D. JEUDI 5 OCTOBRE 2006

1. Récents développements au Liban dans le contexte de la situation au Proche-Orient

Au cours de la matinée, l'Assemblée a débattu, selon la procédure d'urgence, de la situation au Liban.

Les délégués ont appelé de leurs voeux la restauration d'une paix durable, la protection des populations civiles, le rétablissement de l'intégrité de l'État du Liban et le rétablissement du dialogue. Sur ce dernier point, le Conseil de l'Europe poursuit le dialogue engagé avec le Conseil législatif palestinien et la Knesset.

MM. Jacques Legendre (Nord - UMP), François Rochebloine (Loire - UDF) et Rudy Salles (Alpes-Maritimes - UDF) se sont exprimés dans ce débat.

M. Jacques Legendre, sénateur :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, quel gâchis que ce qui s'est produit cet été ! Nous sommes ici des parlementaires désireux de paix. Nous souhaitons qu'Israël puisse vivre dans des frontières reconnues en pleine sécurité. Nous souhaitons que les Palestiniens bénéficient enfin d'un territoire qui soit à eux avec leurs autorités reconnues et choisies librement. Nous souhaitons que l'État libanais soit renforcé dans l'intégralité de son territoire et dans sa pleine indépendance.

Avons-nous progressé vers cet objectif après les événements de l'été ? Ce sont les extrémistes qui ont gagné parce qu'à leurs provocations, on a répondu d'une manière telle qu'ils ont pu apparaître aux yeux d'une bonne partie de l'opinion de cette région comme les véritables défenseurs de leur cause. Nous devons tout faire pour revenir à la raison. On ne fera pas avancer les choses sans les Palestiniens. Si les Palestiniens sont réduits à se déchirer, s'ils sont réduits au désespoir et engagés dans une quasi guerre civile, nous savons bien que là nous ne faisons que fabriquer de futurs terroristes. Il n'y a rien de plus dangereux que de réduire les gens au désespoir.

De la même façon, ce n'est pas en détruisant l'État libanais qu'Israël assurera la paix à sa frontière. C'est évidemment au contraire en favorisant la mise en place de structures étatiques réelles et fortes de l'État libanais sur sa frontière qu'Israël sera assuré que son territoire ne soit plus utilisé pour des agressions qui sont inacceptables et que nous condamnons tous.

Mes chers collègues, il nous faut lancer ici un message fort, afin que la raison, si cela est possible, revienne dans cette région si chère à notre coeur.

Je suis aussi président de la commission de la Culture, de la science et de l'éducation. Nous savons bien que se trouvent, sur ces territoires, certains des lieux de mémoire chers aux grandes religions du Livre, qui réveillent chez nous tous sinon des passions, du moins des sentiments très forts. Il doit être dit à cette occasion qu'il est indispensable de ne pas s'en prendre à ces lieux de mémoire afin de ne pas raviver des conflits qui peuvent durer très longtemps.

Notre civilisation est également menacée peut-être par une « guerre des civilisations » et par la réapparition de guerres de religions. Ce n'est pas ainsi que l'on fait avancer la civilisation. En appelant ici à la raison, en rappelant, en particulier, que le Proche-Orient a besoin d'un État libanais stable, rendu maître de ses frontières, grâce à l'appui de la communauté internationale, capable de faire respecter son territoire et d'imposer le respect de la loi à toutes les composantes et à toutes les milices et de s'opposer à toute agression depuis son territoire, alors, nous ferons progresser la cause de la paix.

Voilà ce qui nous motive. Je crois, mes chers collègues, qu'il faut aujourd'hui demander aux uns et aux autres de se parler. On n'avancera que par le dialogue avec tous. »

M. François Rochebloine, député :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, la paix, oui, la paix maintenant.

