Audition de MM. Frédéric Van ROEKEGHEM,
directeur général,
et Hubert ALLEMAND, médecin conseil national,
de la Caisse nationale d'assurance maladie
des travailleurs salariés
(mercredi 23 juin 2010)

M. François Autain, président - Nous accueillons aujourd'hui MM. Frédéric Van Roekeghem, directeur général, et Hubert Allemand, médecin-conseil national, de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

Conformément aux termes de l ' article 6 de l ' ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, MM. Frédéric Van Roekeghem et Hubert Allemand prêtent serment.

M. François Autain, président - Je vous propose de commencer par un exposé liminaire, monsieur le directeur général. Vous répondrez ensuite aux questions de notre rapporteur.

M. Frédéric Van Roekeghem - L'assurance maladie, qui, comme vous le savez n'est pas compétente pour l'élaboration des politiques vaccinales, a été associée par le Gouvernement, à compter du 9 juin 2009, à la préparation de l'organisation de la vaccination contre la grippe A, selon les modalités définies par les ministres.

Une première réunion s'est tenue le 9 juin, sous la responsabilité du cabinet du ministre de la santé, au cours de laquelle nous avons été informés du souhait du Gouvernement d'engager une opération de vaccination relativement importante. Il nous a été demandé de veiller à l'accélération de la vaccination de la grippe saisonnière pour pouvoir dégager, dans un second temps, l'organisation de vaccination contre la grippe A, et de faire des propositions pour cette organisation.

Nous avons obtenu confirmation de ces instructions par écrit, auprès du directeur général de la santé. Nous nous sommes réunis dès le 15 juin, de manière à déterminer les modalités d'organisation en interne et faire un certain nombre de propositions.

Le 17 juin, nous avons donné confirmation au Gouvernement que nous étions capables de segmenter nos bases de données et de les exploiter pour pouvoir préparer, selon les modalités définies par la direction générale de la santé et le ministère, l'organisation de la convocation des patients. Nous avons commencé à réfléchir à l'organisation que nous pourrions retenir, pour pouvoir assurer l'envoi des coupons de vaccination et leur exploitation.

Une des demandes du Gouvernement était notamment d'assurer la traçabilité. Je rappelle qu'à l'époque il était prévu deux injections. Pour des raisons de sécurité sanitaire, la deuxième injection devait être assurée avec le même vaccin, voire un vaccin appartenant au même lot que celui utilisé pour la première.

Au cours du mois de juin, la solution organisationnelle a été largement définie. A ma connaissance, les grandes hypothèses avaient été arrêtées, notamment au regard de la taille de la population-cible et du calendrier prévisionnel d'acquisition des vaccins.

A partir de ce moment, tout est allé relativement vite, puisque nous nous sommes organisés, dans le courant du mois de juillet, pour développer les applications permettant d'extraire les listes de personnes concernées. Nous avons sollicité une autorisation exceptionnelle pour déroger aux codes des marchés publics, notamment à la mise en concurrence, pour sous-traiter l'exploitation des coupons qui nécessitaient, dans les hypothèses qui avaient été prévues, des machines de lecture automatisée de données relativement performantes. Nous nous sommes adressés au marché, et nous avons sélectionné une entreprise qui nous paraissait être la seule à répondre dans les délais, et à même de faire face à cette charge potentielle.

Par un courrier du 31 juillet 2009, le directeur de cabinet de la ministre nous a autorisés à passer un marché d'urgence impérieuse, dans les conditions de l'article 35-II-1° du code des marchés publics.

Toutefois, alors que nous aurions pu nous contenter d'un simple marché à bons de commande, dans des formalités relativement allégées, nous avons tenu à passer un marché en bonne et due forme, comportant une tranche ferme et une part variable dans ce marché. La première correspondant à l'acquisition de la solution d'exploitation, d'un montant de 14 millions d'euros, dont 6 millions de machines, que nous avons récupérées.

La deuxième tranche comportait une rémunération pour l'exploitation des coupons, dégressive par tranches de 20 millions de coupons. Le choix de prévoir des tranches était lié à l'incertitude quant à la réaction de la population par rapport à la vaccination, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ayant une expérience dans ce domaine du fait de la vaccination saisonnière.

Dans les opérations de vaccination, on le sait, même dans des opérations de vaccination courante, il y a toujours une incertitude quant à la réaction de la population par rapport à la perception de l'utilité de cette vaccination.

Ainsi, l'extension de la vaccination antigrippale saisonnière aux populations à risque, qui s'est faite récemment, connaît une montée en charge progressive. Le taux de vaccination des personnes de moins de 60 ans à risque reste inférieur aujourd'hui à celui des personnes de plus de 65 ans, qui étaient la première cible de cette vaccination. On sait qu'il y a une incertitude dans ces programmes.

M. François Autain, président - Vous êtes-vous déjà lancé dans une vaccination massive de la population ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Non.

M. François Autain, président - C'était une première pour vous ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Oui. Néanmoins, notre anticipation était qu'il y avait une inconnue : le montant exact du nombre de personnes qui pourraient être vaccinées. Nous avons intégré ce fait dans notre réflexion sur l'acquisition de l'exploitation des coupons, sachant que nous n'étions pas, contrairement à ce qui se passait pour les vaccins, dans une situation où la ressource était rare. Si on a plus de coupons, on peut mobiliser plus de personnes pour les exploiter, plus de machines. La ressource n'était pas rare. On pouvait anticiper cette variabilité.

C'est dans ce contexte que nous avons opté pour une tranche entièrement variable en fonction du nombre de coupons exploités, ce qui nous a permis de ne payer que pour 6 millions de coupons, en fonction de ce qui était réellement « remonté » pour exploitation dans les centres.

J'ai omis de dire que toutes ces opérations ont fait l'objet d'une attention particulière de la Commission Nationale Informatique et Liberté. Il a fallu un décret pour les organiser, que le gouvernement a pris dans des conditions de délai relativement restreintes. Nous avons dû adapter le marché au fur et à mesure, notamment pour tenir compte du souhait qui a été exprimé dans le courant de l'opération, de pouvoir disposer d'une sécurité renforcée d'accès, à travers un système de sécurisation qu'on a appelé des « Token », des jetons, que nous avons distribués, et de la mise en place d'un site Web qui s'est faite dans le courant de l'automne.

