Audition de M. Jérôme SCLAFER,
membre du Comité technique des vaccinations (CTV)
rattaché à la commission maladies transmissibles
du Haut Conseil de la santé publique
(mercredi 12 mai 2010)

M. François Autain, président - Mes chers collègues, nous accueillons M. Jérôme Sclafer, membre du Comité technique des vaccinations rattaché à la commission maladies transmissibles du Haut Conseil de la santé publique.

Conformément aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, M. Jérôme Sclafer prête serment.

M. François Autain, président - Je vous remercie.

Je vous demanderai également, puisque cette audition est publique et en application de l'article L. 4113-13 du code de la santé publique, de nous faire connaître, si vous en avez, vos liens avec des entreprises produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits.

M. Jérôme Sclafer - Je n'ai aucun lien d'intérêts avec aucune firme pharmaceutique que ce soit ; en outre, je suis signataire chaque année de la charte « Non merci » de l'association « Mieux prescrire ». Cela signifie que je m'engage à fonder mes décisions sur les seuls intérêts des patients et de refuser toute proposition qui serait en contradiction avec ces objectifs.

M. François Autain, président - Le fait de ne pas avoir de liens d'intérêts n'est pas fort bien vu dans certains milieux : vous êtes facilement taxé d'incompétence et risquez de ne présenter aucun intérêt pour certains. On en a eu encore à l'instant une manifestation. Je pense que vous en êtes informé...

M. Jérôme Sclafer - Je l'assume.

M. François Autain, président - Nous serions donc heureux de vous entendre. M. le rapporteur vous posera ensuite les questions qu'il souhaite.

Vous avez la parole.

M. Jérôme Sclafer - Je suis médecin généraliste. Pour ce qui est de mon activité clinique, je m'occupe surtout d'usagers de drogues au centre médical Marmottan à Paris. J'ai une activité libérale en tant que remplaçant dans un cabinet de groupe à Gennevilliers. Je suis par ailleurs responsable de rubrique à la revue « Prescrire », publiée par l'association « Mieux prescrire », association à but non lucratif qui rassemble surtout des professionnels de santé. Le but de l'association est d'oeuvrer en toute indépendance pour des soins de qualité dans l'intérêt premier des patients. L'association a choisi de n'être financée que par les abonnements à ses productions.

Je suis membre du Comité technique des vaccinations depuis 2002.

Pour comprendre ce qui s'est passé autour de la grippe en 2009, il faut remonter quelques années en arrière.

M. François Autain, président - A quel moment, en 2002, avez-vous été nommé au CTV ?

M. Jérôme Sclafer - De mémoire, en octobre.

Le concept de pandémie grippale n'était pas une préoccupation importante jusqu'aux années quatre-vingt-dix. On se préoccupait surtout de la surmortalité liée à la grippe saisonnière.

La prise de conscience collective d'un problème de santé résulte généralement de plusieurs influences : des découvertes scientifiques - meilleure compréhension des recombinaisons des virus de la grippe - des améliorations techniques - typage des virus - ou des découvertes épidémiologiques - mise en valeur des effets des épidémies de 1957 et de 1968.

Mais, à l'origine, la prise de conscience collective d'un problème de santé nécessite qu'on investisse pour mettre en lumière ce problème. L'investissement peut être public ou privé.

Par nature, le financement par des acteurs industriels est intimement lié à la finalité d'en tirer un bénéfice par la vente d'un produit, d'où de forts investissements dans la promotion de la prise de conscience de certains problèmes de santé dès lors qu'une firme dispose d'un produit de santé à vendre, quitte à « gonfler » parfois le problème et l'intérêt de ses produits.

Les exemples sont nombreux dans le domaine pharmaceutique.

Les stratégies commerciales des firmes restent évidemment secrètes mais, au cours des années passées, plusieurs procès aux Etats-Unis ont permis d'accéder à leurs archives. On a eu ainsi la preuve que les firmes utilisaient de nombreux moyens, plus ou moins avouables, pour s'attacher des leaders d'opinion.

Pour ce qui est de la grippe pandémique, la prise de conscience de ce risque sanitaire a été concomitante à l'amélioration du typage des virus ainsi qu'à l'augmentation de leur surveillance chez les animaux.

Cette prise de conscience a été précédée et accompagnée d'une augmentation de l'activité éditoriale autour du concept de grippe pandémique.

Dans la base de données américaine Medline, qui répertorie les principales revues médicales, en moyenne, deux publications par an portaient un titre contenant l'expression « grippe pandémique » dans les années quatre-vingt.

En 1997, dix-huit publications avaient un tel titre ; elles accompagnaient l'alerte sur la grippe de Hong-Kong qui a fait une vingtaine de morts. On annonce à cette occasion les recherches sur les antiviraux et les vaccins de la grippe aviaire H5N1.

L'intérêt pour le concept de grippe pandémique augmente encore à partir de 2003 ; 51 publications titrent sur la grippe pandémique en 2004, 124 en 2005, puis plus de 200 par an à partir de 2006.

