15. Audition d'Henri Prévot, ingénieur général des mines
M. Henri Prévot a tout d'abord présenté son rôle et ses fonctions. Ingénieur général des mines, M. Henri Prévot est membre du Conseil Général des Mines, instance de consultation et de réflexion des pouvoirs publics. Ce conseil dispose de compétences variées de nature administrative, économique et technique, principalement en matière de gestion du sous-sol, d'énergie, de gestion des risques liés à l'activité industrielle et à ses produits, de développement économique, de protection de l'environnement, d'innovation, de technologies et de formation. En plus des affaires pour lesquelles il est consulté en vertu des lois et règlements, et notamment du code minier (gestion du sous-sol), le Conseil répond aux questions qui lui sont posées par les ministres et diligente les missions qui lui sont demandées. Il est à la disposition du Ministre chargé de l'Environnement.
M. Henri Prévot a estimé qu'il serait imprudent de miser sur la hausse des énergies fossiles pour le développement naturel (c'est-à-dire sans subvention ni exonérations fiscales) des énergies renouvelables et ce pour trois raisons principales : le taux de récupération du pétrole, actuellement de 30 %, pourrait augmenter avec l'apparition de nouvelles technologies. Par ailleurs, le phénomène d'appauvrissement des réserves doit être relativisé du fait précisément de la hausse des prix qui rend rentable l'exploitation de pétrole non conventionnel (pétrole off shore et schiste bitumineux).
Enfin, a-t-il soutenu, la planète regorge de charbon qui peut être transformé en liquide avec un seuil de rentabilité de 45 ou 50 dollars le baril de pétrole. Au total, les ressources en énergie fossile atteignent les 3.000 milliards de tonnes.
M. Henri Prévot a fait valoir que les pouvoirs publics devaient faire oeuvre de volontarisme pour soutenir un processus qui, sur le plan économique, ne serait pas impulsé. Il a exposé que les énergies renouvelables n'étaient pas développées en raison d'une rentabilité insuffisante au regard du prix actuel et prévisionnel des énergies fossiles, même lorsque l'offre existe. De même en matière d'économies d'énergie, a-t-il poursuivi, les investissements ne sont pas réalisés : des travaux d'isolation ne sont rentables, à l'heure actuelle, que sur une durée de 30 ans.
En conséquence, M. Henri Prévot a indiqué qu'une augmentation du prix à la consommation finale de l'énergie fossile en France lui paraissait nécessaire si l'on veut réduire les émissions de gaz à effet de serre de notre pays. Cette augmentation pourrait être réalisée au moyen d'une fiscalité-sanction frappant les énergies fossiles (notamment le gaz) pour déclencher le seuil de compétitivité des énergies renouvelables, alternatives aux hydrocarbures. M. Henri Prévot a développé l'idée selon laquelle quiconque se préoccupe de l'épuisement des ressources fossiles suppose, même s'il ne s'en rend pas compte, qu'il a complètement perdu la bataille contre le changement climatique.
Pour M. Henri Prévot , le monde a beaucoup trop de carbone fossile. Pour éviter de grosses perturbations atmosphériques, il ne faudrait pas que la teneur de l'atmosphère en gaz carbonique dépasse 450 ou 550 ppm (parties par million), et donc il faudrait laisser sous sol ou y remettre au moins la moitié du carbone fossile disponible. Conséquence de cette surabondance de carbone fossile, le prix de l'énergie issue du marché mondial ne sera pas suffisant pour ramener les émissions de gaz carbonique à un niveau qui ménage le climat.
M. Henri Prévot a préconisé ainsi de créer une taxe climat sur les énergies fossiles pour porter progressivement le prix à la consommation finale de l'énergie fossile à un niveau qui rémunère les coûts de production des autres formes d'énergie. Le produit de cette taxe serait restitué aux ménages sous la forme d'une dotation aux collectivités territoriales dont la politique d'urbanisme est économe en émissions de gaz à effet de serre. Le taux de cette taxe serait ajusté de façon à ce que le prix à la consommation finale augmente progressivement.