C'est, je crois, le souhait unanime qui devrait monter de toutes les travées de cette Assemblée au moment où nous évoquons le destin du Liban et de toute la région de la Méditerranée orientale. Notre débat aura du moins le mérite de démontrer qu'il existe une instance européenne démocratique où se manifeste une attention réelle et constante pour une situation dramatique, un conflit qui semble se renouveler sans cesse. Quel contraste - contraste malheureux ! - avec l'attitude présente de l'Union européenne qui s'est montrée incapable de définir quelques lignes communes et qui est véritablement absente de la période de reconstruction qui s'ouvre désormais.

Je me félicite personnellement de la détermination avec laquelle mon pays, la France, a su mettre en évidence ce que l'offensive israélienne avait d'inacceptable et prendre rapidement les initiatives qui convenaient pour persuader la communauté internationale d'agir en vue de la cessation rapide d'un processus dévastateur.

Je me dois, en cet instant, de souligner le risque que la politique du Gouvernement israélien fait courir, pour un profit inexistant, à la sécurité et à l'unité du Liban qui venait, à grand peine, de se libérer de la tutelle syrienne dans ce qu'elle avait de plus pesant et de plus manifeste. La reconstitution de l'unité politique libanaise, en dépassant des solidarités historiques complexes qui faisaient le jeu de la puissance occupante depuis trente ans, était un gage de stabilisation dans la région. L'intervention israélienne, motivée sur la forme par l'enlèvement de deux soldats, a eu une ampleur tout à fait disproportionnée à la cause - je n'ose dire au prétexte - qu'un hasard bienveillant venait de lui fournir.

Ce n'est certainement pas en détruisant les premières fondations de la reconstitution de l'État libanais, miné par trente ans de conflit et d'occupation, qu'Israël peut prétendre contribuer à la paix. Au contraire, sa politique alimente les fervents de division, d'affrontement et de mort.

L'offensive de cet été a entraîné, nous le savons, un nombre élevé de victimes dans les populations civiles,  cela vient d'être rappelé, tuées ou mutilées du fait de l'emploi d'armes très destructrices telles que les bombes à fragmentation et à sous-munitions. Comment ne pas relever qu'en Israël même, les populations civiles se sont trouvées exposées par les répliques du Hezbollah, les pertes les plus sensibles ayant touché les villages chrétiens de Galilée ? Il y a, vous en conviendrez, une terrible correspondance, aujourd'hui, entre la politique de désintégration poursuivie par Israël au Liban et les effets des armes employées par ses troupes sur les populations civiles.

Oui, il est urgent que la paix revienne, que le Liban retrouve son unité et son intégrité et qu'il se voie ainsi donner une chance sérieuse de constituer à nouveau, dans une région si fortement ébranlée par d'innombrables conflits et divisions, un foyer d'équilibre et de respect mutuel. »

M. Rudy Salles, député :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, le conflit qui a éclaté en juillet dernier au Proche-Orient, a suscité étonnement et inquiétude dans l'opinion publique internationale.

Étonnement tout d'abord parce que la plupart de nos concitoyens pensaient que le Liban avait recouvré la paix et, surtout, la souveraineté. En effet, après le retrait apparent des Syriens à la suite de l'assassinat de Rafik Hariri, nombreux étaient ceux qui pensaient que le Liban était à nouveau un pays libre et indépendant. Inquiétude ensuite parce que les guerres au Proche-Orient sont souvent annonciatrices de mouvements déstabilisateurs dans le monde que personne ne sait arrêter. Inquiétude enfin parce que le nombre de victimes a été plus lourd que prévu.

Deux questions se posaient alors et se posent toujours : la sécurité d'Israël peut-elle être assurée et l'indépendance du Liban peut-elle être restaurée ?

Pour ce qui est de la sécurité d'Israël, tout le monde sait bien qu'une menace aussi importante que le Hezbollah, oblige l'État hébreux à redoubler de vigilance. La décision d'intervenir en territoire libanais répondait à cette inquiétude.

