TRAVAUX DE COMMISSION
Réunie le mardi 28 juin 2010 sous la présidence de Muguette Dini, présidente, la commission procède à l' examen du rapport d'information d'André Lardeux, Annie Jarraud-Vergnolle et Paul Blanc, relatif à l'influence du droit communautaire des aides d'Etat sur le financement des services sociaux par les collectivités territoriales.
Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteure . - Les collectivités territoriales françaises sont, depuis longtemps, impliquées dans la lutte contre les exclusions. Elles ont développé un grand nombre d'activités d'aides, notamment dans le secteur social, qu'elles exercent elles-mêmes ou par le biais d'associations. On peut citer, à cet égard, le développement des aides sociales à l'enfance, des aides aux personnes handicapées ou encore des aides aux personnes âgées. Or, parallèlement, la construction communautaire a peu à peu affecté et limité la liberté des collectivités territoriales dans leur activité d'attribution d'aides. Il faut savoir que la conception française de la notion de service public diffère de la conception européenne. Le droit administratif français favorise l'intervention publique, tandis que le droit communautaire repose sur un fondement libéral qui vise à limiter le rôle de l'Etat et à faire primer la libre concurrence.
Sur le terrain, les aides d'Etat et des autorités locales peuvent prendre des formes très diverses : subventions, exonérations d'impôts, prêts, garanties d'emprunts, mises à disposition de biens et de services à conditions préférentielles, etc. Ces aides ne sont pas compatibles avec les règles du marché intérieur dès lors qu'elles faussent la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines activités de production, et qu'elles ont des effets sur les échanges entre l'Etat et les membres de l'Union européenne. La Commission européenne exerce donc un contrôle sur ces aides et demande qu'elles lui soient préalablement notifiées pour vérifier leur compatibilité avec le marché intérieur. Ensuite, elle les autorise ou pas.
Une limite importante, toutefois : les concours financiers versés sous forme de subventions à une association exerçant une activité économique d'intérêt général qui demeurent inférieurs à 200 000 euros sur trois exercices fiscaux consécutifs ne sont pas qualifiés d'aides d'Etat et ne sont soumis à aucune exigence particulière en matière de réglementation des aides d'Etat. On connaît ce dispositif sous le nom d'aides « de minimis ».
Par ailleurs, le droit communautaire a progressivement pris en compte la notion de service public, sous l'appellation des « services d'intérêt économiques général » (Sieg). Ainsi, il est clairement admis que les obligations de service public peuvent justifier des compensations financières publiques destinées à compenser le surcoût qu'elles engendrent. On sort alors de l'application de la règlementation communautaire relative aux aides d'Etat.
Si la reconnaissance de cette notion de service public est visible dans les traités, il n'existe toujours aucune directive cadre visant à promouvoir les Sieg.
En revanche, on peut se référer à trois séries de dispositions :
- tout d'abord à la jurisprudence Altmark de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) qui a établi la notion d'« obligations de service public ». Celle-ci a ensuite été précisée par un ensemble de textes européens de droit dérivé qu'on connait sous l'appellation de paquet « Monti-Kroes », du nom de deux anciens commissaires européens à la concurrence. Il en découle les conditions dans lesquelles une aide attribuée peut être considérée comme une compensation compatible avec le droit de la concurrence et la réglementation des aides d'Etat. Plusieurs critères cumulatifs sont requis : le bénéficiaire doit être effectivement chargé de l'exécution d'obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies. Cette exigence est régulièrement désignée sous le terme de « mandatement » ; la compensation ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public ; et enfin, la compensation accordée doit être notifiée préalablement à la Commission européenne.
La difficulté tient au fait que le droit européen ne connaît que l'entreprise, sans distinguer si elle est privée ou publique. Ainsi, « une entreprise » au sens du droit européen correspond à « tout acteur économique », qu'il soit une personne physique ou morale se livrant à une activité économique : ce peut être une entreprise, mais également une association sans but lucratif exerçant une activité économique d'intérêt général sollicitant un concours financier public. La protection d'une activité qui relève du service public se fait donc par le biais de la notion d'intérêt général ;
- ensuite, la célèbre directive « services » du 12 décembre 2006 bien connue sous le nom de Bolkenstein a, quant à elle, introduit des exceptions aussi importantes que peu claires à l'application des règles de droit commun du traité au secteur des services.