Sur ces deux cents publications, environ une cinquantaine sont des synthèses et des textes d'opinions d'experts. Il y a forcément redondance. Quelle est l'influence des firmes sur la publication d'articles bienveillants pour les antiviraux ? Le doute est permis.

Cette augmentation de l'activité éditoriale entraîne une augmentation du nombre de dépêches de presse mentionnant le concept de pandémie grippale. On trouve une augmentation du nombre de reprises aussi bien dans la presse « tabloïd » professionnelle que dans la presse grand public.

Fin 2005, on suit dans la presse, presque au jour le jour, l'extension de la grippe aviaire H5N1 chez les oiseaux. On parlera ainsi pendant des mois de menace de pandémie. Cette grippe s'avère mortelle. Dans le monde entier, il y a eu environ 300 décès en 8 ans.

Que s'est-il passé du côté des médicaments pendant cette période ?

Le zanamivir est commercialisé en France, en 1999. Cette commercialisation est précédée par des annonces enthousiastes dans les médias professionnels et s'accompagne de pleines pages dans les journaux grand public ainsi que de chroniques santé à la radio, qui le présentent comme une quasi-panacée.

Pourtant, les données des essais cliniques n'étaient guère probantes. Quelques journaux grand public reconnaîtront des mois plus tard être allés trop loin dans les louanges.

Le Relenza ne sera admis au remboursement par la sécurité sociale qu'en 2009 et seulement pour certains cas.

Ceci n'empêche pas une soi-disant « mission d'observation de la grippe » fin 2000, de faire du démarchage téléphonique auprès de médecins généralistes pour leur rappeler l'importance de l'épidémie de grippe et l'intérêt du zanamivir.

Fin 2002, arrive l'oseltamivir, proposé en traitement curatif. Les essais montrent qu'il diminue d'environ dix heures la durée des symptômes ; il n'a pas de preuves de réduction des complications graves. Le Tamiflu n'est pas admis au remboursement par la Sécurité sociale.

En 2003, les journaux médicaux et grand public se remplissent d'informations sur la grippe H7N7 dans des élevages de poulets aux Pays-Bas. Réunion urgente du Conseil supérieur d'hygiène publique de France, qui recommande l'oseltamivir chez les personnes exposées, validant dans l'urgence son utilité préventive sur tout type de grippe. Le bilan néerlandais de cette stratégie publié en 2004 n'arrive pourtant pas à montrer une efficacité préventive de celle-ci.

En février 2004, la commission de transparence rend un avis défavorable au remboursement du Tamiflu, sauf en prévention chez les personnes à risque. Il sera admis au remboursement au taux de 35 % seulement. Si la stratégie de Roche était une utilisation large de l'oseltamivir, en 2004, ce n'était guère réussi, en France comme dans le reste de l'Europe.

Seul le Japon se lance dans une large utilisation d'oseltamivir. Les Japonais seront les premiers à signaler les effets indésirables graves - troubles neuropsychiatriques, troubles du comportement, épisodes de confusion, de délire, d'hallucinations, effets cutanés et, plus tardivement, hémorragies digestives.

En Europe, en réaction aux menaces de la grippe aviaire, avec les encouragements de l'OMS, on stocke l'oseltamivir, ce qui crée une pénurie favorable aux ventes. On oublie sa faible efficacité et ses effets indésirables.

Du côté des vaccins, de nombreuses firmes sont occupées à produire des vaccins adaptés à de nouveaux virus. Diverses publications mettent en avant la nécessité de produire des vaccins en nombre suffisant pour le monde entier. Ce problème justifie les recherches sur des vaccins avec adjuvant qui permettent d'utiliser moins d'antigène.

Probablement en réaction à l'éventuelle pénurie de vaccins annoncée, des rumeurs font état de négociations, en France comme ailleurs, entre les ministères et les firmes pharmaceutiques pour s'assurer une bonne place dans la distribution des futurs vaccins pandémiques.

Les contreparties sont, d'une part, des engagements financiers dans cette recherche, qui n'aura peut-être pas de retour sur investissement avant plusieurs dizaines années, et d'autre part, un élargissement immédiat des recommandations de vaccination contre la grippe saisonnière.

Faut-il y voir un lien ? Toujours est-il que, fin 2005, sans consulter le CTV, le Sénat dépose un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 introduisant l'obligation vaccinale contre la grippe chez les professionnels de santé.

Peu après, on demande au CTV de se prononcer sur un éventuel élargissement de la vaccination contre la grippe saisonnière chaque année pour tous les enfants.

Pour la grippe saisonnière, le CTV se prononcera a posteriori contre l'obligation vaccinale des professionnels et contre la vaccination généralisée des enfants.

En 2008, le Syndicat des entreprises du médicament (LEEM) négocie avec la DGS pour que le CTV prenne des décisions plus rapides. En avril 2008, le CTV doit se prononcer dans l'urgence sur l'utilisation du vaccin dit pandémique H5N1, avant que l'AMM européenne ne soit accordée.

