E. FAIRE DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE UN CRITÈRE PRÉÉMINENT DANS LE DÉPLOIEMENT DE LA 4G
Après les technologies 2G (GSM) et 3G (UMTS), la 4G 12 ( * ) ( LTE , ou Long term evolution ) constitue le prochain « saut technologique » attendu dans la téléphonie mobile et, à ce titre, l'enjeu majeur pour l'aménagement de nos territoires dans son volet mobile. Permettant des débits théoriques jusqu'à une centaine de Mbit/s , la 4G ouvrira l'accès aux « nouveaux usages » du numérique (téléchargement de vidéos haute définition, visiophonie ...) de façon fluide et en situation de mobilité. Des réseaux 4G sont d'ores et déjà déployés dans certains pays asiatiques, notamment de pays nordiques et des États-Unis qui, pourvus de vieux réseaux pour ces derniers, ont fait le choix de passer directement à la norme 4G. Plusieurs équipementiers (Alcatel-Lucent, Nokia Siemens Networks, Huawei, Nortel, AT&T, Samsung ...) et opérateurs télécoms (Orange, Vodafone, T-Mobile, DoCoMo...) ont fait part de leur intérêt à développer des solutions de ce type dans les pays industrialisés.
En France, cette technologie en est encore au stade de l'expérimentation par les opérateurs . Le calendrier de développement est toutefois en passe d'être précisé. Les fréquences retenues pour ce réseau seront la bande à 800 Mhz, issue du « dividende numérique » résultant du proche arrêt de la télévision analogique et dite « en or » car permettant un très grand débit et une bonne couverture, et la bande à 2,6 Ghz. L' appel à candidatures pour les licences 4G permettant d'attribuer les fréquences nécessaires pour bâtir les futurs réseaux devrait être prochainement ouvert , d'ici la fin du premier semestre normalement. Si l'ensemble des modalités n'en est pas encore connu, notamment sur la façon dont seront proposées ces licences 4G, certains principes ayant des répercussions potentiellement majeures en termes de couverture territoriale encadrent déjà la procédure.
A l'occasion des Assises du numérique, au mois de novembre dernier, le ministre en charge de l'industrie, M. Eric Besson, a fait part d'un calendrier de déploiement « ambitieux » qui permettrait d'obtenir une couverture à 99 % de la population par au moins deux opérateurs mobiles d'ici 15 ans, conformément à l' objectif d'aménagement du territoire posé par le législateur, à l'initiative d'ailleurs du Sénat, dans la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, et que l'Arcep a eu l'occasion de souligner clairement. Il a par ailleurs indiqué que la procédure d'appel d'attribution des licences, qui sera ouverte aux quatre principaux opérateurs nationaux actuels, devrait prévoir des conditions plus favorables pour les opérateurs mobiles virtuels (dits MVNOs) afin de garantir le respect du principe de concurrence contrôlé par l'autorité du même nom. Enfin, le ministre a rappelé l' objectif de valorisation du patrimoine de l'État que le Gouvernement devra prendre en considération dans l'appel à candidature. Si aucune déclaration officielle n'a été faite en ce sens, un montant de 2 milliards d'euros est couramment cité comme attendu par le Gouvernement de la vente de ses fréquences 13 ( * ) , en vue principalement de résorber la dette de l'État.
Trois grandes obligations -concurrence, rentabilité, couverture- s'imposeront donc dans la procédure d'attribution des licences et écartèleront l'État entre son désir d'être rémunéré pour la vente des fréquences et sa fonction d'aménageur du territoire. Or, le Gouvernement pourrait être tenté de privilégier le critère financier au regard du contexte des finances publiques, et ainsi de réduire le niveau d'exigence du cahier des charges en matière de couverture territoriale. Une telle stratégie, si elle aurait des conséquences financières positives à très court-terme, se révèlerait finalement contre-productive à plus long terme : en effet, les contraintes qui ne seraient pas incluses dans les cahiers des charges devraient, un jour ou l'autre, être « payées » -et sans doute pour des montants bien plus importants- pour renforcer l'aménagement du territoire.
