2. Un phénomène universel
Même si ses raisons demeurent mal élucidées, la réussite scolaire et universitaire des femmes s'observe dans la plupart des pays. Cependant, l'analyse plus détaillée de cette performance scolaire et de ses prolongements sur le marché du travail fait apparaître des déséquilibres majeurs que la délégation s'est efforcée de mettre en évidence pour mieux les combattre.
a) Le constat établi par l'OCDE
Les meilleurs résultats scolaires des filles ne sont pas propres à la France. Dans l'ensemble des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les filles ont maintenant plus de chances que les garçons d'aller au terme du deuxième cycle de l'enseignement secondaire - ce qui représente une inversion de tendance par rapport au passé. « Le taux de réussite des femmes est inférieur à celui des hommes uniquement en Corée, en Suisse et en Turquie ; leur taux est égal à celui des hommes uniquement en Slovénie. » 10 ( * )
Dans l'enseignement supérieur, en moyenne OCDE, les femmes représentent 59 % des diplômés de l'université pour le premier cycle, 60 % pour le second et 44 % pour les doctorats.
b) Le cadrage des principaux défis à relever et le rôle pionnier à jouer par la France
Les analyses complémentaires de l'OCDE en matière d'éducation comparée démontrent, comme l'ont indiqué plusieurs intervenants à la délégation, l'absence de singularité du cas français et, en même temps la nécessité d'agir partout dans le monde pour plus de mixité scolaire et professionnelle. Elles appellent quatre principales remarques.
(1) Pour un partage plus équitable des retombées positives de l'amélioration du « capital humain »
Tout d'abord, comme le rappelle l'OCDE en introduction des divers travaux qu'elle consacre à l'éducation et au « capital humain », « les personnes aussi bien que les pays tirent avantage de l'instruction. Pour les personnes, les avantages potentiels résident dans la qualité de vie en général et dans la rentabilité économique d'un emploi durable et satisfaisant. Pour les pays, l'avantage potentiel est lié à la croissance économique et à l'instauration de valeurs communes qui cimentent la cohésion sociale. ». Approuvant pleinement cet axiome de principe, la délégation souhaite que les retombées positives de l'instruction soient partagées plus équitablement entre femmes et hommes et rappelle que l'OCDE indique que « pour un niveau donné de diplôme, les femmes perçoivent en moyenne une rémunération qui représente 60 % à 80 % de celle des hommes » , ce qui résume parfaitement le sentiment qui se dégage des auditions.
(2) La dépense d'éducation ne suffit pas à élever le niveau de performance ni l'efficacité de l'orientation
En second lieu, l'OCDE précise que les dépenses d'éducation publiques et privées pour l'ensemble des niveaux d'éducation représentent pour la France 6,3 % du PIB, soit un chiffre plus élevé que la moyenne des pays de l'OCDE (5,9 %). Cet organisme fait également observer que, dans l'ensemble, « les résultats scolaires des élèves donnent à penser que les dépenses d'éducation ne suffisent pas à elles seules à élever le niveau de performance, même si elles sont déterminantes pour la qualité de l'éducation » . En particulier, « bien que de nombreux facteurs rentrent en compte dans la relation, des dépenses unitaires plus faibles ne vont pas forcément de pair avec des niveaux de performance en mathématiques moins élevés chez les élèves » . Prolongeant cette remarque, la délégation tire de l'ensemble de ses travaux la conviction que l'orientation stéréotypée des filles et des garçons, ainsi que la ségrégation professionnelle, sont beaucoup plus une affaire de représentations et de préjugés sexistes que de « moyens ».
(3) La France est en mesure de jouer un rôle de « laboratoire » du rééquilibrage des genres dans les filières de l'enseignement et des métiers
Au titre des « défis liés à l'équité » , l'OCDE, dans sa note de présentation des « Regards sur l'éducation 2007 » adressée à la France, souligne que les femmes titulaires d'un diplôme scientifique de niveau universitaire sont nombreuses en France comparées à la moyenne de l'OCDE, mais nettement en dessous de la proportion d'hommes titulaires de ce même diplôme en France. Ainsi, dans les pays de l'OCDE, on compte en moyenne 971 femmes (1 527 en France) titulaires d'un diplôme scientifique pour 100 000 actifs occupés âgés de 25 à 34 ans, contre 1 561 hommes (2 465 en France).
En outre, les écarts entre hommes et femmes dans l'accès à l'emploi sont moins prononcés en France que dans la moyenne des pays de l'OCDE. La probabilité de travailler est plus grande (de 15 points de pourcentage) chez les hommes que chez les femmes en France, parmi ceux qui ne sont pas arrivés au terme du deuxième cycle de l'enseignement secondaire. Cette différence entre les sexes chute à 7 points de pourcentage en France chez les plus qualifiés, soit une inégalité moindre dans les deux cas par rapport à la moyenne de l'OCDE (qui s'établit respectivement à 23 et 10).
La délégation conclut, à cet égard, que cette avance relative de notre pays, soulignée par l'OCDE, doit inciter la France non pas tant à s'efforcer d'imiter un éventuel modèle étranger, mais à jouer un rôle pionnier dans le domaine de l'égalité scolaire ou professionnelle des chances entre femmes et hommes.
(4) L'intégration scolaire des jeunes filles, comme d'ailleurs des jeunes garçons, issus de l'immigration constitue un défi majeur
Enfin, l'OCDE estime que l'intégration des immigrants représente un défi majeur pour les établissements scolaires et les sociétés.
Les migrations internationales sont désormais un problème de fond dans la plupart des pays de l'OCDE où elles suscitent un vif débat sur les moyens de réussir l'intégration sociale et professionnelle des immigrés. Le PISA (c'est-à-dire l'enquête menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 30 pays membres de l'OCDE et dans de nombreux pays partenaires permettant de tester l'acquisition de savoirs et savoir-faire au terme de la scolarité obligatoire) apporte au débat un nouvel éclairage important en évaluant les connaissances que les jeunes de 15 ans issus de l'immigration ont acquises dans le système éducatif. De toute évidence, les systèmes éducatifs - en particulier en Europe - vont être confrontés à de sérieuses difficultés. Voici ce que révèlent les indicateurs : parmi les 14 pays de l'OCDE qui comptent une importante population d'immigrés, les élèves issus de la première génération accusent sur l'échelle des mathématiques du PISA un retard de 48 points en moyenne - ce qui correspond aux connaissances acquises pendant plus d'une année scolaire - par rapport à leurs camarades autochtones. Pour les élèves immigrés de la deuxième génération, l'écart de performances, de 40 points, reste encore sensible. Au Canada, au Luxembourg, en Suède et en Suisse ainsi qu'en Chine et à Hong-Kong, les élèves de la deuxième génération réussissent nettement mieux que ceux de la première, l'écart de performances étant réduit de 31 points en Suisse et de 58 en Suède. Le déficit de performances des élèves issus de l'immigration varie d'un pays à l'autre : négligeable en Australie, au Canada et en Nouvelle-Zélande, il est en revanche supérieur à 90 points en Allemagne et en Belgique, même pour les enfants de la deuxième génération.
À cet égard, la délégation se doit de compléter cette alarme en se faisant l'écho de la très vive inquiétude manifestée au cours des auditions à l'égard des atteintes à l'égalité des genres qui frappent certaines jeunes filles issues de l'immigration.
* 10 Education at a glance - OCDE 2005 - Regards sur l'éducation, synthèse annuelle des données et analyses de l'OCDE dans le domaine de l'éducation 2007.