CONCLUSION
Les débats qui se sont ouverts concernant les politiques de l'Union européenne pour la période 2014-2020 n'en sont qu'au début. Le présent rapport vise à renforcer la position de la commission des affaires européennes du Sénat dans son rôle de proposition sur un sujet qu'elle n'avait pas encore abordé, la montagne.
C'est une nécessité. L'Europe a impulsé une politique des territoires, à laquelle elle semble aujourd'hui tourner le dos. Il est du rôle du Sénat, représentant des collectivités locales, de lui rappeler que l'Europe ne doit pas se construire seulement autour des villes, mais aussi avec ses territoires et notamment avec ses montagnes.
Le processus de négociation doit se terminer à la fin de l'année 2013. Les propositions et les positions vont encore évoluer. Les discussions tant au Conseil qu'au Parlement européen seront longues et âpres. Nous devrons être attentifs au suivi de nos propres propositions. Nos montagnes le méritent bien !
EXAMEN EN COMMISSION
La commission s'est réunie le mardi 26 avril 2011 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par le rapporteur, M. Jacques Blanc, le débat suivant s'est engagé :
M. Denis Badré :
Je souhaite saluer la passion de Jacques Blanc pour la montagne et sa ténacité à défendre la Lozère en particulier et la montagne en général ! Je voudrais évoquer la question de l'ICHN et de sa place dans le premier ou dans le second pilier de la PAC. À l'origine, cette aide s'appelait la « prime à la vache tondeuse » ; or, le mot « vache » renvoie plutôt au premier pilier, alors que « tondeuse » renvoie plutôt au second. J'ai le sentiment qu'à terme, le deuxième pilier sera une garantie moins solide que le premier.
Sur le fond, je crois en l'idée d'une enveloppe globale pour un territoire, qui responsabilise les agriculteurs et les amène à se demander ce que doit être l'avenir de leur filière d'exploitation. Lorsque Jacques Blanc était Secrétaire d'État à l'agriculture et que j'étais son directeur de cabinet, nous l'avions expérimenté concernant la filière bovine dans l'Aveyron, avec de très bons résultats allant bien au-delà du seul entretien des prairies. Ce système a depuis été abandonné au profit de la multiplication des aides et du saupoudrage, au détriment du développement local. À mon sens, une approche cohérente ne peut relever que de l'ordre économique, donc du premier pilier avant tout.
M. Jacques Blanc :
Mon raisonnement aujourd'hui plaide plutôt pour le second pilier. J'avoue cependant avoir évolué sur cette question. Et je ne suis pas le seul : le ministre de l'agriculture Bruno Le Maire, les professionnels eux-mêmes ont d'abord hésité entre premier et deuxième piliers et opté parfois pour le premier. Aujourd'hui, nous penchons pour le deuxième pilier, mais rien n'est figé. En réalité, cela dépendra des ventilations entre les deux futurs blocs, puisque l'appellation de « pilier » devrait être abandonnée.
J'ai pu rencontrer le commissaire Dacian Ciolos à Roquefort chez un grand homme de la montagne, André Valadier. Il m'a affirmé qu'un effort financier serait fait sur le second pilier et qu'il nous serait possible d'avoir de la souplesse et des adaptations dans l'emploi des aides.
M. Simon Sutour :
Lors de mon travail sur la politique régionale, j'avais trouvé logique que les sommes du FEADER pour le développement rural relèvent de la politique de cohésion plus que de la politique agricole. Mais j'ai compris que lors de leur transfert d'une politique à l'autre, il y avait un risque que ces fonds se perdent. Soyons pragmatiques : les aides pour la montagne relèvent du deuxième pilier de la PAC, assurons-nous qu'elles y restent !
Par ailleurs, je suis élu d'un département, le Gard, en partie montagneux et les agriculteurs y rencontrent de plus en plus de difficultés pour comprendre l'éligibilité et bénéficier des aides. Le système est beaucoup trop complexe et décourage certains d'entretenir les prairies. Il faut vraiment insister sur la simplification.
Enfin, je souhaite faire remarquer que l'agriculture méditerranéenne, qui concerne également, les montagnes, est une des oubliées de la PAC au profit des grands céréaliers. Il faut rééquilibrer les aides, car la petite agriculture méridionale, respectueuse de l'environnement et qui entretient les paysages, risque de disparaître.
M. Jacques Blanc :
Concernant le rééquilibrage, les choses ont évolué. Michel Barnier, quand il était ministre de l'agriculture, avait eu le courage de prélever sur l'enveloppe des céréaliers pour favoriser les petits éleveurs, ce qui a eu un impact certain sur l'agriculture de montagne. Mais il est vrai que l'agriculture méditerranéenne a été complètement abandonnée au niveau européen : la production de fruits et légumes, de vin, la culture sur des zones sèches n'ont pas été prises en compte. Je pense que l'évolution même des prix permettra une réaffectation des aides vers les productions qui en ont le plus besoin.
De plus, je souscris complètement à la nécessité de simplifier le fonctionnement des aides. Par exemple, le système des seuils dans la PHAE est ubuesque. La proposition de fusionner l'ICHN avec une PHAE pour la montagne que nous proposons doit se faire dans cette optique de simplification.
Concernant le lien entre politique de cohésion et politique agricole commune, je ne crois pas qu'il faille les opposer. L'adoption d'un niveau de régions intermédiaires permettra un rééquilibrage des fonds entre les régions et devrait assurer une plus grande solidarité vers des zones pauvres comme les montagnes présentes sur l'ensemble du territoire européen.
M. Pierre Bernard-Reymond :
Je voudrais d'abord remercier notre rapporteur pour les efforts qu'il a toujours faits pour défendre les montagnes et dont le rapport qu'il nous présente aujourd'hui est le témoignage. Je suis personnellement d'accord avec ses conclusions et les propositions concrètes qui sont faites.
Je souhaiterais simplement qu'on n'aborde pas la montagne sous le seul angle de l'agriculture. Dans les Hautes Alpes, le tourisme représente 80 % de l'activité économique. Le désenclavement est lui aussi un problème récurrent des zones de montagne qui n'est pas assez pris en compte. Je crois que dans une période ultérieure, il faudrait réfléchir à l'idée de présenter la montagne dans une perspective plus large que l'agriculture.
M. Jacques Blanc :
Je suis tout à fait d'accord et c'est pourquoi un équilibre entre politique de cohésion et politique agricole commune a été recherché dans le rapport. L'accessibilité a été évoquée, même si les transports ne sont pas le thème central du rapport. J'ajoute qu'en plus des transports routiers et autoroutiers, il ne faut pas oublier l'accès à l'internet à haut-débit et à très haut débit, secteur qui va conditionner l'ensemble des activités sur les territoires de montagne. Une participation financière substantielle de l'Union européenne aux plans de couverture est nécessaire pour le maintien et le développement d'un tissu économique sur les territoires de montagne.
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A l'issue du débat, la commission a autorisé, à l'unanimimté, la publication du rapport.