Fin 2008, les autorités sanitaires des pays riches ont bien intégré l'éventualité d'une pandémie grippale ; ils pensent avoir deux outils pour y répondre - d'efficacité pourtant incertaine - : l'oseltamivir et la vaccination. Les protocoles sont prêts pour agir contre la pandémie de grippes graves, qu'elle survienne dans quelques mois ou dans quelques dizaines d'années.

Nous n'attendrons que quelques mois, presque heureux de pouvoir tester si tôt nos protocoles, sans s'inquiéter du fait que la grippe porcine ne ressemble pas vraiment à la grippe aviaire grave attendue.

Dans la vague épidémique de grippe H1N1 de 2009, il y a deux moments clés : sa découverte en avril 2009, et la connaissance assez précise du niveau de gravité à la fin du mois d'août 2009.

Le 21 avril 2009, le Center for Disease Control (CDC) annonce qu'aux Etats-Unis, deux enfants ont une grippe due à un même virus inhabituel. Ils n'ont pas une maladie particulièrement sévère mais ont été testés dans le cadre d'un réseau de surveillance du virus de la grippe.

Autour de ces deux enfants, un adulte et trois autres enfants ont eu des symptômes compatibles avec une grippe. Ces six premiers cas identifiés sont bénins.

Neuf jours plus tard, on apprend dans un éditorial du British Medical Journal que l'on dénombre au Mexique 1 840 cas de pneumonies graves, dont 150 décès, peut-être liés à cette grippe. Sur les 1 840, seulement vingt-six sont confirmés.

On apprend simultanément que les grippes H1N1 ont été confirmées aux Etats-Unis, au Canada, en Espagne, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et en Israël. Aucun décès n'est rapporté hors du Mexique. L'information avait été diffusée par l'OMS dans le cadre du Règlement sanitaire international sans plus de renseignements cliniques.

Dans le monde entier, tout ce qui a été préparé est mis en branle dans l'urgence et l'émulation mutuelle avec la part d'irrationnel qui va avec l'urgence et en oubliant l'incertitude qui y est liée. Il est moins risqué de se tromper avec tout le monde que d'avoir raison seul mais a posteriori !

On n'en saura pas plus sur la gravité réelle de la grippe jusqu'en août car les services d'épidémiologie enregistraient le nombre de cas identifiés mais sans savoir combien de personnes sont en fait infectées.

L'incertitude est très large, allant d'une grippe peu grave à une grippe assez grave. Durant cette période, quelques personnes y vont de leur estimation sans que l'on sache bien avec quelle intention : politique, mise en avant de leur personne, lien d'intérêts avec les marchands d'antiviraux et de vaccins ?

Le deuxième moment charnière se situe à la fin août 2009. Les incertitudes quant à la gravité de la vague épidémique sont levées par les publications néo-zélandaises et australiennes. Elles décrivent assez précisément les épidémies de grippe H1N1 durant l'hiver austral et les tensions modérées provoquées sur leur système de soins.

La gravité de cette grippe mondiale est manifestement modérée. En Nouvelle-Zélande, sur environ 500 000 personnes infectées, on a compté seize décès et cent vingt malades en réanimation.

Ce n'est pas rien mais on est très loin de la grande pandémie grave attendue à laquelle on se préparait !

A ce moment, en France, on en est à produire une liste de priorité des personnes à vacciner. Lors d'une réunion du CTV le 3 septembre, on discute dans l'urgence de cette liste établie, comme s'il s'agissait d'une pandémie de grippe grave.

Je présente les résultats de la Nouvelle-Zélande ; je propose une attitude prudente et de nous limiter pour le moment à la vaccination des groupes les plus à risque. Le représentant de la DGS fait valoir ce qui est acceptable par la ministre : il n'est pas acceptable de ne pas vacciner toute la population.

Lors de cette réunion du CTV et des suivantes, mes appels à la mesure sont balayés d'un revers de main. Tout semble préparé à l'avance. Les modifications autorisées ne le sont qu'à la marge.

Les personnes à risque représenteront finalement 80 % des cas hospitalisés en réanimation alors qu'elles ne représentent que 5 % à 8 % de la population.

La liste des personnes à vacciner, validée fin septembre par le Premier ministre, restera inamovible au cours des mois suivants malgré les données qui s'accumulent pour montrer que les vaccins ne seront pas livrés à temps, que la grippe est moins grave que prévu et que les données chez les enfants sont moins préoccupantes qu'annoncées.

Début décembre, la DGS recommande l'oseltamivir pour toute suspicion de grippe. L'argument non expliqué aux médecins est que plus de 50 % des patients ayant un syndrome pneumo-grippal testé par le réseau des groupes régionaux d'observation de la grippe (GROG) avaient un virus H1N1 ; on disposait de quelques données de faible niveau de preuve en faveur d'une efficacité de l'oseltamivir pris en tout début d'infection.

