III. LE COUT : UNE GRANDE INCONNUE

Les différents projets lancés par le ministère de la santé qui ont un impact sur les systèmes d'information en santé ont des conséquences en termes économiques. L'appréhension des coûts indirects liés à la conduite du changement (formation des hommes, constitution d'équipes de projets...) pose des problèmes méthodologiques importants . Bien que difficile à chiffrer précisément, le coût d'adaptation des systèmes d'information est non négligeable.

Les caisses d'assurance maladie, les établissements de santé, les réseaux de soins et la médecine libérale vont avoir à réaliser les dépenses correspondant à l'adaptation de leurs systèmes d'information. La Cour a recueilli des bribes d'informations disparates et approximatives, mais n'a pu obtenir une connaissance précise et exhaustive des masses financières engagées dans le système d'information en santé d'aujourd'hui.

En conséquence, le coût de la transformation du dispositif est difficilement chiffrable, seuls des ordres de grandeur peuvent être avancés :

- Un milliard et demi d'euros sur 4 ans (le chiffre initial était proche de 2,5 milliards d'euros) négocié par l'assurance maladie en vue de la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2006-2009 ;

- 10, 56 M€ dépensés par le fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) entre 2000 et 2004, pour les systèmes d'information 66 ( * ) ;

- 231 M€ d'investissements informatiques en 2004 dans les hôpitaux publics et des cliniques privées. Dans le cadre du plan Hôpital 2007, 280 millions d'euros supplémentaires répartis sur les années 2004 à 2007 devraient être affectés à la modernisation des systèmes d'information des structures de soins.

La DHOS mènera une enquête en 2006 sur les coûts de l'informatique 67 ( * ) . Elle a demandé au GMSIH de mettre en oeuvre un tableau de bord sur les systèmes d'information intégrant un volet financier; les résultats seront normalement disponibles au dernier trimestre 2006.

Les statistiques présentées ci-après proviennent d'une note interne de la DHOS et d'un rapport de la fédération des industries d'information de santé 68 ( * ) . Les centres de lutte contre le cancer consacrent en moyenne 2 % de leur budget d'exploitation à l'informatique, les CHU 1,5 %, les centres hospitaliers publics et participant au service public entre 1 et 1,5 %, les plus petits d'entre eux certainement autour de 0,7 %, de même que les cliniques privées de faible importance. Ces pourcentages appliqués aux dépenses d'exploitation des établissements de santé correspondent à un montant qui dépasse le milliard d'euros. En 2005, la société IDC les évalue à 1 181 M€ (77% pour le public et 23 % pour le privé). Aucun chiffre global ne peut être avancé par la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), car les comptes suivis par les trésoriers des hôpitaux publics ne portent que sur 10 % des dépenses informatiques des établissements.

La DHOS estime le coût de l'impact du dossier médical personnel sur les systèmes d'information hospitaliers à 100 millions d'euros en investissement et 300 millions d'euros en exploitation.

Ces coûts comprennent le coût de l'impact du dossier du patient, la mise en oeuvre d'infrastructures de communication et le renforcement des équipes techniques. En coût de fonctionnement sur l'ensemble du système d'information en santé, la gestion courante de soixante millions de dossiers actifs pourrait varier de 600 millions d'euros à 1,2 milliard d'euros. 69 ( * ) . La DHOS considère que « l'objectif d'accélération de l'informatisation des processus de soins devrait conduire les établissements de santé publics les plus importants à consacrer 2% puis 3% de leurs dépenses à l'informatique ». Il faudrait doubler les crédits qui y sont consacrés pour informatiser les fonctions liées à l'obligation de constituer un dossier médical du patient. À titre de comparaison, le National Heath Service (NHS) a décidé d'affecter 4% de son budget aux dépenses liées à son informatisation.

Un ensemble de priorités ministérielles doit conduire les établissements de santé à fortement accélérer l'adaptation de leurs systèmes d'information et à investir davantage dans ce domaine, et le projet DMP va obliger les structures et les professionnels à s'engager dans la voie d'une plus grande interopérabilité de leurs logiciels pour pouvoir assurer les échanges.

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La Cour constate que la DHOS a choisi, à juste titre, une stratégie d'incitation guidée. Mais ne se reconnaissant pas maître d'ouvrage, elle s'est limitée elle-même dans ses moyens d'action.

De plus, elle a délégué ses propres responsabilités à des missions diverses dont les compétences se recoupent. Du coup, la stratégie est portée par le lancement de projets opérationnels (DMP, T2A) autour desquels s'organisent les moyens. C'est, la mise en oeuvre de ces instruments qui oblige à une certaine cohérence, voire à une interopérabilité entre les divers systèmes d'information en santé.

Les multiples acteurs en santé interviennent le plus souvent de façon autonome les uns par rapport aux autres, au sein d'une organisation en réseaux maillés aux nombreuses entrées qui est incompatible avec un management de type hiérarchique pyramidal.

Dans ces conditions, le pilotage par l'État du système d'information en santé ne peut s'appuyer que sur des orientations claires qui recueilleraient l'adhésion des personnes ou structures en charge des points nodaux des réseaux. Ces dernières seraient cependant à identifier précisément.

En outre, ce type de management suppose que soient clairement désignés les maîtres d'ouvrage chargés des orientations ainsi définies.

La Cour note par ailleurs que le marché de l'informatique, très atomisé dans le secteur de la santé, n'apparaît pas comme un créneau porteur pour les industriels et les éditeurs. Ces derniers sont fortement demandeurs d'une coordination de la part de l'État sur les aspects normatifs qui vont dans le sens de l'interopérabilité.

Au cours de son enquête, la Cour a observé que l'impact des réformes ayant des répercussions sur le système d'information en santé est rarement étudié. Les difficultés techniques, les coûts et les délais nécessaires pour adapter les outils informatiques, procéder à la réécriture de logiciels ne sont pas mesurés préalablement auprès des professionnels de l'informatique.

La Cour observe, enfin, qu'en l'absence d'une connaissance suffisante par la DHOS des montants financiers affectés à l'informatique, tant dans les hôpitaux que dans les cliniques, l'impact sur les dépenses informatiques des obligations nouvelles faites aux établissements de santé (résultant notamment de la T2A et du DMP) n'est pas mesuré avec suffisamment de précision.

* 66 Sur 264 millions au total selon le rapport d'évaluation du FAQSV CNAMTS-Eureval C3E - 21 septembre 2005

* 67 La dernière enquête de la DHOS sur l'informatique hospitalière remonte à 1996. Depuis, d'importants investissements ont été réalisés sans qu'un bilan précis ait pu être fait.

* 68 Livre blanc sur les systèmes d'informations hospitaliers publié par « Les entreprises des systèmes d'information sanitaires et sociaux » (Lesiss) qui regroupe 60 entreprises d'informatique de santé.

* 69 Jean-Jacques Jégou, Rapport sénatorial sur l'informatisation dans le secteur de la santé n° 62 novembre 2005

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