3. Une régulation sectorielle qui semble de moins en moins justifiée
La création de l'Autorité a constitué une réponse adaptée à un besoin exprimé à un moment donné. Ce besoin peut évoluer et remettre en cause la nécessité de maintenir une régulation sectorielle.
Notamment, la part majoritaire de l'Etat au capital de l'opérateur historique, qui est une des explications fondamentales de la création de l'Autorité, comme cela a été expliqué dans la première partie de ce rapport, ne peut plus être invoquée à l'appui du maintien de l'ARCEP : le retrait progressif de l'Etat du capital de France Télécom a fait évoluer le besoin de régulation.
Créée le 1er janvier 1991 sous forme de personne morale de droit public placée sous la tutelle du ministre chargé des postes et des télécommunications, France Télécom a été transformée en société anonyme à capitaux majoritairement publics, à compter du 31 décembre 1996.
C'est la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 qui a supprimé l'obligation de détention majoritaire directe ou indirecte du capital de France Télécom par l'Etat, tout en maintenant les garanties statutaires reconnues aux agents fonctionnaires de France Télécom.
La privatisation effective de l'entreprise a eu lieu le 2 septembre 2004 : dans un contexte de marché très volatil, l'Etat a décidé, le 31 août 2004, de céder environ 10 % du capital de France Télécom via un placement accéléré auprès d'investisseurs institutionnels. La cession a été réalisée dans la journée du 1er septembre, pour une recette de 5,1 milliards d'euros, ce qui en fait l'une des plus grandes opérations accélérées jamais réalisées en Europe, selon le rapport 2004 de l'Etat actionnaire. À l'issue de ces opérations, l'Etat détenait 42,25 % du capital de France Télécom, directement ou indirectement (via l'ERAP).
Après une nouvelle cession en juin 2005, la part de l'Etat au capital de France Télécom atteignait 32,4 % au 31 décembre 2006. Le 26 juin 2007, l'Etat a encore vendu 5 % du capital de l'opérateur historique, dont il détient encore 27,4 % du capital et dont il confirme vouloir demeurer un actionnaire important à moyen terme.
Ce désengagement progressif de l'Etat, confirmé encore par la cession intervenue le 26 juin 2007, diminue incontestablement l'acuité du conflit d'intérêt qui avait motivé la création d'une autorité indépendante de régulation des télécommunications. On pourrait même imaginer que les fonctions assurées par le régulateur le soient dorénavant par l'administration de l'Etat.
Dans son rapport de 2001 sur les Autorités administratives indépendantes, le Conseil d'Etat identifiait trois étapes dans la régulation d'un marché sectoriel : la « régulation de l'entrée », qui consiste à définir les variables techniques et juridiques permettant l'entrée de nouveaux acteurs sur un marché occupé par un seul opérateur ; la « régulation de la dominance », qui consiste à permettre aux entrants d'intervenir en dépit de la position dominante détenue par l'ancien monopole ; la « régulation de la concurrence », qui commence lorsque les parts de marché des entrants et de l'opérateur historique s'équivalent.
À partir de cette grille de lecture, on peut aussi estimer que les parts de marché de l'opérateur historique ont atteint des niveaux, en téléphonie mobile comme en accès Internet à haut débit (respectivement 42 et 46 %), qui attestent du poids quasi équivalent de l'opérateur historique et des nouveaux entrants sur ces marchés et conduisent à envisager que la régulation actuelle de la dominance pourrait, sans dommage, céder la place à une régulation de la concurrence.
Toutefois, ces arguments suffisent-ils à rendre plausible, et même opportune, une disparition de l'ARCEP au profit du régulateur de la concurrence de droit commun ?