Je ne sais si cette décision avait pris en compte le fait que l'efficacité restait incertaine, que la gravité de la maladie était manifestement moindre que prévu et qu'un très grand nombre de personnes allaient être exposées aux effets indésirables de l'oseltamivir sans en tirer de bénéfices.

Y a-t-il une bienveillance à l'égard des industriels ? Celle-ci a-t-elle influencé les décisions ?

Dans l'urgence, les résistances à tout type de pression sont réduites, qu'elles soient industrielles, politiques ou médiatiques. On peut constater que, de manière générale, le potentiel nocif des conflits d'intérêts n'est pas bien intégré par les instances de l'Etat français.

En matière de santé, la prévention de ces conflits d'intérêts semble reposer seulement sur l'autodéclaration dans certaines instances. Selon les instances, des procédures de gestion des conflits d'intérêts déclarés ont parfois été rédigées. Leur application n'est pas constante.

A ma connaissance, les procédures de choix des experts ne comportent pas de manière formelle la prise en compte des liens d'intérêts. Le choix des experts est en général peu formalisé. Ce sujet n'est pas abordé de manière préventive avec les experts.

Ainsi, je n'ai pas reçu de consigne ni de questionnement lors de mes candidatures au CTV, sur d'éventuels liens d'intérêts avec l'industrie du vaccin. Après avoir été nommé, je n'ai pas reçu de consignes quant aux liens d'intérêts non compatibles avec mon rôle d'expert.

En 2003, je me suis battu pour que les liens d'intérêts soient au moins déclarés à chaque séance. Il a fallu aussi se battre pour que la DGS agisse en cas de conflits d'intérêts importants.

Lors de la création du HCSP, la prévention des conflits d'intérêts n'a pas non plus été formalisée. Il a fallu l'énergie de M. Daniel Floret, président du CTV, pour mener à bien la définition d'un cadre de déclaration des liens d'intérêts, de classification de ces liens, de non-participation aux discussions ou au vote en cas de conflit d'intérêts. Ces principes s'appliquaient au sein du CTV, je ne sais ce qu'il en est pour le HCSP qui valide les décisions du CTV.

M. François Autain, président - Son président non plus !

M. Jérôme Sclafer - Je n'ai pas non plus connaissance d'une prise en compte des conflits d'intérêts par la DGS et les cabinets ministériels impliqués dans les décisions.

Il serait naïf de penser que les différents industriels, qu'ils soient proches des experts ou du pouvoir politique, n'ont eu aucune influence. L'industrie a vraisemblablement accompagné les décisions qui allaient dans le sens d'un retour sur investissement de leurs projets de recherche et développement et n'a rien dit lorsque les décisions irrationnelles lui profitaient.

Il serait également erroné de croire que les autorités publiques avaient mis en place un dispositif de prévention des conflits d'intérêts. Ce dispositif est à construire, à améliorer et surtout à appliquer pour chaque strate de l'Etat !

L'OMS n'est pas plus vertueuse que les Etats, ni pour gérer les conflits d'intérêts ni pour les prévenir.

Il ne faut pas seulement se prémunir des pressions industrielles. Il convient aussi de mieux préserver les agences et les instances de conseil des pressions politiques.

En 2009, elles ont été très fortes, provoquant l'urgence, au risque parfois de paralyser les services de santé.

Je vous remercie.

M. François Autain, président - C'est nous qui devons vous remercier : voilà une intervention qui tranche par rapport au discours de la plupart des personnalités que nous auditionnons !

La parole est au rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur - Le directeur de l'Ecole des hautes études en santé publique, M. Antoine Flahault, a indiqué devant la commission que les connaissances scientifiques actuelles sont insuffisantes pour préconiser une vaccination de masse. De même, aucune étude n'aurait prouvé l'efficacité de la vaccination des personnes âgées contre la grippe saisonnière.

Des études scientifiques sur l'efficacité de la vaccination contre la grippe sont-elles aujourd'hui envisagées ?

M. François Autain, président - M. Marc Gentilini tient lui aussi des propos qui sont sensiblement les mêmes.

M. Jérôme Sclafer - Je ne serai pas aussi catégorique.

Jusque-là, nous avions des preuves suffisantes pour penser que la vaccination contre la grippe était efficace vis-à-vis des personnes âgées grâce à des données qui ne sont pas d'un très haut niveau de preuves mais qui sont convergentes.

Ce qui a fait vaciller les choses, ce sont deux méta-analyses publiées par la revue Cochrane, signées toutes deux de M. Thomas Jefferson et qui émettent un doute. Il ne faut pas perdre de vue que les membres du réseau Cochrane ont des critères extrêmement rigoureux - et c'est fort bien venu - dans la sélection des études qu'ils font entrer dans leur méta-analyse, mais n'analysent évidemment pas les données de moindre niveau de preuves.

