C. LA NÉCESSAIRE ARTICULATION ENTRE LES MESURES D'URGENCE ET UNE STRATÉGIE À PLUS LONG TERME DE DÉVELOPPEMENT DE L'ALTERNANCE

1. Les observations de la mission sur la mise en oeuvre des mesures annoncées en faveur de l'alternance

- L'alternance constitue la meilleure application du principe de base formulé, au cours des auditions, par le représentant du CEREQ : ne pas verser dans « l'acharnement formatif » en évitant, à l'autre extrémité, de laisser les jeunes non diplômés « au bord de la route» .

- S'agissant plus particulièrement des mesures d'urgence prises en faveur de l'alternance, la mission constate avec intérêt qu'elles se concentrent sur l'apprentissage et les contrats de professionnalisation : cette orientation repose sur le constat de l'employabilité et de l'accès à l'emploi des jeunes issus de ces filières effectué notamment par le rapport de M. Éric Besson, alors secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique publié en juillet 2008, sur l'employabilité des jeunes.

Extrait du rapport de M. Éric Besson publié en juillet 2008 sur l'employabilité des jeunes.

« Nous avons relevé dix faits significatifs :

1) près de deux jeunes sur trois issus de l'enseignement professionnel en 2006 sont en emploi sept mois après leur sortie du système scolaire ;

2) les jeunes apprentis connaissent des taux d'emploi supérieurs à ceux constatés pour les lycéens de la voie scolaire ;

3) si les apprentis ont plus de chances que les lycéens d'être recrutés en CDI, les écarts de salaires sont faibles, l'embauche se faisant autour du SMIC ;

4) les sortants au niveau des baccalauréat et brevet professionnel ont en moyenne un taux d'emploi très largement supérieur à celui des sortants titulaires d'un BEP ou d'un CAP ;

5) les taux d'emploi dans les groupes de spécialités «Production» sont en majorité supérieurs à ceux enregistrés dans les groupes de spécialités « Services », quel que soit le niveau de diplôme ;

6) quelques secteurs concentrent l'essentiel des emplois : bâtiment (gros et second oeuvre), commerce, hôtellerie-restauration et «industrie mécanique, électricité, métallurgie» ;

7) la concordance entre les groupes de spécialités des jeunes en emploi et les secteurs d'activité est satisfaisante ;

8) le taux d'emploi des filles est inférieur à celui des garçons quel que soit le niveau de formation ;

9) les régions présentent une forte disparité au regard de l'emploi des jeunes issus des formations professionnelles. Elle reflète en grande partie la situation de l'emploi local ainsi que le degré de spécialisation en termes d'activité de production et de services ;

10) si les jeunes jugent plutôt favorablement leur formation, ils estiment, pour un jeune apprenti sur quatre et pour deux jeunes lycéens sur cinq, insuffisantes les informations dont ils ont disposé pour leur orientation. »

- Cependant, la mission , rejoignant les interrogations du CEREQ, s'interroge globalement sur la capacité d'accueil d'entreprises françaises dont les carnets de commande sont insuffisants et sur l'articulation de ces mesures avec les besoins des jeunes sans diplôme.

Sur le terrain, comme les parlementaires de la mission ont pu le constater au cours de leurs déplacements, certaines missions locales soulignent la difficulté d'insérer les jeunes de niveau V et VI, et la nécessité de créer des places dans les centres de formation des apprentis (CFA) en améliorant leur financement . A cet égard, M. Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric, et chargé par le Gouvernement d'une mission de valorisation de la formation en alternance auprès des grandes entreprises 45 ( * ) regrette que « sur les 1,5 milliard d'euros issus chaque année de la collecte de la taxe d'apprentissage seuls 500 millions d'euros bénéficient réellement aux CFA » et préconise de « rendre le financement de l'apprentissage beaucoup plus simple et transparent. La taxe d'apprentissage doit être exclusivement réservée à l'apprentissage ».

Confirmant ces observations lors de son audition, la représentante de l'Association des régions de France, a indiqué que 3 % seulement des jeunes passés par les missions locales étaient orientés vers l'apprentissage , faute de trouver un CFA et un employeur pour les accueillir. Elle a, en outre, rappelé que le taux de rupture des contrats d'apprentissage était élevé - 25 % dans les premiers mois suivant leur conclusion - et que s'il produit de bons résultats en termes d'insertion professionnelle, l'apprentissage demeure une voie de formation exigeante pour les jeunes, puisqu'il implique un rythme de travail soutenu et de fréquents déplacements, ce qui amène à souligner le besoin d'accompagnement et de soutien de ces jeunes. Elle a également déploré que la réforme de la collecte de la taxe d'apprentissage se traduise par une augmentation des financements consacrés aux niveaux de formation les plus élevés, au détriment des niveaux de formation inférieurs en signalant, par ailleurs, que le passage de deux à trois du nombre d'années d'études requises pour obtenir le baccalauréat professionnel posait de sérieux problèmes de mise en oeuvre, les employeurs hésitant à s'engager pour une durée aussi longue.

Votre rapporteur souligne par ailleurs qu'il conviendrait de perfectionner le statut des apprentis en alignant les avantages conférés par la carte d'apprenti avec ceux de la carte d'étudiant. L'article 22 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale avait, en effet, institué, à l'initiative du Sénat, une carte d'apprenti délivrée au jeune par le centre qui assure sa formation. Conçue sur le même modèle que la carte d'étudiant et valable sur l'ensemble du territoire national, elle permet à l'apprenti de faire valoir la spécificité de son statut auprès des tiers, notamment en vue d'accéder, le cas échéant, à des réductions tarifaires. Ce texte a été mis en application par l'arrêté du 12 septembre 2005 relatif à la mise en place de la carte nationale d'apprenti. Cependant, d'après les indications recueillies par votre rapporteur, il conviendrait de parfaire ce dispositif en concluant les conventions nécessaires pour que les jeunes apprentis puissent prétendre à l'ensemble des avantages accordés aux étudiants.

La mission se félicite de pouvoir ainsi relayer les préoccupations de terrain, prolongeant ainsi l'attachement à l'apprentissage qui se manifeste au Sénat notamment à l'occasion des « Rencontres de l'apprentissage », le 26 mai 2009, ou de la remise des médailles aux lauréats du Concours national "Un des meilleurs apprentis de France", en janvier dernier.

* 45 http://www.centre-inffo.fr/Henri-Lachmann.html

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