Pour le reste, l'assurance maladie a été mise à contribution de façon relativement soutenue, puisque nous avons participé aux comités de pilotage départementaux mis en place par les préfets. Toutes les caisses primaires ont été sollicitées pour pouvoir recevoir les appels de nos assurés et les informer de l'organisation de la campagne, que ce soit au niveau de l'accueil physique, de l'accueil téléphonique, ou des pages locales de notre site ameli.fr.

Nous avons été sollicités pour éditer des bons de vaccination pour les publics prioritaires. Nous avions d'ailleurs accepté de prendre en charge l'édition des bons de vaccination pour les publics sensibles qui n'étaient pas dans nos bases, notamment les personnes en situation irrégulière qui pouvaient résider sur le territoire national.

Nous avons émis à la fois des demandes de réédition de coupons pour des publics prioritaires, par exemple des femmes enceintes, dont la maternité n'était pas connue au moment où les bases ont été exploitées, ou d'autres personnes : soit environ 250 000 bons de vaccination édités par les caisses primaires.

Nous avons mis en place une plate-forme spécifique : environ 400 000 contacts ont été traités sur le thème de la grippe A par les agents de l'assurance maladie. Nous avons enfin mis des personnels à disposition à la fin de l'année 2009. L'ordre de grandeur du nombre de personnels de l'assurance maladie, praticiens-conseils ou personnels administratifs, qui participaient à l'organisation des centres était de 800.

Voilà, monsieur le président, tracé relativement rapidement, en quoi l'assurance maladie a été sollicitée et a participé à l'organisation de cette vaccination.

M. Alain Milon , rapporteur - J'ai beaucoup de questions, monsieur le directeur général. Je vais vous les poser une par une de manière à établir un dialogue entre vous et nous. Il y aura des questions qui concernent la gestion de la pandémie directement. D'autres concerneront la participation de l'assurance maladie aux dépenses liées à la grippe. Certaines enfin auront trait à la vaccination contre la grippe saisonnière 2009-2010.

Nous allons commencer par deux questions sur la gestion de la pandémie. Mes collègues en auront peut-être d'autres en complément.

Aviez-vous un avis sur la place de la vaccination dans le dispositif de lutte contre la pandémie ? Avez-vous été consulté sur la résiliation d'une partie des commandes de vaccins ? Quel jugement portez-vous sur l'organisation logistique de la campagne de vaccination H1N1 ? Comment concevoir, selon vous, un dispositif de vaccination pandémique « révisable » en fonction de la gravité de la maladie et de la définition des populations-cibles ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Sur la question de la place de la vaccination dans le dispositif de lutte contre la pandémie, je passerai la parole à M. Hubert Allemand, puisque cela me paraît être une question d'ordre médical. Comme vous l'avez bien compris, notre intervention a été postérieure aux grandes décisions qui ont conduit le gouvernement à décider l'ordonnancement des opérations et qui, à ma connaissance, se sont déroulées dans le courant du mois de mai.

Sur la résiliation des commandes, j'ai fait une démarche personnelle, le 15 décembre, auprès du directeur de cabinet de Mme la ministre de la santé, pour lui recommander, après une discussion relativement approfondie, d'envisager de résilier un certain nombre de commandes de vaccins. Je ne crois pas d'ailleurs avoir été le seul à faire cette démarche.

Je rappelle que nous avons conservé assez longtemps l'hypothèse de la double vaccination au niveau européen. Assez tardivement, quand cette hypothèse a été levée et que les autorisations ont été clarifiées, il est apparu de façon évidente que le dispositif qui avait été calibré pour l'injection de deux vaccins n'était plus adapté.

En ce qui me concerne, j'ai considéré le 15 décembre que les choses étaient suffisamment claires pour que je puisse faire cette démarche. J'ai d'ailleurs renouvelé le même jour la même démarche auprès des directeurs du ministère de la santé, les incitant à la relayer auprès des autorités politiques.

A ma connaissance, les démarches faites en ce sens ont conduit le directeur de cabinet de la ministre à examiner les conditions dans lesquelles pouvait être envisagée une résiliation des contrats, et notamment à mener un certain nombre d'études juridiques qui permettaient de sécuriser cette résiliation au regard des conséquences prévisibles, c'est-à-dire des demandes d'indemnisation des différents laboratoires concernés. Ce qui a conduit à la décision prise par le Gouvernement et annoncée au début du mois de janvier.

En ce qui concerne l'organisation logistique de la campagne de vaccination H1N1, nous en avons discuté avec M. Hubert Allemand qui, comme vous le savez, a beaucoup oeuvré dans le domaine de la prévention et de la vaccination grippale. La difficulté de cette opération, si on essaie de prendre un peu de recul, est qu'il est assez difficile de prévoir, dans les opérations de cette nature, quelle va être la réaction de la population concernée par rapport à la perception du risque et du rapport bénéfice-risque que représente le vaccin.

Nous avions nous-mêmes fait un sondage à l'automne qui montrait clairement que la population française était relativement réservée à l'idée de la vaccination, à hauteur de 60 % des Français. Néanmoins, dans l'hypothèse où le virus aurait été considéré comme dangereux, où la situation se serait aggravée, 75 % des Français considéraient qu'ils se seraient fait vacciner. On était face à une « volatilité » de la décision qui n'était pas simple à gérer.

A posteriori , il est facile de dire que le virus s'est avéré moins dangereux que ce qu'on avait craint. Tant mieux d'ailleurs. Pour la décision publique, évidemment, comme elle est prise ex ante , ce n'est pas très simple d'anticiper tout cela. En matière d'organisation, notre question a posteriori a été de se demander comment mieux faire demain. C'est une question qui peut se poser.

On peut distinguer des cas relativement différents, suivant qu'on est face à un virus dont la létalité est extrêmement élevée, ou relativement mesurée - ce qui n'est pas toujours facile à anticiper - et que le vaccin est rare ou qu'il est disponible.

Dans un cas où un virus est relativement peu dangereux et où le vaccin n'est pas rare, on voit que la distribution de monodoses par un ensemble d'acteurs est beaucoup plus efficace qu'une organisation de type centre de vaccination, car on ne paie que les vaccins effectivement consommés.

