B. LE DÉVELOPPEMENT DE L'IMMIGRATION PROFESSIONNELLE REPOSE SUR DES OUTILS SPÉCIFIQUES, QUI DIFFÈRENT SELON LES PAYS

1. Une stratégie qui se fonde sur les besoins du marché du travail, voire sur des quotas

Dans les pays étudiés par la direction générale du trésor et de la politique économique, comme en France, les objectifs généraux en matière d'immigration sont énoncés dans des lois spécifiques. Au Canada, la « loi sur l'immigration et la protection des réfugiés » prévoit que les migrants « doivent contribuer à la croissance économique du Canada ». De même, l'Australie a mis en place une politique d'immigration économique, le « skilled migration program », qui énumère, notamment, les objectifs suivants : assurer à long terme les intérêts économiques, budgétaires, sociaux et environnementaux du pays et aider l'industrie australienne à demeurer compétitive sur le plan international.

De manière générale, cette vision stratégique débouche sur la définition de liste de métiers ou de qualifications ouverts à l'immigration, en fonction des tendances du marché du travail :

- « skilled occupation list (SOL) » , mise à jour annuellement, en Australie, et même « migration occupations in demand list (MODL) » pour les métiers les plus en tension, actualisée tous les six mois ;

- ou encore, en Espagne, liste de métiers ouverts à l'immigration, à travers, d'une part, le « catalogue des postes de travail difficilement couverts » ( catálogo de ocupaciones de difícíl cobertura ) et, d'autre part, le contingent des travailleurs étrangers ( contingente de trabajadores extranjeros ), outil de planification des besoins de travailleurs étrangers non communautaires par poste de travail et par province pour l'année à venir.

Aux États-Unis sont définis chaque année des quotas globaux applicables à l'immigration économique, ce qui pourrait être une voie à explorer pour la France. Une réflexion est en cours au sein de la commission 4 ( * ) présidée par M. Pierre Mazeaud sur le « cadre constitutionnel de la nouvelle politique d'immigration ».

2. Un recrutement des candidats parfois opéré par le biais d'un système à points

Les listes de métiers ouverts à l'immigration professionnelle peuvent être complétées, ou concurrencées, par un système d'immigration « à points » , en fonction de la qualification, des compétences linguistiques et du métier des candidats à l'immigration. Ainsi, en Australie, tous les candidats à l'immigration économique sont soumis à un test, le « general skilled migration (GSM) points test », qui confère plus ou moins de points en fonction de réponses à des questions. Ce système élimine les candidats ne satisfaisant pas aux conditions et donne priorité aux candidats dont la profession figure sur la liste des professions particulièrement recherchées. De même, le Royaume-Uni vient de simplifier les modalités d'entrée de l'immigration du travail selon un système à points inspiré de l'Australie, qui sera appliqué par étape. Il est entré en vigueur le 29 février 2008 pour les travailleurs les plus qualifiés.

Au Canada, les listes de métiers ont été remises en cause au profit d'une sélection qui s'effectue au moyen d'une grille évaluant le « potentiel humain d'un candidat » des candidats à l'immigration . Les critères suivants sont pris en compte : le niveau d'études (25 points), le niveau de connaissance des langues officielles (24 points), l'expérience professionnelle (21 points), l'âge (10 points), l'emploi réservé (10 points) et la capacité d'adaptation (10 points). La note minimale est actuellement fixée à 67 points. Ce modèle dit de « capital humain » ne vise pas à répondre aux besoins spécifiques d'une industrie, mais se penche plutôt sur les besoins globaux du marché du travail.

3. Peu de pays signent des accords bilatéraux relatifs à l'immigration

L'Australie, le Canada, le Royaume-Uni ou les États-Unis ne disposent pas d'un réseau de conventions bilatérales relatives à l'immigration permettant d'organiser les flux de travailleurs étrangers pays par pays. Ce choix est volontaire : ces pays souhaitent avoir une politique globale et universelle en matière d'immigration et non des accords préférentiels ou ciblés.

En revanche, l'Espagne a souscrit plusieurs accords bilatéraux d'organisation des flux migratoires avec la Colombie, l'Equateur, la République Dominicaine, le Maroc, la Mauritanie, la Bulgarie et la Roumanie. Ces accords comportent des garanties dans la gestion des offres de travail, qui doivent déboucher sur la signature d'un contrat de travail écrit et l'application des conditions de travail et salariales en vigueur en Espagne. Outre les accords précités, des procédures de recrutement dans les pays d'origine sont prévues avec le Pérou et le Sénégal. Ces procédures associent les administrations du pays d'origine à la présélection des candidats à l'émigration. La signature des contrats s'effectue dans le pays d'origine des travailleurs, une fois que l'autorisation de résidence et de travail a été accordée par les autorités espagnoles.

* 4 M. Pierre Mazeaud a reçu le 30 janvier 2008 une lettre de mission de M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'identité nationale, de l'intégration et du développement solidaire, l'invitant à définir le cadre juridique nécessaire à la définition de quotas d'immigration en France : « la définition de quotas d'immigration comporterait deux éléments. Elle permettrait, d'une part, une maîtrise globale de l'immigration en France par la fixation du nombre annuel des migrants admis à entrer et séjourner en France, conformément aux besoins et aux capacités d'accueil de la Nation. La définition de quotas permettrait à la France, ensuite, de choisir les différentes composantes de l'immigration, avec comme objectif que l'immigration économique ; elle-même analysée par grandes catégories professionnelles représente 50 % du flux total des entrées en vue d'une installation durable. Vous étudierez la possibilité de décliner ce quota global et ces quotas catégoriels selon les grandes régions de provenance des flux migratoires. Ces orientations, envisagées pour des motifs d'intérêt national, doivent être notamment étudiées au regard de la protection de la vie familiale (telle qu'elle découle de la Constitution, mais aussi de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales), de la liberté du mariage et du principe d'égalité ».

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