B. LA CONCENTRATION DES FEMMES DANS QUELQUES SECTEURS D'ACTIVITÉ
Comme le rappelle le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), dont les représentants ont été reçus par la délégation, la progression des femmes sur le marché du travail, amorcée au milieu des années 1960, s'est poursuivie au cours des cinq décennies suivantes. De plus en plus nombreuses à travailler, elles représentent, selon les derniers chiffres de l'INSEE, 46,5 % de la population active . Pourtant, cette progression ne s'est pas effectuée de façon homogène, et « une formidable ségrégation entre les hommes et les femmes dans les différents secteurs professionnels perdure. »
Le CEREQ précise que depuis vingt ans, les femmes ont certes opéré des avancées notables parmi certaines des professions où elles étaient minoritaires, à l'instar des professions libérales ou des ingénieurs. Dans le même temps, elles ont cependant maintenu ou renforcé leur présence au sein de professions déjà fortement féminisées comme les enseignants, les professions intermédiaires de la santé et du travail social, ou encore les employés de la fonction publique, les employés administratifs d'entreprises, les employés de commerce et les personnels des services directs aux particuliers. Par conséquent, la montée en puissance des femmes sur le marché du travail n'a pas enrayé la concentration des emplois féminins et la ségrégation professionnelle des femmes et des hommes .
Comme l'ont souligné des intervenants d'horizons divers, et en particulier les représentantes de l'Union nationale des associations « Retravailler », les femmes semblent donc encore « occuper des emplois dont les caractéristiques rappellent souvent celles des tâches qu'elles effectuent dans le cadre familial, soit par le type d'activité concernée soit par la nature des postes de travail. Plus le travail effectué apparaît proche des attributs du travail domestique, plus les emplois apparaissent féminisés » 11 ( * ) .
La délégation a déploré de manière récurrente, au cours de ses travaux, qu'à une époque marquée par l'ascension de l'emploi des femmes et l'homogénéisation des comportements d'activité masculins et féminins, certains mécanismes de discrimination continuent de fonctionner à plein régime, de façon anachronique.
En France, comme dans les autres pays européens, les femmes restent majoritairement cantonnées dans quelques secteurs d'activité où elles occupent des professions peu diversifiées et souvent peu qualifiées.
1. La ségrégation horizontale : une segmentation persistante des emplois selon le genre
a) L'emploi féminin est concentré dans quelques familles de métiers
Faisant référence à la nouvelle nomenclature des familles professionnelles dite « FAP-2003 », dont le but est de rapprocher les statistiques de l'emploi et celles du chômage, classées à l'origine selon des nomenclatures différentes, Mme Joëlle Voisin, chef du service des droits des femmes et de l'égalité au ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité, a résumé la situation en France en indiquant que « près de la moitié des emplois occupés par les femmes sont concentrés dans 10 familles de métiers sur 86 » .
Selon les calculs effectués par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère en charge du travail, à partir des chiffres de l'emploi pour 2002, et présentés en commençant par les professions rassemblant en valeur absolue les effectifs les plus nombreux : les femmes représentent 74 % des agents d'entretien, 64 % des enseignant(e)s, 99 % des assistant(es) maternel(les), 97 % des secrétaires, 72 % des employé(e)s administratifs de la fonction publique (catégorie C), 69 % des vendeurs, 76 % des employé(e)s administratifs, 87 % des infirmier(e)s et sages-femmes, 91 % des aide-soignant(e)s et 65 % des professionnel(le)s de l'action sociale, culturelle et sportive.
Les familles professionnelles les plus féminisées (en pourcentage) |
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Proportion de femmes dans la profession |
Année 2002 |
T2 Assistants maternels, aide à domicile |
99,0 |
T1 Employés de maison |
97,9 |
L0 Secrétaires |
97,0 |
L3 Secrétaires de direction |
96,7 |
V0 Aides-soignants |
91,2 |
VI Infirmiers, Sages Femmes |
86,8 |
S4 Coiffeurs, Esthéticiens |
85,2 |
R0 Caissiers, employés de libre service |
84,0 |
L1Employés de comptabilité |
80,0 |
Q1 Employés et techniciens des assurances |
76,8 |
L2 Employés administratifs d'entreprise |
76,1 |
T4 Agents d'entretien |
74,2 |
F0 Ouvriers non qualifiés du textile et du cuir |
73,5 |
P0 Employés administratifs de la Fonction publique (Catégorie C) |
72,2 |
Source : enquête sur l'Emploi de mars 2002, Insee, exploitation Dares |
* 11 Daune-Richard A.-M., 2001, Hommes et femmes devant le marché de l'emploi, in La Dialectique des rapports hommes-femmes, Paris, PUF