A l'inverse, face à un virus très létal et à un vaccin rare, voire très rare, la question de la priorisation, au regard de la responsabilité vis-à-vis de la population et du risque pour la population, se pose. La maîtrise de la distribution et de l'injection du vaccin est vraisemblablement la solution adaptée.

Restent les deux autres cas : le virus est moins grave et les vaccins sont rares ; le virus est très grave et le vaccin est disponible.

Si le virus est très grave et que le vaccin est disponible, plus on a de gens pour le distribuer et le rendre accessible à la population, mieux c'est. Initialement, dans cette affaire, je crois que l'analyse de risque menée était que le virus risquait d'être grave par une recombinaison d'un virus H1N1 partiellement humain, porcin et aviaire. Je parle sous le contrôle de M. Hubert Allemand. Donc, existait la crainte d'un virus relativement létal et d'un vaccin relativement rare.

Au moment où la vaccination est arrivée, le vaccin n'était pas abondant. On s'est aperçu que le virus était finalement moins agressif que ce qu'on pouvait craindre. On est resté, en tout cas dans les premières semaines, dans une situation de relative rareté du vaccin. Ce dernier est arrivé, par la suite, en grand nombre.

Tout cela pour dire qu'on peut toujours s'améliorer. C'est évident. Il ne faut cependant pas ignorer que, dans ces affaires, il existe une grosse incertitude qui touche à la létalité du virus et à sa capacité de se diffuser plus ou moins rapidement au sein de la population.

Les pouvoirs publics qui sont en situation de prendre les commandes ont à gérer cette incertitude, ce qui n'est pas simple. Indépendamment du fait que nous souhaitons récupérer une partie des sommes engagées - nous allons peut-être y venir - il faut objectivement tenir compte du fait que la décision publique, au moment où elle doit être prise, doit gérer l'incertitude. Evidemment, la précaution tend à ce qu'on gère...

M. François Autain, président - Quand vous parlez de précaution, ce n'est pas le principe de précaution.

M. Frédéric Van Roekeghem - Si.

M. François Autain , président - On vient de nous rappeler qu'en ce qui concerne la grippe, ce n'était pas le principe de précaution auquel il fallait faire référence. Il est important pour nous de savoir ce qu'on met derrière les mots.

M. Frédéric Van Roekeghem - La décision publique, au moment où elle est prise, doit gérer ces incertitudes, et ce n'est pas simple. Finalement, on s'est aperçu que certaines hypothèses faites initialement sur la dangerosité du virus n'étaient pas tout à fait confirmées. La question qui peut se poser pour l'avenir est de savoir si on peut disposer d'une organisation plus modulable, qui puisse évoluer de façon relativement souple sur une période de l'ordre de quelques mois.

M. François Autain, président - Par exemple, un contrat par tranche.

M. Frédéric Van Roekeghem - Pour les acquisitions de vaccins, c'est une autre affaire. Je ne vous cache pas qu'ayant un peu d'expérience sur ces sujets, s'il était possible de négocier les réservations de capacité, comme on le fait dans le cadre des produits optionnels dans le monde économique, je pense que ce serait souhaitable.

M. François Autain, président - C'était possible.

M. Frédéric Van Roekeghem - Il ne m'appartient pas de le dire, car nous n'avons pas été associés à la négociation, et je ne considère pas avoir la compétence pour porter un avis sur ce point. En théorie, ce serait souhaitable. On s'est trouvé face à une situation dans laquelle la très grande majorité des Etats souhaitaient acquérir des vaccins. Le nombre de producteurs de vaccins au niveau mondial est relativement limité. La rareté créant la rente...

M. François Autain , président - Ils sont trente-cinq. Etes-vous d'accord avec ce chiffre de trente-cinq fabricants de vaccins ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Je ne sais pas, honnêtement. Il n'en apparaît pas trente-cinq en tout cas. Si on regarde les acquisitions faites par la France, les gros producteurs ne doivent pas être aussi nombreux.

M. François Autain, président - Il ne me semble pas. C'est le directeur général de la santé qui nous a cité ce chiffre.

M. Frédéric Van Roekeghem - Alors, il doit être juste. Plus l'organisation est souple et adaptable, mieux c'est.

M. Alain Milon , rapporteur - Ce sera une des conclusions du rapport. Pendant l'évolution de l'épidémie sur le territoire national, aviez-vous des remontées de vos caisses primaires sur la gravité ou l'absence de gravité de cette épidémie ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Non. Comme vous le savez, nos bases de données ne comportent pas d'éléments de diagnostic.

M. Alain Milon , rapporteur - Je ne parle pas au niveau du diagnostic, mais au niveau des arrêts de travail.

M. Frédéric Van Roekeghem - Nous n'avons pas suivi la grippe A sur la base des remontées du réseau de l'assurance maladie, mais M. Hubert Allemand exploitait régulièrement toutes les publications internationales, notamment américaines et anglaises, sur l'analyse de la situation.

M. Hubert Allemand - Comme beaucoup, nous suivions l'actualité au jour le jour sur cette question, notamment sur la dangerosité du virus - sa virulence - et sa capacité à se transmettre. Il est vrai qu'à la fin de l'épisode - vous allez être étonnés - on a vécu un certain nombre de surprises. Tout ce qui vient d'être dit, je le souligne, a été vécu dans un contexte qui dépassait celui de notre pays. Il y avait même des organismes internationaux qui prenaient des positions importantes, comme l'OMS. Tout cela a été pris en compte par nos responsables.

On n'a pas eu de remontées sur les caractéristiques de l'épidémie, pour répondre précisément à votre question, mais des remontées spontanées, « au fil de l'eau » et qui n'avaient pas de caractère officiel. Elles reflétaient plutôt les réactions de la population et des professionnels face à la proposition de vaccination. Il nous a été dit qu'il y avait peu d'adhésion, notamment de la part des professionnels, mais c'était connu de tout un chacun. C'était plutôt ce type d'informations qui remontait.

Pour ce qui est de la place de la vaccination dans les épidémies, nous avons surtout l'expérience de la grippe saisonnière. On peut dire un mot de cela. On verra que la pandémie H1N1 nous pose un certain nombre de questions. Pour la grippe saisonnière, on sait que le vaccin est efficace chez les jeunes et chez les adultes. Cela a été montré. C'est efficace sur le plan immunologique, c'est efficace pour diminuer le nombre de syndromes grippaux, mais, dans le cas de la grippe saisonnière, ces populations ne font pas beaucoup de complications. Je parle bien des jeunes et des adultes.

