5. La concentration des personnes en situation de précarité à la périphérie des villes et dans les zones urbaines sensibles
a) Des disparités fortes selon les départements
Les données territoriales relatives aux phénomènes de pauvreté sont encore peu nombreuses. C'est la raison pour laquelle, l'ONPES dans son rapport de 2005-2006 et le Conseil national de l'information statistique (CNIS) dans un récent rapport de 2007 65 ( * ) , recommandent le développement des observations territoriales relatives à la précarité et à l'exclusion .
Suivant ces préconisations, l'ONPES a mis en évidence, dans son dernier rapport, les disparités de niveaux de vie qui existent d'un territoire à l'autre.
L'Observatoire fait tout d'abord le constat d'une forte concentration de la pauvreté dans les départements du Nord (Nord-Pas-de-Calais) et du Sud (Bouches-du-Rhône, Corse, Pyrénées-Orientales et Languedoc-Roussillon), pour lesquels le taux de pauvreté excède 14,6 %.
A l'inverse, la Bretagne, l'Alsace et la Savoie se caractérisent par des taux de pauvreté faibles, inférieurs à 9,5 %. Cette cartographie de la pauvreté reflète bien la situation des départements face au chômage ainsi que la répartition sur le territoire des bénéficiaires de minima sociaux.
b) La concentration de la pauvreté dans les zones urbaines
La répartition géographique de la pauvreté fait également apparaître une forte concentration de la précarité dans les zones urbaines : un quart des personnes défavorisées vit aujourd'hui dans une agglomération de plus de 200 000 habitants, contre seulement une sur cinq en 1996.
On observe ainsi depuis dix ans un fort exode rural de la pauvreté , le nombre de personnes démunies habitant dans une commune rurale étant passé sur cette période de 2,3 millions à 1,6 million de personnes.
Si ce mouvement en direction des centres urbains se poursuit aujourd'hui, la mission s'est néanmoins inquiétée de la persistance du phénomène de pauvreté rurale, dont les contours sont souvent mal connus. La « relégation rurale » constitue en effet une réalité d'autant plus préoccupante que, contrairement aux populations urbaines, les personnes défavorisées résidant dans les territoires ruraux les plus reculés ne bénéficient pas des services publics de proximité et d'une prise en charge qui permettraient de les sortir de leur condition. De plus, on peut se demander dans quelle mesure l'augmentation des prix des logements dans les centres urbains ne vont pas contribuer à moyen terme à freiner cette tendance de fond, en confinant les franges les plus pauvres de la population dans les zones rurales. Aussi, à l'image des politiques mises en oeuvre dans les zones urbaines sensibles (ZUS), la mission préconise que les poches de pauvreté rurales fassent également l'objet d'une attention particulière des pouvoirs publics.
c) Près d'un tiers des habitants des ZUS vivent au-dessous du seuil de pauvreté
Les conditions de vie des habitants vivant dans les 751 zones urbaines sensibles (ZUS) se caractérisent par un taux de pauvreté de 17 points supérieur au taux de pauvreté national hors ZUS : ainsi, en 2005, près de 28 % des individus qui y résidaient vivaient au-dessous du seuil de pauvreté , soit une hausse de 2,7 points depuis 2002.
Le niveau de vie moyen des habitants des ZUS s'élève à 1 130 euros par mois , soit 27 % de moins que celui de l'ensemble de la population française (1 550 euros). L'intensité de la pauvreté est également particulièrement forte, puisqu'en termes de revenus, le premier décile de la population résidant en ZUS se situe à un niveau inférieur à 610 euros, tandis que le dernier décile se caractérise par un niveau de revenus près de trois fois supérieur, de 1 730 euros ou plus.
Cette situation reflète les conditions d'emploi particulièrement difficiles des habitants des ZUS, dont le taux de chômage (14 % en moyenne) et le taux d'inactivité (34 %) représentent près du double de ceux de la population française. Cela explique ainsi la part importante que représentent en moyenne les transferts sociaux (23 %, contre 7 % hors ZUS et 35 % pour les populations pauvres) dans le revenu disponible des populations concernées.
Toutefois, selon les régions ou les départements, on observe des disparités de situation importantes d'une ZUS à l'autre : celles-ci se recoupent en réalité avec les inégalités territoriales observées à l'échelle de la France entière. En effet, si les ZUS constituent des « poches visibles de pauvreté », la situation économique et sociale qui les caractérise s'applique souvent, au-delà de leurs frontières, aux territoires qui les entourent.
On y constate une accumulation des difficultés pour leurs populations : taux de chômage élevé, notamment pour les jeunes, bas niveau de revenus, faible niveau de qualification, difficultés scolaires pour les jeunes, conditions de logement dégradées, difficultés d'accès aux soins, etc., qui reflètent le caractère multidimensionnel de la pauvreté.
* 65 Conseil national de l'information statistique (CNIS), « niveaux de vie et territoires » - 2007.