C. ACHEVER LES PROGRAMMES D'EXTENSION DE LA COUVERTURE MOBILE EN « ZONES BLANCHES »
Les programmes d'extension de la couverture en « zones blanches », qui ont un caractère obligatoire pour les opérateurs et devraient permettre de solutionner bon nombre de problèmes locaux, ont des bilans mitigés . Ainsi qu'il a été indiqué précédemment, la première tranche et le programme concernant les « axes de transport prioritaires » sont aujourd'hui en voie d'achèvement, tandis que la tranche complémentaire accuse un certain retard et que le lancement d'une phase supplémentaire est actuellement à l'étude.
Reporté à une date inconnue, le programme d'extension 2G se chevauche par ailleurs de façon problématique avec les opérations de « ran sharing » menées par les opérateurs dans le cadre de la 3G, qui devraient permettre d'obtenir une couverture identique dans cette technologie à celle existant en 2G.
Si ces programmes d'extension ne règleront certes pas tout, du fait notamment de leurs critères de couverture, il convient aujourd'hui qu'ils soient menés à bien dans les communes où ils n'ont pas pour l'heure été mis en oeuvre.
D. TROUVER DES ARRANGEMENTS AU « CAS PAR CAS » ENTRE LES DIFFÉRENTS ACTEURS EN FONCTION DES BESOINS LOCAUX
Il importe d'avoir à l'esprit, comme le reconnaît d'ailleurs l'Arcep, que l'achèvement des programmes d'extension de la couverture, en 2G comme en 3G, ne permettra pas d'obtenir une couverture intégrale des zones d'habitation, puisque le critère de mesure des communes en « zones blanches » est et demeure la couverture du « centre-bourg ». Ainsi, toutes les communes en « zones blanches » seront à terme considérées comme traitées, sans que l'intégralité de leur population ne le soit pour autant.
Or, s'il est impossible, ainsi qu'il a été indiqué, de « forcer » la main aux opérateurs pour les contraindre à couvrir, en 2G et 3G, des zones qu'ils n'étaient pas censés desservir au regard des exigences de leurs licences ou des programmes d'extension, il reste envisageable de les y inciter par la concertation et la négociation des conditions de leur implantation. Il s'agit désormais, en effet, de faire du « sur mesure » en rapprochant les différents acteurs concernés au niveau local en vue de mettre en oeuvre au cas par cas des solutions volontaires et adaptées.
L'organisation institutionnelle ne facilite pas nécessairement ces rapprochements. L'ADF s'est ainsi plainte de l' absence d'une instance de concertation qui permettrait de rapprocher les acteurs pour la 2G, alors qu'elle existe pour la 3G sur le programme d'extension en « zones blanches ». Dès lors, les collectivités se retrouvent isolées et dépendantes des informations fournies par les opérateurs qui acceptent de les rencontrer. Votre rapporteur préconise à cet égard la mise en place d'un tel « comité de pilotage », au niveau national comme à de moindres échelles territoriales.
Les rapprochements que permettraient de telles structures ne doivent pas avoir un caractère ponctuel, mais être pérennisés et s'inscrire dans une planification des besoins numériques locaux dans toutes leurs dimensions. Or, existent déjà -ou du moins sont en cours d'élaboration- des instruments permettant de recenser les projets de développement du très haut débit fixe à l'échelle locale : il s'agit des schémas directeurs d'aménagement numérique des territoires (SDANT), dont la « loi Pintat » 9 ( * ) a prévu l'élaboration. Votre rapporteur estime qu'il serait particulièrement judicieux pour les collectivités d' intégrer une composante « téléphonie mobile » dans ces documents. Les liens entre très haut débit et téléphonie mobile sont en effet étroits, dès lors que le « fibrage » des pylônes émetteurs sera dans la plupart des cas nécessaire pour la dernière génération de réseau mobile, la 4G.
Sur le fond, la « marge de manoeuvre » dont disposeront les acteurs sera assez étroite, si l'on considère comme acquis qu'une couverture plus large du territoire ne peut être imposée unilatéralement aux opérateurs.