Au mois de juillet 2010 , l' Arcep a rendu publiques ses propositions de cahier des charges pour le lancement de la procédure d'attribution des licences pour le déploiement de réseaux mobiles à très haut débit. Outre le caractère ambitieux du calendrier proposé par l'Autorité, le trait marquant du document publié tient à l' importance accordée au critère d'aménagement du territoire . Le régulateur a ainsi insisté sur la nécessité de respecter, dans la procédure d'attribution de licences :
- des objectifs cibles ambitieux de couverture du territoire au niveau national et, ce qui est nouveau, de chaque département individuellement ;
- des obligations additionnelles de couverture d'une « zone de déploiement prioritaire » couvrant les trois quarts les moins denses du territoire ;
- l'obligation de répondre à des caractéristiques de performance en débit crête représentatives du très haut débit mobile ;
- une mutualisation du réseau et des fréquences, ce qui constitue là aussi une « première » ;
- l'accueil des MVNOs.
Certains de ces critères sont clairement destinés à éviter de reproduire la « fracture numérique » que l'on a connue sur la 2G et la 3G, et ont un caractère réellement novateur. Pour assurer un déploiement national homogène, la zone de déploiement prioritaire, moins dense, pourrait devoir être couverte à 50 % déjà après quatre ou cinq ans. Ceci exigera des investissements importants des opérateurs concernés, que le recours à la mutualisation auquel est favorable l'Arcep permettra toutefois de réduire substantiellement.
L' avis du Conseil d'État sur le projet de décret portant attribution des licences, demandé par le Gouvernement, a été rendu récemment mais n'est pas encore officiellement connu. Il s'inscrirait toutefois dans la droite ligne des propositions de l'Arcep et, conformément au cadre fixé par le législateur dans la « loi Pintat », serait favorable à un programme obligeant les opérateurs à fournir une couverture de 99,6 % dans les prochaines années, là où le Gouvernement entendait se satisfaire d'une telle obligation pour deux des quatre lots de fréquence à céder, les deux autres n'imposant qu'une obligation limitée à 90 %.
Votre rapporteur insiste sur l'importance fondamentale de « bien réussir » le passage à la 4G en matière d'aménagement du territoire . Il rappelle que cet objectif a été très clairement fixé par le Parlement, et qu'il conviendra de veiller très minutieusement à sa traduction dans les cahiers des charges, qui ne sont pas encore connus, sans pour autant décourager les opérateurs de soumissionner. Il faudra par ailleurs étudier très en amont l'architecture du réseau 4G, qui sera en partie seulement identique aux réseaux 2G et 3G, pour l'optimiser dans l'implantation des émetteurs en vue de couvrir une surface maximum de territoire. Ce travail d'étude et d'ingénierie doit être fait pendant qu'il en est encore temps, c'est-à-dire avant le début du déploiement du réseau, car les coûts d'ajustement seraient incomparablement plus élevés une fois celui-ci réalisé.
Votre rapporteur fait également remarquer que le déploiement rapide d'un réseau 4G performant dans les zones reculées du territoire permettra d'y pallier l'absence , pour sans doute encore un certain nombre d'années, de la fibre optique , non rentable dans ces espaces ruraux sauf à faire l'objet d'importantes subventions publiques. De par ses performances très élevés, la 4G permettra en effet aux utilisateurs d'accéder au très haut débit par la voie mobile, dans des conditions se rapprochant de celles de la voie fixe. Le développement massif des équipements mobiles propres à assurer une telle réception et permettre une navigation dans des conditions d'ergonomie satisfaisantes ( smartphones , tablettes tactiles, clés 3G ...) rendra en effet possible une substituabilité des technologies fixes et mobiles de très haut débit.
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Réunie le 9 mars 2011, la commission a adopté ce rapport d'information, le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen s'abstenant. |
* 12 En réalité proto-4G, la 4G au sens technique étant représentée par les technologies LTE-Advanced et Gigabit WiMAX, pas disponibles avant la fin de la décennie.
* 13 A titre de comparaison, les licences 3G avaient été cédées chacune 619 millions d'euros, puis la licence de Free attribuée en début d'année pour 240 millions.