Je n'ai pas regardé la dernière méta-analyse qu'ils ont faite à propos des sujets âgés. J'en ai regardé une qui posait plus de problèmes, qui est celle de la vaccination des personnes autour des personnes âgées, qui reprend les essais faits dans les institutions. Leur conclusion me dérange un peu : ils trouvent que la plupart des essais arrivent à la conclusion selon laquelle le fait de vacciner autour des personnes âgées dans les institutions diminue la mortalité totale à un terme défini par l'étude, mais non les complications habituelles de la grippe.

Or, du fait de cette discordance, Cochrane trouve anormal de conclure que c'est la vaccination contre la grippe qui a eu une efficacité sur les personnes âgées. Je ne serai pas aussi catégorique ; pour le moment, ce sont les données de meilleur niveau de preuves que l'on ait.

De manière générale, la revue « Prescrire » essaie de se fonder sur des niveaux de preuves élevés. Mais on ne peut écarter les autres données. En effet, dans certains cas, il convient de « faire avec » les informations dont on dispose et agir sans attendre de preuves tangibles.

M. François Autain, président - Pensez-vous que des essais comparatifs soient actuellement possibles, envisageables ou nécessaires pour prouver l'efficacité de cette vaccination contre la grippe saisonnière ?

M. Jérôme Sclafer - Il est très difficile de mener un essai en matière de grippe saisonnière du fait des biais que l'on entraîne et surtout parce qu'on n'a aucune idée du virus qui va circuler. Cette année est peut-être la meilleure car il existe de fortes chances que le H1N1 circule, mais on n'a aucune idée de l'impact qu'aura cette circulation, une bonne partie de la population étant maintenant immunisée.

De tels essais seraient évidemment intéressants. Je n'ai pas connaissance du fait qu'elle soit financée ou non et dans quel but.

M. Alain Milon, rapporteur - Dans l'hémisphère Nord, les vaccins sont arrivés trop tard pour faire barrage à la pandémie et même, comme l'a indiqué le professeur Bruno Lina, « à la limite de l'intérêt individuel ».

Dans ces conditions, la réponse vaccinale constitue-t-elle le moyen le plus efficace de lutte contre une pandémie grippale ?

M. Jérôme Sclafer - Je ne suis pas convaincu que l'on soit dans un contexte de pandémie grippale. Cela dépend de sa définition.

M. Alain Milon, rapporteur - Quelle est votre définition ?

M. Jérôme Sclafer - Etymologiquement, nous sommes dans un cas de pandémie grippale mais chaque année il y a une pandémie grippale, la grippe faisant le tour du monde en permanence.

Certains critères actuels donnent à penser que c'est une pandémie : le fait que les populations touchées avaient été plus jeunes que d'habitude.

De même, le fait que le virus se soit diffusé assez largement dans la population est un critère qui ferait penser à une pandémie.

Le mot est chargé d'une telle menace que je préfère parler d'épidémie du fait d'un nouveau virus et que celle-ci a été grave pour très peu de gens mais qu'elle a été grave pour des tranches d'âge inhabituelles.

En revanche, elle n'a pas été spécialement grave pour la plupart des personnes qui ont été infectées. On pense qu'entre 15 et 30 % des gens ont eu cette grippe cet hiver.

M. Alain Milon, rapporteur - Vous parlez de citoyens de notre pays ?

M. Jérôme Sclafer - Oui.

M. François Autain, président - Cela fait 20 millions de personnes.

M. Jérôme Sclafer - En effet. On peut mettre en regard le nombre de personnes passées en réanimation - environ 1 300. Ce n'est pas rien mais j'ai un peu de mal à dire ce qu'il faut faire pour lutter.

Organiser une grande vaccination générale est très compliqué. On a du mal à le faire et on y arrive pour des vaccinations en place depuis des années avec l'appui de campagnes de sensibilisation actives.

Il me semble plus intéressant de déployer toute notre énergie à protéger les gens les plus fragiles - même si on n'a pas pour autant la preuve que cela va marcher - plutôt que de concentrer tous les efforts sur l'ensemble de la population.

En pratique, à peu près 5 millions de personnes ont un risque particulier. Vacciner ces 5 millions de personnes à l'aide de messages télévisés et d'envois de bons personnels de vaccination était faisable. En vacciner 63 millions est une autre affaire !

En vaccinant 5 millions de personnes, on protégeait partiellement 80 % des cas passés en réanimation, sachant que, de toute façon, on n'attend qu'une protection partielle du vaccin.

M. François Autain, président - Le problème est celui de la chronologie. On s'aperçoit que l'on était, en ce qui concerne cette pandémie, dans la meilleure des situations possibles puisqu'on avait la chance d'arriver après les pays de l'hémisphère Sud ; les délais ont donc été beaucoup plus longs que si la pandémie avait commencé chez nous.

De même que les pays de l'hémisphère austral n'ont pu bénéficier de la vaccination, nous n'en aurions pas non plus bénéficié. Même dans le cas privilégié dans lequel nous nous trouvions, la vaccination est arrivée alors que l'on avait passé le pic de l'épidémie. Qui a pu profiter véritablement de cette vaccination ? Parmi les 6 millions de doses, 5 millions de personnes environ ont pu être vaccinées. Combien ont évité la grippe grâce à cela ?

