D. LA DÉCISION DE RECOURIR À UN PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ : UNE VOLONTÉ D'ACCÉLÉRER LA PROCÉDURE PLUS QUE DE RÉALISER DES ÉCONOMIES
Le Gouvernement prévoit de financer le projet en recourant à un partenariat public-privé (PPP).
Il s'agit d'un contrat de partenariat 38 ( * ) intégrant la conception, la construction, la rénovation, le financement, l'entretien, la maintenance et les services sur une durée de trente ans pour la construction (27,5 ans à compter de la livraison prévue des bâtiments à la mi-2014).
Ce contrat doit être porté par une société de projet, dont il est prévu que la Caisse des dépôts et consignations détienne 34 % du capital (avec la possibilité de monter à 49 %), afin de garantir son contrôle par la puissance publique.
La chronologie a été la suivante :
- étude de potentiel (février 2008 - SID) ;
- étude du contrôle général des armées, relative au périmètre administratif du projet, et s'interrogeant sur celui-ci (25 juillet 2008) ;
- étude de faisabilité réalisée par Deloitte, Iosis et Eversheds (8 juillet 2008), qui présente le PPP comme la solution la plus efficace ;
- étude préalable au sens de l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, réalisée par Price Waterhouse et le cabinet Landwell (6 janvier 2009), également favorable au contrat de partenariat ;
- avis de la mission d'appui aux partenariats public-privé, concluant favorablement à la réalisation du projet dans le cadre d'un contrat de partenariat (13 février 2009).
Le comité ministériel d'investissement, qui s'est réuni le 27 avril 2009, a donné son accord au lancement de la procédure de contrat de partenariat.
1. Les contrats de partenariat : une tentation dangereuse pour les administrations, et en particulier pour le ministère de la défense
Les contrats de partenariat représentent une tentation dangereuse pour les administrations. En effet, ils leur permettent d'acquérir un équipement sans réaliser d'un coup les dépenses correspondantes, remplacées par le versement d'un loyer sur plusieurs décennies, au terme duquel la personne publique devient propriétaire du bien concerné. En donnant l'impression trompeuse d'une « quasi-gratuité », ils peuvent en fait considérablement rigidifier la dépense publique.
Comme l'a montré le rapport pour avis de notre collègue Charles Guené sur le projet de loi relatif aux contrats de partenariat 39 ( * ) , les PPP doivent naviguer entre deux écueils : si le risque est essentiellement supporté par le partenaire privé, ce dernier en fait payer le prix à l'Etat par des tarifs plus élevés, ce qui fait que l'opération peut être plus coûteuse qu'en l'absence de recours au PPP, mais les règles d'Eurostat et de la comptabilité nationale font alors que seuls les paiements annuels de l'Etat viennent dégrader le déficit public ; si le risque est essentiellement supporté par l'Etat, ce surcoût économique est évité, mais selon la comptabilité nationale et Eurostat, la dette et le déficit publics s'accroissent du montant des tranches d'investissement réalisées par le partenaire privé indépendamment des versements annuels de l'Etat.
Dans le cas du ministère de la défense, la tentation est d'autant plus grande que, comme on l'a indiqué, l'ensemble constitué par la cession des emprises parisiennes et le regroupement des personnels sur un site unique, dans le cadre d'une opération financée par un PPP, a pour effet global d'accroître à court terme les ressources de la mission « Défense », pour un montant que le Gouvernement espérait proche d'un milliard d'euros (montant estimé du produit de la future cession des biens parisiens). Cela devait contribuer au financement de la « bosse programmatique » de 2009-2011.
On peut supposer que ces considérations ont joué un rôle significatif dans la décision de lancer le projet.
* 38 On rappelle que selon l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, « le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel l'Etat ou un établissement public de l'Etat confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur financement à l'exception de toute participation au capital ». Au terme du contrat de partenariat, la propriété de l'équipement concerné revient à la personne publique.
* 39 Avis n° 243 (2007-2008) de Charles Guené, fait au nom de la commission des finances, déposé le 26 mars 2008.