C. LA SITUATION FRANÇAISE : LA NÉCESSITÉ D'APURER L'HÉRITAGE DES POLITIQUES PASSÉES
Au regard des exemples étrangers précités, la situation française en matière d'immigration professionnelle peut être qualifiée de situation de « transition » . Le changement de cap voulu par le gouvernement en matière d'immigration professionnelle est clair. Le recours à des outils visant à organiser, en relation avec les pays d'origine, une immigration de travail progresse. Pour autant, il convient de gérer l'héritage du passé, celui d'entreprises qui emploient de bonne foi des salariés de manière régulière, mais munis de faux documents d'identité et/ou de faux titres de séjour . Cette situation doit être apurée, dans l'intérêt des entreprises et des salariés étrangers concernés.
1. Des régularisations exceptionnelles au titre du travail, en contrepartie d'engagements des entreprises
L'article 40 de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, adopté à l'initiative de notre collègue député Frédéric Lefebvre, prévoit une admission exceptionnelle au séjour sur la base d'une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié ». Il prévoit donc, selon les termes de la circulaire d'application (IMI/N/08/00012/C) en date du 7 janvier 2008, la possibilité de « régularisation, au cas par cas, des ressortissants des pays tiers à l'Union européenne qui, compte tenu de leurs compétences professionnelles très recherchées, sont susceptibles de s'intégrer pleinement, par leur travail, à la société française ».
Or les régularisations doivent obéir à deux conditions :
- celle de qualifications et/ou d'expérience professionnelles dans l'un des métiers limitativement énumérés , figurant dans une liste régionale, qui correspond à la liste des métiers en tension ouverts à l'immigration économique sans que la situation du marché du travail soit opposable. Pour un ressortissant d'un État lié à la France par un accord bilatéral de gestion concertée des flux migratoires dûment ratifié 5 ( * ) , les métiers supplémentaires éventuellement ouverts en vertu ce cet accord doivent également être pris en compte ;
- celle d'un engagement de l'employeur à proposer au salarié un contrat de travail à durée indéterminée - ou, à titre exceptionnel, à durée déterminée mais d'une durée supérieure à un an - au titre d'un des métiers figurant dans la liste précitée.
En l'espèce, les métiers ouverts à l'immigration professionnelle pour les ressortissants des États tiers à l'Union européenne, sans que la situation du marché du travail ne soit opposable, correspondent à des emplois qualifiés . Les préfectures interrogées par votre rapporteur spécial sur les modalités de mise en oeuvre de l'article 40 de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile ont toutes fait valoir que ce dispositif ne pouvait s'appliquer aux demandes de régularisation déposées sur un motif économique par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, puisque ceux-ci occupaient dans leur très grande majorité des emplois peu qualifiés, dans le domaine notamment du bâtiment, du nettoyage et de la restauration .
La procédure aurait concerné environ 400 dossiers jusqu'à présent, sur environ un millier de demandes formulées. En effet, une disposition de la circulaire offre des marges de manoeuvre aux préfets pour règlement des difficultés au cas par cas 6 ( * ) .
Mais la question de l'adéquation du dispositif aux entreprises et aux salariés concernés est posée , lorsqu'il s'agit d'apurer une situation héritée d'un passé, pendant lequel l'immigration du travail était devenue marginale dans la politique de notre pays, et ne faisait donc pas l'objet d'une organisation adaptée.
La mise en oeuvre par l'administration des dispositions votées par le Parlement doit tenir compte des entreprises et des métiers concernés par la problématique d'une régularisation par le travail, bassin d'emploi par bassin d'emploi . Certains bassins d'emploi en région parisienne peuvent, en effet, être sous tension, même dans des métiers peu qualifiés, où l'offre de travail n'est pas aujourd'hui satisfaite par des ressortissants français ou étrangers en situation régulière.
Un tel assouplissement devrait avoir comme contrepartie un engagement des fédérations professionnelles concernées à mieux tenir compte des prescriptions législatives tenant à faire vérifier les titres de séjour de leurs salariés et à s'inscrire dans la nouvelle politique en faveur de l'immigration du travail du gouvernement. Certains secteurs particulièrement concernés par les demandes de régularisation doivent aussi pouvoir engager des actions visant à résoudre les tensions de recrutement grâce à une meilleure attractivité de leurs métiers.
Le nombre total d'entreprises et de salariés susceptibles d'être concernés n'est pas connu, par définition, mais semble moins important que certaines estimations parues dans les médias pour le secteur de la restauration.
2. Appliquer strictement l'obligation de vérification préalable des titres de séjour
Il revient aux entreprises d'appliquer désormais de manière stricte les dispositions qui leur font obligation de demander la vérification en préfecture des titres de séjour du ressortissant étranger qu'elles souhaitent embaucher. Cette demande doit être adressée au moins deux jours ouvrables avant la date d'effet de l'embauche. Le préfet notifie sa réponse par courrier, télécopie ou courrier électronique dans un délai de deux jours ouvrables à compter de la réception de la demande. A défaut de réponse, l'obligation est réputée accomplie.
Comme le font valoir certaines fédérations professionnelles, cette obligation de vérification préalable pourrait s'appliquer aussi aux organismes sociaux qui ouvrent des droits aux personnes concernées, ainsi qu'à l'ANPE.
* 5 C'est-à-dire un seul à ce jour, l'accord avec le Gabon.
* 6 « A titre exceptionnel, seules pourraient tout de même faire l'objet d'un examen les demandes qui, tout en respectant l'intégralité des autres conditions posées (reconnaissance des qualifications ou d'expériences professionnelles, engagement ferme de l'employeur) seraient liées à un métier qui, sans figurer dans la liste régionale, connaît des difficultés de recrutement particulièrement aiguës dans le bassin d'emploi concerné. Dans cette hypothèse, vous pourrez ne pas opposer l'irrecevabilité. »