III. SANTÉ : AMÉLIORER LE RECOURS AUX SOINS, LA PRÉVENTION ET L'ÉDUCATION À LA SANTÉ DES JEUNES
A. SI GLOBALEMENT LES JEUNES SE DÉCLARENT EN « BONNE » SANTÉ, CERTAINS DISENT RESSENTIR UN CERTAIN « MAL-ÊTRE »
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS) 100 ( * ) , la santé ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité, mais elle correspond à un état de complet bien-être physique, mental et social.
Une étude de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé 101 ( * ) (INPES) indique que, à l'âge de 15 ans, 80 % des filles et 90 % des garçons disent être en « bonne » ou en « excellente » santé. La ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, Madame Roselyne Bachelot, le confirme : dans leur grande majorité, les jeunes âgés de moins de 25 ans sont en bonne santé et la jugent eux-mêmes « plutôt bonne » ou « très bonne », même si « le constat mérite d'être nuancé » .
Le rapport de la commission « Parcours individuel » du Conseil national de la jeunesse (CNJ) 102 ( * ) sur le bien-être des jeunes signale toutefois que « les rapports d'experts de la santé, ainsi que ceux des acteurs du monde étudiants [...] révèlent une situation de mal-être chez les étudiants et chez les jeunes de manière générale. Il se traduit par de la détresse psychique, de l'échec scolaire, des difficultés dans l'affirmation et dans la confiance en soi, des troubles du comportement, des addictions, notamment au tabac ou à l'alcool. ».
Parmi ces affirmations apparemment contradictoires, quelle est la réalité de l'état de santé des jeunes ? Quelles sont les pathologies spécifiques dont ils souffrent ? Les jeunes ont-ils un accès égalitaire aux soins ? Sont-ils en mesure de faire face à leurs dépenses de santé ?
Plusieurs études sérieuses ont permis à la mission d'avoir une vision objective de la situation :
- le Baromètre Santé 2005 de l'INPES, qui porte sur les comportements de santé d'un échantillon représentatif de plus de 30 000 Français de 12 à 75 ans ;
- l'étude de l'Union nationale des mutuelles étudiantes régionales (USEM) 103 ( * ) sur la santé des étudiants, qui s'appuient sur l'analyse des quelque 13 700 réponses au questionnaire adressé à un échantillon représentatif de 50 000 étudiants ;
- les remontées des missions locales sur la santé des jeunes en insertion 104 ( * ) à partir du logiciel de saisie des données des parcours des jeunes qu'elles suivent, « Parcours 3 » 105 ( * ) ;
- enfin, les nombreuses études de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) sur les consommations et usages des drogues en France.
1. Une souffrance psychique très présente, qui provient de la solitude et des difficultés financières
Selon l'étude précitée de l'USEM :
- 36,2 % des étudiants ayant répondu au questionnaire déclarent avoir des difficultés pour gérer leur stress ;
- 31,3 % déclarent s'être sentis déprimés pendant plus de deux semaines au cours de l'année ;
- 8,8 %indiquent avoir eu des pensées suicidaires au cours de l'année écoulée ;
- 10,4 % consomment « parfois » ou « souvent » des « médicaments pour les nerfs », des tranquillisants ou des antidépresseurs ;
- 12,2 % affirment avoir une perception négative de l'avenir (soit 2,5 points de plus qu'en 2005).
Parmi les facteurs favorisant la souffrance psychique ou le mal-être, l'étude de l'USEM identifie principalement : en premier lieu la solitude 106 ( * ) , les difficultés financières 107 ( * ) , les incertitudes et les inquiétudes sur leur orientation ou leur avenir 108 ( * ) ainsi que les discriminations ou les violences subies 109 ( * ) . Ce constat est confirmé par le Docteur Xavier Pommereau 110 ( * ) , qui dit recevoir une forte proportion de jeunes qui « sont à la fois en situation de précarité matérielle et en situation de précarité des liens - sociaux, familiaux - et des relations affectives. » . Ceux qui ont des attitudes suicidaires ont généralement multiplié « les situations de mise en échec » et « tous sont dans une situation de non-reconnaissance identitaire. » .
Auditionné par la mission, M. René Demeulemeester, coordonnateur des programmes de prévention de l'INPES, s'est inquiété des risques de développement du « mal-être » des jeunes, du fait des difficultés croissantes à trouver un emploi et à s'insérer, l'accumulation des échecs étant un facteur d'accroissement de la vulnérabilité. Il a craint une recrudescence des suicides induits par la dégradation de la situation économique et sociale des jeunes, à l'image du phénomène observé dans la période de crise de l'entre-deux guerres.
En outre, la souffrance psychique est souvent à l'origine du basculement dans des comportements à risques qui peuvent devenir addictifs.
* 100 Préambule de la Conférence internationale de la Santé créant l'OMS en 1946.
* 101 Inpes, « La santé des élèves de 11 à 15 ans en France en 2006 », Emmanuelle Godeau, Catherine Arnaud et Félix Navarro, coll. Etudes santé, 2008 - www.inpes.sante.fr/70000/dp/08/dp080902.pdf .
* 102 Conseil national de la jeunesse, «Le bien-être des jeunes : de l'accès aux soins au parcours de santé » - Propositions et avis des commissions du Conseil national de la jeunesse adoptés lors de l'Université d'hiver du Conseil National de la Jeunesse, 7-10 février 2008 - http://www.conseildelajeunesse.org/IMG/pdf_Conseil_National_de_la_Jeunesse_-_2eme_sem_20071.pdf .
* 103 Enquête réalisée en partenariat avec la Fédération nationale des observatoires régionaux de santé (Fnors), la Direction générale de la santé, la Direction de l'enseignement supérieur, le Fil santé jeune, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), le Cnous et des professionnels de santé.
* 104 Numéro spécial de la revue « La Santé de l'homme », « Jeunes en insertion : la santé en question », n° 399, janvier - février 2009.
* 105 Centre technique d'appui et de formation des centres d'examen de santé (Cetaf), Rapport d'étude, « Etat de santé, comportements et fragilité sociale de 105 901 jeunes en difficulté d'insertion professionnelle », décembre 2005.
* 106 60% des étudiants ayant déclaré au moins un des trois signes de mal-être (perte de confiance, pensées suicidaires, dépression).
* 107 40 % des étudiants ayant déclaré au moins un des trois signes de mal-être.
* 108 Si 86 % des étudiants se déclarent à la hauteur du travail qui leur est demandé, 50 % estiment ne pas avoir été bien informés lors de leur orientation et près de 10 % d'entre eux ne sont pas satisfaits de leur choix d'études.
* 109 7,1 % des étudiants affirment avoir été victimes de discriminations et 3,4 % de violences.
* 110 Médecin psychiatre, chef de service responsable du pôle aquitain de l'adolescent au centre Jean-Abadie à Bordeaux - interview dans le numéro spécial de la revue « La Santé de l'homme », « Jeunes en insertion : la santé en question », n° 399, janvier - février 2009.