3. Une influence française qui risque de se réduire
Dès le lancement de la mission EULEX par l'Union européenne, la France s'était fortement investie au sein cette mission, ce qui a permis à notre pays d'exercer une grande influence, comme en témoigne notamment le fait que son commandement a été attribué successivement à deux Français. Or, la France semble avoir beaucoup perdu de son influence au sein d'EULEX, avec la décision prise par le ministère de l'intérieur en février 2011 de retirer l'escadron de gendarmes mobiles et de le rapatrier en France.
Cet escadron de 120 gendarmes mobiles était notamment chargé du maintien de l'ordre sur le pont d'Austerlitz, situé en plein centre de Mitrovica, qui sépare les quartiers albanais au Sud de l'Ibar, et les quartiers serbes au Nord, et principal lieu des violents affrontements entre les deux communautés. Cet escadron constituait le principal « fer de lance » d'EULEX en matière de maintien de l'ordre au Nord de l'Ibar.
Même si notre pays devrait conserver une petite unité constituée composée d'une quarantaine de gendarmes et de quatre véhicules blindés à roue de gendarmerie (VBRG) au camp de Novo Selo, auxquels s'ajoutent trente gendarmes isolés répartis sur l'ensemble du territoire, ce dispositif semble largement insuffisant pour faire face à des affrontements violents, comme le Kosovo en a connu par le passé, en particulier à Mitrovica.
Certes, les gendarmes français pourraient compter sur le renfort de carabiniers italiens, de gendarmes roumains ou de policiers polonais, mais, à la différence des gendarmes français, ces gendarmes et policiers ne sont pas regroupés en unités constituées et n'ont pas la même expertise, ni la même expérience en matière de maintien de l'ordre. De plus, les gendarmes français étaient les seuls à être disponibles en permanence, notamment de nuit ou le week end, et étaient très appréciés à la fois des Albanais et des Serbes, ce qui est moins le cas des Américains ou des Allemands, qui hésitent de surcroît à se rendre au Nord.
En définitive, le retrait de l'escadron de gendarmerie mobile s'est traduit par une désorganisation de l'unité chargée du maintien de l'ordre et par un affaiblissement majeur de sa capacité opérationnelle, par une fragilité des conditions de sécurité d'engagement et par une perte de visibilité de la France au sein d'EULEX.
Le rapatriement de l'escadron de gendarmes mobiles s'explique principalement par la diminution des effectifs et la suppression de quinze escadrons de gendarmes mobiles sur 123 dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), par le coût des opérations extérieures supporté par la gendarmerie, ainsi que par la volonté du gouvernement français de donner la priorité à la sécurité sur le territoire national. Toutefois, le retrait de l'escadron de gendarmes mobiles a d'autant moins été compris par les autorités kosovares et par nos partenaires européens qu'il coïncidait avec la diminution de moitié de notre présence militaire au sein de la KFOR.