EXAMEN EN COMMISSION
La commission s'est réunie le jeudi 14 mai 2009 pour l'examen du présent rapport. A l'issue de la présentation faite par le rapporteur, M. Richard Yung, le débat suivant s'est engagé :
M. Hubert Haenel :
Il est vrai que la crise aurait pu constituer un levier pour relancer l'activité européenne dans le domaine social. Jusqu'ici, il semble qu'elle n'ait malheureusement pas encore créé le déclic que nous pourrions espérer.
Je me félicite, par ailleurs, que vous ayez demandé l'inscription à l'ordre du jour du Sénat d'une question orale sur l'avenir de la politique sociale européenne. Ce débat en séance publique, qui interviendra après le travail de fond que nous effectuons aujourd'hui en Commission, permettra un échange nourri, sur la base du rapport d'information que vous venez de nous présenter. Je souhaite que nous réitérions, à l'avenir, l'usage d'une telle méthode.
Mme Catherine Tasca :
Vous évoquez, dans votre présentation, le fonds social européen. Il me semblerait important que le rapport présente quelques exemples concrets d'actions ou de projets qui ont été cofinancés par ce fonds en France.
M. Simon Sutour :
Le fonds social européen joue effectivement un rôle important dans les mesures mises en place en faveur de l'emploi au niveau local. Il concerne des actions en matière d'accès à l'emploi, de formation professionnelle mais aussi de lutte contre les discriminations. A la différence du FEDER, il n'est pas seulement utilisé par les collectivités. De nombreux projets émanant d'associations sont cofinancés par ce fonds.
Je souhaite maintenant revenir sur les blocages qui freinent aujourd'hui toute avancée européenne dans le domaine social. Le Royaume-Uni, qui refuse globalement toute contrainte née de l'Union européenne, porte sans doute une responsabilité dans cette paralysie ; de même que les nouveaux pays entrants, qui privilégient généralement une optique libérale. En fin de compte, je crois que les blocages sont le fruit de l'orientation politique dominante en Europe. En ce sens, je pense que le Sénat peut servir d'aiguillon afin d'alerter le Gouvernement sur les préoccupations des citoyens en matière sociale et de lui demander que la relance de l'Europe sociale figure parmi ses priorités.
M. Pierre-Yves Collombat :
Il me semble regrettable que la politique sociale européenne soit toujours traitée de manière dissociée des politiques économique, financière et monétaire menées par l'Union européenne. Elles sont pourtant liées : à mes yeux, l'Europe sociale n'est, au mieux, que le supplément d'âme d'un projet essentiellement économique, fondé sur l'idée de marché intérieur et de concurrence libre et non faussée. C'est pourquoi j'estime qu'on ne peut pas faire endosser la responsabilité des blocages actuels au seul Royaume-Uni. C'est avant tout la politique conduite par la Commission européenne qui explique les progrès insuffisants de l'Europe sociale.
Au niveau européen, la politique sociale est perçue soit comme un moyen de faciliter l'achèvement du marché intérieur - en particulier la libre circulation des travailleurs -, soit comme un instrument destiné à panser les plaies engendrées par certaines règles économiques. On ne peut donc guère s'étonner que l'Union européenne ne porte pas de projets sociaux plus forts. Mais, cela signifie aussi que les blocages actuels sont loin d'être passagers. Il est peu probable que l'Europe sociale connaisse des avancées significatives tant que l'Union européenne poursuivra sa politique économique et monétaire actuelle.
M. Christian Cointat :
Je partage pleinement le contenu du rapport que vient de nous présenter notre collègue Richard Yung et les pistes qu'il a esquissées. Je ne crois pas, en revanche, que l'on puisse affirmer que l'Union européenne se définit avant tout comme un grand marché. Le progrès social constitue l'un des objectifs du projet européen dès le traité de Rome.
Au demeurant, je reconnais parfaitement que l'Europe sociale rencontre aujourd'hui des difficultés. Les États membres ne sont pas prêts, pour des raisons tant idéologiques que financières, à renoncer à leur autonomie dans le domaine social. Pour autant, l'Europe sociale est avant tout au service des citoyens, non des États membres. En ce sens, je crois que nous devons tout faire pour que les citoyens européens comprennent ce que l'Europe peut faire pour eux dans ce domaine. Je ne doute pas qu'ils seront alors enclins à influer sur leurs gouvernements pour qu'ils acceptent de se coordonner.
M. Richard Yung :
Je souhaiterais apporter quelques précisions au sujet du débat que nous venons d'avoir. En ce qui concerne les nouveaux entrants, je crois qu'il convient d'opérer une distinction entre les partisans d'une approche libérale et ceux qui se montrent plus favorables à l'idée d'Europe sociale. En 2007, la Bulgarie et la Hongrie ont ainsi signé une déclaration, lancée à l'initiative de la France, sur « un nouvel élan pour l'Europe sociale », qui décrivait la dimension sociale comme « l'un des éléments les plus essentiels de l'intégration européenne » et appelait à un renforcement du modèle social européen.
Je veux également ajouter qu'il serait faux de dire que toutes les politiques sociales européennes visent l'achèvement du marché intérieur ou sont conçues comme le simple pendant de celui-ci. Les règles édictées en matière de lutte contre les discriminations ou la proposition de directive relative au congé de maternité que j'ai évoquée en témoignent. De même, les communications de la Commission qui portent sur des sujets tels que l'inclusion active, la lutte contre la pauvreté ou l'exclusion sociale évoquent des défis auxquels l'ensemble des États membres sont confrontés, sans pour autant être le fait du marché intérieur.
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A l'issue de ce débat, la commission a autorisé la publication de ce rapport d'information.