2. L'impossible « neutralité par rapport au statut »
Fondé sur la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies, le mandat d'EULEX reste « neutre à l'égard du statut ».
Or, cette limitation, qui s'explique par la non reconnaissance de l'indépendance du Kosovo par cinq des vingt sept Etats membres de l'Union européenne, peut parfois s'avérer contradictoire avec l'objectif principal de cette mission, qui tient au renforcement de l'Etat de droit.
Par ailleurs, à la différence de la KFOR de l'OTAN, qui continue de bénéficier d'une très bonne image des deux côtés, EULEX est souvent contestée à la fois par les autorités de Pristina, qui lui reprochent parfois, sans doute sous l'influence des Etats-Unis, sa « trop grande timidité » à l'égard des « structures parallèles » du Nord et par les Serbes, qui lui reprochent au contraire, d'aller trop loin au regard de son mandat et de ne pas respecter le principe de neutralité à l'égard du statut.
Cette mission est également perçue par certains responsables kosovars comme la continuation de la « tutelle » internationale de la MINUK et de ce fait contraire aux aspirations d'indépendance du pays.
Enfin, beaucoup d'observateurs lui reprochent un manque d'efficacité dans la lutte contre la criminalité organisée, tant au Nord qu'au Sud.
En réalité, l'efficacité de l'action d'EULEX semble surtout entravée par l'absence de réelle volonté politique de l'Union européenne et de directives claires provenant de Bruxelles.
En effet, faute de consensus suffisant entre les Etats membres, du fait de la non-reconnaissance de l'indépendance du Kosovo par cinq des vingt-sept, les responsables de l'Union européenne font preuve d'une très grande prudence et s'avèrent incapables de donner à EULEX des objectifs clairs. EULEX est donc placé dans une position ambiguë, entre les dispositions de la résolution 1244 des Nations unies et celles du « plan Ahtisaari »
L'efficacité de son action se heurte à une contradiction fondamentale entre, d'un côté, le souci de garantir la stabilité par le maintien du « statu quo », et, de l'autre, son mandat au service de l'Etat de droit, ce qui supposerait une action plus résolue à l'encontre des structures criminelles, notamment au Nord, mais aussi au Sud, au risque de mécontenter à la fois les Serbes du Nord et les autorités de Pristina.
En définitive, comme l'a indiqué l'un des interlocuteurs de la délégation, « EULEX n'est que le fruit de notre propre impuissance, du manque de volonté politique de l'Union européenne ».
Il paraît donc indispensable que les responsables politiques à Bruxelles fassent preuve d'une réelle volonté politique et assignent des objectifs clairs à EULEX.