3. Une indépendance qui demeure contestée
A ce jour, le Kosovo est reconnu par 76 Etats, dont les Etats-Unis et 22 des vingt-sept Etats membres de l'Union européenne 6 ( * ) .
La reconnaissance de l'indépendance par la France a pris la forme d'une lettre du Président de la République au Président du Kosovo le jour même de sa proclamation.
L'indépendance reste toutefois contestée par la Serbie, soutenue notamment par la Russie et la Chine.
Saisie par l'assemblée générale des Nations Unies, à la demande de la Serbie, la Cour internationale de justice a rendu, le 22 juillet 2010, un avis consultatif qui confirme sans ambigüité la conformité au droit international de la déclaration d'indépendance du Kosovo.
Si le Kosovo est membre de la Banque Mondiale et du Fonds monétaire international, il n'a pas encore été admis comme membre par l'ONU et au sein d'autres organisations internationales.
Au sein même du pays , les autorités kosovares sont confrontées à l'hostilité des Serbes vivant au Nord de la rivière Ibar, dont la partie septentrionale de la ville de Mitrovica, qui n'ont pas accepté l'indépendance du Kosovo et qui continuent de revendiquer leur appartenance à la Serbie. En effet, à la différence des Serbes du Sud, qui vivent dans des enclaves isolées entourées de communautés albanaises, et qui sont plus ou moins intégrés à la vie politique du pays, les Serbes du Nord, qui sont majoritaires au sein des trois provinces contiguës à la Serbie, rejettent les institutions de Pristina.
Le « Plan Aathisaari » prévoit la création de municipalités à majorité non albanaise. Dans le cadre d'un processus de décentralisation, six municipalités serbes ont été créées ou élargies. La délégation s'est ainsi rendue à Gracaniça, enclave serbe de près de 25 000 habitants, où elle a pu rencontrer M. Igor Aritonovic, maire-adjoint de la ville, et Mme Rada Trajkovic, députée et directrice de l'hôpital, tous deux d'origine serbe. Même si ces institutions continuent de percevoir des financements en provenance de Belgrade, ils bénéficient également d'un soutien financier de la part du gouvernement kosovar. La population reste toutefois divisée sur l'attitude à tenir à l'égard du gouvernement de Pristina. Plus généralement, le maire-adjoint de Gracaniça a fait part à la délégation d'un sentiment, semble-t-il assez largement partagé parmi les Serbes vivant au sein des enclaves, d'une certaine forme de lassitude à l'égard des discours nationalistes et d'une volonté de répondre aux préoccupations concrètes des citoyens, qui portent avant tout sur l'amélioration de leurs conditions de vie, en particulier en matière d'éducation et de santé.
Au Nord existent des « structures parallèles », c'est-à-dire des municipalités, des écoles ou des hôpitaux, plus ou moins contrôlées par Belgrade, avec une forte présence de structures criminelles de type mafieux, qui appliquent les lois serbes et reçoivent des financements de la Serbie. Les papiers d'identité, les plaques d'immatriculation et la monnaie sont serbes.
Comme la délégation a pu le constater lors d'un déplacement à Mitrovica, en franchissant, par le Pont d'Austerlitz, la rivière de l'Ibar, aux nombreux drapeaux albanais et, plus rarement kosovars, situés sur la rive Sud, succèdent les drapeaux serbes sur la rive Nord, et on a le sentiment de franchir une « frontière invisible » séparant les deux communautés. Le Pont d'Austerlitz a d'ailleurs été par le passé le principal lieu d'affrontements entre les Albanais et les Serbes et reste un point sensible, qui est placé en permanence sous la surveillance des militaires de la KFOR ou de policiers et de gendarmes d'EULEX.
Si sur le plan sécuritaire, la situation est relativement calme, puisque les derniers affrontements violents remontent à mars 2004, les tensions entre les communautés albanaise et serbe restent encore fortes. Il n'existe pas de mariage mixte entre les deux communautés, pas d'écoles communes, et les jeunes Albanais n'apprennent plus le serbe mais l'anglais. Les deux communautés vivent de manière totalement cloisonnée, dans la peur l'une de l'autre. On ne constate aucune volonté de vivre ensemble.
* 6 Tous les Etats membres de l'Union européenne à l'exception de Chypre, de l'Espagne, de la Grèce, de la Roumanie et de la Slovaquie.