C. L'ESPACE MILITAIRE : LES SATELITTES D'ALERTE AVANCÉE ET DE RENSEIGNEMENT ÉLECTROMAGNÉTIQUE

La surveillance spatiale doit constituer aux yeux de l'Assemblée de l'UEO un des axes de la politique de sécurité et de défense de l'Union européenne. M. Yves Pozzo di Borgo (Paris - UC) a, à cet égard, au nom de la commission technique et aérospatiale, présenté un rapport devant ses pairs dans lequel il relève la difficulté à mettre en oeuvre une véritable coopération en la matière :

« La Commission a présenté en novembre 2003 un Livre blanc sur l'espace, dont le chapitre 3.4, intitulé « L'espace comme contribution à la PESC et à la PESD, ainsi qu'à l'anticipation et à la surveillance des crises humanitaires », définit des pistes de réflexion pour l'avenir, le défi étant de mobiliser les décideurs de l'Union européenne afin de renforcer les technologies spatiales à l'appui des impératifs de la sécurité et de la défense » et l'offre projetée consistant à « compléter les capacités spatiales existant en Europe et examiner les nouvelles capacités nécessaires à la mise en place d'une force de sécurité crédible avec une forte valeur ajoutée de l'Union européenne » .

Le document souligne, d'une part, la nécessité pour la PESD d'avoir accès à des systèmes et services spatiaux non seulement en raison de leurs capacités stratégiques, mais aussi du fait de la capacité de décision autonome qu'ils apportent. Il précise également, d'autre part, que les utilisateurs des secteurs de la sécurité et des armées ont évidemment des besoins très particuliers et qu'il faudra concilier les utilisations civiles et militaires des capacités spatiales. Il constate par ailleurs l'impossibilité pour un seul État européen de développer et d'exploiter toutes les capacités possibles et nécessaires, d'où l'utilité de mettre en place des coopérations au niveau européen et selon diverses modalités.

Le Livre blanc indique également qu'au-delà des satellites d'observation et de télécommunications déjà utilisés à des fins de sécurité et de défense, il faut aller plus loin dans le domaine de la surveillance, du positionnement et de la navigation ainsi que de la synchronisation et des communications, du renseignement sur les transmissions, de l'alerte précoce et de la surveillance de l'espace afin de réaliser les objectifs de l'Union européenne en matière de sécurité. Le document précise aussi qu'en ce qui concerne les renseignements sur les transmissions, l'alerte précoce et la surveillance spatiale, l'Europe devra développer des systèmes et des services dans les domaines suivants : renseignements sur les transmissions afin de détecter les activités électromagnétiques, détection précoce des activités menant à la prolifération de missiles ; surveillance de l'espace en vue de la détection et de l'identification des objets présents dans l'espace.

Enfin, la commission se dit prête à contribuer à l'évaluation des capacités existantes et des besoins futurs ainsi qu'à l'identification des investissements supplémentaires nécessaires pour le développement d'une capacité spatiale complète de défense et de sécurité pour l'Union européenne.

La coopération européenne dans le domaine spatiale est absolument fondamentale pour l'avenir du secteur sur notre continent. Si cela est évident dans le secteur civil, ça l'est plus encore dans le secteur spatial militaire : c'est uniquement depuis l'espace que nous pouvons surveiller notre planète et l'utilisation de l'espace est la meilleure réponse que nous pouvons donner face à un environnement chargé de risques et de menaces, où les ressources sont de plus en plus rares et le changement climatique une réalité déjà largement acceptée.

L'opinion publique européenne doit savoir à quel point l'espace contribue au bien-être et au progrès de l'humanité : on s'en rend compte tous les jours ! Si l'espace est à la pointe des technologies, c'est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit de l'espace militaire.

En ce qui concerne l'alerte avancée, la coopération -inutile de se cacher les choses - s'avère très difficile car peu de pays manifestent leur intérêt en la matière. Il faut néanmoins souligner que le programme du démonstrateur « Spirale » s'achèvera à l'automne 2010 et qu'il serait judicieux de garantir le développement d'un programme d'alerte avancée, si possible en coopération, afin que les compétences françaises soient maintenues. Lorsque l'on s'interroge sur l'utilité de posséder un système d'alerte avancée, si nous n'avons pas les moyens nécessaires pour agir en cas de déclenchement d'une menace balistique, il convient de répondre qu'une telle technologie nous permettrait d'être indépendants vis-à-vis des autres nations. Le jour où l'Europe décidera de se doter d'une telle capacité, la première étape sera atteinte.

Enfin, il faudrait définir à l'échelle européenne un besoin militaire, et à partir de là intégrer l'Agence européenne de défense dans la discussion.

S'agissant du renseignement d'origine électromagnétique, le démonstrateur ELISA - écoute d'émissions radar - lancé au printemps, aura une durée de vie d'au moins trois ans.

Une étape primordiale sera franchie mi-2010 avec la conception du programme CERES : la mise en service opérationnelle du programme devra avoir lieu en 2016, ce qui limitera l'attente des utilisateurs qui ne disposeront plus à cette date des données fournies par les démonstrateurs. Un accord industriel, ouvert aux coopérants étrangers, a été trouvé entre EADS-Astrium et Thalès. Rien ne s'oppose à l'engagement rapide du programme, dont le besoin se fait de plus en plus sentir depuis ces derniers mois. Les partenaires européens identifiés à ce jour sont la Suède et la Grèce.

Je voudrais, en terminant, indiquer que le système américain, qui est lancé depuis pratiquement les années 80, est un système très coûteux, dans lequel les Américains ont mis beaucoup d'argent. Je crains que, face à l'absence des Européens, ce système ne soit imposé à tous. Manifestement, on sent très bien qu'il y a un manque d'ambition, de volonté, et surtout un manque de moyens, notamment dans le contexte de la crise actuelle, en ce qui concerne l'existence de ce programme européen.

Il faut être lucide : face à l'absence de volonté de nombreux pays européens, je crains que ce programme reste franco-français, avec peut-être quelques autres pays. Le domaine de l'espace est l'un des domaines les plus fondamentaux pour le développement d'un continent et constitue un des éléments de la fragilité de l'Europe. J'espère que cela n'entraînera pas une diminution de l'influence de ce grand continent. »

A la lumière de ce constat, l'Assemblée a adopté un texte encourageant les États membres à coopérer avec les autorités françaises sur le futur programme CERES. De façon plus générale, elle souhaite qu'une réflexion soit menée au sein du Comité politique et de sécurité et de l'Agence européenne de défense sur les besoins et les capacités de l'Europe dans le domaine de l'espace militaire.

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