2. Ne pas déléguer la vidéosurveillance de la voie publique
Lors de son audition, M. Alain Bauer, président de la commission nationale de la vidéosurveillance, s'est déclaré opposé aux projets de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur afin de permettre à des personnes privées d'assurer les missions de visionnage des images de la voie publique et d'alerte des forces de sécurité intérieure compétentes en cas de survenance d'un incident.
Il a estimé que ce type de mesure risquerait de remettre en cause la confiance du public dans la vidéosurveillance.
En outre, vos rapporteurs rappellent le principe dégagé par le juge administratif selon lequel il est impossible de déléguer une mission de police à une personne privée par un contrat.
Le Conseil d'Etat a précisé dans un arrêt de principe du 29 décembre 1997 42 ( * ) que la surveillance de la voie publique relevait des pouvoirs de police du maire et qu'aucune délégation n'était possible. En l'espèce, un maire souhaitait confier à une société de surveillance et de gardiennage la surveillance de sa ville en soirée. Incidemment néanmoins, le juge administratif validait la possibilité de déléguer la surveillance et le gardiennage des installations et bâtiments publics à une société privée 43 ( * ) . En effet, seule la surveillance de la voie publique proprement dite relève des pouvoirs de police du maire 44 ( * ) .
Un jugement du tribunal administratif de Nice du 22 décembre 2006 45 ( * ) a fait application de cette jurisprudence à la vidéosurveillance en estimant qu'il n'y avait pas de différence de nature entre la surveillance de la voie publique et la vidéosurveillance de celle-ci, ces deux missions relevant de la mission de police municipale.
Vos co-rapporteurs estiment également que la vidéosurveillance de la voie publique à des fins de police 46 ( * ) ne peut faire l'objet de délégation à des personnes privées pour les raisons exposées ci-dessus, et en raison des risques pour les libertés publiques 47 ( * ) .
Au surplus, il n'apparaît pas possible que des villes puissent vendre des prestations de vidéosurveillance de la voie publique à des personnes privées, en particulier à des commerçants 48 ( * ) .
Recommandation n° 3 - Ne pas déléguer la vidéosurveillance de la voie publique à des personnes privées, ni permettre aux autorités publiques de vendre des prestations de vidéosurveillance de la voie publique à des personnes privées. |
3. Professionnaliser les opérateurs qui visionnent les images
L'expérience de la Communauté d'agglomération de la vallée de Montmorency (CAVAM) est riche d'enseignements. Le projet de vidéosurveillance comportait un volet spécifique pour la formation des opérateurs vidéo. La CAVAM a donc été amené à élaborer un projet de formation avec le concours du Centre national de la fonction publique territoriale et de la ville de Lyon.
Cette formation a duré un mois et avait notamment pour objectif de sensibiliser les opérateurs aux risques liés à l'utilisation de la vidéosurveillance par rapport aux libertés publiques.
En outre, M. Luc Strehaiano, président de la CAVAM, a indiqué que par mesure de sécurité les opérateurs devaient laisser leur téléphone portable à l'extérieur du centre de supervision et qu'ils étaient filmés.
L'expérience anglaise peut également être une source d'idée. Lors de la visite du centre de supervision de l'un des arrondissements de Londres (Hackney Control Center), les responsables ont expliqué à vos co-rapporteurs que lors du recrutement des opérateurs, ceux-ci faisaient l'objet d'une enquête administrative et devaient être habilités par une agence gouvernementale.
A l'avenir, pour les systèmes de vidéosurveillance de la voie publique, il conviendrait de rendre obligatoire :
- la formation des opérateurs vidéo ;
- leur habilitation ;
- leur surveillance par une caméra dans le centre de supervision.
Sur ce dernier point, vos co-rapporteurs observent que le report des images vers les services de police et de gendarmerie a pour effet de placer les opérateurs municipaux sous leur contrôle et contribue à éviter d'éventuelles utilisations abusives.
Ajoutons enfin que les policiers et gendarmes doivent aussi recevoir une formation adaptée.
Recommandation n° 4 - Former, professionnaliser et habiliter les opérateurs chargés de visionner les images de la voie publique. |
* 42 CE, 29 décembre 1997, commune d'Ostricourt.
* 43 A cet égard, voir également CE, 20 mars 1998, SEM de sécurité active et de télématique.
* 44 Art. L.2212-2 du code général des collectivités territoriales.
* 45 TA de Nice, 22 décembre 2006, SA Vigitel-commune de Fréjus.
* 46 Dans le cas où un système de vidéosurveillance de la voie publique aurait exclusivement des finalités étrangères aux missions de police du maire, cette jurisprudence ne s'appliquerait pas. Toutefois, en pratique, cette situation est peu vraisemblable, compte tenu en particulier de l'imbrication des finalités qui rend difficile les dissociations juridiques.
* 47 Ceci n'empêche pas le recours à des partenariats public-privé pour mettre en oeuvre les systèmes.
* 48 A Londres, les commerçants participent au financement du système de vidéosurveillance.