Il faut bien savoir que cette directive n'avait pas pour objectif de soumettre ou de soustraire certains secteurs, notamment sociaux, au droit de la concurrence, c'est-à-dire à la législation des aides d'Etat, puisque, en vertu de la jurisprudence de la CJCE, tous les services publics, y compris les services sociaux, sont soumis au droit de la concurrence.
La directive services est donc sans effet sur le droit des « services d'intérêt économique général ». On peut toutefois regretter qu'elle n'ait pas conduit à l'élaboration d'un cadre juridique, au niveau de l'Union européenne, dédié spécifiquement aux « services sociaux d'intérêt général » (Ssig) ;
- enfin, c'est dans ce contexte qu'est intervenue la circulaire du Premier ministre du 18 janvier 2010, dite circulaire « Fillon ».
Elle concerne le financement des services publics lorsqu'ils sont assurés par des associations. Elle n'apporte pas d'innovation majeure par rapport aux textes européens : elle ne répond pas, notamment, aux besoins des collectivités de voir précisée la notion de « mandatement », mandatement qui est requis pour que les aides publiques attribuées ne soient pas considérées comme illégales.
Je m'arrête un instant sur ce point technique.
Il faut savoir que le droit européen des aides d'Etat et le droit français de la commande publique s'opposent. D'un côté, la réglementation communautaire n'impose pas le recours au marché public pour le financement d'associations qui assurent des prestations de service public. La subvention peut constituer un mode de financement d'un service public pour peu qu'elle respecte les critères du mandatement, de la juste compensation et des obligations de service public. De l'autre, le droit français de la commande publique limite le recours à la subvention aux seuls projets qui sont lancés à l'initiative de l'association.
La circulaire Fillon n'entre pas dans le détail sur ce point : elle reste imprécise sur les règles qui permettraient l'octroi d'aides publiques aux associations sans contredire la norme communautaire et ne constitue donc pas une base juridique fiable.
Dans ce contexte, on a constaté que le recours au marché public s'est progressivement imposé comme la règle pour les collectivités territoriales, qui y voient le moyen de sécuriser juridiquement leurs subventions.
Cette option n'est pas neutre car il existe, sur le terrain, une incertitude quant au choix entre subvention et marché public :
- d'un côté, le droit communautaire exige un mandatement pour l'attribution d'une subvention, ce qui implique que la collectivité définisse elle-même ses besoins de service public. Or, la plupart du temps, l'initiative vient d'une association ou d'un organisme, qui soumet à l'administration un projet ;
- de l'autre, le droit français des marchés publics implique le recours aux marchés publics dès que les besoins sont définis a priori par la collectivité.
Dès lors, une collectivité qui souhaite mettre en place un service d'intérêt économique général ne peut pas à la fois respecter le droit communautaire et le droit national : ainsi, si la collectivité définit a priori ses besoins de service public, elle relève du champ de la subvention en droit communautaire mais elle doit procéder par marché public en droit français.
La voie permettant d'attribuer une subvention conforme au droit de l'Union sans encourir la requalification par la CJCE en marché public est étroite. C'est une véritable quadrature du cercle.
L'absence de définition claire de la notion de « mandatement » est également regrettable. Le mandatement est utile pour savoir si l'on se situe dans le champ d'application de la directive « services » : en délivrant à une structure un acte de mandatement, on exclut d'office du champ d'application de la directive le service concerné relevant d'un des secteurs strictement énumérés.
La solution serait d'exclure les services sociaux français sur la base de la liste définie par la directive (logement, aide à l'enfance, aide aux familles, aide aux personnes dans le besoin), en tant que services sociaux d'intérêt général bénéficiant d'un mandatement en droit national. Dans cette hypothèse, les formes existantes d'encadrement seraient qualifiées explicitement par le législateur français comme des actes de mandatement au sens communautaire du terme. Cependant, si on prend l'exemple de l'accueil collectif de la petite enfance, le Gouvernement a considéré que ce service ne répondait pas aux critères permettant de l'exclure du champ d'application de la directive. L'autorisation délivrée pour ce type de service par les collectivités locales ne constituerait pas un mandatement au sens de l'article 2.2.j de la directive.
Dans ce contexte flou, en l'absence d'une définition claire de la notion de mandatement, nos services sociaux sont fragilisés car exposés à des risques contentieux de la part d'entreprises privées. Prenons un exemple : une commune qui financerait un service d'aides aux devoirs gratuits pourrait être attaquée par l'une de ces nombreuses sociétés qui proposent du soutien scolaire payant à domicile.