M. François Autain, président - Sur quel niveau de preuves vous fondez-vous pour dire que le vaccin est efficace ?

M. Hubert Allemand - Sur les études, sur les données acquises de la science, appuyées sur une bibliographie internationale abondante. Il existe énormément d'études qui ont analysé, dans de bonnes conditions scientifiques, la réaction des jeunes et des adultes jeunes au vaccin. En revanche, c'est beaucoup plus controversé et difficile à montrer chez les populations dites âgées, au-delà de 65 ans.

M. François Autain , président - Celles qu'on vaccine habituellement.

M. Hubert Allemand - Pourquoi en est-il ainsi ? Le système immunitaire des personnes âgées est moins réactif face à un vaccin mais cela ne veut pas dire que l'organisme ne répond pas. Il répond de manière moins forte. Par contre, l'âge a une forte incidence sur le risque de complications, et donc de décès. Ce risque augmente de manière exponentielle à partir de 65 ans. Et le risque de complication se traduit aussi par un nombre d'hospitalisations très important.

C'est pourquoi, paradoxalement, même si la vaccination est moins efficace pour les personnes âgées, elle est recommandée, en raison du risque de complications. Beaucoup d'études ont été faites sur l'efficacité de la vaccination chez les personnes âgées. Et l'on peut s'appuyer sur les méta-analyses réalisées - une centaine d'études. Vous savez que l'essai thérapeutique est ce qui apporte la preuve : il n'y a qu'un essai, il va dans le bons sens, mais ce n'est pas significatif. Mais toutes les études sont des études de cohortes, c'est-à-dire qu'on compare des populations vaccinées à des populations non vaccinées, ou bien des populations avant et après une campagne de vaccination.

La grande majorité de ces études confirment les bénéfices de la vaccination chez les personnes âgées pour réduire les hospitalisations et les décès. Comme ce sont des études de cohortes, elles sont soumises à un certain nombre de biais.

Un biais important, que je veux souligner, est que la mortalité des personnes âgées pendant la période hivernale est liée pour 5 %, en moyenne, aux syndromes grippaux. Cela m'a frappé quand on parcourt la littérature. Cela veut dire que si on a un vaccin efficace - l'hypothèse est faite car c'est souvent ce qu'on retrouve - il diminue de 20 % la mortalité. Vous allez diminuer de 20 % les 5 %, c'est-à-dire que vous diminuez la mortalité de 1 %.

C'est difficile à prouver dans les grandes études de cohortes, sur une population générale. C'est d'autant plus difficile que, parmi ces 5 % de décès liés à la grippe, il y a des personnes extrêmement fragiles et qui ont moins de chance que les autres personnes âgées d'être vaccinées. Ce sont des personnes qui sont hospitalisées pour cancers, pour accidents vasculaires cérébraux... Si la grippe les atteint, elles vont décéder.

Même quand vous couvrez une population âgée à 70 % par la vaccination, vous voyez bien que, de toute façon, la mortalité se concentre sur une population assez réduite qui est la plus fragile. Cela doit d'ailleurs nous poser quelques questions.

Je rappelle que les valences qui sont dans le vaccin saisonnier sont décidées en février par l'OMS, pour l'épidémie de l'hiver qui arrive. Vous serez d'autant plus efficace sur la vaccination que votre vaccin va correspondre au virus circulant. Or, ce n'est pas toujours le cas. Nous en avons l'exemple cette année, puisqu'on a eu une couverture qui est plus satisfaisante que les années précédentes pour la grippe saisonnière, mais c'est surtout le virus H1N1 qui a circulé.

Vous voyez que beaucoup d'éléments interviennent quand on fait ces études. Il est vrai que, dans la littérature, les meilleurs experts aujourd'hui recommandent de vacciner les personnes de plus de 65 ans contre la grippe, mais d'autres personnes plus qualifiées que moi le diront sans doute, comme les membres du Comité technique des vaccinations.

Il semble donc que la vaccination soit efficace dans la grande majorité des cas, et elle est en outre efficace d'un point de vue coût-efficacité, notamment parce que la vaccination évite beaucoup d'hospitalisations.

Evidemment, la pandémie H1N1 nous a surpris par la facilité de transmission du virus, certainement par l'importance des formes inapparentes qui a contribué à ce qu'on a observé, par l'importance des formes graves chez les sujets jeunes. On dit qu'il n'y a pas eu beaucoup de décès, mais on a eu beaucoup plus de personnes jeunes en réanimation qu'au cours des grippes saisonnières. Ce qui est surprenant et ce qui montre bien...

M. François Autain, président - Avez-vous des chiffres sur ce point ?

M. Hubert Allemand - L'InVS a donné le nombre exact des personnes qui ont été admises en réanimation.

M. François Autain, président - Le chiffre est de l'ordre de 350.

M. Hubert Allemand - Ce sont les décès.

M. François Autain, président - Vous avez raison. Pour les hospitalisations en réanimation, le chiffre est je crois de l'ordre de 1 350.

M. Hubert Allemand - J'ai compris que le nombre de personnes hospitalisées dans les services de soins intensifs était supérieur à 1 000. Pour la mortalité, c'est plutôt le chiffre que vous avez dit précédemment, qui ne semble pas très important.

M. François Autain, président - Il y a eu 15 % de formes graves et de décès chez les jeunes.

M. Hubert Allemand - Ceci montre bien que ce virus avait un génie propre. Je ne sais pas s'il sera identique dans les années à venir, mais cela a été une très grande surprise par rapport à ce que nous pouvions observer en avril/mai 2009. Quand on fait le constat de ce qui s'est finalement passé, on est surpris par un certain nombre d'éléments. Cela montre bien la modestie que nous devons avoir devant ces phénomènes biologiques.

M. François Autain, président - Si j'ai bien compris - c'est là tout le paradoxe -, on conseille la vaccination pour diminuer de 1 % la mortalité des personnes à qui cette vaccination s'adresse. En revanche, on ne préconise pas la vaccination pour les jeunes et les adultes, pour lesquels elle est beaucoup plus efficace. Pourriez-vous dire si l'absence de vaccination a pour effet d'entraîner un surcroît de mortalité chez les enfants et chez les jeunes ?

