2. Les réformes 1999-2008

Trois réformes ont modifié la PAC en profondeur. La réforme de 1992, imposant une diminution de certains prix agricoles, compensée par une aide directe aux revenus des agriculteurs ; la réforme de 1999,  affirmant le développement rural en tant que « deuxième pilier » de la PAC et généralisant la baisse des prix amorcée par la réforme de 1992 ; la réforme de 2003, introduisant le découplage : les aides européennes aux revenus - les droits de paiement unique - sont indépendantes - découplées - des productions. Si le secteur laitier a été à l'écart de la première réforme, il a été directement concerné par les deux suivantes. En dix ans, le régime du secteur laitier a été radicalement transformé.

a) La réforme de 1999

Le secteur laitier a été modifié une première fois, en 1999, par l'adoption d'une nouvelle « Organisation commune de marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers » (règlement (CE) 1255/1999 du 17 mai 1999).

La réforme oscille entre la nécessité d'améliorer la compétitivité et le maintien d'un dispositif d'intervention. Toute l'ambigüité est résumée dans le considérant (4) du règlement : « Considérant que, afin d'encourager la consommation de lait et de produits laitiers dans la Communauté et d'améliorer la compétitivité de ces produits sur les marchés internationaux, il y a lieu de réduire le niveau du soutien du marché, en particulier, en réduisant progressivement (...), les prix indicatifs et les prix d'intervention du beurre et du lait écrémé en poudre ».

Le règlement apporte plusieurs changements qui se traduisent par une baisse sensible des prix. Le prix indicatif « réputé être le prix que l'on tend à obtenir pour la totalité du lait vendu par les producteurs sur le marché de la Communauté et les marchés extérieurs » , censé donner le « la » au marché, est maintenu mais il est préfixé par le règlement et diminué à partir du 1 er juillet 2005. Ce prix, fixé à 30,98 € la tonne en moyenne entre 2000 et 2005, passe à 29,23 € en 2005/2006, à 27,47 € en 2006/2007 et 25,72 € à partir du 1 er juillet 2007, soit -17 % en quatre ans.

Le prix de seuil, instrument ostentatoire du protectionnisme européen, est supprimé, confirmant ainsi la suppression décidée en 1995, à la suite de l'accord commercial conclu à Marrakech en 1994.

Le régime des interventions (rachats/stockage) est maintenu, mais les prix sont désormais fixés par le règlement et les conditions d'ouverture sont durcies. L'intervention sur la poudre de lait est assurée à prix prédéterminé, mais sur une période donnée (1 er mars - 31 août) et dans la limite d'un certain volume (109 000 tonnes). Quand ce volume est atteint, les interventions sont « suspendues », jusqu'à l'année suivante. L'intervention sur le beurre est également maintenue, mais n'est appliquée que lorsque le prix a diminué suffisamment et suffisamment longtemps. En outre, l'intervention se fait par adjudication (dans la limite minimale de 90 % du prix d'intervention) (1 ( * )).

Le prix d'intervention est diminué de 15 %.

En marge de ces dispositions de prix, le règlement maintient des instruments de régulation de marchés agissant soit sur l'offre, telles que l'aide au stockage privé, soit sur la demande, telles que l'aide à l'utilisation de la poudre de lait pour l'alimentation animale, les restitutions à l'exportation. En complément du règlement, les quotas laitiers sont maintenus.

La réforme de 1999 engage donc le secteur laitier dans la baisse des prix. La baisse de revenus des éleveurs qui en résulte est compensée par des paiements directs fixés par l'Union européenne en fonction des quantités individuelles de référence (« l'aide directe laitière »). L'aide communautaire peut être complétée par une aide supplémentaire nationale.

Ainsi en 1999, la nouvelle organisation du secteur laitier se profile avec une baisse des prix compensée par des aides aux revenus. Ce mouvement sera amplifié en 2003-2008.

b) La réforme de 2003-2008

2003 : Le secteur laitier est évidemment inclus dans la grande réforme de 2003, transformant profondément la nature même de la PAC. La PAC cesse d'être un outil de régulation du marché, même si le dispositif d'intervention est gardé en réserve, et devient, principalement, un instrument de redistribution des revenus. L'aide européenne, accordée sous forme de droit à paiements uniques - DPU, et découplée, est une aide aux revenus.

La réforme de 2003 entraîne une nouvelle baisse des prix d'intervention - une baisse asymétrique de - 25 % pour le beurre et de 15 % pour le lait en poudre (2 ( * )) . Le recours aux achats d'intervention pour le beurre est découragé par l'application d'un plafond (d'abord fixé à 70.000 tonnes puis ramené à 30.000 tonnes). Au-delà, l'intervention n'a plus lieu à prix fixe, mais par adjudication.

Le système des DPU modifie considérablement la philosophie de l'intervention communautaire. Désormais, les éleveurs auront deux sources de revenus : les recettes issues des ventes - les prix -, et les aides européennes aux revenus -les primes. Les prix sont liés au marché. Les primes sont préfixées par État et par exploitation. Avec le découplage, les DPU sont indépendants des productions ... et des prix. Les montants sont fixés, quel que soit le marché. L'engagement d'un abandon des restitutions et l'annonce, concomitante de la suppression des quotas laitiers, ajoutent des perturbations supplémentaires au secteur.