En raison de toutes ces considérations, ce rapport, dont nous sommes conscients du caractère éminemment aride, envisage quelques évolutions ou améliorations susceptibles de sécuriser nos services publics. Il s'agit de pistes de réflexion que nous confierons au Gouvernement pour expertise et mise en oeuvre future.
- première proposition :
Obtenir l'établissement d'un rapport d'information qui recenserait les services sociaux dont le financement est menacé et proposer des solutions pour en pérenniser le financement.
- deuxième proposition :
Susciter l'adoption d'une directive-cadre visant à promouvoir les services d'intérêt économiques général dans l'Union européenne pour la clarification du droit actuel relatif aux aides d'Etat.
- troisième proposition :
Pour préciser la notion de mandatement, perfectionner un outil déjà existant : la convention pluriannuelle d'objectifs (CPO), qui reste encore trop peu appliquée sur le terrain alors qu'elle permettrait de satisfaire la condition du mandatement imposée par le droit communautaire. Lorsque la collectivité a recours à la subvention et que son montant est supérieur à 23 000 euros, celle-ci doit faire l'objet d'une convention pluriannuelle d'objectifs entre la collectivité publique et l'association. La CPO s'applique également à toutes les subventions destinées à financer des activités économiques d'associations d'un montant supérieur à 200 000 euros sur trois ans. En reconnaissant la capacité des associations à contribuer à la construction de l'intérêt général et en réaffirmant la légalité de la subvention, la CPO favorise l'établissement de relations contractuelles partenariales équilibrées entre associations et pouvoirs publics et devrait répondre aux inquiétudes du mouvement associatif en la matière.
Les collectivités territoriales ne se sont pas approprié cette formule et continuent de recourir abusivement et de manière de plus en plus systématique à la commande publique pour financer les activités des associations. Or, la subvention aux associations via la convention d'objectifs apparaît comme le mode le plus efficace et le plus pérenne de financement entre associations et collectivités.
- quatrième proposition :
Faire préciser la notion de service social d'intérêt général (Ssig), dont il n'existe aucune définition juridique en droit communautaire en l'absence de loi-cadre française sur la législation européenne des aides d'Etat ; ou bien envisager la création d'un nouveau type de contrat public adapté aux services d'intérêt économique général pour prendre en considération les services sociaux d'intérêt général et simplifier les modalités d'attribution de subvention publique.
- Enfin : quoi qu'il en soit, développer l'information des collectivités sur le droit des aides d'Etat applicable aux services sociaux.
En conclusion, il est évident que les services sociaux d'intérêt général requièrent l'adoption d'un cadre juridique spécifique, pour l'application ou l'exonération des règles de concurrence, en raison de leur mission spécifique de solidarité et de cohésion sociale. Ce cadre contribuerait à la protection des « services publics à la française » en matière sociale et à la sécurisation juridique de leurs financements.
Telles sont les observations dont nous souhaitions vous faire part.
Muguette Dini, présidente . - Je remercie nos trois rapporteurs d'avoir présenté ce rapport qu'ils qualifient eux-mêmes d'« éminemment aride » mais qui expose clairement la problématique à laquelle sont confrontées nos collectivités territoriales.
Paul Blanc, rapporteur . - Je crois que ce rapport ne doit pas rester lettre morte. Il doit s'accompagner, éventuellement, de textes législatifs pour lever toute ambiguïté. Effectivement, dans la pratique quotidienne en matière sociale, nous sommes confrontés au flou résultant de l'interprétation que font parfois les associations du droit communautaire des aides d'Etat, et qui fait que le socle social de la France est un peu mis à mal. Je m'explique et je vous donne un exemple précis : l'Agefiph se croit obligée de faire des appels d'offre pour des dossiers qui concernent les travailleurs handicapés. Or, nous arrivons à un paradoxe qui veut que les entreprises privées qui, normalement ont des placements à faire ailleurs, prennent des responsabilités dans l'insertion des travailleurs handicapés mais le font comme des entreprises privées, souvent à des prix qui ne correspondent pas à ce que l'on attend en matière de service, notamment s'agissant de l'accompagnement des travailleurs handicapés. Dans le cadre d'un appel d'offre, l'Agefiph a attribué le marché à une entreprise d'intérim. En définitive, le suivi par l'entreprise des travailleurs handicapés était de six mois, alors qu'il était de dix-huit mois par les associations. De plus, celles-ci ne disposent pas toujours d'un personnel formé à ce type de suivi. Nous avions fait remarqué à l'Agefiph que l'appel d'offre devrait être donné à des services publics de l'emploi, éventuellement avec le réseau Prométhée ou Cap emploi qui travaillent par convention avec Pôle emploi. Ceux-ci ont été exclus de l'appel d'offre. Et pour justifier leur exclusion, l'Agefiph a répondu que c'était à cause de l'Europe qui exige que l'on recoure à la procédure d'appel d'offre au public. Nous avons la démonstration, à travers le rapport et à travers tout ce que vous avez vu, qu'en réalité, il s'agit d'une interprétation, et d'une mauvaise interprétation. Les textes n'imposent pas, en matière sociale, l'obligation de faire des appels d'offre. C'est la raison pour laquelle je propose d'insister sur ce point. Il faudrait élaborer un texte qui clarifie bien les choses de façon à ce que l'on ne se retrouve pas dans ce genre de situations.
Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteure . - Le rapport que nous examinons aujourd'hui fait suite à une proposition de loi que nous avons examinée en février 2010. Nous avions déjà établi un premier rapport sur les services sociaux d'intérêt général et sur le problème de la loi cadre. Le Gouvernement avait jusqu'en décembre 2009 pour se mettre en règle vis-à-vis de l'Union européenne et élaborer, ou non, une loi cadre. Beaucoup de pays, comme l'Allemagne ou encore le Danemark, ont fait voter par leur Parlement une loi cadre. Cela n'a pas été le choix français. La France a préféré mettre en place un système de fiches thématiques par secteur et exclure du secteur de la concurrence des services sociaux un certain nombre d'établissements et d'associations, notamment dans les domaines de la santé, du social et du médico-social. Mais cela ne concerne pas l'ensemble du secteur médico-social en général, ni tout le secteur en charge des publics fragiles. Cependant, cela a été le cas pour le secteur des crèches, de l'aide à domicile pour les personnes âgées et handicapées et des centres sociaux également. En ce qui concerne l'exemple de l'Agefiph, effectivement, pour que les aides ne soient pas qualifiées d'aides entrant dans le champ de la concurrence, il ne faut pas que l'initiative du projet ait été prise par l'association mais qu'elle vienne du donneur d'ordre. Ici, l'Agefiph fait un appel à projet comme peut le faire Pôle Emploi, par exemple par rapport à des associations ou d'autres secteurs, c'est-à-dire que l'Agefiph se sent mandatée par l'Etat. C'est un peu le même problème que l'on retrouve avec les centres sociaux concernant les Caisses nationales d'allocations familiales (Cnaf). Les centres sociaux sont agréés par la Cnaf et financés par les caf qui font un appel d'offre de la même manière. Le problème est donc exactement le même. C'est pour cela qu'il est impératif de clarifier ces positions, et surtout la notion de mandatement. Nous avions déjà relevé toutes ces difficultés à l'époque.
Paul Blanc, rapporteur . - Justement, l'Etat doit être garant de l'égalité de traitement sur l'ensemble du territoire national. C'est pour cela que la troisième proposition me parait peut-être la plus pertinente. Il faut faire des conventions.
Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteure . - Oui, mais le conventionnement n'entre pas dans le cadre du mandatement.
Annie David . - Annie Jarraud-Vergnolle a bien démontré, dans le rapport qu'elle nous a présenté, cette question des services sociaux d'intérêt général. Que ce soit les Ssig, les Sieg ou même les services non économiques, on pourrait multiplier les sigles concernant les services sociaux. Aujourd'hui, deux logiques, ou deux législations, s'affrontent : d'un côté notre législation française avec la protection des services sociaux tels qu'on a eu l'habitude de les voir protégés, de l'autre la logique européenne avec la libéralisation des marchés, soutenue par les différents traités qui ont été adoptés et qui font que tout porte à concurrence, même nos services publics. Je regrette de n'avoir pas pu m'impliquer davantage dans le travail préparatoire à l'examen de ce rapport. Je vous rappelle qu'avec mon groupe, nous avions déposé une proposition de résolution qui visait à retirer de la directive services l'ensemble de ces services publics.
Plusieurs des propositions envisagées semblent intéressantes dans ce qui a été dit, par exemple celle concernant le mandatement. Je veux bien entendre parler de mandatement sauf que dans notre législation, aujourd'hui, cette notion ne possède pas vraiment de statut particulier. C'est plutôt une notion européenne. Comment faire pour concilier les droits et parvenir, grâce au mandatement, à protéger les services publics et ne pas être obligé de passer par un appel d'offre ? La CJCE risque d'intervenir.