La vaccination a-t-elle beaucoup joué en termes de protection individuelle ? On peut se poser la question...

M. Jérôme Sclafer - Je ne peux pas évidemment répondre mais, même en décembre, il était difficile de le fournir dans les endroits où l'on en avait besoin. J'ai vacciné des patients atteints soit d'une cirrhose du foie, soit d'une infection avancée par le HIV, ne sachant pas s'ils avaient déjà rencontré le virus ou non - car il circulait manifestement encore.

Quelques personnes auraient pu en bénéficier sous un certain nombre de conditions, à savoir que le vaccin fonctionne réellement, qu'ils rencontrent le virus par la suite et qu'ils ne l'aient pas eu avant.

M. Alain Milon, rapporteur - Parmi les personnes admises pour détresse respiratoire ou autres dans les services d'urgence, avez-vous connaissance de certaines qui étaient vaccinées ?

M. Jérôme Sclafer - C'est à l'InVS qu'il faut demander cela. Ce sont eux qui ont les chiffres. Pendant longtemps, ils ont eu des problèmes de remontée de ces données.

Cependant, à partir du moment où seul un petit pourcentage des gens est vacciné, cette donnée n'a que peu d'importance. Au mieux, on s'attend à ce qu'une faible partie de gens vaccinés attrapent la grippe. On ne peut donc déduire de cette expérience que le vaccin était efficace ou non. C'est possible dans d'autres pays car il faut bien comprendre que tous ces problèmes de santé se posent dans le monde entier. Il faut donc utiliser l'ensemble des données disponibles, notamment celles qui sont décalées. Je ne sais si toutes les épidémies ont été absolument parallèles.

M. Alain Milon, rapporteur - Le 8 juillet, le HCSP indiquait qu'un schéma vaccinal ne pouvait pas être proposé à ce jour, mais qu'il ne comporterait pas moins de deux doses.

Sur quels fondements cette affirmation reposait-elle à l'époque ?

M. Jérôme Sclafer - Nous n'avions pas de vaccins, pas d'études, nous ne pouvions nous reposer que sur ce qui avait été présenté auparavant, à savoir les quelques essais avec les vaccins dits prépandémiques fabriqués avec du H5N1 ; il semble, d'après ce que l'on nous a rapporté, que le virus H5N1 est assez peu immunogène et que, dans les premières études, il fallait deux doses pour arriver à une immunité suffisante. Par extrapolation, l'idée a été de produire deux doses. A posteriori , c'est une erreur car il n'y avait aucune raison de ne pas faire une dose et de recommander la seconde après étude immunologique.

M. François Autain, président - Le délai aurait-il été compatible avec l'intervalle devant être respecté entre 2 injections ?

M. Jérôme Sclafer - Je ne sais pas. Cela dépend de l'investissement que l'on y met.

M. Alain Milon, rapporteur - Les deux doses sont toujours prescrites pour les enfants.

M. Jérôme Sclafer - C'est aussi le cas pour la grippe saisonnière.

M. Alain Milon, rapporteur - La ministre de la santé a indiqué devant la commission que ce sont des arguments éthiques et non pas scientifiques qui ont fondé le choix de commander des vaccins pour permettre à tous ceux qui le souhaitaient d'être vacciné.

Quelles conséquences en tirer quant au rôle du HCSP ?

M. François Autain, président - Vous n'avez pas été consultés pour l'achat des doses. On vous a mis en quelque sorte devant le fait accompli.

M. Jérôme Sclafer - On nous a mis au courant.

M. François Autain, président - Quel avis avez-vous à formuler sur cet achat de 94 millions de doses. Cela vous paraît-il excessif ? Je rappelle qu'on allait jusqu'à 130 millions avec les tranches optionnelles.

M. Jérôme Sclafer - Tout a été fait depuis des années pour que nous ayons peur.

Le jour où les premières annonces ont été faites, il était difficile de ne pas penser que la grande pandémie arrivait.

Le fait que l'on réserve des vaccins mais que l'on se dédise plus tard ne me paraît pas choquant. Il n'empêche que le fait de les réserver ne veut pas dire que l'on doive forcément les injecter. Or, au moment où on les a eus pour les injecter, on avait toutes les données pour dire que la stratégie devait être changée.

Le CTV n'a pas été consulté sur ce point ; il est possible que l'on nous en ait parlé avant mais c'était pour information.

M. François Autain, président - Si c'était à refaire que feriez-vous ?

M. Jérôme Sclafer - Le vrai problème, à tous les niveaux - y compris pour ce qui est du CTV, du HCSP, du ministère - est de réagir directement après une seule annonce sur des faits qui ne sont pas très clairs. Tout reposait sur ces données mexicaines qui n'ont pas été précisées pendant longtemps.

