B. DE NOMBREUX EFFORTS RESTENT À FAIRE EN MATIÈRE DE DÉMOCRATIE, D'ETAT DE DROIT ET DE VIABILITÉ ÉCONOMIQUE
1. La sortie de la crise politique
Le Kosovo a connu une crise politique à l'automne dernier 7 ( * ) , avec la démission, le 27 septembre 2010, du Président de la République, Fatmir Sejdiu. A la suite d'une décision de la Cour constitutionnelle, ce dernier, issu de la Ligue démocratique du Kosovo (LDK), avait été élu en 2006 après le décès du fondateur de ce parti et Premier Président de la République, Ibrahim Rugova.
La Cour constitutionnelle avait, en effet, estimé que le Chef de l'Etat avait violé la Constitution en cumulant son mandat avec la présidence de la LDK.
Le Chef de l'Etat étant élu par le Parlement, les deux principaux partis du pays, la LDK et le parti démocratique du Kosovo (PDK), qui étaient alliés au sein de la coalition gouvernementale, ont cherché à se mettre d'accord sur les modalités de désignation de son successeur, mais ne sont pas parvenus à trouver un accord.
Le PDK, issu de l'armée de libération du Kosovo (UCK), est le premier parti du Kosovo. Il est dirigé par Hashim Thaçi, qui occupe le poste de Premier ministre.
A la suite de l'échec des discussions entre ces deux partis, la coalition gouvernementale a volé en éclats et a permis le vote d'une motion de censure par le Parlement, dont le succès a conduit à la dissolution du Parlement et à l'organisation d'élections législatives anticipées.
Le scrutin, qui s'est déroulé le 12 décembre 2010, a été marqué par des fraudes importantes, notamment dans la ville de Skenderaj, fief du PDK, conduisant à l'annulation des résultats dans certaines provinces et à l'organisation de nouvelles élections les 9 et 23 janvier.
Si la participation des Serbes du Sud a été relativement élevée, en revanche, ce scrutin a été boycotté par les Serbes vivant au Nord.
Les résultats définitifs ont été marqués par une victoire relative du PDK, avec 32,11 % des voix, devant la LDK, avec 24,69 % des voix, le Mouvement pour l'Autodétermination, qui milite pour le rattachement du Kosovo à l'Albanie arrivant en troisième position, avec 12,69 % des suffrages, suivi par l'Alliance pour l'avenir du Kosovo (AAK) avec 11,04 % et l'Alliance pour le renouveau du Kosovo (AKR) avec 7,29 % des suffrages.
A la suite de ce scrutin, Hashim Thaçi a été reconduit dans ses fonctions de Premier ministre. Son parti, le PDK, a constitué une coalition gouvernementale avec l'AKR, du milliardaire Bexhet Pacolli. La LDK, le Mouvement pour l'autodétermination et l'AAK ont refusé de participer à cette coalition.
Le 22 février 2011, Bexhet Pacolli a été nommé Président de la République.
Toutefois, le 28 mars, la Cour constitutionnelle a, une nouvelle fois, invalidé l'élection présidentielle par le Parlement, estimant que le quorum n'avait pas été atteint, des députés ayant quitté l'hémicycle au moment du vote, contraignant le Président désigné à démissionner de son poste.
A la suite de négociations entre les différents partis politiques, et semble-t-il d'une pression de l'ambassadeur des Etats-Unis, un consensus a été trouvé en la personne de Mme Atifete Jahjaga, jeune femme de 36 ans, ancien général de la police kosovare.
Celle-ci a été élue Présidente de la République le 7 avril 2011, mettant ainsi un terme à la crise politique.
La Constitution kosovare, avalisée par le Représentant spécial de l'Union européenne et le Représentant civil international, instaure un régime parlementaire, où l'essentiel du pouvoir est exercé par le Premier ministre.
Une réforme de la Constitution, qui renforcerait les pouvoirs du Président de la République, est actuellement à l'étude.
Ce projet de réforme constitutionnelle suscite toutefois des inquiétudes de la part des Serbes et des autres minorités, comme la délégation a pu s'en rendre compte lors de ses entretiens avec Mme Rada Trajkovic, députée de Gracanica d'origine serbe.
En effet, la Constitution kosovare, qui reprend les dispositions du « Plan Ahtisaari », accorde une place importante aux minorités. Ainsi, sur les 120 sièges que comporte l'Assemblée kosovare, vingt sièges sont réservés de droit aux minorités, dont dix pour les Kosovars d'origine serbe, le reste étant réparti entre les différentes minorités. Ces minorités sont également représentées au gouvernement, avec plusieurs ministres.
Les Serbes du Kosovo et les autres minorités craignent donc un affaiblissement de leur représentation.
De fortes inquiétudes existent également concernant une éventuelle remise en cause du processus de décentralisation, qui accorde aux minorités une certaine autonomie au sein des municipalités non albanaises.
* 7 On pourra utilement se reporter à la présentation de la situation politique figurant dans le compte-rendu du déplacement effectué par une délégation du groupe interparlementaire France-Balkans occidentaux au Kosovo et en Macédoine, du 18 au 26 avril 2011, qui a été publié dans un document de travail du Sénat, sous le numéro GA 98 en juin 2011