D. ASSURER UN VÉRITABLE PILOTAGE D'UNE GESTION INTÉGRÉE DU LITTORAL : POUR UNE NOUVELLE GOUVERNANCE DU LITTORAL
Face, à la fois à la dispersion des outils et structures mobilisables en matière de submersion marine, et au regard de la spécificité du phénomène, il importe que soit organisée une véritable coordination de la multiplicité des instruments et organismes compétents , et ce pour les trois volets que sont la prévision, la prévention et la protection. Les exemples étrangers sont une source d'inspiration utile à cet égard.
Aux Pays-Bas , le Rijkswaterstaat est le service exécutif du ministère, chargé de la mise en oeuvre des politiques publiques en matière de construction, de gestion et de maintenance des infrastructures liées à l'eau. Créé sous Napoléon pour traiter des fleuves, il s'occupe aujourd'hui de sujets aussi divers que la gestion qualitative et quantitative de l'eau, la sauvegarde des réseaux fluviaux et routiers, la préservation face aux crues et submersions, l'information ... Il permet de centraliser l'expertise et la décision en la matière, et offre une grande flexibilité.
Au Japon , le poste de « ministre chargé de la gestion des risques » a été créé en 2001 pour promouvoir la coordination des mesures au sein du Gouvernement. Un conseil national pour la gestion des risques, présidé par le Premier ministre et composé du ministre chargé de la gestion des risques, des autres ministres concernés, de représentants d'établissements publics et de chercheurs et d'experts, prend une part active à la politique nationale en la matière et en assure notamment les fonctions de coordination. A un niveau plus local, des conseils locaux de la gestion des risques, à l'échelle départementale comme communale, sont chargés de mettre en oeuvre la politique élaborée au niveau national.
En France , pays qui comporte déjà une grande quantité d'organismes publics, il semblerait pertinent de ne pas augmenter la pyramide administrative , mais au contraire d' utiliser des structures existantes dont les compétences en matière de gestion de l'eau sont reconnues. Deux d'entre elles semblent à cet égard pouvoir être sollicitées.
Tout d'abord, le Conseil national du littoral, que la loi portant engagement national pour l'environnement a transformé en Conseil national de la mer et des littoraux (CNML) , et à qui elle a confié la « gestion intégrée des zones côtières », constituerait une enceinte parfaitement adaptée aux grands débats sur les principes généraux et programmes d'action en matière de prévention des risques d'inondation par submersion.
Créé par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, le CNML a un rôle de proposition auprès du Gouvernement, qui peut le saisir pour avis de tout sujet relatif au littoral. Il contribue à la coordination des actions publiques dans les territoires littoraux. Il définit les objectifs qu'il juge nécessaires pour l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dans une perspective de gestion intégrée des zones côtières. Présidé par le Premier ministre ou, par délégation, par le ministre en charge de l'aménagement du territoire, il doit traiter, parmi les trois grands axes de travail assignés lors de sa création, de « l'anticipation des risques naturels pour les populations des zones littorales en lien avec les conséquences des changements climatiques ».
Dans la droite ligne de ces attributions, il paraîtrait donc cohérent à la mission de doter le CNML d'une compétence générale en matière de submersion marine , et d'en faire ainsi une instance centrale de concertation, d'orientation et de réflexion en ce domaine . De par sa composition très large et représentative de l'ensemble des acteurs impliqués dans la gestion du littoral 88 ( * ) , le CNML constituerait ainsi une sorte de « mini-Parlement du littoral » porteur d'initiatives et d'avis s'agissant de la stratégie de prévention des risques d'inondation par submersion marine.
Par ailleurs, il faut un meilleur pilotage de la triple dimension prévention des risques- protection des espaces fragiles et aménagement du territoire. Pour cela, il faut pallier la fragmentation des organismes et instruments intervenant en la matière, en renforçant le rôle du secrétariat général de la mer qui deviendrait le secrétariat général de la mer et des littoraux.
Rattaché au Premier ministre, la mission du secrétariat général consiste actuellement à coordonner les actions des différentes administrations intéressées par l'action de l'Etat en mer. Aux termes de l'article 4 du décret du 22 novembre 1995, « il exerce une mission de contrôle, d'évaluation et de prospective en matière de politique maritime (...). Il anime et coordonne, sous l'autorité du Premier ministre, l'action des préfets maritimes. » Il doit également établir chaque année un rapport au Premier ministre sur la politique maritime et sur la coordination des actions de l'Etat en mer.
La loi portant engagement national pour l'environnement dispose dans son article 61 que « le secrétariat général du conseil national de la mer et des littoraux (l'ancien conseil national du littoral) est assuré par le délégué interministériel au développement durable, conjointement avec le délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale et le secrétaire général de la mer ».
Pour votre mission, le secrétariat général de la mer devrait jouer le rôle d'« intégrateur » des différents volets que sont les questions de prévision , de prévention et de protection face aux submersions. Institution de nature interministérielle représentant l'Etat et porteuse, à ce titre, de toute sa légitimité et responsabilité en ce domaine, il devrait jouer un rôle d'expertise, d'information et de coordination sur les politiques du littoral. Ses compétences devraient être étendues à l'aménagement du territoire sur le littoral, à la préservation des espaces sensibles et de la biodiversité , ainsi qu'à la conciliation entre ces enjeux et la gestion du risque.
Proposition n° 92 de la mission : Promouvoir une nouvelle gouvernance du littoral : - Élargir explicitement les compétences du Conseil national de la mer et des littoraux et du secrétariat général de la mer, afin de leur confier une triple mission de prévention des risques d'inondation par submersion, de protection des espaces fragiles et d'aménagement du territoire. - Renforcer la dimension interministérielle de la politique du littoral en affirmant le rôle d'un secrétariat général de la mer et des littoraux, rattaché au Premier ministre, en matière d'impulsion et de coordination des actions de l'Etat dans les domaines de la prévention des risques de submersion marine, de la préservation de l'environnement côtier et de l'aménagement des territoires littoraux. |
* 88 Le CNL comprend en effet 72 membres, parmi lesquels figurent 5 députés et 5 sénateurs, 25 élus de collectivités territoriales du littoral, 10 représentants de syndicats patronaux et salariés, 8 représentants d'organisations et d'activités professionnelles, 7 représentants d'activités associatives, 6 représentants d'établissements publics et 6 personnalités qualifiées.