Je crois que c'était une erreur de s'être lancé comme on l'a fait. Certes, il y avait des choses à préparer, comme une éventuelle vaccination de masse et on a bien montré que l'on n'était pas très capable...

M. François Autain, président - Pensez-vous qu'il soit possible de vacciner la population entière ?

M. Jérôme Sclafer - Il ne s'agit pas de le faire comme on l'a fait ! S'il existe une vraie menace, je pense que les gens seront motivés pour se faire vacciner. Le problème est que les gens ne l'étaient pas, pas plus que les médecins ni les infirmières ne l'étaient pour le faire. L'absence de motivation a été assez générale.

M. François Autain, président - Oui en mai, quand la commande de 94 millions de doses a été passée mais non lorsqu'on a vu que la menace n'était pas celle que nous craignions...

M. Jérôme Sclafer - Ce n'est pas tout à fait cela. Si vraiment le ministre avait regardé la manière dont il avait l'information pour décider des 94 millions, il aurait dû attendre. Il y avait effectivement un risque que l'on passe après les autres mais c'était un risque à prendre car il n'était pas évident que ces données soient fiables.

M. Alain Milon, rapporteur - De la même façon, on aurait pu commander que la moitié des doses et s'il avait fallu vacciner tout le monde deux fois, on n'avait pas la possibilité de le faire.

M. Jérôme Sclafer - On aurait pu faire pression sur les laboratoires pour livrer des monodoses au lieu des multidoses, ce qui facilite une campagne. Les vaccins auraient probablement été livrés plus tard mais cela fait partie des données qu'il faut envisager. Si l'on veut réussir, il faut se donner les moyens. Aller au plus vite n'est pas forcément le meilleur moyen !

M. Alain Milon, rapporteur - De la même façon, dans le cadre de l'organisation de la vaccination, il vaut mieux passer par le médecin - j'en suis intimement convaincu - que par le système qui a été mis en place...

M. Jérôme Sclafer - La démonstration en a été faite.

M. Alain Milon, rapporteur - Sauf en Angleterre, où on est passé par les médecins et où le nombre de personnes vaccinées est identique au nombre français.

M. Jérôme Sclafer - C'est possible mais on retombe sur le problème de l'absence de motivation.

M. François Autain, président - Il fallait donc adapter le plan à la menace et non la menace au plan !

M. Jérôme Sclafer - Pour avoir suivi de près ces choses là sous deux casquettes, je puis dire que le flot de publications et d'informations qui tombaient chaque semaine était très important ; il fallait donc être très souple dans les décisions et les adapter en fonction des nouvelles informations.

M. Alain Milon, rapporteur - Pour qu'il y ait de la souplesse, il faut peut-être des plans de pandémie différents en fonction de la gravité.

M. Jérôme Sclafer - En effet !

M. Alain Milon, rapporteur - Le discours sur la pandémie a été dominé par l'expression d'une « pensée scientifique unique » privilégiant une vision catastrophiste de la grippe.

Peut-on analyser ce phénomène comme une « autorestriction » de la liberté d'expression des experts pour lesquels il peut paraître difficile de se désolidariser publiquement de l'opinion exprimée par des confrères ou des instances d'expertise ?

Selon vous, faut-il réformer l'expertise et comment envisager une telle réforme ?

M. Jérôme Sclafer - Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une « autorestriction ». Tout le monde attendait cette menace et il existait un certain enthousiasme à la voir arriver.

Cela peut se comprendre car certains avaient beaucoup travaillé. Les réunions avaient été nombreuses, les réseaux Sentinelles se sentaient impliqués. L'émulation était importante.

Par ailleurs, les réunions de l'OMS avaient tendance à amplifier le phénomène. Quand les experts français rentraient de l'OMS, on sentait que le monde entier allait dans le même sens. Il aurait fallu une grande résistance pour aller dans une autre direction.

Je ne crois donc pas qu'il y ait eu volonté de se restreindre ; je crois vraiment que l'enthousiasme était là.

D'ailleurs, les voix discordantes ont plus porté sur les dépenses - la commande de 94 millions - et a posteriori, quelques semaines plus tard.

M. François Autain, président - Il s'agit plutôt de l'autorestriction de ceux qui pouvaient ne pas être d'accord et qui se sont tus ou qui n'ont pas osé s'exprimer. On les rencontre aujourd'hui mais j'ai recueilli le témoignage de journalistes qui ont fait leur enquête en juillet et à qui certaines personnalités ont dit : « Je ne veux surtout pas m'exprimer là-dessus ! ». C'est une question importante : pourquoi ce mutisme ?

M. Jérôme Sclafer - L'incertitude était grande ; en juillet, elle l'était déjà beaucoup moins puisque l'épidémie de New York et l'épidémie anglaise n'avaient pas conduit à des catastrophes. On était donc déjà relativement rassuré.

M. François Autain, président - La parole est aux commissaires.

Mme Marie Christine Blandin - Je suis troublée par le rapport entre l'investissement organisationnel ou financier et sa conséquence, à savoir le désir de voir finalement émerger cette pandémie, qui était somme toute gérable avec beaucoup moins de moyens.

