures que le niveau 1, mais avec des lits d'hospitalisation en addictologie pour des soins complexes, un hôpital de jour et des lits de soins de suite et de réadaptation. L'objectif du plan était d'assurer un niveau de recours pour 500 000 habitants. Cela correspond à un département moyen. Voilà pourquoi, sur un petit département, il n'y a pas nécessairement de structure de recours.
Le niveau 3 est le niveau de référence, avec les centres hospitaliers universitaires. Il suppose toutes les structures des niveaux 1 et 2, et celles du niveau 3, qui est consacré à l'enseignement et à la recherche en addictologie. En ce domaine, nous avons des progrès à faire.
Quel bilan peut-on établir aujourd'hui ? Il ne peut s'agir que d'un bilan à mi-parcours, puisque les dernières données dont nous disposons concernent l'année 2009 et que le plan court jusqu'en 2011.
Il faut savoir que ce plan a été mis en oeuvre au moment de la transformation des agences régionales de l'hospitalisation en agences régionales de santé. Pour le premier niveau, l'identification et la contractualisation avec les établissements n'ont pas posé de difficultés. Mais pour les niveaux 2 et 3, les avenants aux contrats n'ont pas nécessairement été conclus, et le suivi n'a pas été de même qualité parce que les équipes des agences régionales de l'hospitalisation commençaient à s'étioler, tandis que celles des agences régionales de santé n'étaient pas encore en place. Je ne peux pas vous assurer qu'en 2011, les objectifs du plan auront été atteints.
Sur les 620 établissements qui déclaraient une activité d'addictologie, on dénombrait 271 équipes de liaison et de soins en addictologie, 441 consultations d'addictologie hospitalière et 261 établissements dotés de lits de sevrage simple ; 150 établissements de proximité étaient globalement bien dotés et correspondaient au niveau 1. Cela signifie que les autres avaient mis en place ou l'équipe de liaison, ou la consultation, ou les lits, mais pas l'ensemble des prestations requises, telles qu'elles ont été définies dans le plan. Nous sommes donc loin du compte.
S'agissant des niveaux de recours, on comptait 55 établissements dotés d'un hôpital de jour avec une activité d'addictologie, et 51 unités de soins complexes reconnues, plus une vingtaine d'établissements de recours non dorés de lits de soins de suite et de réadaptation et une soixantaine d'établissements en étant pourvus.
Près de 25 % des établissements disposant d'une unité pour sevrage complexe reconnue sont des établissements autorisés en psychiatrie, et plus de la moitié des hôpitaux de jour se trouvent dans des établissements autorisés en psychiatrie. Cela illustre la forte implication des établissements psychiatriques. Mais ce ne sont pas des sites de structure d'urgence, même s'ils font le lien avec les urgences.
À mi-étape, nous avions atteint la moitié de l'objectif d'un niveau 2 pour 500 000 habitants : on compte 50 ou 60 établissements au lieu des 110 prévus.
C'est sur les niveaux de référence régionaux, c'est-à-dire l'enseignement et la recherche, que notre retard est le plus important. En effet, un tiers des régions seraient couvertes. Mais il ne s'agit là que d'un bilan de mi-étape.
Sur ces sujets d'importance, il convient d'être modeste. Mais on ne peut pas dire que rien n'a été fait. Une structuration, qui n'est d'ailleurs pas si complexe que cela, s'est mise en place. Je précise que la graduation en trois niveaux correspond à celle de l'ensemble des activités hospitalières : la proximité, le recours et la référence.
J'en viens à nos relations avec la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui sont beaucoup moins fréquentes et beaucoup moins suivies que celles qu'elle entretient avec la direction générale de la santé. J'essaie néanmoins de travailler en complémentarité avec la mission et de l'appuyer dans la mise en oeuvre de certaines de ses orientations.
Premièrement, nous intervenons dans la formation des professionnels de santé, qui relève de la compétence de la direction générale de l'offre de soins. Par exemple, en 2008, dès la deuxième année du plan, nous avons retenu l'addictologie comme l'une des cinq orientations prioritaires dans les directives que nous adressons à l'ensemble des établissements pour la formation des professionnels de santé de la fonction publique hospitalière. Trois cent cinquante professionnels ont déjà été formés à l'addictologie entre 2008 et 2010. Ils sont employés par des établissements sanitaires, médico-sociaux ou sociaux - car la fonction publique hospitalière couvre toutes les structures.
