2. Une évolution des indications liée aux expériences étrangères

En décembre 2009 la direction générale de la santé a modifié le mode d'utilisation du Tamiflu en recommandant, en plus de ses indications curatives et préventives, un usage à titre préemptif pour les personnes ayant été exposées au virus 167 ( * ) . Ceci s'est traduit par la prescription de doses complètes du médicament pendant cinq jours de traitement, au lieu de demi-doses pendant dix jours. Pour cela, elle s'est fondée sur l'étude comparée des expériences du Chili et de l'Argentine : le Chili ayant retenu cette indication du Tamiflu pour l'ensemble des personnes hospitalisées a constaté moins de formes graves de la maladie que l'Argentine, qui s'était limitée à l'indication classique 168 ( * ) . Les cas de grippe étudiés, notamment chez les nourrissons, ont montré l'intérêt d'une prescription préemptive à pleine dose, le caractère précoce et massif de cette prescription étant justifié par le risque lié à la durée de vie du virus dans l'organisme. Cette utilisation était de plus conforme à la posologie généralement suivie pour d'autres médicaments dans les mêmes circonstances. Comme l'a souligné M. Jean Marimbert lors de son audition, « en règle générale, dans le cadre des traitements préventifs, des doses complètes sont utilisées ».

D'autres études présentées par le laboratoire Roche à partir de juin 2009 ont conduit le comité des médicaments à usage humain de l'agence européenne des médicaments (EMA) à préconiser le recours au Tamiflu, en période pandémique, pour la prise en charge des femmes enceintes le 7 mai 2009 et des enfants de moins de un an le 24 septembre 2009 169 ( * ) .

Néanmoins, comme l'a indiqué à la commission d'enquête M. Louis Merle, président de la commission de pharmacovigilance de l'Afssaps, pendant la pandémie 523 000 ordonnances seulement ont porté une prescription de Tamiflu, essentiellement à des fins curatives (dans 94 % des cas). Dans 20 % des cas, l'utilisation a concerné des enfants de moins de 12 ans. Les médecins ont donc fait preuve de prudence. Il convient par ailleurs de souligner que les autorités sanitaires françaises ont également fait preuve de retenue dans la distribution de leurs stocks d'antiviraux, malgré leur importance. A l'inverse, au Royaume-Uni, un simple système d'appel téléphonique a été mis en place pour permettre aux personnes présentant les symptômes de la grippe A (H1N1)v de se procurer des antiviraux en pharmacie, sans prescription, pendant la durée de la pandémie.

Le bilan que l'on peut tirer de l'usage français du Tamiflu est donc plutôt positif. Certes, des stocks extrêmement importants ont été constitués dans la perspective d'une épidémie H5N1 qui n'a pas eu lieu, et ils n'ont pas trouvé à s'employer ; mais les autorités comme les médecins ont su en faire un usage raisonné , qui semble avoir été adapté aux besoins et avoir permis de réduire la mortalité et les cas graves dus à l'épidémie A (H1N1)v.


* 167 Deux sociétés savantes, le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) et la Société française de médecine générale (SFMG), ont refusé d'appliquer cette recommandation au motif qu'elle ne s'appuyait pas sur des arguments et un niveau de preuves suffisants pour la grippe A (H1N1)v, alors que les données disponibles pour la grippe saisonnière ne sont pas en faveur de l'utilisation systématique des inhibiteurs de la neuraminidase comme l'oseltamivir.

* 168 Les données chiliennes ont fait l'objet d'une publication dans la revue Clinical Infectious Diseases n° 50 de février 2010, Juan Pablo Torres et al. ; «  Impact of the Novel Influenza A (H1N1) during the 2009 Autumn-Winter Season in a Large Hospital Setting in Santiago, Chile »

* 169 L'AFSSAPS a repris cette recommandation le 15 octobre 2009.

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