M. Hubert Allemand - Pour la grippe saisonnière, l'affection n'étant pas habituellement d'une très grande gravité, il n'est pas recommandé de vacciner l'ensemble des jeunes et des adultes, sauf les personnes fragiles, c'est-à-dire celles qui ont déjà une pathologie chronique, comme toutes les personnes en ALD de moins de 65 ans.

Concernant la vaccination des jeunes enfants face aux épidémies grippales, une question se pose : est-ce une bonne stratégie de vacciner les jeunes enfants pour protéger les personnes à risque, c'est-à-dire les personnes en ALD et les personnes âgées, puisque c'est par les jeunes, on le sait bien, que se diffusent ces épidémies ?

Certains pays ont essayé d'expérimenter cette stratégie. Cela n'a pas été couronné de succès, mais c'est sans doute aussi parce que la logistique n'était pas parfaite pour les pays qui l'ont tentée à l'époque. Cela n'a pas été fait depuis, à ma connaissance. Des modèles montrent que cela pourrait rester pertinent dans certains cas, mais il faut se méfier des modèles. Il y a aussi une inconnue importante. J'ai posé la question mais je n'ai pas eu de réponse très pertinente sur ce point : on ne sait pas ce que cela ferait de stimuler un organisme, par un vaccin, tous les ans pendant des années et des années. Si vous commencez à cinq ans, quand arrêtez-vous ? Quarante ans de stimulation itérative du système immunitaire - je donne un chiffre au hasard - c'est une inconnue à laquelle la communauté scientifique ne peut pas répondre.

M. François Autain, président - C'est le principe de précaution.

M. Hubert Allemand - D'après les recommandations et les acquis de la science, il s'agit de s'orienter vers les populations dites à risque. Après, on peut plus ou moins affiner la définition de ces populations.

M. François Autain, président - En résumé, la vaccination qu'on préconise pour les plus de 65 ans a pour effet, chaque année, de réduire la mortalité. Dans quelle proportion ? Il y a 3 000 morts pour la grippe.

M. Hubert Allemand - C'est l'ordre de grandeur.

M. François Autain, président - Un pour cent, cela fait 30 morts.

M. Frédéric Van Roekeghem - Cela dépend de l'épidémie et de son ampleur.

M. Hubert Allemand - Certaines épidémies font 7 000 ou 8 000 décès par an.

M. François Autain, président - Disons moins d'une centaine de décès.

M. Hubert Allemand - Faut-il raisonner ainsi ?

M. François Autain, président - C'est une approche médico-économique.

M. Hubert Allemand - Là, on ne raisonne que sur les décès, mais vous avez aussi toutes les morbidités qui nécessitent des hospitalisations, et qui ont un coût humain important et un coût financier. C'est souvent une déstabilisation pour les personnes âgées qui risquent d'être institutionnalisées à cette occasion, alors qu'elles avaient un équilibre de vie. Chez les personnes âgées, les conséquences de la grippe ne se réduisent pas aux décès. La campagne de vaccination apporte aussi une baisse de la morbidité, donc une meilleure qualité de vie pour l'ensemble de cette population.

M. Alain Milon , rapporteur - On va passer aux participations de l'assurance maladie et aux dépenses liées à la grippe A. A combien estimez-vous actuellement le coût final de la gestion de cette grippe pour la CNAM ? A combien estimez-vous la participation de la CNAM aux dépenses de l'EPRUS concernant l'achat de vaccins, l'indemnisation des laboratoires, les achats de consommables et les dépenses logistiques ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Sur les dépenses internes de l'assurance maladie, c'est-à-dire hors achat de vaccins et participation à l'EPRUS, nous avons dépensé :

- 14,1 millions d'euros au titre de l'infrastructure, c'est-à-dire logiciels, conception de la solution, exploitation des coupons, etc. ;

- 28,6 millions d'euros pour l'éditique et surtout l'affranchissement : 26 millions d'euros d'affranchissement sont allés bénéficier au chiffre d'affaires de La Poste, pour l'acheminement d'un peu plus de 65 millions de convocations, donc de coupons.

M. François Autain, président - Pour combien de personnes vaccinées ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Pour 5,7 millions de personnes vaccinées d'après les remontées de la base.

M. François Autain, président - Ce sont 5,7 millions de personnes vaccinées sur 65 millions d'envois.

M. Frédéric Van Roekeghem - C'est assez proche du montant de la vaccination.

Nous avons eu des dépenses diverses à hauteur de 2,02 millions d'euros, ce qui fait un peu moins de 45 millions d'euros au total en interne.

M. François Autain, président - Que représentent ces 45 millions d'euros ?

M. Frédéric Van Roekeghem - C'est le total des coûts internes.

Le chiffre de 5,7 millions correspond aux coupons qui ont été remontés vers la base d'exploitation spécifique de suivi qui a été mise en place. On peut vous donner les derniers chiffres car cela varie encore un peu. On verra tout à l'heure que des vaccinations ont été faites par les médecins libéraux qui n'ont pas donné lieu nécessairement à renvoi de coupon en fin de période.

Les montants les plus importants sont constitués par les sommes que nous avons versées à l'EPRUS. Il faut distinguer d'un côté le montant des dotations ouvertes par la loi de financement et les lois de financement successives au titre des versements à l'EPRUS, dont le total depuis 2007 s'élève à 612,3 millions d'euros, dont 175 millions d'euros en 2007, 55 millions d'euros en 2008, 338,3 millions d'euros en 2009, et 44 millions d'euros en 2010, et de l'autre les versements.

Les versements à l'EPRUS ont été notablement inférieurs aux autorisations de la loi de financement puisque nous avons versé 40 millions d'euros en 2007, rien en 2008, 312 millions d'euros en 2009. Au total, à ce stade, sur les 612 millions d'euros autorisés au titre du versement à l'EPRUS par les régimes d'assurance maladie, nous n'avons versé que 352 millions d'euros.