Concernant l'indépendance et la souveraineté du Liban, il y en avait bien les apparences, mais celles-ci ne correspondaient pas à la réalité sur le terrain. En effet, comment un pays peut-il être considéré comme souverain lorsque des pans entiers de son territoire sont sous le contrôle de milices armées répondant aux ordres de puissances étrangères ? C'est effectivement comme cela que se présente le Hezbollah. Ce qui a les apparences d'un parti politique présent à la fois au parlement et au Gouvernement du Liban, est une organisation disposant d'une force armée possédant plus de 20 000 missiles, financée et entraînée par des puissances étrangères. Le Sud Liban, qui fut évacué par Israël sans condition en 2000, est depuis lors aux mains du Hezbollah qui ne répond en aucune manière aux ordres de l'État libanais.

Cette organisation, bien connue depuis une vingtaine d'années pour avoir été à l'origine de nombreux attentats dans le monde, a pris le Liban en otage et, par ailleurs, menace en permanence la sécurité d'Israël. C'est pour cette raison qu'Israël s'est vu contraint d'intervenir l'été dernier afin de neutraliser cette menace. On pourra toujours s'interroger sur le bien-fondé de cette intervention qui fut difficile et qui n'a pas réussi à éradiquer totalement le danger.

Néanmoins, cette initiative a forcé la communauté internationale à se plonger à nouveau sur cette question. Ainsi, l'occasion a été donnée de constater que la Résolution 1559 prévoyant le désarmement des milices et du Hezbollah en particulier n'avait pas été respectée. Aussi la communauté internationale a-t-elle pris de nouvelles initiatives pour faire face à cette situation en adoptant la Résolution 1701 et en déployant une nouvelle Finul renforcée.

Toutefois, au bout du compte, on peut se demander si ces efforts ne resteront pas vains et si la communauté internationale, une fois de plus, ne fera pas preuve d'impuissance. En effet pour parvenir à pacifier la région, pour garantir à la fois la sécurité d'Israël et la souveraineté du Liban, il faut désarmer le Hezbollah et l'empêcher de poursuivre les programmes qu'il s'est fixé.

À ce propos, les déclarations récentes du leader de la milice chiite Hassan Nasrallah ont de quoi nous inquiéter, puisqu'il affirme que le Hezbollah ne se laissera pas désarmer et demande en outre la démission du Gouvernement libanais. Quand on connaît les liens unissant le Hezbollah à l'Iran, quand on connaît les ambitions nucléaires de ce pays, on mesure l'urgence qu'il y a à régler ce problème sur le territoire libanais.

Je crois malheureusement que le désarmement sera difficile à obtenir par le biais de la négociation politique. Il ne faut pas s'attendre à ce que le Hezbollah prenne l'initiative, à l'issue d'une négociation, de déposer les armes. Il importe donc que la Finul dispose d'une mission claire, d'une mission militaire, pas d'une mission d'observation. Si la Finul n'est pas en mesure de désarmer le Hezbollah, alors personne n'y parviendra à sa place et elle risque très vite de se trouver dans une situation pire encore que celle de l'été dernier.

J'en appelle donc à la communauté internationale afin qu'elle assume ses responsabilités pour éviter des risques majeurs qui ne manqueraient pas d'arriver. Il vaut mieux agir que réagir car dans ce dernier cas, les actions sont rendues très difficiles.

Enfin, je demande solennellement que notre Assemblée exige la libération des deux otages israéliens détenus par le Hezbollah, ainsi que l'otage prisonnier du Hamas. Cette prise d'otages sans qu'aucune nouvelle ne soit donnée aux familles n'est pas acceptable. Il faudrait qu'à tout le moins, la Croix Rouge puisse effectuer des visites humanitaires afin que des nouvelles relatives à leur état de santé ou à leurs conditions de détention soient portées à la connaissance de l'Onu et des familles.

Le Conseil de l'Europe doit faire passer ce message pour obtenir un engagement ferme de la communauté internationale qui ne se contente pas du faible résultat d'aujourd'hui proposant sur un cessez-le-feu dont la fragilité n'est malheureusement plus à démontrer. »

A l'issue du débat, l'Assemblée a adopté à l'unanimité une Résolution (n° 1520) .

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