Je pense également qu'il faudrait clairement définir ce que l'on appelle les services publics. A partir du moment où nous aurons défini ce que nous voulons voir entrer dans l'appellation « services publics », ils pourront échapper au champ d'application de la directive services ; à défaut, les problèmes persisteront sauf à bien définir le mandatement, et encore, je n'en suis pas certaine. Le mieux serait de sortir du champ de la directive l'ensemble des services publics, et adopter une directive cadre, comme le préconise la deuxième proposition, visant à promouvoir les services d'intérêt économique général dans l'Union européenne. C'était un peu le cheminement qui avait été retenu lors de la révision de la directive Bolkenstein, à l'article 2.2.j cité dans le rapport qui énumère tous les services concernés. Je suis inquiète des risques de judiciarisation ; il est possible d'imaginer que la garderie périscolaire soit une concurrence pour les assistantes maternelles : la garderie périscolaire est un service public mis en place par nos communes mais les assistantes maternelles proposent aussi ce service. Elles pourraient faire appel à la CJCE en arguant qu'il s'agit d'un service qui leur fait une concurrence déloyale puisqu'elles ne peuvent pas pratiquer les mêmes tarifs. Est-ce que, pour autant, il faut empêcher nos communes de proposer ce type de service à leur population ? La restauration scolaire soulève un problème identique. Si nous poussons les choses à l'extrême, nous pouvons faire entrer tous les secteurs dans le cadre de cette directive services dès lors qu'ils n'en ont pas été exclus. Il est certain que si l'on en reste à l'exception française, au « service public à la française » qui est notre spécificité, il sera très difficile de contrer l'ensemble de ces directives, et notamment la directive Bolkenstein qui impose les règles de la concurrence dans tous les domaines. Tout ce que l'on pourra mettre en oeuvre risque d'être frappé d'illégalité par la Commission européenne. Je vous félicite pour votre travail et ce rapport. J'espère que nous pourrons aboutir sur vos propositions dont certaines me semblent intéressantes.
Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteure . - Dans le cadre du traité de Lisbonne, si la France l'avait décidé, elle avait effectivement la faculté de mettre de côté, hors champ de la concurrence, un certain nombre de services. C'est ce qu'a fait l'Allemagne avec les crèches par exemple. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste avait déposé une proposition de loi en ce sens, en février 2010, puisque la France n'avait pas respecté l'échéance de décembre 2009 et qu'elle n'avait pas choisi l'option de transposer globalement la directive. S'agissant du second point, nous avons davantage l'habitude de parler de convention et de contrat que de mandatement. La notion de mandatement est assez étrangère à nos traditions juridiques. Il est important d'arriver à préciser ce terme, pour que les contrats pluriannuels d'objectifs puissent être reconnus comme un mandatement. Je me souviens d'un exemple, donné lorsque nous avions discuté de notre proposition de loi : dans une commune du Tarn, une entreprise avait construit une piscine à la demande de cette commune. Elle avait ensuite installé, dans tout le département, des camps de vacances pour rentabiliser cette piscine. Tous les organismes qui avaient l'habitude de fournir des camps de vacances n'avaient alors pas pu répondre à l'appel d'offre puisque les camps de vacances étaient organisés par le constructeur de la piscine. Voilà une dérive possible.
Muguette Dini, présidente . - En conclusion de notre débat, je rappelle les limites que vous avez-vous-mêmes assignées à votre rapport : il s'agit d'un état des lieux, très détaillé, et de pistes de réflexion à soumettre au Gouvernement car tout ne relève pas du Parlement : des réponses relèvent du pouvoir règlementaire, d'autres du niveau des négociations européennes. Les rapporteurs ont voulu lister les problèmes et les expertiser, ce que personne n'a fait jusqu'à présent, dans l'objectif de sensibiliser le Gouvernement qui est resté, pour le moment, il faut le dire, assez inactif.
Nous pourrions programmer un débat de contrôle en séance public à la rentrée, pour tester les intentions du Gouvernement sur ce sujet, et dans cette perspective, envoyer le rapport au ministre des affaires européennes, avec la liste de nos propositions pour attirer son attention sur le sujet et lui demander ses intentions.
Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteure . - Je vous propose de joindre en annexe au présent rapport les comptes-rendus d'entretiens que j'avais établis lors de sa préparation.
La Commission approuve cette suggestion et autorise la publication du rapport d'information.