M. François Autain, président - Qu'est-ce qui relève de la grippe H1N1 ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Cela figure dans les comptes de l'EPRUS. L'EPRUS est le plus à même de vous le dire. Un conseil d'administration de l'EPRUS s'est tenu en mai, auquel M. Hubert Allemand a participé. Pour 2009, d'après les données fournies par l'EPRUS, mais je pense que l'EPRUS sera auditionné...

M. François Autain, président - Il l'a été.

M. Frédéric Van Roekeghem - Le montant initialement prévu de 764 millions d'euros de dépenses de l'EPRUS a été ramené à 456 millions d'euros au titre de l'année 2009, dont 440 millions d'euros au titre de la grippe A.

Pour la seule grippe A, nous avons versé à ce stade, par rapport à la somme de 352 millions d'euros, 160 millions d'euros.

Je dois vous dire que, dès lors que le Gouvernement a annoncé qu'il souhaitait remettre en cause, et lorsqu'il a remis en cause, l'acquisition de 50 millions de doses de vaccins, j'ai sollicité les ministres de tutelle au début de l'année 2010, pour obtenir des instructions claires sur l'inscription dans nos comptes des sommes portées dans la loi de financement. C'était le 29 janvier 2010. Je leur ai proposé de suspendre tout versement à l'EPRUS, dans l'attente d'un réexamen de ses besoins de trésorerie. Je les ai interrogés sur la possibilité de constater ou non, dans les comptes des régimes d'assurance maladie, une recette résultant du non-versement de la totalité des sommes inscrites en loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Dans nos comptes, les règles actuelles sont que toutes les sommes inscrites dans la loi de financement sont portées systématiquement en dépenses dans les comptes des régimes d'assurance maladie, qu'elles donnent lieu ou pas à versement.

Dès lors que la loi de financement prévoit un montant, nous sommes obligés de verser ces sommes à une date qui sera ultérieurement définie. Nous avons porté en charges, en 2009, dans nos comptes, la totalité des sommes qui étaient inscrites dans la loi de financement. Néanmoins, il me paraissait clair que la remise en cause de l'achat de 50 millions de doses devait se traduire par un reversement au régime.

Par lettre du 5 mars 2010, les ministres m'ont répondu qu'il était obligatoire, au niveau comptable, de porter en dépenses les sommes inscrites dans la loi, mais qu'ils s'engageaient, une fois que les coûts de la grippe A (H1N1) et les conditions d'indemnisation des laboratoires seraient connus...

M. François Autain, président - Ils ne sont pas encore connus ?

M. Frédéric Van Roekeghem -... à reverser au régime d'assurance maladie la fraction non utilisée des dotations qui lui ont été attribuées. Cette restitution devrait être supérieure à 100 millions d'euros. Son montant exact sera définitivement arrêté dès lors que les conditions finales seraient connues et inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

M. François Autain, président - Avec GSK, les négociations ne sont pas terminées.

M. Frédéric Van Roekeghem - Je l'ignore. Nous ne sommes pas en charge de la négociation. Ce sont l'EPRUS et le ministère qui la mènent.

M. François Autain, président - D'accord, nous avons la réponse.

M. Frédéric Van Roekeghem - Nous attendons donc la constatation des conséquences économiques de la résiliation par le Gouvernement dans la prochaine loi de financement de la sécurité sociale.

M. Alain Milon , rapporteur - Devez-vous participer au financement des doses de vaccins destinées à des dons à l'OMS ou à des pays étrangers, en particulier de l'hémisphère Sud ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Je pense que nous y participerons indirectement, à travers l'EPRUS. L'EPRUS a été en charge d'acquérir les vaccins. Nous finançons à 50 % les opérations de l'EPRUS qui touchent aux postes de dépenses d'épidémiologie, de risques nucléaires, bactériologiques ou chimiques, de pandémies, et de certaines dépenses transversales - transport, stockage informatique, pharmaceutique, destruction de produits de santé - liées à ces risques. De ce fait, l'assurance maladie a supporté la moitié des sommes concernées.

M. François Autain, président - Qu'en est-il pour les sommes versées par les mutuelles ou les assurances complémentaires ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Il n'y a pas d'affectation des sommes versées par les mutuelles aux dépenses liées à la grippe H1N1.

M. Alain Milon , rapporteur - A combien s'élèvent actuellement les dépenses de la CNAM correspondant à l'indemnisation des professionnels de santé ? Une partie de ces dépenses doit-elle rester à la charge de l'assurance maladie ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Au 20 juin 2010, le coût de l'indemnisation des professionnels de santé libéraux s'élève à 12,36 millions d'euros, dont 8,5 millions d'euros au titre des médecins, 3,2 millions d'euros au titre des infirmiers, et des sommes pour l'instant très faibles au titre des médecins retraités.

L'indemnisation des professionnels de santé salariés s'élève à 1,47 million d'euros mais, comme vous le savez, ces indemnisations ne sont pas terminées du fait que nous ne pouvons payer que lorsque les sommes à verser nous sont notifiées.

M. Alain Milon , rapporteur - C'est la raison pour laquelle j'ai dit « actuellement ».

M. Frédéric Van Roekeghem - L'Etat devrait rembourser 120 000 euros au titre des réquisitions hors temps de service des personnels de l'assurance maladie, sur environ 2,3 millions d'euros. La valorisation de la charge des personnels salariés sur leur temps de travail n'est pas faite. Ce sont des sommes relativement modestes au regard de l'ampleur de l'opération.

M. Alain Milon , rapporteur - Depuis la mise en oeuvre de la vaccination ambulatoire, avez-vous une estimation du nombre de vaccinations réalisées depuis le 1 er février dans les cabinets médicaux ? A combien se sont élevées les dépenses de remboursement correspondantes ? Ces vaccinations ont-elles été effectuées dans le cadre de consultations ou sur la base de tarifs spécifiques ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Au 21 juin, 165 738 doses ont été délivrées par les officines de ville. Mais ce chiffre est à confirmer.

M. François Autain, président - 165 000 doses environ, donc.

M. Frédéric Van Roekeghem - Oui, dont 8 538 monodoses et 3 930 kits de 40 doses.

Le nombre d'actes de vaccination (VAC) est de 3 364. Le nombre de coupons renvoyés par les médecins de ville est de 17 000.