La baisse des prix est toutefois compensée par la généralisation de l'aide directe aux revenus, sous forme de droit de paiement unique. Les services de la Commission rappellent que, lors de l'application du découplage, les éleveurs laitiers ont reçu 5 milliards d'euros d'aides directes aux revenus

2007 : Le règlement de 1999 est remplacé par le nouveau règlement introduisant une Organisation commune des marchés à tous les secteurs (règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007). 21 OCM de marché fusionnent dans une OCM unique. Le régime des quotas laitiers, encore fixé par une base juridique distincte de l'OCM lait, est, cette fois, incorporé dans l'OCM unique.

Concernant les prix, la nouvelle OCM supprime la notion de prix indicatif, mais conserve les mécanismes d'intervention (stockage public) sur le beurre et la poudre de lait, dans les conditions adoptées en 2003. Le système fonctionne donc aujourd'hui « en double détente », avec une intervention automatique et à prix fixé dans la limite d'un plafond et une intervention optionnelle sur prix d'adjudication, au delà du plafond et « sur la base des spécifications à déterminer par la Commission » (3 ( * )) .

Sans être symbolique, l'intervention est considérée alors comme un instrument accessoire, une sorte d'héritage de l'ancienne PAC. D'ailleurs, à l'époque, les études envisageaient une hausse des prix laitiers. Les mécanismes d'intervention étaient supposés archaïques, révolus.

2008 : le bilan de santé de la PAC, fin 2008, est l'occasion d'une nouvelle étape pour le secteur laitier. Le régime des prix d'intervention est maintenu en l'état, sous une forme simplifiée, avec les mêmes plafonds précités. En revanche, la modification majeure concerne la fin des quotas laitiers, programmée en 2015. Afin d'assurer une sortie sans heurt du régime des quotas laitiers, une augmentation de 1 % par an est prévue à partir de 2009/2010. Deux rapports intermédiaires de la Commission évalueront la situation du secteur au plus tard en décembre 2010 et décembre 2012.

En 2009, le prix du lait résulte donc avant tout des règles du marché. L'intervention est cependant maintenue à titre accessoire pour le beurre industriel et la poudre de lait. Ces deux mécanismes ont été actionnés en 2009.

Les DPU sont programmés jusqu'en 2013. La question de leur maintien au-delà n'est pas encore posée.

Récapitulatif du régime communautaire du prix du lait
Présentation simplifiée

Avant 1999

1999-2008

2008

Prix indicatif
(= prix souhaitable)

Oui - fixé chaque année par le Conseil

Oui - préfixé par la Réglementation communautaire

Supprimé

Prix d'intervention (= prix d'achat, stockage UE)

Beurre

Oui - fixé chaque année par le Conseil

Oui - préfixé par la Réglementation communautaire - Pas de plafond

Oui - préfixé par la Réglementation communautaire - Plafond : 30.000 tonnes. Au-delà, prix d'adjudication

Poudre de lait

Oui - fixé chaque année par le Conseil

Oui - préfixé par la Réglementation communautaire -Plafond : 109.000 tonnes. Au-delà, prix d'adjudication.

Oui - préfixé par la Réglementation communautaire - Plafond : 109.000 tonnes. Au-delà, prix d'adjudication

Prix de seuil
(= prix d'importation)

Oui - fixé chaque année par le Conseil

Supprimé

Néant

* (1) Les modalités et le prix sont fixés aux articles 4 et 5 du règlement. Concernant le beurre, l'adjudication intervient quand le prix du marché est inférieur à 92 % du prix d'intervention (PI). Le prix d'achat ne peut être inférieur à 90 % du PI. Les achats sont suspendus quand le prix du marché dépasse 92 % du PI. Le PI est fixé à 328,20 € pour la période 2000-2005 ; 311,79 € (2005-2006) ; 295,38 € (2006-2007) ; 278,97 € à partir du 1 er juillet 2007.

Concernant le lait en poudre, le PI est fixé à 205,52 € pour la période 2000-2005 ; 195,24 € (2005-2006) ; 184,97 € (2006-2007) ; 174,69 € à partir du 1 er juillet 2007.

* (2) Les prix d'intervention passent de 328,20 € à 246, 39 €/100 kg pour le beurre et de 205,52 € à 174,69 €/100 kg pour le lait écrémé en poudre.

* (3) Pour le beurre, l'intervention est actionnée sur la base d'un prix de référence et dans la limite d'un plafond de 30 000 tonnes. Au-delà, l'intervention peut se faire mais par adjudication. Le prix d'intervention correspond à 90 % du prix de référence. Pour la poudre de lait, le dispositif antérieur est repris avec une nouvelle baisse de prix en 2008 et dans la limite d'un plafond de 109 000 tonnes. Au-delà, l'intervention peut se faire par adjudication. Le prix de référence fixé en 2007 à 174,69 € pour 100 kg est ramené à 169,80 € en 2008. Règlement (CE) 361/2008 du 14 avril 2008.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page