Deuxièmement, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires et la mise en place du développement professionnel continu nous ont amenés à penser différemment la formation des professionnels de santé. Nous avons décidé de décloisonner le champ ambulatoire et le champ hospitalier, ainsi que la formation médicale et la formation paramédicale. En addictologie, il serait en effet particulièrement intéressant de développer des actions communes. C'est une des ambitions que nous nourrissons, mais les décrets n'étant pas encore parus, nous devrons attendre.
Dans les plans de formation, nous nous attachons malgré tout à prendre en compte les comorbidités des personnes sujettes à des comportements addictifs. Les comorbidités psychiatriques sont fréquentes. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, pour le niveau 2, les structures psychiatriques se sont fortement engagées. Mais nous nous intéressons aussi aux comorbidités liées à des maladies infectieuses - les hépatites, notamment - et à certains cancers - mais cela concerne plutôt le tabac.
Troisièmement, nous menons des actions de prévention et de prise en charge liées à la consommation de substances psychoactives pendant la grossesse. Ces actions-là sont conduites essentiellement par les équipes de liaison et de soins en addictologie, souvent à la demande des professionnels des maternités. Elles prolongent les actions préventives conduites par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
Vis-à-vis de la population détenue, qui fait l'objet d'attentions particulières, nous avons engagé des actions d'information sur les maladies infectieuses. Cette information fait partie de la consultation médicale d'accueil du détenu. Elle est d'ailleurs reprise dans un guide méthodologique qui concerne la prise en charge des soins des détenus au soin des établissements pénitentiaires.
M. Serge Blisko, coprésident pour l'Assemblée nationale . - Pourriez-vous nous faire parvenir ce guide ?
Mme Annie Podeur . - Il est en cours d'élaboration. Il existait déjà un guide méthodologique, mais celui-ci était très incomplet. Je peux vous l'adresser, mais je ne suis pas sûre que cela vous aide et je ne m'engagerai pas sur les développements concernant la prise en charge des addictions.
Enfin, toujours à la demande de la mission interministérielle, nous allons mettre en place une expérimentation qui vise à améliorer l'accès au fibroscan des détenus dans cinq unités de consultation et de soins ambulatoires, situées dans les établissements pénitentiaires.
Je souhaite maintenant aborder la question des réseaux ville-hôpital, dont l'objectif est de faire le lien entre la ville et l'hôpital. Pendant longtemps, l'initiative s'est développée dans chaque région, sous l'égide des unions régionales des caisses d'assurance maladie, puis des agences régionales de l'hospitalisation. Maintenant, ces réseaux relèvent des agences régionales de santé et sont financés par le Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins de ville.
En ce domaine, les addictions ne sont pas un thème prioritaire. Sur 742 réseaux, 45 seulement ont pour thème les addictions. La répartition de ces derniers est très hétérogène sur le territoire : certaines régions n'en ont pas un seul - la Basse-Normandie, la Corse, la Guyane, le Languedoc-Roussillon, la Martinique, le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie - alors que les Pays-de-la-Loire en ont sept et la Franche-Comté six, sans aucun rapport avec l'importance du phénomène des addictions dans ces régions.
La qualité de 41 réseaux a été évaluée, et les résultats ont été corrects. Cela dit, je n'ai pas beaucoup d'informations, et j'aurais maintenant beaucoup de difficulté à en obtenir. Malgré tout, on peut s'interroger sur la raison du développement de ces réseaux.
Le recours aux réseaux a été le moyen de contourner l'insuffisance des fonds mis à la disposition de l'action de prévention et de l'action médico-sociale sur le budget de l'État. Les moyens de groupements régionaux de santé publique étant limités, on a ponctionné l'enveloppe dévolue aux réseaux parce qu'on savait qu'elle permettrait de financer, précisément, des structures en ambulatoire qui assureraient la liaison avec les dispositifs hospitaliers. Cela dit, il faut être honnête : ces initiatives étaient antérieures à l'implication du secteur sanitaire, et notamment à la structuration hospitalière, dans le domaine de l'addictologie. Aujourd'hui, il faut vraiment se demander quelle est la valeur ajoutée d'un réseau dédié à l'addictologie.
Je terminerai par trois points sur lesquels il conviendrait à mon sens d'insister, pour améliorer le dispositif existant.