M. Henri Prévot a ajouté que si le prix à la consommation finale du carburant augmentait à partir du niveau d'un euro/litre chaque année, en moyenne, d'un centime d'euro, dans trente ou quarante ans le consommateur paierait le coût de production du biocarburant et les mêmes impôts que sur le carburant fossile. Cette augmentation par la fiscalité du prix de l'énergie (1 ct d'euro par litre, chaque année), si elle était étalée régulièrement sur 30 ou 40 ans, se traduirait par une très faible augmentation des dépenses des ménages, approximativement 20 euros chaque année, en monnaie constante pour un bilan social et environnemental très positif.
M. Claude Belot, rapporteur, a toutefois fait observer que la projection de stabilisation voire de baisse du prix mondial des hydrocarbures fossiles semblait contraire à l'analyse dominante des experts qui prévoit une hausse du prix du pétrole compte tenu de la demande soutenue des pays en développement (Chine, Inde, Brésil). En outre, il a précisé qu'il convenait de prendre en compte le coût réel du pétrole et d'inclure le risque terroriste qui induit des dépenses importantes en matière de défense et de sécurité. Enfin, il a plaidé pour la prise en compte de la dimension sociale des énergies renouvelables, capables de créer des filières d'emplois importantes et d'offrir de nouveaux débouchés aux agriculteurs français qui ressentent un profond malaise. Ces emplois de « culture énergétique », liés au sol, donc par nature, non délocalisables, pourraient avoir des effets induits très importants (recettes fiscales plus importantes, relance de la consommation...)
M. Henri Prévot rejoint M. Claude Belot, rapporteur , dans cette analyse en indiquant que le secteur des énergies renouvelables et des économies d'énergie pourrait permettre la création nette d'un million d'emploi à l'horizon 2040 en Europe. Toutefois, a-t-il nuancé, il est à prévoir ce que les économistes appellent un « effet d'éviction » (si la demande augmente dans un secteur, les créations d'emplois dans ce secteur sont compensées par une baisse d'emploi dans d'autres secteurs). Ces économistes estiment que le niveau global d'emploi dépend surtout des règles générales sur le chômage. Avec la création d'emplois nouveaux, le contrôle des pouvoirs publics pourrait être plus exigeant vis-à-vis des demandeurs d'emploi.
M. Claude Belot, rapporteur, a souligné l'intérêt économique et environnemental de la géothermie aquitaine », relevant que les coûts d'acquisition de forage géothermique ont beaucoup diminué en francs constants : c'est ainsi que le forage réalisé à Jonzac en 1993 a coûté le même prix en francs courants que celui de 1980, soit deux fois mois en francs constants.
A la lumière de cette démonstration, M. Henri Prévot a estimé que la géothermie aquitaine constituait, avec l'incinération des déchets, un exemple très intéressant de rentabilité des énergies renouvelables sans subvention ni exonération fiscale.
M. Henri Prévot a indiqué que pour le même effort demandé au contribuable il était préférable de développer les réseaux de chaleur à biomasse plutôt que les biocarburants. D'après ses calculs, l'effort est de 600 euros à 1000 euros par tonne de carbone économisée pour les biocarburants (respectivement pour le diester et l'éthanol) alors qu'il ne serait que de 200/300 euros pour les réseaux de chaleurs à biomasse. Comme le fioul et le gazole sont pratiquement un même produit, a-t-il expliqué, brûler de la biomasse à la place de fioul augmente les quantités de carburant sans augmenter les émissions de gaz à effet de serre à bien meilleur compte que de produire du biocarburant.
Pour les particuliers éloignés du réseau de chaleur, M. Henri Prévot a préconisé des puits canadiens associés à des pompes à chaleur.
En conclusion, M. Claude Belot, rapporteur, a indiqué qu'il était envisageable de créer des micro-réseaux de chaleur dans de nombreux endroits et qu'il était possible de réaliser des photos aériennes pour repérer une densité de bâtiments publics « énergivores » : écoles, salles des fêtes, églises...