III. LES RECOMMANDATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL
A. RÉUNIR SOUS UNE SEULE AUTORITÉ, LA CNIL, LES COMPÉTENCES D'AUTORISATION ET DE CONTRÔLE EN MATIÈRE DE VIDÉOSURVEILLANCE
Comme on l'a vu, les conflits de compétence entre la CNIL et le préfet en matière de vidéosurveillance des espaces publics sont importants. Par ailleurs, le contrôle n'est pas satisfaisant à l'heure actuelle.
Vos co-rapporteurs estiment que la solution la plus simple et la plus cohérente consisterait à attribuer à la CNIL la compétence pour autoriser et contrôler l'installation de systèmes de vidéosurveillance dans les espaces publics.
1. Régler définitivement les conflits de compétence
Plusieurs facteurs militent en ce sens.
En premier lieu, la CNIL est d'ores et déjà confrontée à cette question. Dans son rapport d'activité pour 2007, elle constate depuis cinq ans un fort accroissement des formalités déclaratives relatives à la vidéosurveillance.
Le nombre de déclarations est en augmentation constante depuis 2002, avec des augmentations fortes en 2004 (quatre fois plus qu'en 2003) et 2006 (trois fois plus de dossiers qu'en 2005). L'augmentation se poursuit en 2007 avec 1.317 déclarations enregistrées pour un total de 2.980 déclarations sur la période 2002-2007. Dans la majorité des cas, la déclaration concerne plusieurs caméras.
Ces déclarations portent principalement sur des systèmes de vidéosurveillance des lieux non ouverts au public, la CNIL ayant une compétence certaine pour la vidéosurveillance numérique dans ces lieux. Mais notre collègue Alex Türk, président de la CNIL, a indiqué que ses services étaient quotidiennement confrontés à de très nombreuses demandes du public et de professionnels, tant téléphoniques qu'écrites, quant au régime juridique applicable en matière de vidéosurveillance dans les espaces publics.
En deuxième lieu, il faut rappeler que si la loi du 21 janvier 1995 n'attribue pas la compétence à la CNIL pour autoriser les systèmes de vidéosurveillance dans les espaces publics, en revanche elle s'inspire directement des principes de la loi du 6 janvier 1978 : proportionnalité, finalité, information du public, droit d'accès... Cette filiation faciliterait le transfert de compétences.
En troisième lieu, une autorité unique présenterait incontestablement l'avantage d'une meilleure homogénéité des décisions.
En quatrième lieu, la CNIL serait compétente aussi bien dans les lieux non ouverts au public que dans les espaces publics. Certes, les procédures ne seraient pas fusionnées, la décision du Conseil constitutionnel exigeant que la vidéosurveillance dans les espaces publics soit soumise à une procédure d'autorisation expresse et non à une simple déclaration comme c'est aujourd'hui le cas dans les lieux non ouverts au public. Mais il reviendrait à un même organe de connaître de ces deux types de lieux, ce qui faciliterait la gestion des dossiers compte tenu de l'imbrication de ces espaces.
Pour l'usager, il en résulterait une simplification importante, d'autant que la CNIL jouit d'une forte notoriété. Elle serait son interlocuteur unique.
Enfin , vos co-rapporteurs attirent l'attention sur les évolutions à venir de la vidéosurveillance.
Les systèmes de vidéosurveillance biométriques ou intelligents, c'est-à-dire permettant de programmer a priori les types de comportement à identifier, sont appelés à se développer. Comme l'explique M. Jean-Jacques Froment, professeur de droit public à la faculté de Grenoble, 36 ( * ) « ces nouveaux systèmes déplacent nombre d'interrogations sur les libertés, en diminuant certains des risques traditionnels (allègement de la charge de la surveillance tant sur le plan spatial que temporel) et en créant dans le même temps de nouveaux risques (risque de stigmatisation discriminante de certaines catégories de population, émergence de nouvelles finalités, disproportion des moyens employés ».
D'ores et déjà, les systèmes de vidéosurveillance biométriques sont exclusivement de la compétence de la CNIL. Le régime juridique des « vidéo-intelligentes » sans biométrie n'est pas clairement défini, mais la complexité des questions posées au regard de la protection des libertés individuelles plaide en faveur de la compétence de la CNIL.
Compte tenu de l'essor probable de ces systèmes 37 ( * ) , le maintien du statu quo aurait pour effet de morceler encore un peu plus le régime juridique de la vidéosurveillance. L'unicité de la compétence de la CNIL aurait pour avantage d'anticiper les développements technologiques futurs et d'éviter d'être contraint d'adapter avec retard notre législation.
* 36 In « Regard juridique sur la vidéosurveillance urbaine : un droit en trompe l'oeil » La semaine juridique. N° 13, 27 mars 2006.
* 37 A ce jour, ces cas de figure sont très marginaux. On notera également que Sur 10.819 demandes reçues en 2007, l'autorité préfectorale a estimé dans seulement 14 cas que le système de vidéosurveillance dont elle était saisie permettait un couplage avec un fichier relevant de la compétence exclusive de la CNIL.