D'abord, il faut renforcer l'articulation entre les structures hospitalières, le secteur médico social - les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie - et le champ ambulatoire. Aujourd'hui, le médecin généraliste est le point d'entrée dans le système, mais je ne suis pas sûre qu'il dispose de toutes les clés nécessaires, ne serait-ce que pour orienter le patient. Or c'est fondamental. Voilà pourquoi j'insiste sur le développement professionnel continu. Mais il faudra peut-être aussi, à l'échelon des territoires de santé, structurer des actions de formation simples, pour identifier le rôle des uns et des autres, les bonnes pratiques et les instruments qui permettent d'aller de la prévention primaire au dépistage précoce, à la prise en charge des soins et à l'accompagnement des patients - car on ne se débarrasse pas si facilement d'une pratique addictive.
Ensuite, il convient d'améliorer l'articulation avec les structures d'hébergement social, notamment pour les personnes en état de désocialisation. Car l'addiction est liée à la misère sociale.
Cela m'amène à vous parler de la prise en charge dans les prisons. Celle-ci est aujourd'hui correcte, grâce à notre structuration en unités de consultation et de soins ambulatoires et en services médico-psychologiques régionaux. Ce n'est pas en ce domaine que nous avons le plus d'efforts à faire.
Enfin, il faut développer la complémentarité de la prise en charge par les addictologues et par les psychiatres. Nous touchons là à des questions d'écoles. Reste que l'on dépense du temps et de l'énergie à se demander « qui fait quoi » aux dépens des patients qui ont besoin de cette prise en charge. Heureusement, comme je vous l'ai dit, des structures d'addictologie - notamment de niveau 2 - ont été créées dans un certain nombre d'établissements psychiatriques. Mais la discussion n'est pas close.
Tels sont, résumés, en termes aussi généraux que possibles, les enjeux majeurs de notre action en faveur de la prise en charge des toxicomanies.
Mme Françoise Branget, corapporteure pour l'Assemblée nationale . - Je vous remercie pour cette évaluation des outils mis à la disposition de l'addictologie, mais, pour les toxicomanes usagers réguliers de drogues qui souhaiteraient engager une démarche d'abstinence, peu de communautés thérapeutiques pourraient les aider : les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie et les services hospitaliers sont en effet tournés vers l'offre de soins et, surtout, l'offre de traitements de substitution. Certes, des expériences portées par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie existent, mais elles sont peu nombreuses. Est-il envisagé de mettre en place des structures équivalentes à ces communautés dites thérapeutiques et qui répondent à un souci d'accompagnement, d'hébergement et de réinsertion sociale ?
Mme Annie Podeur . - Votre préoccupation de prise en charge globale du patient est légitime. Pour autant, je ne peux empiéter sur les domaines de compétences de mes collègues, dont le chef de file est le directeur général de la santé.
En tout état de cause, il n'a jamais été dit que les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie n'offriraient qu'une proposition de substitution : d'autres modes de prise en charge et d'accompagnement existent.
S'agissant des soins, les réponses peuvent être apportées soit par l'hôpital de jour - avec une prise en charge un peu plus au long cours plutôt qu'une cure de sevrage -, soit par les soins de suite et de réadaptation. Ce qui peut manquer, c'est peut-être le développement de l'éducation thérapeutique. Mais on bute là sur le rôle des professionnels de santé et des associations accompagnantes dont le rôle, en matière d'addictions, notamment l'alcoologie, n'est pas neutre. Vous ne pourrez jamais demander à des structures hospitalières d'aller au-delà du lien - sur lequel j'ai d'ailleurs insisté - entre les soins de premier recours, les structures hospitalières et le champ médico-social.
Vous parlez pour votre part de prise en charge au long cours. Ce que je peux proposer lors d'un épisode aigu, ce sont des soins de suite et de réadaptation sur une durée qui ne peut aller au-delà d'un ou deux mois. S'il y a besoin d'un accompagnement ultérieur, c'est à nouveau le centre de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie qui intervient, avec peut-être l'appui du secteur associatif - mais je dépasse là mon champ de compétences.
Mme Catherine Lemorton, députée . - Dans votre excellent exposé du problème de la toxicomanie au sein du champ de compétences qui est le vôtre, le soin, vous avez évoqué le développement professionnel continu. S'il existe aujourd'hui une controverse sur les traitements de substitution, notamment la buprénorphine haut dosage, c'est peut-être parce que ce fameux Subutex a été mis en urgence sur le marché, en particulier pour faire face à l'épidémie de syndrome d'immunodéficience acquise, sans formation des médecins et des pharmaciens. Avez-vous autorité, si une substitution est trouvée par exemple à la cocaïne, pour demander qu'un tel médicament ne soit pas mis sur le marché sans formation des professionnels de santé ?
