B. LA LÉGITIMITÉ PERSISTANTE D'UNE RÉGULATION SECTORIELLE
1. Des missions non concurrentielles pérennes
Ce serait oublier que l'autorité de régulation, telle que conçue par le législateur, est porteuse d'autres valeurs que celle de la concurrence et que des objectifs plus larges, d'intérêt national, ne peuvent être servis par les autorités de concurrence.
En effet, quand bien même la mission d'ouverture à la concurrence incombant à l'ARCEP était considérée comme remplie, les autres missions identifiées dans la première partie de ce rapport resteraient à assumer dans la durée: assurer la fourniture du service universel, garantir la couverture du territoire et soutenir l'innovation et l'investissement sont des défis qui perdurent, même si le marché est concurrentiel.
Les succès remportés par la régulation sectorielle depuis dix ans conduisent l'Autorité à changer de priorité : ce glissement de la mission première de l'Autorité, qui était de favoriser l'émergence d'une concurrence pérenne, vers les autres missions que le législateur lui a fixées conduit à un rééquilibrage des obligations imposées par le régulateur. M. Paul Champsaur, président de l'ARCEP, présente cette évolution comme le passage d'une régulation asymétrique vers une régulation symétrique : au lieu de peser plus fortement sur l'opérateur historique comme elle l'a fait pour installer la concurrence, la régulation s'exerce dorénavant, par la voie de la réglementation, de manière égale sur l'ensemble des opérateurs, chacun d'eux contribuant de manière comparable à l'accomplissement des objectifs d'intérêt général poursuivis par le régulateur.
Notamment, l'ARCEP se préoccupe de manière croissante de la protection des consommateurs, dont la première partie de ce rapport a montré l'insuffisance. Sans doute s'agit-il d'une dimension encore trop embryonnaire de la régulation qui mérite d'être développée. Néanmoins, votre commission met en garde contre une réglementation trop spécifique du secteur des communications électroniques, qui risquerait de soustraire ce secteur de l'application du droit commun de la consommation.
En outre, l'ARCEP assume des fonctions non concurrentielles et quasi régaliennes qui doivent nécessairement perdurer: l'allocation des ressources rares (numéros, fréquences, droits de passage sur le domaine public...), la garantie d'une interconnexion entre opérateurs grâce à l'interopérabilité des réseaux...
Il est ainsi avéré que persiste un besoin de régulation symétrique en matière de communications électroniques. On pourrait toutefois imaginer que ce besoin puisse être satisfait par l'administration de l'Etat, puisque la régulation perd son caractère asymétrique et que, de surcroît, le conflit d'intérêt déjà évoqué a perdu de son acuité avec l'évolution de l'actionnariat de l'opérateur historique.
Ce besoin persistant ne suffirait donc pas à justifier à lui seul le maintien de l'ARCEP. En revanche, il apparaît à votre commission que de nouveaux enjeux concurrentiels émergent avec l'évolution technologique et prolongent la nécessité d'une régulation concurrentielle a priori .