Il doit être encore possible d' optimiser à la marge le réseau existant en réglant au mieux la direction et le niveau d'émission des antennes, mais dans une faible mesure. Les opérateurs, qui ont tout intérêt à tirer le maximum de rendement de chacun de leur site, nous ont en effet confié qu'un tel « réazimutage » ne permettrait pas de gagner des surfaces de couverture significatives. Il serait sans doute opportun également d'évaluer l'efficacité de réémetteurs, sur laquelle votre rapporteur a recueilli des informations contradictoires ne permettant pas d'être fixé sur l'intérêt d'une telle solution technique.
Il faut par ailleurs pousser autant que possible les opérateurs à « mutualiser » leurs équipements , ce qui réduit les coûts et augmente la qualité de service, comparativement aux solutions d'itinérance 10 ( * ) . Ces dernières font en effet l'objet de limitations, notamment dans le cas où les prestations sont assurées par plusieurs opérateurs différents sur des zones rapprochées. En ce cas en effet, il peut y avoir nécessité d'une reconnexion lors d'un changement d'opérateur, entraînant de facto la coupure momentanée de la transmission. Si cela ne pose par de problème en cas de position stationnaire, il peut donc y avoir des coupures en mobilité, ce qui peut être gênant pour les conversations téléphoniques, mais aussi, en 3G, pour la consultation de pages Internet ou la visioconférence.
L'aspect économique est évident dès lors que le coût des infrastructures (passives, voire également actives) est partagé entre les différents opérateurs. C'est d'ailleurs la démarche finalement privilégiée pour l'extension de la couverture 3G, sous une forme appelée « ran sharing ». Quant au confort d'utilisation pour l'usager, il provient de l'absence de coupure en cas de passage d'un émetteur à un autre, que connaissent en revanche les solutions d'itinérance 11 ( * ) .
Si elle n'est pas forcément spontanée, du fait de stratégies différentes d'un opérateur à l'autre, elle peut être en revanche provoquée par les collectivités. Ainsi, le département de la Manche a fait procéder à une étude sur le réseau optimal de couverture mobile : il en résulte que la mutualisation aurait permis d'avoir aujourd'hui une couverture supérieure, de plus de 99 % de la population, pour un moindre coût. Manche numérique va à présent identifier les 50 points hauts restant à mutualiser pour obtenir une couverture de 100 % de la population.
Au-delà de la mutualisation, qui constitue en quelque sorte le support technique des déploiements dans les zones non encore couvertes, reste à régler le problème de leur financement. Là encore, le partage de l'effort financier semble s'imposer. Il est évident que les opérateurs n'iront pas investir dans des zones reculées du territoire dont la rentabilité est nulle, et même négative. Mais il est également patent que les collectivités ne peuvent assumer seules de tels déploiements : les communes concernées, par définition petites et rurales, n'en n'ont pas les moyens, et les départements souvent pas davantage, beaucoup n'ayant pu participer à la phase 1 du programme d'extension de couverture en « zones blanches ».
C'est donc à un partage du financement entre ces acteurs -mais également l'État, qui aurait en matière d'aménagement du territoire une responsabilité à assumer- qu'il faut aboutir, en recherchant au cas par cas , selon les carences de couverture recensées, les besoins exprimés et les souhaits d'investissement des collectivités, des solutions équilibrées et adaptées . Il n'y a pas lieu, à cet égard, d'édicter une règle ou un modèle à suivre, tout étant affaire de circonstances locales et de priorité donnée à la question. Aussi votre rapporteur appelle les collectivités, après avoir procédé à la vérification précise des « zones blanches » persistantes, à déterminer les espaces qu'elles souhaiteraient voir couverts et avoir si possible fait chiffrer le coût de leur desserte, dont la prise en charge est à négocier avec les opérateurs.
* 9 Loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique.
* 10 Dites aussi de « roaming ».
* 11 Sauf lorsque l'utilisateur se situe dans une zone couverte par une « grappe » de pylônes émetteurs.