Du coup, des investissements colossaux sont aujourd'hui relancés sur le croisement du H5N1 et du H1N1 pandémique. Ne prépare-t-on pas la prochaine pandémie ?

M. Jérôme Sclafer - Il est difficile de répondre.

A quel niveau faut-il placer la recherche ? Il est normal de financer une certaine recherche. Il est selon moi préférable qu'elle le soit par les Etats pour pouvoir mieux en mesurer l'importance.

J'ai entendu bien des théories et leur contraire durant les nombreuses années où j'ai siégé au CTV. Personnellement, j'attends de voir des faits avant de conclure. Certes, on peut craindre le croisement des souches. Nous avons vacciné les éleveurs de volaille au moment de la grippe H7N7 contre la grippe saisonnière pour éviter ce croisement. Finalement, ce n'est pas ce qui est sorti. Je ne suis donc pas sûr que cette théorie tienne complètement la route - mais je n'ai pas la compétence pour le dire.

Que cette recherche soit faite me paraît normal mais il faut prendre garde à l'emballement. Il existe des incertitudes, même en matière épidémiologique : les premiers chiffres calculés avec les données provenant du Mexique étaient catastrophiques et pouvaient générer une certaine peur mais si les données de départ sont incertaines, il ne faut pas les prendre pour argent comptant et raisonner également avec d'autres moyens.

M. Marc Laménie - Sur le terrain, la vaccination de masse est une mission très complexe, vous l'avez dit. Si cela se reproduit, comment faire selon vous ?

M. Jérôme Sclafer - Je pense que la meilleure solution est d'abord de vacciner les gens qui sont le plus en danger. Cela permet de réduire le nombre de personnes à vacciner. L'efficacité attendue est maximum et la rentabilité du geste la plus grande.

C'est dans un second temps que l'on peut se mettre à vacciner des tranches de la population plus larges mais cela dépend totalement de la situation. Si le danger est avéré, la motivation est importante ; moins la situation est grave, moins forte est la motivation.

M. François Autain, président - Je pense qu'une vaccination est d'autant mieux acceptée par la population qu'elle n'est pas l'objet de controverses - ce qui ne veut pas dire qu'une vaccination qui présente objectivement une sécurité d'emploi total doit être automatiquement imposée à la population dès lors que celle-ci pense qu'il y a un risque.

Je crains qu'aujourd'hui, du fait de cet échec de la vaccination dans la pandémie H1N1, la crédibilité de la vaccination ait décru chez nos concitoyens.

Notre intérêt est donc d'apporter des preuves sur les vaccins que nous proposons à la population. A cet égard, les adjuvants présentent un certain nombre d'incertitudes. En tout cas, des informations circulent, notamment sur Internet, qui tendraient à prouver que ces adjuvants ne sont pas sans risque.

Je voudrais connaître votre avis sur l'innocuité des adjuvants nouveaux, de type émulsion lipidique, présentés comme une des innovations majeures dans la composition des vaccins contre le virus H1N1. Je m'adresse là autant à l'expert du CTV qu'au membre de l'association « Mieux prescrire » que l'on sait très attentive au niveau de preuves.

M. Jérôme Sclafer - La réponse est forcément différente entre juillet 2009 et aujourd'hui. On vient en effet d'avoir une expérimentation sur des millions de personnes, en grandeur nature. On a bon an, mal an, l'impression qu'il n'y a pas, à court et moyen termes, de problèmes particuliers avec les adjuvants.

Au moment où l'on propose cette vaccination, on est dans une autre situation. Le vaccin n'est pas le vaccin habituel contre la grippe ; il s'agit pourtant d'un vaccin qui a déjà été utilisé puisqu'il existe un vaccin avec adjuvant commercialisé depuis quelques années - mais très peu prescrit et pas sur les mêmes tranches d'âge.

Il existe effectivement une certaine incertitude autour de ce vaccin. Si ce vaccin est utilisé pour vacciner des personnes en grand risque en cas de grippe et que celle-ci se diffuse rapidement et est très grave, c'est un risque que l'on peut prendre. Il s'agit de la balance bénéfice-risque.

Vacciner de nouvelles tranches d'âge, des femmes enceintes, est un autre pari. En outre, si les données ne montrent pas formellement de sur-risque, c'est un pari qu'il ne faut pas prendre. Le CTV ne l'a d'ailleurs pas recommandé. Je reste donc avec cette idée.

Ce problème de l'adjuvant a participé à la suspicion mais tout est affaire de balance. Il existe trois plateaux dans cette balance : la gravité de la maladie, l'efficacité du vaccin - on l'évalue en général à 70 % - et les risques. Si la maladie n'est pas grave et que l'efficacité du vaccin n'est pas certaine, le moindre petit risque paraît énorme.

M. François Autain, président - Merci.

Votre audition a permis de démentir certains propos selon lesquels il n'existe pas d'experts à la fois indépendants et compétents.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page