Mme Annie Podeur . - Je n'ai pas de pouvoir décisionnel en la matière. Je peux tirer la sonnette d'alarme - mais encore faut-il que je sois moi-même alertée. Cela pourrait cependant faire partie des orientations nationales prioritaires définies chaque année concernant le développement professionnel continu, sachant que ces orientations demandent toutefois deux ou trois ans pour être mises en oeuvre.
En tout cas, toute prise en charge pluriprofessionnelle de grands problèmes de santé publique implique une mise en oeuvre de formations également pluriprofessionnelles intéressant aussi bien les médecins hospitaliers et les médecins généralistes que les personnels paramédicaux et les pharmaciens. Une telle vision territorialisée vaut d'ailleurs pour la toxicomanie, voire pour les grands plans de santé publique - lutte contre la douleur, soins palliatifs - qui constituent des mutations culturelles conduisant à des changements de pratique des professionnels de santé. À cet égard, le vecteur du développement professionnel continu est très prometteur.
M. Serge Blisko, coprésident pour l'Assemblée nationale . - Il m'a semblé percevoir à la fin de votre exposé liminaire une petite difficulté à propos de la psychiatrie. À cet égard, est-il vraiment pertinent de faire suivre des personnes ayant un problème d'addiction dans des hôpitaux psychiatriques ?
Par ailleurs, si l'addictologie passionne certains psychiatres, la plupart estime que ce n'est pas vraiment de la psychiatrie, encore que chacun sente bien que l'on est là dans un problème de santé mentale. L'accueil n'est donc pas toujours à la hauteur des espérances ni des pouvoirs publics, ni de ceux qui adressent les patients. Comment résoudre cette difficulté ?
Enfin, ne devrait-on pas être plus actif concernant l'addiction médicamenteuse et la polyaddiction, d'autant que se développe une addiction aux produits dits de synthèse ?
Mme Annie Podeur . - Concernant le premier point, je ne faisais qu'un constat. Le plan prévoyait d'ailleurs la création de postes d'addictologues professeurs des universités - praticiens hospitaliers. L'avis du président de l'intersection d'addictologie au Conseil national des universités pourrait en tout cas être intéressant. Pour autant, en qualité de directrice générale de l'offre de soins et sans me défausser de mes responsabilités, je peux simplement témoigner qu'avec le plan, les psychiatres se sont sentis un peu « dépossédés » en voyant dans la création d'une nouvelle spécialité, l'addictologie, et dans l'arrivée de professeurs des universités-praticiens hospitaliers reconnus, un déni de leur vocation.
En tout cas, je serai plus nuancée que vous concernant les résultats atteints. Les unités d'addictologie sont une affaire de communauté humaine et d'engagement de professionnels de santé. La spécialité n'est sans doute pas le critère premier à retenir dans les résultats atteints, mais beaucoup plus l'accompagnement, les équipes, la bonne structuration du service ou encore la capacité à développer des interactions avec d'autres professionnels, soit dans le secteur médico-social, soit en ambulatoire avec les généralistes.
Pour ce qui est enfin des polyaddictions, notre démarche tient compte des substances licites. Selon les trois niveaux de prise en charge dont j'ai fait état, les manifestations de l'addiction peuvent d'ailleurs être extrêmement différentes. Nous avons même mis en place des structures pour les addictions aux jeux en ligne : quand on « décroche » d'une addiction, on court un fort risque de céder à une autre pratique addictive.
Je laisse en tout cas la controverse ouverte : il y a là un sujet de souffrance psychique et de mal-être que l'on peut ranger, à défaut effectivement de faire partie des catégories de la psychiatrie, sous le grand vocable de la santé mentale.
Mme Françoise Branget, corapporteure pour l'Assemblée nationale . - Pouvez-vous appeler l'attention sur la dangerosité d'un médicament ?
Mme Annie Podeur . - La direction générale de l'offre de soins est compétente en matière de formation des professionnels de santé. La dangerosité des substances actives ne relève pas de mes compétences, mais de celles de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et de sa direction de tutelle, la direction générale de la santé.
M. Serge Blisko, coprésident pour l'Assemblée nationale . - Madame, je vous remercie.