Il y a un écart assez important, car la vaccination peut se faire au décours d'une consultation. Les études faites dans les années antérieures sur la grippe saisonnière ont en effet montré que, pour les personnes âgées qui, comme vous le savez, consultent beaucoup plus régulièrement leur médecin que les personnes plus jeunes, à l'exception des enfants en bas âge, une vaccination sur deux environ était faite au décours d'une consultation pour une autre raison. C'est l'ordre de grandeur. Une personne âgée, ou qui va consulter pour son diabète ou une maladie cardio-vasculaire, va, au passage, se faire vacciner.

M. Alain Milon , rapporteur - Je pose ma dernière question. Je pense que vous avez répondu aux autres. Pouvez-vous nous dresser le bilan de la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière 2009-2010, c'est-à-dire le nombre de personnes vaccinées, le taux de couverture des populations à risques et le coût pour l'Assurance maladie ? Disposez-vous d'estimations du nombre de vaccinations effectuées hors achats en officine ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Sur la grippe saisonnière, on dispose effectivement d'une visibilité sur les chiffres. Ont été invités à se faire vacciner environ 12 millions de Français, tous régimes confondus, dont 9 080 000 personnes pour le régime général.

Nous estimons le nombre de personnes vaccinées au titre de la grippe saisonnière à 7 120 000 personnes, tous régimes d'assurance maladie confondus.

Le taux de vaccination est de l'ordre de 60 % du public ciblé. Il est plus élevé pour les personnes de plus de 70 ans. C'est la raison pour laquelle on essaie de faire monter le taux de vaccination entre 65 et 70 ans. Il ne s'élève dans cette dernière tranche d'âge qu'à hauteur de 55 %, mais il dépasse 65 % pour les personnes de plus de 70 ans. Plus on monte en âge, plus le taux est élevé, jusqu'à un certain âge où il décroît. La prise en charge des personnes de plus 85 ans est d'ailleurs un sujet de santé publique.

Nous avons aussi un taux de vaccination qu'il faudrait améliorer pour les personnes en affection de longue durée (ALD). Comme vous le savez, l'extension du champ de la vaccination de la grippe saisonnière à ces personnes à risque est relativement récente. Nous ne sommes donc encore qu'à 55 % de couverture vaccinale, hors champ des personnes âgées, pour les personnes à risques. Nous essayons d'augmenter ce taux.

M. Hubert Allemand - On peut même apporter une précision. On a un taux qui n'est pas très élevé avant 18 ans, et pourrait être amélioré, mais il y a surtout une chute très importante entre 18 et 22-23 ans pour les personnes en ALD. Cela correspond à une période où les jeunes quittent leur famille, prennent en charge personnellement leur santé et entrent dans un nouveau régime d'assurance maladie, qui est souvent le régime étudiant. Cela arrive par exemple pour des jeunes atteints de mucoviscidose ou d'asthme grave : on a un taux très faible de couverture vaccinale entre 17-18 et 24-25 ans.

A partir de 25 ans, cela remonte progressivement en fonction de l'âge, jusqu'à 65 ans. Je parle du taux de participation à la vaccination pour les ALD. Autrement dit, on a une participation qui est effectivement très variable selon l'âge. Cela doit nous inciter à avoir des actions plus ciblées sur les situations les plus préoccupantes.

M. Frédéric Van Roekeghem - Pour la campagne de vaccination de grippe saisonnière, le coût peut être estimé en 2009/2010 à environ 115 millions d'euros, tous régimes confondus, les vaccins représentant un peu moins de 50 millions d'euros, et les consultations des médecins et des infirmiers environ 65 millions d'euros. Les coûts d'envoi et d'affranchissement sont de l'ordre de 5 millions d'euros.

Il faut bien voir que, par rapport à la campagne de grippe A, la cible est beaucoup plus petite, puisqu'elle ne représente que 12 millions de personnes, c'est-à-dire un peu plus que cinq fois moins que la cible qui a été retenue en population générale pour la grippe A.

Le poste des dépenses vaccins est uniquement lié à la consommation. On achète à travers les réseaux d'officines. Seules les personnes qui se font vacciner paient le vaccin. Pour le poste consultation, ce n'est qu'une estimation. Il est en effet assez difficile, pour des personnes à risque ou de plus de 65 ans, d'estimer quelle est la part des consultations qui va être uniquement motivée par la vaccination.

Pour diminuer le coût de cette vaccination, nous avons introduit la possibilité de vaccination par des infirmières pour les personnes non primo-vaccinantes. Nous considérons que cette introduction a permis de faire baisser les coûts de la vaccination d'environ 13 % sur deux ans.

Concernant les achats réalisés hors officine, nous n'avons pas les informations, puisque le GERS (Groupement pour l'élaboration et la réalisation de statistiques), qui transmet au Comité économique des produits de santé les données statistiques, couvre les ventes en officine, les ventes en établissement de soins au sens large, mais le GERS ne tient en principe pas compte des ventes directes aux entreprises privées ou aux administrations. Nous n'avons dans nos bases de données que les chiffres de ce qui donne lieu à remboursement. Je pense que les données du GERS ne sont pas suffisamment exhaustives pour avoir ces données.

M. François Autain, président - J'ai encore quelques questions à vous poser. Vous nous avez indiqué tout à l'heure que 5,7 millions de personnes s'étaient fait vacciner contre la grippe H1N1. Vous a-t-il été possible de déterminer, parmi ces personnes, celles qui étaient à risques, de manière à pouvoir déterminer le taux de couverture des personnes à risques ?

M. Frédéric Van Roekeghem - C'est possible en exploitant la base de données qui a été constituée. C'est d'ailleurs l'objectif de cette base de données d'avoir un retour relativement précis de cette situation. Je précise que l'exploitation de cette base de données est soumise à des règles qui ont été fixées par la Commission Nationale Informatique et Libertés.

Elle peut être faite, de façon anonyme, par les caisses d'assurance maladie, ce qui suppose d'arriver à mettre en relation, de manière anonyme, nos bases de risques et de connaissances des situations médicales et la base qui a été utilisée pour la grippe. Nous ne l'avons pas encore fait. Nous avons une demande de l'AFSSAPS en ce sens, mais les autorités sanitaires, notamment l'InVS sont autorisées à traiter directement ces données en interne. Cette exploitation a été faite par l'InVS.

