II. UN PACTE D'ACTIONNAIRES RIGIDE ET UNE GOUVERNANCE COMPLEXE
A. LA RÉPARTITION DU CAPITAL : UN PRINCIPE D'ÉGALITE FRANCO-ALLEMANDE
1. Le pacte d'actionnaires ne donne pas à l'Etat français un droit de regard sur les orientations stratégiques d'EADS
Aux termes du pacte d'actionnaires conclu en 2000, EADS possède une structure d'actionnariat unique . L'Etat français, par l'intermédiaire d'une holding, la SOGEPA, et le groupe Lagardère sont liés par un premier pacte au sein de la « SOGEADE 21 ( * ) » qui regroupe les participations françaises. Cette entité est elle-même liée par un autre pacte d'actionnaires (le « Participation Agreement » ) à DaimlerChrysler et à la SEPI (société holding de l'Etat espagnol). En vertu de ces accords, c'est uniquement aux actionnaires industriels que la possibilité est donnée d'exercer les responsabilités opérationnelles et managériales, ce qui peut se concevoir. En revanche, il est beaucoup moins compréhensible que l'Etat soit privé de regard sur une large part des grandes orientations du groupe.
En effet, l'Etat français n'est pas directement représenté au conseil d'administration et n'exerce pas de contrôle, via cette instance, dans une société dans laquelle il détient pourtant 15 % des parts . Votre commission tient à souligner le paradoxe d'une telle situation. D'après les éléments dont elle dispose, le gouvernement de l'époque aurait été contraint d'accepter cette situation pour garantir au groupe Lagardère son indépendance et pour satisfaire aux exigences de DaimlerChrysler, opposé à un droit d'intervention de l'Etat français 22 ( * ) . Le risque était alors de voir DaimlerChrysler s'associer à l'entreprise anglaise BAE Systems sans participation française. La stricte égalité dans la répartition du pouvoir était donc la condition du soutien allemand. Sans cette concession du gouvernement français, le groupe EADS n'aurait vraisemblablement pas été créé. Il n'en demeure pas moins, la « joint-venture », ou co-entreprise EADS en a subi les conséquences en termes de gouvernance.
Le rôle ambigu de l'Etat français, principal actionnaire mais dépourvu de droit de regard, doit également être souligné. Du point de vue de la gouvernance, le comportement de l'Etat dans EADS s'inscrit en contradiction avec les principes qui président à l'action de l'Etat actionnaire depuis la création de l'Agence des participations de l'Etat 23 ( * ) (APE). L'Etat français devrait pouvoir être en mesure de jouir d'un droit de regard sur les orientations stratégiques correspondant à sa participation .
Vos rapporteurs tiennent, en revanche, à souligner l'impact négatif, à leurs yeux, de l'influence des Etats, particulièrement dans les nominations à caractère politique à la tête du groupe. EADS doit devenir une entreprise « normale » sans interférence politique ni ingérence dans le management . En clair, l'Etat actionnaire ne doit pas troubler la gouvernance interne de cette société. Il ne doit pas avoir un rôle de gestionnaire mais de contrôle.
* 21 « Société de Gestion de l'Aéronautique, de la Défense et de l'Espace ».
* 22 L'Etat a tout au plus un droit de veto sur les noms proposés par Lagardère pour les quatre postes d'administrateurs d'EADS représentant la SOGEADE.
* 23 L'objet de cette agence, créée le 9 septembre 2004, étant précisément de permettre à l'Etat d'exercer en pleine responsabilité l'ensemble des fonctions et obligations qui incombent à un actionnaire.