d) Une réussite encore trop affaiblie par une orientation moins « rentable »
Lors de son audition, Mme Catherine Marry, sociologue, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a tempéré l'optimisme de ce constat de la réussite scolaire et universitaire des femmes en soulignant que la dynamique de l'égalité entre les genres restait encore inaboutie. En particulier, les orientations scolaires des filles demeurent dans l'ensemble moins « rentables » en termes de carrière : même si les femmes ont, en partie, délaissé les filières des lettres et des arts d'agrément, au profit du droit, de l'économie, de la gestion, même si elles ont largement investi les écoles de commerce, elles restent très minoritaires dans les grandes écoles scientifiques, ou dans les filières professionnelles et techniques industrielles .
Après le bac, les filles s'orientent plus souvent que les garçons vers l'université (66 %, contre 62 %), et moins vers les filières sélectives comme les instituts universitaires technologiques (8 %, contre 12 %) ou les classes préparatoires aux grandes écoles (10 %, contre 13 %).
Dans les classes préparatoires , les jeunes filles sont globalement minoritaires, puisqu'elles ne représentaient, en 2005-2006, que 41,6 % de l'ensemble des effectifs. De plus, on constate d'importants déséquilibres entre les différentes filières, avec moins de 30 % de filles dans les effectifs des classes scientifiques 9 ( * ) .
Dans l'enseignement professionnel, malgré leurs bonnes performances scolaires, les filles ne diversifient pas assez leur choix d'orientation : 8 filles sur 10 se regroupent dans les quatre spécialités de services (secrétariat, comptabilité, commerce, sanitaire et social). Elles s'engagent très rarement dans les sections industrielles alors que les garçons font des choix beaucoup plus variés. À la rentrée 2006-2007, les jeunes filles représentaient globalement 45,6 % des 720 000 lycéens professionnels. Le déséquilibre le plus frappant entre les genres est celui de l'orientation dans les filières professionnelles, puisque les jeunes filles ne forment que 14 % des effectifs préparant un CAP, un BEP ou un baccalauréat professionnel du secteur de la production, alors qu'elles représentent 70 % des élèves qui visent l'obtention des mêmes diplômes dans le secteur des services.
En outre, la proportion de jeunes filles parmi les apprentis se limite globalement à 30 % . La moitié des filles en apprentissage se retrouvent dans deux spécialités : « commerce et vente » (27 % des jeunes filles apprentis) ainsi que « coiffure, esthétique et autres soins » (21 %). Il faut, en revanche, cinq spécialités pour regrouper la même proportion de garçons en apprentissage. Ces derniers se retrouvent principalement en « agroalimentaire, alimentation, cuisine » (15 %), « bâtiment : finitions » (9,8 %), « moteurs et mécanique auto » (9 %), ainsi que « bâtiment : construction et couverture» (8,6 %).
Selon la brochure « Filles et garçons à l'École, sur le chemin de l'égalité » publiée en 2008 par le ministère de l'Education nationale, « ce constat met en évidence la persistance des préjugés et des stéréotypes dans la société et sans doute aussi dans l'école. L'insertion professionnelle des filles pâtit ensuite de l'étroitesse de ces choix de départ. ». Cependant, ces différences d'orientation peuvent, en même temps, être dues aux meilleurs résultats des filles et à la dévalorisation injustifiée de « l'intelligence de la main ».
Au total, les filles connaissent une meilleure réussite scolaire que les garçons mais elles sont, au moment de leur choix d'orientation, encore peu nombreuses à se diriger vers les filières et les écoles les plus valorisées sur le marché du travail et ce choix a des conséquences ultérieurement en termes d'inégalités professionnelles et salariales. L'orientation constitue donc le talon d'Achille de la réussite scolaire des femmes , ainsi qu'il sera expliqué dans le II de la deuxième partie du présent rapport.
* 9 Cf. infra II - A -2 - a)