M. François Autain, président - Donc l'InVS pourrait nous répondre.

M. Frédéric Van Roekeghem - Oui.

M. François Autain, président - Pouvez-vous évaluer le nombre de consultations et d'indemnités journalières liées à la grippe H1N1 ?

M. Frédéric Van Roekeghem - C'est un sujet qui n'est pas simple. Vous savez qu'en 2009, il y a eu deux épidémies de grippe, en début d'année et en fin d'année. C'est une année un peu exceptionnelle. Nous avons procédé par différence. Nous avons regardé quelle était la différence par rapport au nombre de consultations que nous constatons d'habitude au titre de la grippe saisonnière traditionnelle, qui arrive entre septembre et janvier, et la grippe A.

Nous considérons que le surcroît de consultations par rapport à la moyenne d'une épidémie normale a été de l'ordre de 3,4 millions de consultations. Ce n'est pas exactement le montant du total des consultations au titre de la grippe A, c'est la différence entre une année normale et l'épisode épidémique A.

M. François Autain, président - Que faut-il conclure, si vous comparez cela avec les chiffres observés des épidémies antérieures ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Cela correspond à un surcoût. Chaque année, il y a une épidémie de grippe. La grippe A représente, par rapport à une année habituelle, un surcoût d'environ 114 millions d'euros pour le régime général. Je dirai que 95 millions d'euros sont imputables à H1N1 et 19 millions d'euros au titre de l'intensité plus importante que normale de la grippe de début d'année 2009. Cela a pesé sur les dépenses de soins de ville, comme sur les dépenses hospitalières. L'évaluation que je vous donne est bien sûr limitée aux soins de ville.

M. François Autain, président - En vertu de cet article qui avait fait débat - je dirai même polémique - de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010...

M. Frédéric Van Roekeghem - Je parle de 2009.

M. François Autain, président - Oui, mais pour 2010 maintenant.

M. Frédéric Van Roekeghem - Il n'y a pas eu pour 2010 d'épisode de grippe A.

M. François Autain , président - On n'aura donc pas l'occasion de mettre en oeuvre cet article qui prévoyait de ne pas prendre en compte les dépenses qui relèvent de la grippe H1N1 pour le déclenchement de la procédure d'alerte en cas de risque de dépassement de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM).

M. Frédéric Van Roekeghem - Sauf s'il y avait un deuxième épisode de H1N1 en 2010.

M. François Autain, président - Il faut être optimiste, vous avez raison !

M. Alain Milon , rapporteur - Avez-vous constaté, au niveau des médecins généralistes qui n'étaient pas concernés par la vaccination antigrippale H1N1, une action importante dans le cadre de la vaccination contre les infections à pneumocoque ?

M. Frédéric Van Roekeghem - Nous avons effectivement constaté une augmentation extrêmement sensible des vaccinations contre le pneumocoque. Nous avions relayé les recommandations de la Direction générale de la santé, via notre lettre aux médecins. Nous avions d'ailleurs envoyé copie de la lettre de la Direction générale de la santé par une lettre aux médecins, datée du 7 juillet 2009. Dans notre numéro d'août-septembre, nous avons relayé la recommandation d'augmenter la prévention contre la bactérie concernée.

Tous régimes, on estime à 1,08 million le nombre de vaccins « pneumo 23 » remboursés par l'assurance maladie entre juin 2009 et mai 2010. Cela représente 800 000 vaccins de plus que sur la même période de l'année précédente. Il y a eu une multiplication par 5 du nombre de vaccinations contre le pneumocoque. Nous avons les courbes de vaccination depuis 2003. On voit qu'il y a effectivement une explosion par rapport à la vaccination habituelle de la vaccination contre le pneumocoque. Les sommes en jeu sont relativement faibles puisque le prix du vaccin est de 13,87 euros. Il est remboursé au taux moyen de 77 %, cela représente 8,7 millions d'euros.

M. Alain Milon , rapporteur - Et c'est un vaccin qui dure cinq ans et qui protège contre toutes les complications pulmonaires de la grippe. On n'a peut-être plus besoin de se vacciner contre la grippe après.

M. Frédéric Van Roekeghem - Effectivement, il y a eu une mobilisation des médecins libéraux sur le pneumocoque. Il y a eu aussi d'assez bons résultats sur la grippe saisonnière. J'ai omis de vous dire que, par rapport à l'année précédente, nous avons, conformément aux instructions qui avaient été données par la ministre de la santé, anticipé la vaccination et réduit les délais de la vaccination de la grippe saisonnière très substantiellement, tout en gardant une couverture vaccinale de l'ordre de grandeur de celle de l'année précédente, même légèrement meilleure.

Pour cela, on a changé notre organisation pour pouvoir gagner quelques semaines, par rapport à l'année précédente. Les coupons de vaccination de la grippe saisonnière ont été envoyés dès que le vaccin a été disponible. Nous étions organisés spécifiquement avec La Poste pour cela.

M. François Autain, président - Vous avez été tenus à l'écart de la négociation pour les contrats.

M. Frédéric Van Roekeghem - Cela n'est pas de notre responsabilité.

M. François Autain, président - C'est tout à fait normal, vous êtes là uniquement pour payer. On est bien d'accord.

M. Frédéric Van Roekeghem - Je ne dirais pas cela.

M. François Autain, président - Alors que diriez-vous ?

M. Frédéric Van Roekeghem - La négociation doit être menée par celui qui est acheteur.

M. François Autain, président - Vous n'êtes pas acheteurs, vous êtes payeurs, c'est tout.

M. Frédéric Van Roekeghem - Nous ne sommes pas acheteurs, c'est l'EPRUS qui l'est. Nous payons dans les conditions qui sont définies par le Parlement. Néanmoins, comme vous l'avez bien compris, nous nous sommes mobilisés, au moment qui nous est paru opportun, pour remettre en cause des acquisitions qui nous paraissaient relativement importantes et allaient au-delà de ce qui était raisonnable.

M. François Autain, président - Celui qui paie décide.

M. Frédéric Van Roekeghem - Ce n'est pas l'organisation qui est retenue en matière de vaccination.

M. François Autain, président - S'il n'y a plus de questions, je vais lever la séance en vous remerciant, monsieur le directeur général, de votre contribution qui nous aura été très utile.

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